dimanche 30 janvier 2011

En attendant Gaudreault (précédé de Ta yeule Kathleen)

Cette semaine, j'ai assisté au programme double théâtral En attendant Gaudreault, précédé de Ta yeule Kathleen, deux pièces créées par le Collectif En attendant lors de festivals et manifestations de théâtre de 2008 à 2010. Les deux pièces sont signées Sébastien David, qui incarne également un des personnages. Deux autres comédiens prêtent leur talent à ce diptyque: Frédéric Côté et Marie-Hélène Gosselin.
La représentation, dans l'intime salle Jean-Claude Germain du Théâtre d'Aujourd'hui, s'ouvre donc sur la première pièce, Ta yeule Kathleen, qui est en fait un intense monologue pendant lequel Line, mère monoparentale aux prises avec son bébé Kathleen qui pleure sans arrêt, est prête à tout pour sortir de son petit appartement le temps d'une soirée. Le texte réussi le tour de force de nous raconter les états d'âmes de Line, l'histoire de sa grossesse, sa soirée, ses relations avec sa fille et son entourage, le tout grâce à d'habiles flashbacks ou sauts en avant dans la narration. Marie-Hélène Gosselin, seule sur scène pour toute la durée de ce segment, a une présence incroyable et réussi sans effort apparent à nous faire rire, à nous émouvoir, nous faire frissonner d'horreur même, le tout dans une mise en scène minimaliste où le seul décor est le berceau de la petite (dans l'appart), ou des jeux de lumière (au bar).
Ainsi, quand En attendant Gaudreault commence, vous êtes déjà vissé sur votre siège par l'intensité de cette première partie de soirée.
L'auteur fait montre d'une égale intensité dramatique dans la seconde partie, avec un texte dense, au vocabulaire riche et évocateur malgré son apparence simple et populiste. La pièce raconte le destin croisé de trois montréalais, qui, chacun pour sa propre raison, cherche le mystérieux Gaudreault, et se retrouvent à l'attendre tous les trois dans le même endroit. L'intérêt ne repose nullement dans le mystère que pose Gaudreault - l'auteur se permet même de minimiser son importance et de ramener son mystère à un petit rien. Le personnage, que l'on ne voit jamais sur scène, est un prétexte à la mise en parole de la vie des trois personnages; ceux-ci nous racontent donc leur histoire, en même temps, en monologues croisés, sur la même scène, sans nécessairement qu'ils n'interagissent entre eux. Le rythme de la pièce est donc soutenu et l'intrigue générale croisée se dégage avec subtilité des détails de l'une et l'autre des trois histoires qui finissent par n'en former qu'une seule, elle même reliée à l'histoire de Line de Ta yeule Kathleen.
Une fois encore, c'est l'interprétation féroce des comédiens qui saisi, une fois passé le choc du texte, lui-même un élément fort de cette pièce. Comme pour la première partie, le décor et la mise en scène sont minimalistes; chaque protagoniste dispose d'une chaise et se déplace de temps en temps pour évoquer le changement de décor. La force d'évocation des mots et des comédiens fait le reste comme par magie; une magie typique du bon théâtre.
On aurait tendance à croire que ce diptyque de Sébastien David est fort dramatique, mais en fait, il y a de très nombreux morceaux d'humour dans les deux pièces qui font qu'étrangement, on rit beaucoup et souvent pendant la représentation (bien que parfois, le rire soit jaune). Ce passage du rire au drame, puis au rire, se fait presque sans arrêt tout le long de la représentation. Et au final, malgré tout le drame de la vie de ces personnages, malgré toute l'intensité de certaines scènes, malgré la tristesse évoquée par certains passages, le spectateur sort de là ravi, pas du tout déprimé. C'est que l'effet dramatique est aussi servi avec un certain degré de rédemption et de sérénité, qui laisse le spectateur avec un sentiment agréable lors de sa sortie du théâtre.
On ne peut guère demander mieux.
Si vous avez l'occasion de voir cette pièce, n'hésitez pas une seconde.
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Photos: Jeremie Battaglia (tirées de la page Facebook de la pièce).

samedi 29 janvier 2011

Conjoncture chez mes amis de Friends?

J'ai souvent dit que la série télé Friends était le sitcom le plus drôle de l'histoire de la télévision. Le genre de conjoncture qui mené à l'existence d'une série télé aussi aboutie est rare. Les producteurs et diffuseurs n'ont plus la patience, aujourd'hui, de laisser une série - comédie ou drame - prendre le temps de se développer et de se bâtir une audience. Nous sommes dans une époque d'instantanéité et si une série ne connaît pas un départ fulgurant, elle se voit souvent jeter aux oubliettes, sans considération pour sa qualité. La comédie dramatique Studio 60 on The Sunset Strip est un exemple parmi tant d'autres de série télé superbement écrite mais qui n'a pas obtenu suffisamment d'audience et a été arrêtée après seulement 22 épisodes d'une heure. Ainsi, même si la télé américaine continue de produire quelques séries de qualité - je pense à Mad Men, par exemple - plusieurs séries, et les sitcoms en particulier, ont une carrière très courtes et un succès complet tel que celui de Friends devient quasi impossible. On semble souvent oublier que selon les critères d'aujourd'hui, Friends serait annulé après sa première saison.
On ne peut pas être un fan de Friends sans s'intéresser à ce que les artistes et artisans de Friends ont fait par la suite. Ainsi, pendant quelques années, j'ai suivi ici et là mes amis dans leurs nouveaux projets. Du côté des créateurs (scénaristes), David Crane et Martha Kaufmann ont presque disparu de la scène télé diffusée (on imagine le temps qu'ils ont passé sur des projets qui n'ont jamais abouti ou gravi les échelons jusqu'à un épisode pilote). Crane vient par contre de créer une nouvelle série, Episodes, qui débute à peine sa diffusion; j'y reviens un peu plus loin.
Du côté des six acteurs, il y a eu plusieurs projets télé, web ou cinéma plus ou moins intéressant, mais on dirait que la conjoncture actuelle favorise le retour de chacun d'eux, en 2010-2011. Voici ce que je retiens de cette exploration des nouveaux univers de ces amis de toujours.
Jennifer Anniston est définitivement celle qui est demeurée la plus à l'avant plan et la plus populaire, grâce à une carrière au cinéma déjà en développement avant la fin de la célèbre télé-série, carrière cinéma où elle occupe un créneau toutefois assez spécifique dans des comédies romantiques. Parmi ses réussites les plus intéressantes, je retiens surtout Marley and Me, He's Just Not That Into You et surtout, le récent The Switch, qui dépasse l'habituelle gentille comédie romantique et s'élève grâce à un scénario fin et subtil et une réalisation réaliste qui rappelle parfois Woody Allen. (Ces films sont tous disponibles en DVD).
La surprise du groupe vient certainement de Lisa Kudrow. Depuis des années, elle se spécialise en second rôle de semi-weirdo au cinéma dans des films comme Analyze This ou le récent Easy A, une des meilleures comédies de 2010, où elle joue une psychologue scolaire délicieusement décalée. Mais il faut voir son interprétation d'une cyber-psychologue égocentrique dans Web Therapy, une web série absolument hilarante. (Les trois saisons de cette excellente série sont toujours disponible en ligne).
J'ai déjà mentionné l'excellence de la série Studio 60 on The Sunset Strip, dans laquelle Matthew Perry tenait un rôle principal. Perry, dont la carrière au cinéma est plutôt anecdotique, est de retour en 2011, au petit écran - où il excelle toujours - dans Mr. Sunshine. Je surveille cette série avec une attention particulière, puisque j'ai toujours été un fan de l'humour de Matthew Perry. (Première diffusion en février prochain, avec disponibilité sur le site de ABC par la suite - pour peu que vous ayez accès aux diffusions web).
Après la fin de Friends, j'avais regardé les épisodes de la série Joey, où Matt Leblanc reprenait son personnage en solo, et bien qu'amusante, Joey manquait de profondeur et donnait l'impression d'être simplement six fois moins drôle que Friends. Après des années d'absence de l'écran, c'est justement dans la nouvelle série écrite par David Crane, Episodes, que Leblanc revient en 2011. (La série est diffusée sur Showtime, et le premier épisode est aussi disponible en ligne - une fois de plus, si vous avez accès).
Quelques temps après l'échec du projet de série Dirt (annulé au milieu de la seconde saison), Courteney Cox est revenue en force dans le rôle principal de Cougar Town, une série qui en est à sa seconde saison. Pour les amateurs de clin d'oeil, on peut aussi profiter de l'apparition de Lisa Kudrow et Jennifer Anniston dans Cougar Town. Cox a rendu la politesse à Kudrow en jouant un rôle dans 3 épisodes de Web Therapy. (Les plus récents épisodes de Cougar Town sont disponibles sur le site de ABC, la première saison est disponible en DVD). En 2011, nous aurons également l'occasion de revoir Courteney au cinéma, puisqu'elle reprend son rôle de Gail dans Scream 4, réalisé pas Wes Craven.
Le dernier mais non le moindre, David Schwimmer, a emprunté un chemin totalement différent de ces collègues, passant définitivement derrière la caméra, lui qui avait déjà réalisé plusieurs épisodes de Friends. Il a d'ailleurs réalisé quelques épisodes de Joey, mais c'est avec ses projets cinéma qu'il se démarque. On a pu entendre sa voix dans les films Madagascar, mais c'est en tant que cinéaste qu'il fait maintenant carrière. Si la comédie Run Fat Boy, Run avec Simon Pegg n'a pas reçu un accueil enthousiaste, il en va autrement de son nouveau film, Trust, qui n'a été présenté qu'en festival pour le moment et donc la sortie est prévue dans les cinémas en 2011.
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vendredi 28 janvier 2011

