samedi 16 avril 2011

Les États-Unis du Canada

Je ne transformerai pas ce blogue en éditorial politique, mais je suis la campagne actuelle avec une certaine perplexité. Appelez-moi cynique, mais je commence à comprendre que la "recette Harper", copiée des républicains américains, fonctionne encore (1) avec une grande partie des citoyens canadiens, qui semblent aussi idiots et incapables de s'informer que nos voisins que je trouvaient particulièrement stupides de gober les grossiers mensonges de G.W. Bush en 2004 et de le réélire comme s'il était un héros. Faut croire que les canadiens ne sont pas meilleurs pour réfléchir et s'informer et préfèrent également gober les mensonges et les discours manipulateurs.
Évidemment, chaque parti politique fait de la manipulation d'image, tente de convaincre, promets ceci et cela, c'est, dirons-nous, de bonne guerre, ça fait partie de la game. Ce qui est nouveau depuis l'application de la "recette Harper", c'est le contrôle éhonté de l'information et la nature mensongère de celle-ci. On ne se cache même pas pour le faire; on compte sur l'abrutissement et l'imbécillité des citoyens, sinon, on tente carrément de les empêcher de voter! Cette recette, c'est une insulte flagrante à l'intelligence du citoyen, donc si elle marche, c'est que celui-ci est bel et bien un abruti.
J'irai plus loin encore; en regardant elle marche le plus, tiens. En terme de pourcentage du vote exprimé, deux fois plus de votant ont appuyé le Parti Conservateur en 2008 dans cinq des grandes provinces du pays qu'au Québec (1). Je me demande bien au vu de ces résultats, qui, des Québécois ou des Albertains, Manitobains ou des Saskatchewanais, Trudeau qualifierait de petit peuple aujourd'hui, pour se laisser ainsi manipuler par des mensonges qui sont, après tout, assez facilement vérifiables (comme le démontrent de nombreux liens externes de ce billet de même que les quelques encadrés (2).
Le contrôle de l'information du parti au pouvoir n'est pas seulement questionnable, il est condamnable! Une campagne électorale est le moment où les citoyens ont justement le droit de rencontrer leurs leaders, de leur poser des question, de comprendre leur point de vue et de faire un choix éclairé. Les Conservateurs veulent priver l'électorat de ce droit de faire un choix éclairé, en fuyant les journalistes et les citoyens qui ne sont pas clairement des partisans; il est évident qu'ils ne veulent pas dire la vérité ou avoir à justifier leurs politiques au grand jour. Comment se fait-il que les canadiens ne se rendent pas compte de ça? Je n'en veut pas aux gens qui appuient les Conservateurs en toute connaissance de cause, et qui trouvent en eux un parti qui reflètent leurs valeurs. Je questionne les autres - ceux qui votent en contradiction avec leurs valeurs par ignorance et paresse de s'informer - et je questionne la malhonnêteté du Parti Conservateur qui refuse de dévoiler publiquement ses orientations réelles. Je questionne donc carrément les canadiens qui acceptent les mensonges aussi gros que celui sur le fait que la gauche est plus dépensière, et ce sans jamais s'informer.
Je trouvais les américains pathétiques lors de la campagne de 2004. Or la campagne conservatrice actuelle, et le gouvernement Harper dans son ensemble, sont en train de prendre le contrôle du pays et de le transformer lentement mais sûrement en États-Unis du Canada. Et les canadiens me semblent maintenant aussi pathétiques que les américains. L'implication politique dans la justice, la culture inutile de la peur dans le dossier de la criminalité, l'imposition de peines plus uniformes et plus sévères, l'abandon du contrôle des armes à feu, la montée de l'extrémisme religieux dans la sphère politique et le contrôle de l'information transmise au citoyen concernant les aspects financiers de diverses mesures (Les chasseurs F-35, les économies miracles absentes du budget, les changements de conventions comptables pour faire mieux paraître le budget...), tout ça donne des frissons dans le dos.
Quand on refuse de laisser entrer des gens parce qu'ils sont impliqués dans un club en faveur de l'environnement, on ne peut pas prétendre également être en faveur de la lutte aux changements climatiques; d'ailleurs, même l'ex-ministre de l'environnement est contre les limites d'émissions de GES. (Ceci étant un bon exemple du discours Conservateur aux antipodes des politiques du Parti, ce que je qualifie de malhonnêteté ci-haut).
La campagne conservatrice est une campagne de peur calquée sur les campagnes anti-terroristes de G.W. Bush, et personne ne semble s'en rendre compte à l'extérieur du Québec. Les publicités conservatrices sont tellement incroyables qu'on dirait des blagues d'Infoman ou de 3600 secondes d'extases; et les gens gobent ça, sérieusement? Si vous ne pensez pas que ça vient de nos voisins du sud, regardez cette vidéo qui place bout à bout une publicité républicaine et une publicité conservatrice.
Par les gens repoussés des apparitions publiques de Harper, nous apprenons que la GRC a travaillé sur une black list pour le Parti Conservateur (3). Depuis quand un corps de police nationale sert-il les intérêts partisans d'une parti pendant une campagne? Qui est assez incompétent à la GRC pour avoir décidé qu'il était de  son devoir d'enquêter sur des pages Facebook et découvrir qu'une fille inscrite à la rencontre avait déjà rencontré Ignatieff? Et comment se fait-il qu'un parti puisse utiliser un organisme payé par des fonds publics pour faire ce genre de travail et que la chose ne semble scandaliser personne?
J'ai l'impression que l'on est en train de me voler mon pays, le pays où j'ai grandi, où je suis devenu ce que je suis; ses valeurs, ses contradictions, sa spécificité, son image dans le monde; j'ai l'impression que tout ça disparaît au profit de ces "États-Unis du Canada" où je ne me sens pas chez moi.
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J'en étais là dans mes notes et réflexions sur le sujet quand ont eu lieu les débats des chefs. J'étais bien content de constater qu'une participante s'inquiétait de cette américanisation du Canada, mais évidemment, le chef Conservateur a simplement contourné la question. D'ailleurs, si vous avez écouté le débat des chefs en français, vous pouvez lire "l'épreuve des faits" de la SRC sur ce qui y a été entendu. Ils ont également une page similaire sur ce qui s'est dit au débat en anglais.
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Notes
(1) Voir les résultats des élections de 2008 par province. Le PCC a obtenu 21% au Québec, le double (ou même le triple) en Ontario, au Manitoba, en Saskatchewan, en Alberta et en Colombie Britannique.
(2) Tous les encadrés sont tirés de la section Élections Canada 2011 du site de Radio-Canada.
(3) «Ça doit être pour cela, lui aurait répondu l'employé du parti. La GRC a dû le voir en faisant ses vérifications.» - rapporté par La Presse (6 avril 2011).
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dimanche 10 avril 2011

