samedi 29 septembre 2007

Réjean et Réjean en moto, l'Amérique du Sud et moi - Un hommage

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Aujourd'hui, 29 septembre 2007, nous sommes un an après le crash.
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J'appelle ce jour là le crash, je ne sais pas trop pourquoi, j'imagine que c'est à cause du choc ressenti quand j'ai appris la nouvelle de la mort de mon oncle Réjean Paré. Un mélange du crash que l'on fait dans la vie des autres en les aimant ou en étant aimé d'eux.
Si vous l’avez connu, vous ressentez cette douleur dont je parle à la simple lecture de son nom. Si vous ne l'avez pas connu, alors vous etes épargnés de cette douleur. Mais du meme coup, vous n'avez pas eu la chance de le croiser dans votre vie, et je ne voudrais pas avoir été privé de cette chance pour tout l'or du monde.
C'est ainsi dire que dans ma vie, il y aura eu la vie avant le crash et la vie après, car ce crash a été si fort que la vie n'était plus la meme - n'est plus la meme - depuis.
Aussi, étrangement, pour moi, il y avait eu des événements qui avaient en quelque sorte mené au crash.
Quelques mois auparavant, mon autre oncle Réjean, Morin celui-là, partait lui aussi et créait un choc autour de lui. J'imagine parfois que la vie m'a (nous a, si vous les connaissiez tous les deux) prévenu du crash par ce premier choc. La chose ne semble pas faire de sens, mais à quelque part, il y a plein de petits liens qui mènent mon esprit à interpréter les événements de la sorte, et j'imagine que de le faire apporte un minimum de réconfort quand je pense à eux deux.
Un de ces éléments était la moto, que l'un aura eu, que l'autre a failli acheter, et la passion de la moto et de la route, et de la découverte. Passion que je semble partager avec eux, meme si je ne la réalise pas en moto. Étrangement, je continue à les voir se balader en moto, chacun de leur coté.
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Je peux vous dire qu'il y a un an, la nouvelle m’a coupé les jambes et m’a laissé dans un état de détresse et de tristesse que je n’avais pratiquement jamais ressenti de toute ma vie. L’intensité de cette tristesse est tellement puissante que je n’arrive encore qu’avec difficulté à repenser à cette soirée.
Mais je n'écris pas ceci ce soir pour évoquer de la tristesse.
J'écris ici comme je l'ai fait pratiquement chaque jour depuis le début de mon présent séjour en Amérique du Sud, pour parler de la vie, de mon expérience ici, et meme si je n'avais pas prémédité parler de mes deux oncles Réjean qui me manquent beaucoup ce soir, on dirait que justement, la vie m'a amené à le faire, tout en me remémorant quelque chose que j'ai fait en début de voyage, ici meme à Quito, ainsi qu'une visite à Lloa en début de voyage également. Et une visite que j'ai fait à un de mes oncles il y a deux jours.
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Je me souviens que mon oncle Réjean Morin disait parfois qu'il aurait aimé traverser l'Amérique du Sud en moto... Je ne sais pas trop pourquoi il ne l'a jamais fait, il y a tellement de projets et de reves que nous ne réalisons jamais pour diverses raisons... Mais j'ai pensé à lui en traversant moi-meme le continent.
Lors des funérailles de mon oncle, son fils Francois avait ramassé les 4 petites sculptures ornementales qui représentaient une Pieta (La Vierge qui tient son fils Jesus aprés la crucifixion) et qui ornaient son cercueil. Personne ne semblait vouloir conserver ces statuettes, ce qui est comprehensible. Je ne sais trop pourquoi, j'en ai pris une sans hesitation. Je ne savais pas ce que j'en ferais, ni pourquoi je l'avais prise. Une de ces choses que l'on fait parfois sans trop savoir, sans chercher d'explication. En fait, je ne sais pas trop si d'autres personnes font ce genre de choses ou si c'est juste moi...
Au début du mois de juin dernier, en faisant mes bagages, j'ai mis la petite statuette de bronze dans mon backpack, malgré le peu d'espace que j'avais et les choses dont j'avais besoin. Ne me demandez pas la raison de ce geste, je l'ignore. Une fois de plus, je n'y ai pas réfléchi sur le moment, ça me semblait tout simplement la chose à faire.