Solaris 177 et la série télé Les Rescapés

Je profite de la sortie récente du nouveau numéro de Solaris pour en faire une petite recension, chose que je fais trop rarement sur ce blogue. Et je profite de cette recension pour vous faire découvrir mon opinion sur la série télé Les Rescapés, qui a été diffusée à l'automne 2010 à Radio-Canada, puisque si je n'avais publié cette critique dans le supplément Internet de Solaris 177, je l'aurais certainement fait ici. (Lien au bas de ce billet).
Solaris 177 se présente sous une couverture qui étonne. Si la créature zombiesque qui y est représentée attire définitivement le regard, j'avoue ne pas être un fan de la typographie où il est ardu pour un fouineur de librairie de distinguer les noms des auteurs. J'avoue aussi que l'ensemble - bien que rigolo - peut paraître fort étrange aux gens que vous croisez dans le métro et qui s'intéressent temporairement à ce que vous lisez :-). Je dois également avouer que lorsque j'ai un texte dans la revue, en tant qu'auteur, je préfère une couverture plus classique aux aspects un peu fanique du fantastique horrifique. Un bel exemple de classique, à mes yeux, étant la couverture du numéro précédent (voir ci-bas). Paradoxalement, je suis plus un fan de nouvelles de fantastique que de SF, mais je n'ai jamais été un grand amateur d'art horrifique, lui préférant le fantastique léger ou la SF pure et dure qui donne souvent de très belles images futuristes.
Sous la couverture de ce numéro, on retrouve une fois de plus un beau bouquet de nouvelles intéressantes. Trois textes ont particulièrement retenus mon attention parmi les neuf nouvelles présentées. D'abord, Ombres Jumelles, signé Ariane Gélinas, qui explore la relation particulière entre deux jumelles, alors que l'une s'épanoui dans le monde et que l'autre demeure renfermée sur elle-même et sur le monde. Difficile d'en dire plus sans vendre une partie de l'intrigue, subtilement menée, poétique sans être prétentieuse, fluide et agréable à lire. Le plus beau texte de ce numéro.
L'autre nouvelle qui se démarque est En Prison de Dave Côté. La prémisse de base est incroyablement simple, mais d'une succulente originalité: Après la mort de son père, Thomas se retrouve avec un trou dans le dos. Si le ton demeure léger et factuel plutôt que de jouer la corde poétique comme le texte d'Ariane Gélinas, c'est cette idée de base véritablement sorti de nulle part qui fait tout l'intérêt de cette histoire aux nombreux rebondissements horrifiques.
Enfin, et à ma grande surprise, j'ai adoré Mon journal pendant la drôle de crise, de Jean-Pierre Laigle. Je dis surprise, car je ne suis pas nécessairement un fan de l'auteur, mais cette fois-ci, malgré un titre un peu faible, la nouvelle, qui raconte le quotidien d'un citoyen post-effondrement de l'économie mondiale sur tous les plans, est une réussite totale. Le texte parvient à la fois à s'articuler autour d'un monde semi-uchronique étranger / proche du nôtre, à faire rire par son ton critique humoristique et à dénoncer certaines politiques néolibérales de notre monde actuel. Une réussite sur les trois plans qui mérite d'être soulignée comme un excellent texte de futurologie politique.
Sinon, je retiens également le conte de Noël iconoclaste de Frédérick Durand, L'heure approche où j'aurai tes yeux, qui ne sort pas beaucoup de ses limites humoristiques, mais qui est rempli d'images savoureuses et dont la finale étonne et horrifie à la fois. Enfin, je m'en voudrais de ne pas souligner le texte de mon ami Claude Bolduc: Question d'équilibre, qui demeure assez représentatif de la veine réalistico-cauchemardesque de l'auteur, caractérisée par des protagonistes précipités graduellement dans le surnaturel horrifique dans leur propres demeures que l'on pourrait qualifier d'horreur domestique.
Ce numéro 177 de Solaris est accompagné, comme tous les numéros de la revue, par un supplément web, disponible à la fois sur le site ou téléchargeable en format pdf. C'est dans ce supplément que l'on retrouve à chaque trimestre la rubrique Sci-Néma, qui fait un tour d'horizon des productions relevant de la science-fiction et du fantastique. J'ai déjà mentionné ma critique de la télésérie Les Rescapés, (série toujours disponible pour visionnement sur tou.tv). J'attire également votre attention sur l'excellent survol des productions d'animation numérique de 2010 signé Christian Sauvé. (Juste au-dessus de ma critique des Rescapés, à la fin de Sci-Néma 177).
Bonne lecture.
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jeudi 27 janvier 2011

