lundi 25 mai 2020

Ma trilogie hommage à Joël Champetier

Le décès d'une personne ayant eu une aussi grande importance dans ma vie que Joël Champetier a été un événement bouleversant à plusieurs niveaux. Comme Joël, en plus d'être un de mes meilleurs amis, avait aussi été mon mentor et mon directeur littéraire, écrire une histoire pour lui rendre hommage m'est venu naturellement.

C'est ainsi qu'est née l'idée derrière « Une nouvelle fantastique », un titre volontairement simple (mais à double sens dans l'histoire) dont les thèmes principaux sont le deuil et l'amitié, explorés via une prémisse relevant du fantastique, un genre que Joël et moi avons tous deux pratiqués au fil des ans. J'ai voulu y traiter le fantastique avec beaucoup de rigueur scientifique, une approche que j'ai apprise de Joël, qui utilisait la même rigueur en SF, en fantastique qu'en fantasy. Pour les initiés, les deux personnages centraux sont évidemment largement inspirés de Joël et moi.
J'ai poussé l'hommage assez loin avec cette nouvelle; utilisant pour chacun de mes titres de sections des titres évoquant des œuvres de Joël ou y faisant une référence explicite. Aussi, j'ai baptisé chacun de mes personnages d'un prénom utilisé par Joël pour divers personnages peuplant ses romans ou nouvelles. Par exemple, l'alter égo de Joël dans ma nouvelle se prénomme Ian (référence à Ian Corybantier, personnage auto-biographique en mode fantasy de son roman Les Sources de la Magie). D'autres éléments référentiels se retrouvent également dans le texte, pour ceux qui connaissent bien l'oeuvre de Joël Champetier, bien que ces références ne soient pas essentielles à l'histoire elle-même.
Cette nouvelle a été écrite dans la solitude et le deuil, la scène d'ouverture faisant directement écho au refus d'accepter la disparition de mon ami.

Parallèlement à cette nouvelle hommage, je me suis retrouvé impliqué dans une aventure totalement différente, une nouvelle en collaboration intitulée « Concerto pour extraterrestre ou mathématiciens » et dont l'origine remonte à près de 40 ans. Cette nouvelle, co-signée par Joël et moi est un texte collaboratif et unique dans mon parcours; une nouvelle dont le thème sous-jacent semblait parfaitement faire suite à « Une nouvelle fantastique ».
Joël a tapé les premières lignes du premier jet de cette histoire à la machine à écrire pendant l'été 1980. J'ai effectué les dernières corrections avant son acceptation par la revue Solaris sur un MacBook pro en septembre 2019. Il s'est donc écoulé 39 ans entre l'écriture du premier mot et le point final de l'histoire.
Entre ces deux dates, cette histoire a subi bien des modifications et ajouts, bien entendu, mais une bonne portion de ce texte a surtout dormi dans une boite pendant quelques décennies.
J'aime croire que l'histoire dormait parce qu'elle attendait l'apparition des personnages qui viendraient la conclure. C'est que, à l'été 1980, en tapant le début de l'histoire, Joël n'avait pas encore créé les personnages de Lulita Duke et Ross Luckenbach qu'il allait faire vivre une décennie plus tard.
L'intrigue originale et le développement des deux premiers tiers de la nouvelle ont été imaginés et écrits en grande partie par Joël. J'ai ajouté quelques idées (dont l'intégration de personnages créés par Joël dans d'autres nouvelles) et le ressort SF reposant sur des théories mathématiques. La chute et la conclusion de l'intrigue dans le dernier tiers sont de moi, mais mettent en scène des personnages originaux créés par Joël.
Bien que nous ayons été les seuls à écrire ces mots avant de soumettre la nouvelle, d'autres nous ont indirectement aidé au fil des ans. Il y a d'abord eu l'apport de Guy Sirois, un ami et complice commun, sans qui cette nouvelle n'aurait jamais vu le jour et qui a su, dans les derniers instants de sa création, apporter de précieux conseils et encouragements à l'écrivain orphelin de collaborateur que j'étais. Il y a aussi eu l'appui de Valérie Bédard, conjointe de Joël, qui par sa confiance, m'a permis de mener ce projet à terme malgré le départ prématuré de Joël et a été d'un support moral indéfectible tout au long du processus.
Enfin, il serait injuste de ne pas souligner la contribution exceptionnelle (et exceptionnelle) d'Élisabeth Vonarburg à la version finale de cette histoire. Son talent et son expérience, ainsi que son amour pour Joël et pour l'écriture de fiction ont eu une influence considérable dans cette aventure.
J'étais donc très heureux de voir cette histoire publiée, c'était un projet qui me tenait beaucoup à coeur et je suis content que cet inédit de Joël ait pu trouver sa voie (et sa voix) et d'y avoir collaboré dans la mesure de mes moyens. Je suis évidemment triste que Joël n'ait jamais pu voir cette nouvelle publiée. Mais je suis persuadé qu'il en aurait été très fier, lui aussi.