Couche-Tard et la rentabilité: nouvelles informations

Samedi soir après avoir publié mon billet sur la fermeture du Couche-Tard en bas de chez moi, j'ai été témoin d'activités autour du dépanneur, activités qui m'ont fait réfléchir sur la rentabilité et les décisions administratives de l'entreprise.
Rappel: le dépanneur a été fermé pour des raisons de non rentabilité.
Hier soir, donc, j'ai aperçu deux véhicules derrière le dépanneur. Leur identité ne faisait aucun doute; insigne de l'entreprise Gardium sur les portes, hommes en uniforme, il s'agissait d'agents de sécurité d'une firme privé.
Les agents ont passé une bonne heure et quelque au dépanneur; d'abord à en faire le tour, puis à documenter les graffitis sur le trottoir et sur la porte qui étaient apparus en cours de journée après que l'entreprise ait fait repeindre les placards en noir. (Je note pour l'anecdote qu'ils ont eu besoin de plus de quinze minutes pour faire quelques photos du tout avec leur caméra et leur cellulaire; la chose m'avait pris à peine quinze secondes, alors je me demandais ce qu'ils voyaient que je ne voyait pas!).
Puis, les agents ont effacé la marque à la craie sur la porte, et ont quitté les lieux l'un après l'autre, à une demie heure d'intervalle. Je me suis demandé combien pouvait coûter une telle mesure; combien charge Gardium pour faire des rondes de surveillance, documenter et effacer des graffitis. Et tant qu'à payer deux agents à surveiller l'édifice, ne serait-ce pas plus rentable de les faire vendre des chips et de la bière par la même occasion? :-)
Ces agents sont-ils payés moins chers que les employés ne l'étaient? La mesure force la réflexion, n'est-ce pas? Ah, mais la question qui est la plus intéressante est: Les agents de Gardium sont-ils syndiqués? :-)
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Ce matin, de nouveaux graffitis étaient apparus sur l'immeubles.
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Photos: 1. Agents occupés à surveiller l'arrière de l'édifice.
2. Agents occupés à photographier les graffitis sur le trottoir.
3. Le graffiti du jour, dimanche matin.