4 comédies et 1 drame

Parmi les quelques film que j'ai vu cette année, il y en a 5, tous disponibles en DVD, qui se démarquent par une qualité certaine, sans que l'on parle ici de films à grand potentiel d'Oscars, à une exception près. Souvent, c'est le genre de films qui tombe un peu dans l'oubli, une fois la saison des films plus ambitieux et des galas arrivée. Et comme les diverses récompenses cinématographiques ont tendance à mettre l'accent sur les drames plus que sur les comédies, ces dernières souffrent généralement plus que les drames de cette période de l'année; d'où le choix de quatre comédies et d'un drame pour ce billet, dont le titre est lui-même un clin d'oeil à une "vieille" comédie romantique que j'ai justement revue avec plaisir cette année.
Pour me contredire immédiatement, je vous parlerai d'abord du seul film du lot qui apparaît sur les listes de nominations aux Oscars, même si ses chances sont minimes de repartir avec une statuette: The Kids Are All Right.
Le film raconte l'histoire de la petite famille de Nic et Jules, deux femmes qui ont fait appel au même donneur pour avoir chacun un enfant par insémination artificielle. Arrivés à l'adolescence, ces enfants montrent de la curiosité et contactent le donneur, leur père biologique, qui intègre la famille en créant une vague de sentiments contradictoires. Malgré qu'il s'agisse d'une comédie - et où l'on rit beaucoup - The Kids are All Right a aussi un volet dramatique qui n'est pas étranger au bon souvenir que laisse son visionnement. Le ton faussement léger est reposant si jamais vous cherchez un film sérieux dans son approche mais pas nécessairement bouleversant à en pleurer. Le sujet n'est jamais traité sur le mode burlesque et le scénario n'est pas prétentieux. On assiste donc à un film plutôt réaliste, bien que comique, au scénario qui évite les clichés et explore des avenues pas nécessairement prévisibles. Les acteurs sont tous excellents (certains sont nominés aux Oscars) dans une distribution parfaitement équilibrée.
Toujours dans la comédie, un petit film étonnant s'est démarqué cette année: Easy A, un film d'ado assez typique dans son décor, mais dont le traitement d'un sujet banal le fait s'élever au dessus de la masse de comédies faciles qui inondent le marché. Easy A est narré à la première personne - c'est à dire que le personnage principal s'adresse directement au spectateur / à la caméra. Ce personnage, c'est Olive, jouée avec un charme original par Emma Stone. La jeune fille a laissé entendre - plus ou moins par accident - qu'elle avait perdu sa virginité et se retrouve du jour au lendemain, après l'emballement de la machine à rumeurs - personnage vedette de l'école. Olive tente d'aider quelques copains et elle se met à accepter d'être payée pour appuyer d'autres rumeurs qu'elle sait fausses, mais qui contribuent à sa nouvelle image. Rapidement, la situation, qui semblait pourtant banale à l'origine, prend des proportions gigantesque alors qu'Olive perd le contrôle des rumeurs à son sujet comme sur celui des autres. Les dommages collatéraux ont eu un effet domino et pour reprendre sa vie en main, Olive décide de diffuser sa version de toute l'histoire, en s'adressant à tous/nous par sa webcam. Le charme de Easy A vient de diverses sources. Premièrement, les personnages, qui sont assez originaux, rappellent les meilleurs films du genre; les parents de Olive, par exemple, qui sont loin de s'indigner, et disent plutôt tout ce qui leur passe par la tête, sont à se tordre de rire. Le prof de littérature qui parle de The Scarlett Letter (oeuvre à laquelle le film est un immense clin d'oeil), et sa femme qui est aussi une psychologue scolaire un peu décalée, ajoutent un niveau adulte à la population habituelle de jeunes qui peuple ce genre de films. Ainsi, de par son ton et sa forme, Easy A est une sorte d'hommage aux films de John Hughes et, bien qu'il n'atteigne pas ce niveau de succulence, on pense surtout au célèbre Ferris Bueller's Day Off, puisque les deux films partagent un personnage central au caractère particulier et au charme irrésistible et cool.
Du côté de la France, j'ai particulièrement aimé le film L'Arnacoeur, avec Romain Duris et Vanessa Paradis. Le film n'est pas parfait, mais il s'en dégage un charme quasi irrésistible. L'idée à la base du scénario est originale et la scène d'ouverture, près de Marrakech, est superbement mise en scène avec un second degré que le film ne perd jamais par la suite. Duris joue Alex, un homme qui se spécialise dans le bris de couple sur commande, et se fait très bien payer pour ses services... Jusqu'au jour où, bien sûr, il accepte un mandat qu'il aurait dû refuser et que les choses se compliquent. Malgré quelques clichés en milieu de parcours, et une fin un peu télégraphiée, le film demeure une réussite sur plusieurs plans. Les acteurs sont merveilleusement drôle, les personnages secondaires sont juste assez originaux et la prémisse ne manque pas d'intérêt. Mais c'est le regard du film sur lui-même et le cinéma en général - via l'analyse des préférences culturelles de sa cible que fait Alex - que le film se démarque. Ainsi, la classique scène musicale entre nouveaux amoureux prend des proportion épique avec le thème choisi: la chanson comme la  chorégraphie. Un beau plaisir coupable.
Sinon, j'avoue avoir été très agréablement surpris par la comédie romantique The Switch avec Jennifer Aniston et Jason Bateman. The Switch raconte l'histoire de deux amis proches; Wally et Cassie. Cette dernière désire avoir un enfant mais n'a pas de conjoint. Elle décide donc de se faire inséminer et déniche un donneur idéal selon ses critères. Lors d'une soirée pour célébrer son insémination, son ami Wally, ivre après avoir noyé son chagrin (il est secrètement amoureux de Cassie depuis toujours), détruit malencontreusement le "don" avant qu'il ne soit utilisé. Pour éviter la panique - et toujours très ivre - il remplace donc le précieux produit par le sien. Sept ans plus tard, il sera confronté à la possibilité de dire la vérité à Cassie sur le fils de cette dernière, qui est également le sien.
Ce qui m'a plu dans ce film, mis à part les personnages tous un peu névrosés et la drôlerie de plusieurs scènes, c'est d'abord le décor et la réalisation: le film se déroule à New York et a été tourné sur place, sur un mode réaliste, qui rappelle parfois certains Woody Allen. Je pense par exemple à la soirée de célébration, où chacun parle en même temps et où nous suivons plusieurs conversations à la fois, ou encore aux scènes sur les trottoirs newyorkais. Enfin, pour une comédie romantique, la distribution est talentueuse et même luxueuse, avec en plus des deux vedettes, Juliette Lewis et Jeff Goldblum, tous les deux hilarants dans leurs rôles respectifs d'amie de Cassie / ami de Wally. Enfin, le petit Thomas Robinson, qui joue le fils de sept ans, est à couper le souffle de justesse dans un rôle de petit intellectuel hypocondriaque et sérieux.
Je termine cette revue de cinq films avec un drame. The American est un polar avec George Clooney, qui a reçu des critiques mitigées mais qui m'a procuré un bon moment de cinéma. Clooney y joue Jack, un tueur à gages dont un mandat en Suède se termine plutôt mal et le force à se terrer temporairement dans un petit village en Italie. The American est une film comme on n'en voit plus et qui avait beaucoup pour me plaire. En effet, l'idée de faire un polar centré sur un personnage dont on ne sait que peu de choses - sinon rien - et dont le scénario explorerait plus les relations entre les personnages que les scènes d'action, est de moins en moins exploitée de nos jours. En ce sens, le film procure un sentiment de plongée dans une autre époque cinématographique. La présence de George Clooney, avec sa gueule de Gary Grant, n'est pas étrangère à ce sentiment non plus, et confirme que l'acteur était le choix parfait pour ce film et que le style du film n'est pas un accident de parcours. Le décor - l'Italie - et le niveau de langage (les personnages locaux y parlent évidemment italien) ajoutent un élément de dépaysement qui est un ingrédient supplémentaire pour me plaire. Enfin, la narration, parfois lente, et plus contemplative que descriptive, offre la possibilité au spectateur de savourer pleinement ces scènes au lieu de se voir pressé de passer à la suivante à un rythme effréné.
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mardi 25 janvier 2011

Oscars 2011: Les nominations

Rassurez-vous, je ne vais pas répéter ou commenter toutes les nominations aux Oscars annoncées ce matin. Je ferai toutefois quelques commentaires personnels sur cette saison d'Oscars qui prend réellement son envol.
Je réitère d'abord ma joie devant la nomination de Incendies, le film de Denis Villeneuve, dans la catégorie de Meilleur film étranger. Cinquième film canadien nominé de l'histoire, Incendies a de la forte compétition avec, entre autres, le plus récent film d'Alejandro Gonzalez Ignaritu, réalisateur des excellents Babel, 21 Grams et Amores Perros. Notons que le seul autre québécois à avoir été en nomination dans cette catégorie - Denys Arcand, à trois reprises - a été le seul réalisateur canadien de l'histoire a remporter un Oscar pour meilleur film étranger.
Le délicieux The King's Speech est en tête en ce qui concerne le nombre de nomination (12), mais la surprise ne vient pas de là; elle vient des 10 nominations de True Grit, le denier des frères Coen qui avait reçu un accueil critique hésitant.
S'il fait plaisir de voir un aussi bon film qu'Inception récolter 8 nominations, je dois me désoler, une fois encore, de voir que les films de science-fiction, même lorsqu'ils sont aussi intelligents qu'Inception, ne récoltent pas ce qui leur est dû. Malgré ses 8 nominations, on note qu'il n'apparaît que dans deux catégories majeures: Film et scénario. Il est absolument inexplicable que le nom de Christopher Nolan ne se retrouve pas sur le bulletin des meilleurs réalisateurs. On a aussi ignoré la performance d'acteur de Leonardo DiCaprio, qu'on avait aussi ignoré dans The Departed et Revolutionary Road, deux excellentes interprétations. Peut-être que son - autre - excellente performance de 2010: Shutter Island, n'a pas aidée, surtout qu'il joue un rôle similaire à celui d'Inception. Il faut dire qu'en 2010, cette catégorie est bien représentée.
L'autre surprise (relative) vient de The Fighter, un très bon film, certes, et qui mérite son lot de nominations - notamment pour Christian Bale, incroyable, et Melissa Leo. Mais j'avoue que les nominations de Amy Adams (qui était bonne, mais pas nécessairement oscarisable) et de David O. Russel à la réalisation étonnent un peu et reflètent l'effet d'entraînement que provoquent parfois des films sur une bonne lancée.
Sinon, je suis plutôt content de la performance de The Kids are All Right - notamment la nomination surprise de Mark Ruffalo - et les nominations de 127 Hours et Winter Bones ne feront que me presser d'aller voir ces films au plus tôt - bien qu'ils aient déjà été dans mes plans.
Évidemment, les nominations ne représentent pas nécessairement les choix que j'aurais fait, avoir été membre de l'Académie; on a pu le voir avec mes commentaires sur Inception, par exemple. Mais autrement, certains de mes films préférés de 2010 n'avaient pas nécessairement le potentiel oscarisable; je pense à des films comme Green Zone ou encore The Ghost Writer, par exemple - un peu comme The Men Who Stare at Goats l'année dernière.
Les Oscars seront remis lors du gala du 27 février prochain. D'ici là, je publierai un billet sur mes choix personnels parmi les nominés, et un billet sur mes prédictions pour ces Oscars 2011.
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Incendies aux Oscars!

