jeudi 13 janvier 2011

Oliver Stone sur les traces du Che

Ceux qui ont suivi mes quelques aventures latino-américaines - notamment ma traversée de l'Amérique du Sud de 2007 - se souviendront que j'avais intitulé mon projet sur les traces de Che Guevara. Le cinéaste Oliver Stone a lui aussi parcouru l'Amérique Latine, à sa façon, et en a tiré un film documentaire, intitulé South of the Border, qui a été présenté en salles en juin dernier aux USA, mais a été distribué directement en vidéo chez nous. Stone, surtout connu pour ses films controversés sur le Vietnam (Platoon, Born on the fourth of July), ou encore pour ses films politiques (JFK, Nixon, W.), est aussi le réalisateur derrière Wall Street. Ce n'est donc pas une totale surprise de le voir réaliser un documentaire politique à contre-courant de la pensée dominante de la droite américaine avec South of the Border.
La première partie du film est concentrée sur le cas d'Hugo Chavez. Les segments montrant le traitement de l'information réservé à Chavez par les médias américains sont absolument consternants et permettent d'attacher le spectateur sur sa chaise pour un visionnement qui s'annonce à la fois informatif et divertissant. Certes, le spectateur non-américain a déjà une meilleure information sous la main, pour peu qu'il se donne la peine de vouloir être informé, mais personnellement, je n'avais pas réalisé à quel point les informations livrées par la droite américaine était biaisées et fausses! L'ensemble est absolument incroyable. Une scène en particulier, est pathétique, voire surréaliste; on y voit la présentatrice (de Fox News), qui qualifie Chavez et Morales (président de la Bolivie) de "dictateurs", en questionnant ensuite son co-animateur sur Morales «He's a dictator too, right?». Cette portion du film de Stone s'efforce donc de ramener les faits à l'avant-plan sur la situation réelle du Venezuela, avant et pendant l'époque Chavez. Le réalisateur passe du temps en compagnie de Chavez et n'hésite pas à questionner le président sur tous les sujets.
La seconde partie du film documente les diverses autres rencontres politiques entre Oliver Stone et les autres présidents de gauche élus au cours de la décennie 2000 en Amérique Latine; Rafael Correa en Équateur, Evo Morales en Bolivie, Lula da Silva au Brésil, le couple Nestor et Cristina Kirchner en Argentine et Fernando Lugo au Paraguay. Enfin, ce périple trouve sa conclusion avec une rencontre avec Raul Castro, à Cuba.
J'ai appris depuis qu'il s'agissait en réalité du second documentaire d'Oliver Stone sur les politiques alternatives de l'Amérique latine. En effet, Stone avait signé en 2003 un film qui m'avait échappé: Comandante, résultant de sa rencontre avec Fidel Castro. On comprendra évidemment qu'aux USA, ce diptyque ne plaise pas, et que les critiques fusent de toutes parts, mais il faut évidemment mettre en perspective ces critiques et le visionnement de South of the Border permet de faire la part des choses.
Pour qui, comme moi, s'intéresse à la situation socio-politique de l'Amérique Latine, ce film est évidemment intéressant, bien qu'il ne dévoile rien de renversant au spectateur informé. La manière dont il est monté, par contre, avec son intention avouée dès le départ, d'informer les américains et de combattre la paranoïa médiatique étatsunienne, doit être saluée. En ce sens, Stone signe un film important pour comprendre la politique des Amériques.
Le site internet qui accompagne le film depuis sa sortie dans les festivals, comporte un lot important de documents, dont des documents déclassifiés de la CIA sur le coup d'état contre Chavez en 2002 et le rôle de Washington dans cette tentative. Quand à la version disponible en DVD, elle comporte du bon matériel supplémentaire, dont un court documentaire sur la tournée que Stone a effectuée en 2010 pour présenter son film en Amérique Latine et ses nouvelles rencontres avec les présidents à cette occasion.
Je termine ce commentaire en vous invitant à voir cet excellent documentaire et en citant Oliver Stone, qui répond aux accusations d'un chroniqueur de mauvaise foi du New York Times:
«It is not surprising that someone who supports the military overthrow of a democratically elected government would not like a documentary like this one, which celebrates the triumphs of electoral democracy in South America over the last decade.» (La réponse détaillée, disponible sur le site du film, a été expédiée au NYT).
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