samedi 9 avril 2011

Couche-Tard, les mauvais citoyens corporatifs et les enjeux sociaux

Les lecteurs de ce blogue auront une impression de déjà-vu en lisant le titre de ce billet. Ce titre, il fait référence à un autre billet - publié en novembre 2009 - dans lequel je faisais une petite montée de lait contre la politique peu respectueuse de l'environnement pratiquée dans certains dépanneurs Couche-Tard, en relatant une expérience personnelle vécue à la succursale juste en bas de chez moi, au coin Beaubien et St-Denis.
Dans ce billet, je posais plus ou moins la question de savoir si Couche-Tard avait été un bon citoyen corporatif (dans une affaire de recyclage).
Étrangement, c'est justement par cette succursale du coin Beaubien et St-Denis que la réponse allait venir un an et demi plus tard. Et cette réponse, c'est non.
Vous aurez peut-être lu la nouvelle, ou vu la nouvelle aux informations télévisée, la chaîne Couche-Tard a décidé subitement de fermer le dépanneur Beaubien/St-Denis. Vendredi matin, on est venu placarder les fenêtres, retirer les enseignes et mettre une affiche "A louer". La chaîne évoque la non rentabilité de la succursale pour expliquer cette fermeture... qui coïncide étrangement avec le processus de syndicalisation entrepris par les employés.
Pour ma part, je n'y crois pas une minute; j'allais souvent dans ce dépanneur et c'était très achalandé. Et s'il était aussi peu rentable, je me demande bien pourquoi Couche-Tard aurait pris la peine d'investir dans des rénovations majeures deux fois au cours des dernières années, dont une fois il y a à peine quelques mois. J'imagine que la centrale syndicale tentera une action contre Couche-Tard, même si ce genre de chose est difficile à prouver et que les chiffres ont tout le temps voulu pour être... ajustés d'ici là.
Je dois avouer que je ne vois pas en quoi les employés d'un Couche-Tard ont tant à gagner à se syndiquer. Je vois mal, au coût des cotisations syndicales, ce qu'il y aurait eu à gagner en terme de conditions de travail dans un emploi souvent temporaire, que plusieurs candidats sont prêts à occuper, qui ne requiert que peu ou pas d'expertise ou d'expérience et qui ne sera conséquemment jamais payé à un salaire élevé. Quand à la centrale syndicale, j'imagine qu'elle y voit essentiellement des nouveaux membres potentiels, représentant des nouvelles cotisations, car je ne comprends pas non plus quel combat majeur devrait se jouer autour des conditions de travail dans les dépanneurs.
Je ne suis donc pas très syndicaliste, surtout dans un cas comme ça. Pourtant, syndicaliste ou non, j'ai trouvé scandaleuse l'attitude de Couche-Tard, que je n'hésite pas à condamner tellement l'affaire est évidente (1). Visiblement, le coup de force, qui veut certainement servir d'exemple pour les autres succursales qui songeraient à se syndiquer, vise également à démontrer que l'entreprise se considère au-dessus des lois, ce qu'elle est peut-être, l'avenir nous le dira. (Le dossier du Journal de Montréal nous a montré que Québécor était au-dessus des lois anti-briseurs de grève, alors j'imagine que d'autres corporations peuvent également s'élever au-dessus des lois).
Une corporation ne devrait jamais traiter ses employés ainsi. Jamais. Les ex-employés de cette succursale se sont vus remercier sans aucune considération pour le travail qu'ils faisaient pour la chaîne (2). En tant que client, j'ai toujours été bien reçu et je trouve déplorable que Couche-Tard rejette ainsi leurs efforts. La compagnie, en plus de lancer le message de sa toute puissance, de la domination du corporatisme sur l'individu, contribue par ce geste à illustrer combien les corporations d'aujourd'hui sont sans âme et n'hésitent pas à jeter aux ordures leurs employés. Comment, dans un tel contexte, voulez-vous que les employés d'aujourd'hui - et souvent des jeunes dans le cas des Couche-Tard - ne soient pas cyniques envers les compagnies et les employeurs en général? Comment voulez-vous que les jeunes croient au dévouement ou à tout le moins à l'importance de la loyauté envers une entreprise? On reproche aux jeunes de ne pas faire d'efforts, de ne pas s'impliquer sérieusement dans leur emploi, mais pourquoi le feraient-ils après avoir vu ce genre de comportement corporatif? On se demande pourquoi les gens sont cyniques? Dans ce cas précis, c'est Couche-Tard qui agit avec cynisme, pas ses ex-employés.
Dans le cas qui nous occupe, donc, les placards de bois se sont rapidement retrouvés décorés de graffitis - quelques messages étaient déjà apparus en après-midi de vendredi. Dans la nuit de vendredi à samedi, d'autres messages dénonçant le capitalisme et le corporatisme s'y étaient ajoutés. Dans la journée de samedi, Couche-Tard a rapidement fait repeindre les placards en noir... et samedi en après-midi, des graffitis à la craie étaient apparus sur le trottoir menant à la porte, elle aussi ornée d'un nouveau message, l'ensemble appelant au boycott. Des craies ont été laissées sur le sol avec un message invitant à s'en servir pour dénoncer l'entreprise.
Personnellement, je n'entrerai plus dans un Couche-Tard, ne serait-ce que par respect pour ces gens qui m'ont servi au fil des ans au coin Beaubien et St-Denis. Que l'on soit d'accord avec leurs intentions syndicales ou non, ils méritaient d'être traités avec respect par leur employeur.
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(1) L'histoire est pleine de trou. Par exemple, dans l'article de Cyberpresse, on peut lire "«Nous étions locataires de cette bâtisse et du terrain. C'est désormais à leur propriétaire de décider quoi en faire», a indiqué Denise Deveau, porte-parole de Couche-Tard". Ce que le porte-parole oublie de mentionner, c'est qu'en tant que locataire, Couche-Tard avait certainement un bail corporatif, et qu'en vertu de ce bail, il devra certainement payer son loyer tant que le propriétaire n'aura pas reloué les lieux. 
(2) Selon les témoignages retenus par les journalistes, aucun des employés congédiés ne s'est vu offert un transfert vers une autre des centaines de succursales de l'entreprise. Or si on ferme pour cause de non rentabilité, pourquoi prendre la peine de former de nouveaux employés dans d'autres succursales au lieu de profiter de cette main d'oeuvre déjà formée?