C'est officiel depuis quelques minutes, l'excellent film Incendies du Québécois Denis Villeneuve est en nomination aux Oscars dans la catégorie «Meilleur film étranger».
Les autres nominations n'offrent pas beaucoup de surprises, mais je reviendrai avec quelques commentaires plus détaillés plus tard en après-midi.
Ce billet voulait simplement féliciter chaleureusement un des meilleurs films que j'ai vu cette année et qui mérite totalement l'honneur d'être considéré aux Oscars.
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dimanche 23 janvier 2011

Le Devoir et l'état du Canada

Un court billet, pour attirer votre attention sur un excellent dossier du journal Le Devoir du weekend. Ce dossier, qui se penche sur les cinq ans de gouvernance conservatrice à Ottawa, fait une sorte d'État du Canada après ces cinq ans en explorant divers aspects des politiques fédérales; économie, gouvernance, relations internationales, culture, etc. Pour avoir un survol de ce dossier et de ces cinq années, l'article Un autre Canada est assez révélateur. Quelques autres articles sont aussi disponibles en ligne: De responsabilité à opacité, De la frugalité aux abondantes dépenses, Le "cancre" des changements climatiques. Chaque journaliste éclaire avec justesse la différence entre le discours conservateur et les faits et gestes politiques posés par le gouvernement. On peut aussi tirer de ce dossier une conclusion plus dramatique: en modifiant autant les politiques fédérales (notamment en éliminant des programmes et des sources de revenus par des baisses d'impôts corporatifs), le gouvernement Harper rend très ardu un éventuel retour au centre par un gouvernement ultérieur, et ça, c'est inquiétant. Ayant longuement écrit sur l'état de notre pays en décembre dernier, je ne pouvais passer à côté d'un tel dossier. Si mes billets sur la chose vous ont intéressé, ce dossier du Devoir est pour vous.
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samedi 22 janvier 2011

La crise économique au cinéma

On n'aurait pas nécessairement pensé que le cinéma pourrait s'avérer une bonne source d'informations sur la crise économique mondiale, qui a débuté il y a déjà plus de deux ans. Pourtant, la semaine dernière, la conjoncture m'a fait visionner quelques documentaires et quelques fictions sur le sujet. Voici donc un survol de mon exploration cinématographique de la crise.
Mais avant de parler cinéma, si la chose vous intéresse, à la télé, Radio-Canada diffuse les vendredi à 21h une émission en trois volets, intitulée Krach - Les dessous de la crise économique mondiale, qui informe sur les causes techniques et les sur les principales institutions impliquées dans la crise (d'abord américaine). Le documentaire est également disponible sur tou.tv un peu après sa diffusion.
Si on cherche quelque chose de plus ambitieux, alors on peut se tourner vers un étonnant documentaire québécois signé Richard Brouillette: L'encerclement. Le film de Brouillette, sorti en 2008, ne se penche pas du tout sur la crise, mais plutôt sur l'histoire de ce que l'on appelle aujourd'hui le néolibéralisme, ses origines, son discours, ses critiques et l'impact qu'il a sur la démocratie. Autrement dit, c'est un film sur l'idéologie qui a mené à la crise. Il s'agit d'un long film (160 min), en noir et blanc, essentiellement constitué d'interviews avec des penseurs, des économistes, des professeurs, des tenants de la droite comme de la gauche, qui ne sont jamais pressés dans le temps ou dans leurs propos par le documentariste. Si le film démarre lentement, il trouve un certain rythme et devient presque un suspense intellectuel. D'un grand intérêt pour qui s'intéresse aux impacts de la pensée néolibérale qui domine actuellement chez nous (au Québec comme au Canada), le film étire un peu son élastique quand il attribue une intention néolibérale à la création du FMI et de la Banque Mondiale (je suis plutôt de l'avis que les missions et intentions de ces deux institutions ont été détournées à un moment, bien plus tard qu'après la deuxième guerre mondiale). Sinon, le propos ouvert de Brouillette est fascinant et d'une cohérence à toute épreuve, compte tenu qu'il donne la libre parole aux penseurs de toutes allégeances.
Un autre documentaire - dont une version fiction existe aussi - a attiré mon attention, et il s'agit d'un film intitulé Casino Jack and The United States of Money. Le film raconte l'histoire de Jack Abramoff, un puissant lobbyiste de Washington qui s'est retrouvé dans l'eau chaude après un scandale politique et financier démontrant qu'il opérait illégalement sur plusieurs fronts. Plus que le personnage lui-même, qui avait un accès quasi direct à la présidence sous l'époque de George W. Bush, l'intérêt du film repose sur la critique qu'il permet de faire du système de lobby de Washington - où on peut carrément acheter les votes des sénateurs ou des représentants - ainsi que sur les politiques néolibérales qui ont contribué à précipiter la crise économique mondiale. Pour qui s'intéresse plutôt à la crise économique et ses causes profondes, l'intérêt de Casino Jack and The United States of Money est toute la section sur Saipan, la plus grande île du commonwealth américain des Îles Mariannes du Nord, où on a pratiqué le libre marché dans ce qu'il a de plus pur - absence de réglementation quasi totale - profitant du fait que le commonwealth est exempt de plusieurs lois fédérales américaines, comme celle sur l'immigration et celle sur le travail. Ce segment à lui seul vaut amplement le coût de location du film. Les néolibéraux qui réclament toujours moins de réglementation des marchés et plus de liberté devraient voir ce segment pour découvrir ce qu'il advient quand l'état s'absente et laisse le marché s'auto-réguler: importation de travailleur à bas salaires, conditions de vie et de travail lamentables, corruption, l'histoire dégénère jusqu'à l'esclavage, rien de moins, avec des travailleurs du textiles enchaînés 18h par jour à leur machine et n'ayant aucune possibilité de s'en sortir après qu'on leur ait confisqué leur passeport. Le film, présenté à Sundance en janvier 2010, est maintenant disponible en vidéo.
Sinon, une version fiction (que je n'ai pas vu), mettant en vedette Kevin Spacey, est sorti aux États Unis en décembre dernier après une présentation en septembre 2010 au Festival de Toronto. Le film - canadien - est encore présenté dans les cinémas.
Ce n'est pas un hasard si j'ai gardé la fiction pour la fin. Et par une amusante coïncidence, cette fiction est d'un réalisateur dont j'ai justement parlé récemment dans le cadre d'un commentaire sur un de ses films... documentaires. Je parle ici d'Oliver Stone, qui a ressuscité son personnage fétiche de Gordon Gekko (Wall Street, 1987) dans une suite intitulée Wall Street: Money Never Sleeps en 2010. Même si cette suite a reçu un accueil timide, et qu'elle est moins acérée que l'original, il reste intéressant de voir la critique économique version Oliver Stone, surtout que le film prend sa source dans la crise économique mondiale. Il n'est pas non plus déplaisant de revoir Michael Douglas en forme dans le rôle de Gekko. Accessoirement, le montage brillant et les superbes images de New York vaudraient à eux seuls le visionnement de ce film, pour qui aime la manière d'Oliver Stone. Le cinéaste n'est pas toujours subtil, mais demeure un très habile raconteur d'histoire, et sait bien rythmer une intrigue avec sa caméra.
Je me suis permis un doublé Wall Street, en revoyant d'abord l'original de 1987 - qui a étonnamment bien vieilli, à part le design des ordinateurs, la coiffure de Daryl Hannah et la taille des téléphones sans fil. Stone se permet d'ailleurs un clin d'oeil amusant à cette évolution technologique dans l'introduction de Money Never Sleeps alors que Gekko sort de prison. Les nouveaux personnages de la suite sont crédibles et intéressants - et constituent en fait le coeur critique du film - mais j'avoue que je ne suis pas un grand fan de Shia Labeouf, qui - heureusement - ne tente pas de refaire le rôle tenu avec panache par Charlie Sheen en 1987. Bud Fox fait même une apparition surprise dans Money Never Sleeps, un film qui mérite mieux que l'accueil mitigé que la critique lui a réservé.
Enfin, je termine ce survol sur un film que je n'ai pas vu - Je l'ai raté la semaine dernière au Cinéma du Parc, qui le passait trop tard pour moi en semaine, mais que je me promets bien de louer dès sa sortie en mars prochain en vidéo.
Je parle de Inside Job, de Charles Ferguson. Il s'agit d'un documentaire - narré par Matt Damon - qui explore lui aussi les dessous de la crise, mais surtout la vague de déréglementation et de corruption qui a précédé la crise. Le film s'annonce d'ailleurs avec humour: "The film that cost $20,000,000,000,000 to make". Avec la panoplie de prix et nominations qu'il a reçu, il ne serait pas non plus étonnant de voir Inside Job en nomination aux Oscars.
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vendredi 21 janvier 2011