Avec le passage des ans et l'avancement de ce projet de collaboration, j'ai aussi écrit une troisième nouvelle hommage à Joël. En parallèle à « Une nouvelle fantastique », j'avais imaginé une sorte de nouvelle-sœur, appelée « Une histoire de science-fiction », pour faire écho au titre simple de la précédente, et qui allait explorer les mêmes thèmes du deuil et de l'amitié, mais via une prémisse relevant cette fois-ci de la science-fiction, l'autre genre littéraire que Joël et moi avons pratiqués tous les deux. Une fois encore, les initiés reconnaîtront dans les deux personnages mis en scène, des avatars de Joël et moi-même.
L'idée de cette nouvelle m'est venue pendant le travail sur « Concerto pour extraterrestres ou mathématiciens ». Afin de faire de notre nouvelle en collaboration un objet littéraire respectueux du style et l'oeuvre de Joël, j'avais relu plusieurs de ses nouvelles et romans, et quelques échanges de lettres et courriels que nous avons eu au fil des ans pour bien m'imprégner de sa voix. Lors de la rédaction de la dernière partie de « Concerto... », j'avais parfois l'impression de l'entendre me glisser des conseils à l'oreille. C'est cette présence – issue de mes relectures et exercices – qui a inspiré directement l'intrigue de « Une histoire de science-fiction ». Le lecteur trouvera d'ailleurs plusieurs éléments référentiels à Joël et son entourage dans la nouvelle; de l'éditrice de roman à certains collaborateurs évoqués en filigrane. La référence à Stephen Hawking dans cette nouvelle fait directement écho à « Concerto... » et les sous thèmes de la résurrection et de l'immortalité (littéraire et littérale) croisent à la fois ceux de « Concerto... » et ceux d' « Une nouvelle fantastique ».

Rendre d'abord hommage à Joël, puis signer une nouvelle en collaboration avec lui, pour terminer sur une nouvelle dont le sujet est une collaboration entre un écrivain et son ami disparu forme donc ce que j'appelle maintenant ma trilogie hommage à Joël Champetier et l'épilogue d'« Une histoire de science-fiction » m'apparaissait la manière idéale de clore ce chapitre de ma vie d'auteur.

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Ma trilogie hommage à Joël Champetier :

« Une nouvelle fantastique », par Hugues Morin, dans Solaris 213, janvier 2020
« Concerto pour extraterrestres ou mathématiciens », par Joël Champetier et Hugues Morin, dans Solaris 214, mai 2020.
« Une histoire de science-fiction », par Hugues Morin, dans la République du Centaure, mai 2020.

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vendredi 1 mai 2020

Journal de confinement dans les Appalaches - jour 45

Les semaines de confinement commencent à se ressembler sérieusement. Je comprends mieux ceux qui disaient avoir de la difficulté à savoir quel jour nous sommes. Même si je (télé)travail la semaine et pas la fin de semaine, les jours sont étrangement similaires. Dans quelques années, ce séjour en confinement ne sera probablement qu'une pile de souvenirs épars que l'on aura de la difficulté à remettre dans un ordre particulier.

Ficelle le raton
 À la campagne, les choses sont calmes; Depuis ma dernière entrée dans ce journal, j'ai découvert que Salsifis le raton avait un complice; je l'ai nommé Ficelle et j'ai réussi à le prendre en photo un moment après que Salsifis se soit éloigné. Autrement, les chevreuils nous ont visité presque chaque jour pendant quelques semaines. On croise nos voisins une fois de temps en temps en faisant une balade dans le 9e rang, le printemps semble arrivé pour de vrai cette fois-ci; nous n'avons plus reçu de neige au sol depuis plusieurs jours et la fonte a effacée les dernières empreintes du renard venu parcourir notre terrain. L'ail et les tulipes ont commencé à pousser – même si les tulipes ne sont pas encore en fleur – et les semis progressent bien dans le salon.

La dernière semaine a été difficile, je me suis un peu blessé au dos en faisant un faux mouvement qui a causé une élongation musculaire, élongation qui m'a procuré bien de la douleur et de l'inconfort. Je me dis que ça me fera un souvenir de plus du confinement; la semaine où je n'ai pu faire grand-chose d'autres que de travailler debout, mon ordinateur portable installé sur la vielle radio AM des années 20 héritée de mes parents.

Deux chevreuils par la fenêtre du patio
J'ai participé à un atelier d'écriture sur la micro-fiction offert par mon ami Éric Gauthier. Je dois participer à une séance pratique la semaine prochaine, et Éric nous a donné des devoirs à faire. J'ai déjà commis une micro-fiction de 42 mots en tentant d'appliquer ce qu'il nous a enseigné dans le premier atelier. La voici :

Je la croise et la salue. Chaque jour aussi belle. Autour de nous, personne. Nous échangeons quelques mots, complices, dans cette rue déserte. Amoureux et seuls au monde. Entre nous, cet espace de deux mètres, bien trop vaste. Entre nous, un virus.

Au début de ce journal, je vous parlais de la voix de mon voisin Richard, et bien je viens de voir qu'il serait l'invité musical de Tout le monde en parle ce dimanche. Depuis que l'émission est en direct, un invité termine l'émission avec une prestation musicale, et ce sera Richard cette semaine. Bien hâte de l'entendre chanter.

Au sommaire de Solaris 214 - mai 20
Alors que le Québec commence à parler déconfinement – mais pour plus tard – j'apprends que quelques unes de mes nouvelles dont la publication était prévue en avril sortiront en mai, finalement. Je devrai mettre à jour mon billet d'information sur les deux nouvelles concernées; il s'agit de deux hommages à Joël Champetier formant une sorte de trilogie hommage avec celle déjà publiée dans Solaris 213 en début d'année – on dirait il y a des années, tellement le monde d'avant la pandémie semble lointain. Je vous laisse donc là-dessus, puisque pour une de ces nouvelles, je dois encore apporter quelques correctifs et transmettre ça à mon éditeur avant publication!

Sinon, vous ça va, après plus de 40 jours en confinement?