lundi 4 avril 2011

L'avenir de Québec Leaks

Avez-vous suivi le lancement du site de Québec Leaks?
L'annonce de l'avènement d'un site québécois dans la mouvance de Wikileaks avait attiré mon attention. Je ne savais trop à quoi m'attendre, mais les idées de dossiers ne manquaient pas; gaz de schiste, corruption dans la construction, contributions douteuses aux partis politiques, scandales à la ville de Montréal, corruption à la mairie de Laval, etc.
Puis, le lancement officiel a eu lieu. Le 9 mars dernier, j'ai donc tapé l'adresse de Québec Leaks dans mon fureteur... et j'ai découvert que son seul document était un communiqué de presse annonçant le lancement officiel. On dévoilait du même coup le nom du porte parole de l'organisation, et c'est l'identité de ce dernier qui allait retenir l'attention des quelques rares articles relatant la création du site.
Rien d'autre.
Je n'étais ni déçu ni surpris, puisque je ne savais pas à quoi m'attendre du site. Par contre, j'avais imaginé que l'organisation aurait voulu marquer un coup de force lors du lancement pour se faire un nom; pour attirer les visiteurs, ce qui aurait probablement entraîné quelques fuites intéressantes pour eux par la suite. J'avais imaginé que les fondateurs du site avaient déjà des documents, et qu'ils démarreraient en lion.
Le lancement officiel a donc eu l'air d'un pétard mouillé, puisque Québec Leaks annonçait en fait n'avoir aucun document concernant la transparence et la gouvernance au Québec (le mandat officiel du site), ce qui revenait à dire que l'affaire était en fait toujours à l'état de projet.
Ce n'est que trois semaines plus tard que le site allait publier son premier document, et, comme fuite initiale, là encore, on a eu droit à un pétard mouillé. L'entente entre la Ville de Québec et Québécor concernant le projet d'amphithéâtre à Québec était disponible à la ville pour qui en faisait la demande; on parle donc ici d'un document public. Quoi qu'il en soit, il est certes plus accessible via le site qu'en effectuant une demande écrite à la Ville de Québec. Toutefois, après lecture du document, je ne peux pas dire qu'il révèle des informations qui n'avaient pas déjà été rapportées par les médias traditionnels lors de la signature de l'entente en question.
Une fois de plus, le démarrage du site s'avère plus mou que ce que ne laissait croire les ambitions que l'on énonce dans sa mission ou dans son communiqué de presse.
Sinon, Québec Leaks parle d'une autre entente (Radio-Canada et Gesca en 2001) qui a déjà été rendue publique en 2008... et de d'autres documents sensibles.
On est donc très loin de Wikileaks. C'est normal, me direz-vous, puisque même Wikileaks a pris du temps à se développer; on n'a pas publié les vidéos sur l'Iraq ou les journaux de guerre en Afghanistan ou encore les câbles diplomatiques lors du lancement du site. La différence, c'est que maintenant que les internautes savent ce que sont les sites comme Wikileaks ou Openleaks, un site qui se réclame de cette mouvance se doit de livrer un minimum de marchandise. Si demeurer inactif pendant quelques mois n'est pas inhabituel pour ce genre d'organisation, être inactif au lancement était une drôle de stratégie; pourquoi ne pas avoir attendu quelques mois avant de lancer le site avec des documents prêts à être publiés?
Québec Leaks n'est peut-être qu'un feu de paille, l'avenir nous le dira, mais pour devenir un réel site de référence, l'organisation devra montrer qu'elle peut faire mieux que publier des documents publics; elle devra montrer en fait qu'elle peut même faire mieux que les médias traditionnels, qui, au Québec, peuvent être parfois très efficaces (pensez l'équipe de l'émission Enquête de la SRC par exemple). Je ne suis pas certain que le québécois moyen ait la fibre leaks, ou la trempe pour collaborer à ce genre de projet.
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Note amusante: Québec Leaks (.org) a déjà un concurrent (.com) qui n'a pas plus de documents à offrir aux visiteurs que son homonyme et qui est (déjà!) en hibernation.