Blockade Billy: Deux courts polars signés Stephen King

Même s'il est surtout connu pour ses romans d'horreur, Stephen King est un des rares écrivains contemporains à avoir beaucoup publié des histoires courtes; nouvelles et novellas. Comme les recueils de nouvelles se vendent moins que les romans, la plupart des éditeurs sont frileux quand on parle de nouvelles. La chose est encore pire pour des novellas, puisque ces histoires sont souvent trop longues pour les magazines. Le marché ne favorise donc pas ces textes. King est une exception pour diverses raisons, la principale étant que son niveau de popularité lui permet d'imposer des recueils à son éditeur lors de contrats couvrant plusieurs livres. Ainsi, au fil des ans, l'auteur a publié plusieurs recueils de nouvelles et de novellas. Son plus récent livre, Full dark, no stars, est justement un recueil de 4 novellas.
Je reviendrai éventuellement sur le recueil de King, mais aujourd'hui, je voulais vous parler d'un micro-recueil de deux nouvelles intitulé Blockade Billy. Le petite livre cartonné contient la nouvelle-titre et la nouvelle intitulée Morality. Il s'agit dans les deux cas, de textes relevant du polar/noir et non du suspense fantastique ou de l'horreur.
Blockade Billy raconte les premières semaines de la saison 1957 des Titans, équipe du New Jersey au Baseball Majeur. Après s'être retrouvé sans receveur juste avant le match d'ouverture, l'équipe fait appel à un jeune, William Blakely, qui s'avère beaucoup plus talentueux que prévu et le meilleur receveur à avoir joué pour l'équipe et peut-être même le meilleur joueur que la ligue ait vu évoluer. On le surnomme rapidement Blockade Billy. Pourtant, ses exploits n'existent dans aucun registre et le nom même de William Blakely n'apparaît nulle part dans les archives du baseball majeur.
Stephen King aime beaucoup le baseball, et ce n'est pas la première fois qu'il publie une histoire avec le baseball comme toile de fond (on peut penser à The Girl who loved Tom Gordon). L'auteur a publié quelques articles et collaboré à un livre sur la saison de championnat des Red Sox de Boston, et est visiblement un fan de ce sport depuis longtemps. Blockade Billy est toutefois sa première histoire où le baseball, le sport comme le déroulement du jeu, a une place aussi importante. L'histoire est racontée par George Grantham, qui était alors coach au troisième but pour les Titans et qui, aujourd'hui, réside dans une résidence pour personnes âges qu'il appelle "a zombie hotel". Ce choix narratif fait beaucoup appel à la nostalgie (pensez aussi à The Colorado Kid, un autre livret-novella polar publié en 2005). Mais il permet aussi à l'auteur de raconter son histoire avec un langage coloré et riche en expressions slang empruntées à la fois au baseball et à une autre époque. Si vous ne connaissez rien du langage du baseball, vous aurez probablement de la difficulté à suivre les détails de l'histoire, ce qui serait dommage, car bien que l'histoire elle-même soit intéressante, son intérêt repose souvent dans les détails et le style adopté par King.
L'histoire permet aussi à l'éditeur de publier ce petite livre avec une couverture vintage qui évoque les baseball dans les années 50, autant dans la mise en page que dans les choix de polices de caractère, ce qui ravira les fans de King qui sont aussi des amateurs de baseball. Personnellement, l'ensemble m'a beaucoup plongé dans mes souvenirs d'enfance et d'adolescence, alors que j'étais un fan des Expos de Montréal.
Dans l'autre histoire du recueil, Morality, tout est dans le titre; on a affaire à un dilemme moral. La nouvelle met en scène un couple sans graves problèmes financiers mais sans zone de confort ni sécurité d'emploi non plus. Le couple est rapidement placé devant une question: Jusqu'où êtes vous prêts à aller pour gagner 200000$? Cette idée théorique devient rapidement pratique quand le couple se fait offrir un tel montant en échange de... et s'ils acceptent, où cela les mènera-t-il?
Morality n'est certes pas la première histoire du genre à voir le jour - et probablement pas la première de King sur le sujet. Par contre, on parle ici d'une nouvelle qui pose littéralement la question, place les personnages devant le dilemme et nous fait vivre la suite sans que n'interviennent d'autres revirements spectaculaire comme un phénomène surnaturel ou encore un double jeu de la part de leur "bienfaiteur" amoral. L'histoire de King s'attarde donc réellement aux aspects moraux du dilemme, à la fois du point de vue des personnages, que du point de vue du lecteur. En effet, en mettant en scène la condition de l'échange, l'auteur implique directement le jugement de valeur du lecteur.
Ce petit recueil de 130 pages publié au début de 2010 n'épatera pas nécessairement le lecteur assidu de King, ni les amateurs d'histoires de genre pures et dures. Ce qui fait la qualité du livre - et particulièrement de la nouvelle titre - c'est la plume de King, qui au fil des décennies, est devenu un écrivain exceptionnel. Il sait non seulement ménager ses effets de suspense, mais il sait mieux que jamais manier la langue et les effets de style. Lire King depuis quelques années est devenu un réel plaisir littéraire, qui dépasse le divertissement d'une bonne lecture de genre et Blockade Billy en est une autre preuve. Par exemple, pour nous dire que William Blakely n'était pas costaud, il écrit: "This one looked like a bunch of broken ribs waiting to happen". Un peu plus loin, lorsqu'il veut illustrer que les estrades de stade Griffith étaient peu occupées: "You could have gunned down a running rat in the box seats behind home plate and not have to worry about hitting any fans."
Blockade Billy est donc un joli petit livre qui fait découvrir King sous un autre angle. Si vous aimez, vous aimerez probablement aussi les romans Duma Key et Lisey's Story qui, bien que fantastique, sont deux romans issus de la même époque récente où King démontre une exceptionnelle maîtrise de son art.
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jeudi 20 janvier 2011

Mémoire, souvenirs et technologies antiques

Vous connaissez ça.
Ça arrive toujours quand on va visiter ses parents. C'est là que ça se trouve, donc c'est normal.
Pourtant, ça n'arrive pas à chaque visite, non, c'est même assez rare.
Je parle évidemment de tomber sur des vieilles choses de votre enfance, évoquant des souvenirs, que vous aviez cru disparu, ou des évènements dont vous ne vous souveniez plus.
Quelqu'un, lors d'un souper familial, aura l'idée de fouiner dans les vieux albums photos (pour les jeunes lecteurs, je parle d'une époque où les photos étaient prises avec un appareil incapable de vous montrer le résultat, puis imprimées), ou encore dans une vieille boite à souvenir, puis on tombera sur quelque chose d'amusant ou d'anecdotique.
Ça arrive souvent pendant les longs congés, comme le récent temps des fêtes... mais le sujet de ce billet me provient en fait d'une visite chez mes parents la semaine dernière. je ne sais trop d'où ma mère a sorti le petit objet turquoise et blanc, mais il trônait sur son bureau, au-dessus de son iMac, comme pour évoquer encore plus le gap technologique entre les deux objets.
Cet objet, le voici donc:


Évidemment, vu comme ça, on ne se doute pas de ce que c'est. Mais moi, je l'ai tout de suite reconnu. La chose a certainement plus de 30 ans d'âge, et je ne sais trop quand a été créé la technologie qui en est à l'origine. Mais question de bien vous faire voir de quoi il s'agit, j'ai pris une seconde photo de l'objet, à côté d'une paire de lunettes de soleil, pour donner également une meilleure idée de l'échelle. Ce n'est pas un très gros objet, et il ne pèse vraiment guère plus que le plastique dont il est fabriqué.