Puis, lors d'une balade à Quito, dans le vieux centre-ville historique, je m'en suis souvenu en visitant la Cathédrale de Quito, un des plus beaux édifices coloniaux de l'Amérique latine, dominant une des plus belles Plazas de l'Amérique latine.
Dans cette cathédrale, il y a plusieurs chapelles, et j'ai décidé de déposer la sculpture de mon oncle dans une chapelle qui contient le tombeau de Antonio Sucre, un des héros de l'indépendance des latinos-américains, avec Simon Bolivar.
Puis les jours ont passés, sans que je ne repense à la statuette.
Un matin, alors que j'étais rendu à Lima au Pérou, je me suis souvenu de l'idée de mon oncle en moto en Amérique du Sud... (en fait, j'ai meme revé que je lui parlais, et c'était la premiere fois que ca m'arrivait depuis sa mort). Je me suis dis que j'avais fait la bonne chose en l'emportant un peu ici avec moi et le laissant maintenant y voyager sur sa moto...
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Quelques jours plus tard, je retournais dans le rang San Luis de Lloa, un petit pueblo où j'ai fait du volontariat en 2004 et où j'ai contribué à diverses choses en 2005. Une de ces choses, c'était l'acquisition de nouveaux tableaux pour l'école où j'avais enseigné, et parmi les contributeurs à l'achat de ces tableaux, il y avait ma tante Diane et mon oncle Réjean Paré.
En revoyant les tableaux installés deux ans auparavant à Lloa, j'ai réalisé qu'à sa manière, Réjean Paré était aussi ici avec moi, près de Quito. Et je me suis dit qu'il aurait adoré faire les routes de l'Équateur sur sa moto, pour en admirer les paysages et s'arreter à tous les marchés d'artisanat local.
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Il y a deux jours, alors que je repassais à la Plaza Grande, j'ai décidé de faire un saut à la Cathédrale. Sur une impulsion, j'ai acheté un petit cierge à un vendeur sur la rue devant le temple, et je suis allé l'allumer devant une des chapelles de la cathédrale. Comme je ne suis pas croyant, une fois encore, ce geste ne fait aucun sens, mais voilà, c'était la chose à faire, tout simplement.
Je n'ai pas fait de prière spécifique, mais j'ai eu un petit sourire en pensant à mes deux oncles sur leur moto, qui m'ont accompagné à leur manière pendant mon périple des derniers mois.
En sortant de l'église, j'étais content d'avoir eu quelqu'un à y visiter.
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Quand on voyage pour plusieurs semaines, voir plusieurs mois, on perd un peu le fil du temps. Il est parfois difficile de savoir quel jour on est... Parfois, on peut passer plusieurs jours sans meme d'avoir besoin de regarder la date. C'est ainsi que dans les derniers jours, je n'avais pas réalisé que nous n'étions qu'à quelques jours du crash, un an plus tard.
Pour vous dire la vérité, je n'y ai meme pas pensé hier non plus, pourtant, je savais que nous étions le 28. On dirait que la chose est simplement sortie de nulle part aujourd'hui, à un moment où j'ai regardé quelle date nous étions. J'ai vu le chiffre, et crash dans ma tete.
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Je me suis alors dit qu'un petit hommage à mes oncles Réjean, qui n'auront jamais vu 2007, était maintenant la chose à faire. Et comme, à leur manière, ils avaient été à mes cotés pendant ces derniers mois en Amérique du Sud, j'ai simplement décidé de narrer en quoi ils étaient liés à ce voyage, en quoi j'avais des souvenirs d'eux ici, en quoi ils faisaient encore partie de ma vie. Et qu'ils soient encore en moi, avec moi et avec tous ceux qui les ont aimé et connus, c'est la plus incroyable et merveilleuse forme d'immortalité que je connaisse. Et meme pas besoin d'y croire, à cette immortalité, elle est là tous les jours, tout autour.
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Hugues, Quito, 29 septembre 2007.

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