samedi 2 avril 2011

L'opinion des gens de Roberval: une lettre ouverte

Chers citoyens de Roberval*,
Comme moi et des millions de canadiens et québécois, le 2 mai prochain, vous irez voter. Le vote que vous ferez permettra de savoir qui, des candidats inscrits officiellement (1), représentera votre voix et vos valeur au Parlement du Canada pendant que le prochain gouvernement siégera. C'est ce vote qui décidera qui vous allez désigner pour parler en votre nom, pour exprimer votre avis sur les motions et les lois qui seront proposées à la Chambre des Communes. Quand votre représentant, votre député, se lèvera pour voter, il sera là pour dire: Voici l'opinion des gens de Roberval sur la question. C'est ça, voter, c'est dire à un candidat: voici ce que je pense, maintenant vas leur donner mon opinion, vas parler en mon nom. Ce n'est pas un concours de popularité, ni de décider quel candidat nous semble le plus connu, mais de désigner celui qui ira exprimer votre point de vue.
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Depuis quelques années déjà que je n'habite plus Roberval, mais vous connaissez la vieille maxime selon laquelle on sort un gars du Lac mais pas le Lac du gars. Roberval et le Lac, pour moi, représentent toujours mes origines et j'ai toujours été fier de dire que je viens du Lac, que je viens de Roberval. La notice biographique qui accompagne mes publications commence encore par: "Natif de Roberval...".
Depuis que je voyage, j'ai toujours éprouvé une fierté de venir du Canada. Quand je vivais à Vancouver, j'éprouvais une réelle fierté de venir du Québec. De la même manière, mes origines au Lac St-Jean ont toujours été une fierté pour moi. C'est pourquoi je m'intéresse à ce qui se passe au Canada, à l'opinion et à la voix du Canada quand je suis à l'étranger, et c'est pourquoi je suis toujours touché au plus profond de moi-même quand mon pays a mauvaise réputation (2). Je m'intéresse donc également à Roberval, et ses opinions me touchent particulièrement puisque j'y suis identifié.
Au moment du déclenchement de la campagne électorale actuelle, je me suis demandé qui seraient les candidats désirant représenter Roberval, vous représenter, au Parlement. Et comme je suis un fort partisan de la démocratie, je vous invite à voter en grand nombre, et à choisir le candidat qui vous représente le mieux, qui représente le mieux votre opinion et vos valeurs (1).
Car quand votre représentant place son vote à la Chambre des Communes à Ottawa, ce représentant, en votant, fait l'équivalent de se lever et de dire haut et fort: Les gens de Roberval sont de cet avis.
Afin de savoir ce que Roberval pensait des grands dossiers débattus à Ottawa au cours de la dernière année, j'ai consulté les votes de votre représentant sur une douzaine de projets de lois. De ces votes, j'en conclus ceci sur vos valeurs et vos opinions:
Le 16 juin 2010, Roberval disait non au projet de loi C-469 qui créait la Charte Canadienne de l'environnement, dont le premier énoncé était "de sauvegarder le droit des Canadiens des générations présentes et futures à un environnement sain et écologiquement équilibré" (3).
J'avoue avoir été très déçu que Roberval se prononce contre une telle idée; j'espère pour ma part, qu'il y aura un environnement sain pour les générations futures de Roberval et du reste du Canada!
Le 5 mai 2010, votre représentant a voté contre le projet de loi C-471 sur l'équité salariale des femmes. Le projet exigeait "du gouvernement du Canada qu’il prenne les mesures nécessaires pour la mise en oeuvre des recommandations du Groupe de travail sur l’équité salariale."