Puis, cette semaine, je tombais par hasard sur un des clips vidéos amateurs les plus regardés ces temps-ci, qui est Il était une fois les technologies du passé, où des écoliers sont mis devant des objets «technologiques» des années 80 et 90 et se demandent bien de quoi il s'agit. Le clip est fort amusant pour nous, les vieux, qui se souviennent très bien de ces objets divers - et qui peuvent se vanter de pouvoir autant utiliser ces vieilleries que les iPod ou iPhone d'aujourd'hui, quand même!
Mais pour en revenir à mon objet surgi du passé, si j'ai reconnu la chose immédiatement, c'est évidemment parce que dans mon enfance, nous en avions chez nous. Je ne sais pas si ma mère en a découvert d'autres, mais je crois me souvenir que cet exemplaire turquoise n'était pas unique à la maison.
Et cet objet, je vous explique de quoi il s'agit, c'est un simple cadre à photo miniature, dans lequel on a inséré une toute petite photo, que l'on peut regarder en plaçant le bout petit et arrondi tout près de son oeil et en orientant le bout de plastique blanc carré (où se trouve la photo) vers une source lumineuse. La photo est une sorte de positif-transparent, et j'avoue ignorer quelle technologie particulière était utilisée - et après plus de 30-35 ans en l'état, j'hésite à ouvrir le bidule de peur de le casser. Le petit anneau de plastique - en plus de vous fournir une indication sur l'orientation de la photo à l'intérieur - pouvait être utilisé pour attacher l'objet à un trousseau de clés, par exemple (pour avoir pensé à ça instinctivement, j'imagine que j'ai déjà vu ça, mais je n'ai pas de souvenir précis à ce sujet).
L'effet (approximatif) que ça donne est le suivant. L'approximation vient du fait que vous ne pouvez totalement profiter sur ce cliché de l'aspect bidimensionnel vu par un seul oeil, ni de la petitesse de la "projection" ni des reflets sur les bords de plastiques intérieurs, mais quand même, c'est pas mal.


Sur ce cliché, on peut voir la photo que ma mère, il y a des décennies, avait placée dans ce cadre-photo-miniature; un bébé qui joue avec des voitures. Le bébé, vous l'autre peut-être compris, c'est moi, et ça signifie que sans connaître l'âge du cadre-photo turquoise lui-même, on sait au moins que la photo a été prise fort probablement pendant l'année 1967. Pour ma part, à cette époque de cadre numérique qui montrent des milliers de photos pendant une soirée, dans le coin de votre salon, ce qui fait tout l'intérêt de cette découverte, c'est que j'imagine mal un couple d'aujourd'hui se donner la peine de faire imprimer une petite photo et de la coller dans ce cadre minuscule... sans la changer pour les 4 prochaines décennies.
Il est amusant de constater qu'il aurait été tout à fait impossible de réussir une photo comme celle ci-haut à l'époque où la petite photo de bébé a été insérée à l'intérieur de ce cadre miniature. Enfin, aussi incroyable que ça puisse paraître, après avoir vu la photo, je me suis souvenu d'une des voitures (la grise à mes pieds). Mon amie Suze, en voyant la chose, a trouvé bien cool de voir que j'avais des belles voitures vintage des années 60 pour m'amuser. Ha, ha.
Je noterai également que mon petit fauteuil berçant, dont on peut distinguer un coin en haut à droite, derrière moi, est toujours chez mes parents (bien qu'il ne soit plus recouvert du même matériel). Comme quoi certaines chose voyagent bien dans le temps.
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lundi 17 janvier 2011

Oscars 2011: Les Golden Globes et le jeu des prévisions

En cette nouvelle saison des Oscars qui débutera avec l'annonce des nominations la semaine prochaine, on peut déjà voir quelques tendances se dessiner. Depuis fin décembre, on connait au moins l'ensemble de la production cinématographique admissible à une nomination à l'Oscar. Le long de cette route annuelle vers les Oscars, une des stations les plus connues est sans conteste le gala des Golden Globe Awards, qui récompense à la fois les productions télévisuelles et cinématographiques aux États-Unis.
Bien que nous ayons souvent entendu l'adage selon lequel les Golden Globes sont un preview de ce qui se passe aux Oscars, il y a assez de différence entre les galas, les organisations et les catégories pour que l'affaire soit bien plus complexe.
Ainsi, hier soir, se tenait le Gala 2011 des Golden Globes, et ma foi, sans l'avoir écouté au complet avec attention, j'ai trouvé qu'il s'agissait d'un honnête gala sur un mode relax et humoristique. Si l'ambiance a l'air moins guindé que lors des Oscars, il faut tout de même reconnaître que le prestige n'est pas le même non plus. Le processus derrière les Globes ne m'a jamais vraiment attiré; les Globes sont remis par l'association des journalistes étrangers basés à Hollywood. On parle donc ici d'une poignée (moins d'une centaine) de membres votants, dont la plupart sont invités toute l'année à voir des projections de presse aux frais des producteurs. Ce processus créé parfois des douteuses surprises, comme la présence de The Tourist (remake hollywoodien du film français Anthony Zimmer, qui était fort bien fait, et c'est pourquoi je n'ai pas l'intention de voir son remake). Le public (6.1/10 chez imdb) et la critique (4.2/10 et 20% au tomatomètre) ont été durs envers ce film et la seule explication à sa présence en nomination dans plusieurs catégories (dont meilleur film - comédie) est une bonne campagne de promotion auprès de la presse étrangère à Hollywood. Même si le processus des Oscars est loin d'être parfait, il est plus ardu de jouer ce genre de jeu avec les règles actuelles et plus de 6000 membres à l'académie, membres qui sont des professionnels du milieu.
Ceci dit, règle générale, les Golden Globes offrent des résultats assez cohérents avec la production cinématographique hollywoodienne annuelle et constituent parfois un indicateur de tendance - si on les combine avec d'autres galas - pour le cinéphile amateur des Oscars.
Le gala d'hier était donc intéressant à suivre de ce point de vue - j'ai toujours été un fan d'Oscars et non de Golden Globes - et les résultats n'ont pas apportés de grandes surprises. Les statuettes de Natalie Portman, Colin Firth, Christian Bale et Melissa Leo sont parfaitement méritées. Par contre, pour les prévisions, il faudra attendre de voir comment se jouera la course aux Oscars, où il y a moins de catégories (drames et comédies ont des catégories distinctes aux Golbes, ce qui double en quelque sorte les nominations dans plusieurs catégories). C'est aussi le cas du meilleur film (bien qu'il y ait maintenant 10 nominations aux Oscars). Hier, c'était surtout le match entre The King's Speech et The Social Network du côté "drame" qu'il fallait surveiller, puisque les comédies sont rarement représentées largement aux Oscars. Le Globe de Fincher comme réalisateur m'a étonné, par contre, malgré son bon travail, il y avait beaucoup de compétition dans cette catégorie. Enfin, pour le scénario, on observe un effet inversé: les Oscars ont deux catégories qui distinguent les scénarios adaptés et les scénarios originaux.
Je vous donne donc rendez-vous la semaine prochaine pour quelques commentaires sur les nominations aux Oscars.
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samedi 15 janvier 2011

Tintin et le Québec

Vous avez peut-être aperçu ce livre lors de sa sortie à l'automne 2010. Il s'agit d'un essai sur les relations entre Hergé et le Québec, d'une part, et entre son héros Tintin et les lecteurs québécois, d'autre part. Vous connaissez mon admiration pour l'oeuvre de Hergé et les aventures de son héros reporter, alors vous ne serez pas surpris d'apprendre que j'ai mis la main sur ce livre lors de sa soirée de lancement.
Malgré son titre, le bouquin signé Tristan Demers, bédéiste québécois bien connu, est d'abord et avant tout un hommage à Hergé plus qu'à Tintin. Ainsi, la plus belle place est réservée au créateur, dont on peut apprendre les liens avec le Québec à partir d'une série d'essais chronologiques bien documentés et relatés dans le détail. En ce sens, le sous-titre de l'ouvrage est peut-être plus révélateur du contenu principal, même si Tintin et le Québec est certainement un titre plus accrocheur. Le bouquin ne s'adresse donc pas qu'aux amateurs de Tintin, mais aussi aux amateurs de la petite histoire du Québec.
Et le livre de Tristan Demers couvre un large éventail d'événements. De la visite de l'auteur belge au salon du livre de Montréal à sa tournée dans les projets hydro-électriques de Manicouagan en passant par l'émission Tous pour un consacrée à Tintin ou encore aux adaptations des aventures de Tintin en théâtre de marionnettes lors d'Expo 67, l'auteur a tenté d'intégrer chacun des aspects des relations Hergé-Tintin/Québec dans son projet. On a même droit au témoignage de quelques amateurs plus connus, comme Yves Pelletier - détenteur d'un album autographié lors de la visite de Hergé à Montréal, ou encore Mario Jean, humoriste et collectionneur. La dernière partie du livre détaille également les rares expositions muséales ayant Tintin pour sujet ou thématique (on se souviendra de celle de Québec sur le Pérou, comme exemple le plus récent).
Il n'a pas dû être facile d'amalgamer cet ensemble d'éléments souvent disparate pour en faire un livre agréable à lire, mais Demers présente un ouvrage à la présentation fluide, au texte simple et sans prétention accompagné de documents d'archives inédits et intéressants - dont plusieurs dessins comme celui de Tintin et Milou devant le barrage de la Manic ou encore celui colorié pour la couverture où on peut voir Tintin à la "cabane à sucre". L'enthousiasme de l'auteur pour son sujet est évident et fait plaisir à partager, même si en fin de volume, on est un peu triste qu'il n'y ait pas eu plus de matériel et d'histoires à nous raconter sur ce sujet peu couvert autrement.
L'éditeur (Hurtubise) a aussi fait un excellent travail, publiant cet ouvrage de référence sous un format qui évoque les premiers albums de la série Tintin, avec sa reliure à canevas et sa pagination en pastille en bas de page.
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Information anecdotique pour les collectionneurs: Lors d'un récent passage en librairie, j'ai noté l'existence d'une autre édition qui, bien qu'elle semble en tout point similaire à la première, porte une trame rouge simplement colorée et non constituée de canevas collé.
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Illustrations: 1. Couverture et tranche de Tintin et le Québec. 2. Partie de l'affiche promotionnelle distribuée lors du lancement.

vendredi 14 janvier 2011

Quelques étranges itinéraires de Tim Powers

Je constate une chose étrange sur ce blogue; je n'ai presque jamais parlé de Tim Powers, pourtant un de mes auteurs favoris, sinon mon auteur préféré. J'y ai fait allusion ici et , mais jamais dans le cadre d'un billet formel. Je commence donc à combler ce manque flagrant avec le présent billet.
Les itinéraires étranges dont il sera question dans ce billet sont des nouvelles de Tim Powers. Le recueil Strange Itineraries, publié par Tachyon en 2005 représentait - à l'époque - l'intégralité des nouvelles de Powers, publiées entre 1982 et 2004. Tachyon Publications n'est pas l'éditeur le plus largement distribué au Québec, et j'avais profité de la présence de la maison dans la salle de vente d'Anticipation à Montréal pour mettre la main sur ce précieux recueil.
On pourrait être porté à imaginer que l'intégrale des nouvelles de Tim Powers est un immense volume, mais ce serait ignorer qu'en fait, l'auteur californien se fait très rare, côté nouvelles littéraires. Ainsi, ce recueil de 200 pages comporte neuf nouvelles, dont trois ont été écrites en collaboration avec son ami James P. Blaylock (un autre dont je ne parle pas souvent non plus malgré toute mon appréciation de son oeuvre - voir ici).
Lire Powers en recueil, c'est donc une expérience de dégustation plus qu'un marathon. Heureusement, le style riche de l'auteur fait de la lecture de ces oeuvres courtes une expérience unique.
Ceux qui ont lu les romans de l'auteur connaissent déjà sa verve et son humour truculent ainsi que sa mise en place de personnages déjantés et de quête surréalistes qui ne dépareraient pas un film des frères Coen, s'ils s'adonnaient plus souvent à la fantasy urbaine. On retrouve ces éléments dans les nouvelles de Powers et malgré leur rareté, il semble qu'un aspect commun caractérise l'ensemble de ces histoires courtes. Cet aspect, c'est le questionnement, ou l'élasticité, de la notion de réalité, ainsi que la perception que nous avons de cette réalité et de nous mêmes. Le protagoniste type de Powers en nouvelle est souvent aux prises avec une réalité autre, parallèle, dickienne, quoi, et souvent, cette réalité le confronte à lui-même, ou aux lui-mêmes qui existent en parallèle, en d'autres temps, ou les deux à la fois. D'ailleurs, dans le texte d'introduction du recueil, Paul Di Filippo n'hésite pas à qualifier Powers de "dealer of afterlife imagery".
Aussi, lire Powers en nouvelle est peut-être plus court que de le lire en roman, mais ça ne signifie pas que l'expérience soit plus simple. L'auteur ne laisse guère de place à la paresse du lecteur, car ce dernier peut rapidement se perdre s'il ne demeure pas concentré sur ce qui se passe entre les lignes. Par contre, on est loin des constructions élaborées, des histoires qui valses entre les époques et lieux phares de l'histoire que l'auteur affectionne particulièrement en roman. Les nouvelles de Strange Itineraries se déroulent généralement dans le cadre d'une Amérique contemporaine aux prises avec des révisions de mythes modernes qui n'est pas sans rappeler celle des romans et nouvelles du complice de toujours de Powers, James P. Blaylock, ou de leur ami de jeunesse Philip K. Dick. Et ce n'est évidemment pas un hasard de retrouver Blaylock trois fois au sommaire du recueil, pour des collaborations.
Une autre caractéristique assez typique du protagoniste selon Tim Powers, c'est son aspect "héros malgré lui" (mais non pas anti-héros), puisque dans toutes les nouvelles de l'auteur, les phénomènes sont observés ou vécus par un citoyen ordinaire qui n'avait jamais demandé à vivre de telles aventures (un peu comme pour certains personnages de ses romans-phares comme The Anubis Gates, par exemple). Enfin, les oeuvres courtes de l'auteur partagent également avec la plupart de ses romans une mise en scène moderne, qui n'implique jamais les tropes les plus connues du fantastique classique; dans le cas des nouvelles de Strange Itineraries, on parle d'histoires se déroulant dans la Californie du 20e siècle, sous le couvert d'un réalisme magique teinté de SF. Autrement dit, ne cherchez pas chez Powers de baguettes magiques ou de loups garous traditionnels, mais vous y croiserez peut-être des créatures plus inquiétantes ou encore des lapins à éther.
Strange Itineraries est donc une fort agréable lecture, bien que cruellement courte pour l'amateur de Tim Powers que je suis. Heureusement, l'auteur reviendra en 2011 avec un nouveau roman, et entre temps, je me suis plongé depuis décembre dernier, dans un merveilleux cadeau, sur lequel je reviendrai dans un billet à part. Sinon, je pourrai toujours me lancer dans la quête des autres nouvelles de Powers, puisque l'auteur a, depuis la publication de ce recueil, publié quatre nouvelles courtes et une novella.
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"It's always seem to me that a writer should have 'a book of short stories' on his list of works, and with this, I have one."
- Tim Powers, à propos de son premier recueil de nouvelles, Night Moves and other stories (2001), regroupant six nouvelles, rééditées avec trois autres nouvelles pour former Strange Itineraries (2005).
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jeudi 13 janvier 2011

Oliver Stone sur les traces du Che

Ceux qui ont suivi mes quelques aventures latino-américaines - notamment ma traversée de l'Amérique du Sud de 2007 - se souviendront que j'avais intitulé mon projet sur les traces de Che Guevara. Le cinéaste Oliver Stone a lui aussi parcouru l'Amérique Latine, à sa façon, et en a tiré un film documentaire, intitulé South of the Border, qui a été présenté en salles en juin dernier aux USA, mais a été distribué directement en vidéo chez nous. Stone, surtout connu pour ses films controversés sur le Vietnam (Platoon, Born on the fourth of July), ou encore pour ses films politiques (JFK, Nixon, W.), est aussi le réalisateur derrière Wall Street. Ce n'est donc pas une totale surprise de le voir réaliser un documentaire politique à contre-courant de la pensée dominante de la droite américaine avec South of the Border.
La première partie du film est concentrée sur le cas d'Hugo Chavez. Les segments montrant le traitement de l'information réservé à Chavez par les médias américains sont absolument consternants et permettent d'attacher le spectateur sur sa chaise pour un visionnement qui s'annonce à la fois informatif et divertissant. Certes, le spectateur non-américain a déjà une meilleure information sous la main, pour peu qu'il se donne la peine de vouloir être informé, mais personnellement, je n'avais pas réalisé à quel point les informations livrées par la droite américaine était biaisées et fausses! L'ensemble est absolument incroyable. Une scène en particulier, est pathétique, voire surréaliste; on y voit la présentatrice (de Fox News), qui qualifie Chavez et Morales (président de la Bolivie) de "dictateurs", en questionnant ensuite son co-animateur sur Morales «He's a dictator too, right?». Cette portion du film de Stone s'efforce donc de ramener les faits à l'avant-plan sur la situation réelle du Venezuela, avant et pendant l'époque Chavez. Le réalisateur passe du temps en compagnie de Chavez et n'hésite pas à questionner le président sur tous les sujets.
La seconde partie du film documente les diverses autres rencontres politiques entre Oliver Stone et les autres présidents de gauche élus au cours de la décennie 2000 en Amérique Latine; Rafael Correa en Équateur, Evo Morales en Bolivie, Lula da Silva au Brésil, le couple Nestor et Cristina Kirchner en Argentine et Fernando Lugo au Paraguay. Enfin, ce périple trouve sa conclusion avec une rencontre avec Raul Castro, à Cuba.
J'ai appris depuis qu'il s'agissait en réalité du second documentaire d'Oliver Stone sur les politiques alternatives de l'Amérique latine. En effet, Stone avait signé en 2003 un film qui m'avait échappé: Comandante, résultant de sa rencontre avec Fidel Castro. On comprendra évidemment qu'aux USA, ce diptyque ne plaise pas, et que les critiques fusent de toutes parts, mais il faut évidemment mettre en perspective ces critiques et le visionnement de South of the Border permet de faire la part des choses.
Pour qui, comme moi, s'intéresse à la situation socio-politique de l'Amérique Latine, ce film est évidemment intéressant, bien qu'il ne dévoile rien de renversant au spectateur informé. La manière dont il est monté, par contre, avec son intention avouée dès le départ, d'informer les américains et de combattre la paranoïa médiatique étatsunienne, doit être saluée. En ce sens, Stone signe un film important pour comprendre la politique des Amériques.
Le site internet qui accompagne le film depuis sa sortie dans les festivals, comporte un lot important de documents, dont des documents déclassifiés de la CIA sur le coup d'état contre Chavez en 2002 et le rôle de Washington dans cette tentative. Quand à la version disponible en DVD, elle comporte du bon matériel supplémentaire, dont un court documentaire sur la tournée que Stone a effectuée en 2010 pour présenter son film en Amérique Latine et ses nouvelles rencontres avec les présidents à cette occasion.
Je termine ce commentaire en vous invitant à voir cet excellent documentaire et en citant Oliver Stone, qui répond aux accusations d'un chroniqueur de mauvaise foi du New York Times:
«It is not surprising that someone who supports the military overthrow of a democratically elected government would not like a documentary like this one, which celebrates the triumphs of electoral democracy in South America over the last decade.» (La réponse détaillée, disponible sur le site du film, a été expédiée au NYT).
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mercredi 12 janvier 2011

Dieu et le Diable chez Patrick Senécal (1)

Je viens de terminer ma lecture de Contre Dieu, un court roman de Patrick Senécal publié chez Coup de tête en 2010. Les lecteurs considèreront probablement ce roman comme une oeuvre mineure de l'auteur, si on le compare aux plus ambitieux projet tels Le Vide ou Hell.com publiés avant cet opus. Pourtant, c'est un roman qui étonne par sa fougue et par la concentration d'autant d'événements en si peu de pages, par un auteur qui nous a habitué à des romans aux scènes nombreuses et élaborées ainsi qu'à de généreux dialogues.
Si la thématique religieuse - inscrite dans le titre même de l'ouvrage - semble étrange, à première vue, de la part d'un auteur de suspense et d'horreur du 21e siècle, elle ne surprendra pas celui qui a lu les autres romans de Senécal au fil des ans. En effet, rares sont les auteurs d'horreur contemporains de cet âge à avoir autant exploré l'opposition entre Dieu et le Diable, qu'il s'agisse de personnages directement impliqués dans ses histoires ou de rôles incarnés par les protagonistes. J'irais même jusqu'à dire que s'il y a une thématique qui surplombe la quasi totalité des oeuvres de Patrick Senécal, c'est bien celle des valeurs judéo-chrétiennes.
Ainsi, c'est dans l'ordre des choses que Patrick signe enfin un roman où Dieu est un personnage important. Certes, le lecteur-lamda ne verra pas le roman de ce point de vue immédiatement, mais pour qui a l'habitude des pirouettes littéraires, la persistance du narrateur et le twist sur lequel l'auteur termine son récit ne faisait aucun doute dès les premières pages du roman. Ceci n'enlève rien au plaisir de lire Contre Dieu, notez bien, car en terme de pirouette littéraire, c'est parfaitement réussi.
La narration au "tu" est quelque chose de rare et qui ne fonctionne que dans des circonstances particulières. Elle a pour effet de renforcer l'identification du lecteur (sauf si on lui rappelle trop souvent le nom du protagoniste ou insiste trop sur des détails personnels de sa vie, deux pièges qu'évite Senécal) et d'accentuer l'effet de proximité des événement. Ce parti-pris narratif trouve tout son sens dans l'écriture rapide et rythmée de Patrick, qui a en plus ajouté l'amusante idée d'écrire tout le roman comme une longue et unique phrase. Les rares éléments de dialogues (monologues) sont intégrés comme les reflets des pensées/souvenirs du protagoniste et l'utilisation de virgules et de changements de tons permet de ponctuer la narration et la rendre agréable, sans pour autant avoir recours au point. On comprend évidemment que ces deux choix ne pouvaient pas engendrer un roman de 350 pages conventionnels; sa lecture en aurait été ardue.
Malgré son nombre restreint de mots, Contre Dieu n'est pas une nouvelle; l'action se déroule sur plusieurs jours, mets en scène un certain nombre de personnages secondaires gravitant dans de nombreux décors; certes, les descriptions relèvent de la suggestion, et les états d'âmes sont concentrés sur le personnage principal, mais cette intimité et cette densité littéraire servent bien le propos de l'auteur et du roman.
Au final, c'est peut-être la thématique religieuse trop appuyée qui est le seul élément un peu plus faible de ce roman. C'est un peu réducteur, de ramener la détresse et le désespoir à une croyance religieuse où Dieu représente le Bien - l'ultime but si on fait les choses comme il faut. Sous-entendu de cette croyance dominante du personnage: si on est un "juste", rien d'horrible devrait nous arriver. J'imagine que les démons de Patrick ne le laissent pas s'éloigner trop facilement de ces valeurs qui surplombent l'ensemble de son oeuvre romanesque (j'y reviendrai en détails dans un prochain billet).
Pour le moment, je conclus de ma lecture que Contre Dieu est à la fois une bonne histoire et un défi littéraire réussi.
Enfin, je m'en voudrais d'oublier le superbe petit film promotionnel qui a été réalisé pour souligner la parution de Contre Dieu.



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Pour les amateurs de coïncidences amusantes, je m'autorise une auto-citation. Le passage ci-bas est tiré d'une courte histoire que j'ai écrite en 2000 et publié en 2004. La couverture et le titre du roman de Patrick m'ont tout de suite rappelé cette histoire. Autre coïncidence: cette histoire - qui n'a aucun autre rapport avec le roman de Patrick - s'intitulait Synchronicité.

«... il rêve d’être seul avec la neige, d’être seul... [il] voudrait que Dieu existe, pour de vrai, et non pas seulement dans la tête des hommes. Il voudrait que Dieu existe parce que seul dans la neige, loin de la ville, et du bruit, il aurait pu rencontrer Dieu. Et tuer Dieu. Car Dieu a été méchant. Dieu lui a menti. Il lui a fait croire qu’Il était un bon Dieu.»
- Hugues Morin, Synchronicité.
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lundi 10 janvier 2011

Un hiver bien au chaud, chez moi!

Après mes envolées socio-politiques de décembre dernier, je prévois consacrer les prochaines semaines de ce premier hiver en trois ans dans le froid du Québec... à lire et à voir des films. Je continue donc mon rattrapage cinéma, et je prévois avoir vu assez de films de 2010 d'ici la fin janvier pour porter un jugement éclairé sur les nominations aux Oscars cette année, et de pouvoir faire mes prédictions, comme je le fais à l'occasion sur ce blogue.
Ainsi, je prévois consacrer quelques-uns des prochains billets au cinéma.
Comme je ne passerai pas tout mon temps devant un écran, grand ou petit, et que je profiterai de la chaleur de mon appartement pour lire quelques bouquins, je prévois également publier quelques billets littéraires dans les prochaines semaines.
Sinon, mes rares sorties devraient être théâtrales ou muséales, alors les arts seront à l'honneur cet hiver chez l'Esprit Vagabond (d'où l'illustration, en pleine thématique hivernale en plus*).
Bon hiver 2011 à tous.
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* Illustration: Acrylique et collage de Émilie T, acheté lors d'une vente d'oeuvre d'art le 24 décembre dernier.
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