Ici, je me suis surtout inquiété de l'opinion des femmes de Roberval; je ne peux pas croire qu'elles sont contre l'équité salariale entre hommes et femmes!
Plus récemment, le 8 décembre 2010, L'Honorable Denis Lebel a voté contre le projet de loi C-568 qui stipulait que le recensement devait être "fait à l’aide d’un questionnaire complet qui, pour répondre aux dispositions de cet article, doit se conformer essentiellement, par la longueur et la portée fondamentale, aux recensements faits depuis 1971".
Je me suis dit qu'il s'agissait d'une erreur, que Roberval avait mal compris ou appuyé sur le mauvais bouton. Comment peut-on être contre une institution comme celle du meilleur recensement possible, qui permet depuis des décennie d'avoir des données importantes sur notre pays, données qui permettent de mieux connaître le pays, de mieux orienter les politiques et la réglementation, bref, de prendre les meilleures décisions possibles?
Le 9 mars dernier, L'Honorable Denis Lebel, député représentant Roberval Lac-St-Jean, a voté contre le projet C-393 qui visait à: "faciliter la fabrication et l'exportation de produits pharmaceutiques pour remédier aux problèmes de santé publique touchant de nombreux pays en voie de développement [...] en particulier les problèmes résultant du VIH/SIDA, de la tuberculose, du paludisme et d'autres épidémies."
Comme j'ai beaucoup voyagé en pays en voie de développement et ai toujours été très bien accueilli lors de mes séjours, j'ai été attristé de voir que Roberval était contre l'idée de faciliter leur accès à des médicaments génériques contre des maladies dont nous avons la chance de pouvoir éviter ici.
Le 5 mai 2010, votre député (qui occupait aussi le poste de Ministre d'état au développement économique du Canada pour les régions du Québec) a voté contre le projet de loi C-288, projet qui accordait "à tout nouveau diplômé qui s’installe dans une région désignée un crédit d’impôt".
Quoi? Expliquez-moi votre opinion, gens de Roberval! Comment pouvez-vous être contre un projet de loi dont le but est de vous avantager? "L’objectif de cette mesure est d’inciter les nouveaux diplômés à s’installer dans les régions désignées afin de freiner l’exode des jeunes et d’accélérer ainsi le développement économique de ces régions".
Eh bien, vous avez voté contre cette idée.
Mais celle qui me fait le plus mal, qui m'a touché profondément, m'a révolté même, c'est quand vous, gens de Roberval et du Lac St-Jean, vous avec qui je partage mes racines, mes origines, vous avez, le 27 octobre 2010, par la voix de votre représentant Denis Lebel, voté contre le projet de loi C-300.
Le projet était pourtant porteur d'espoir et de belles valeurs: "Le texte vise à promouvoir des pratiques exemplaires en matière d’environnement et à assurer la protection et la promotion des normes internationales en matière de droits de la personne à l’égard des activités minières, pétrolières ou gazières exercées par des sociétés canadiennes dans des pays en développement".
En votant contre ce projet de loi, Roberval disait haut et fort que vous préférez laisser les grandes corporations canadiennes violer les droits de la personne et l'environnement plutôt que de leur demander des comptes.
Ici je me permets une parenthèse pour parler d'une expérience personnelle à l'étranger. J'ai découvert, lors de mon plus récent séjour au Guatemala, que l'on hésite à s'identifier comme venant du Canada dans certaines régions, tellement notre pays y a mauvaise réputation. Si vous voulez savoir pourquoi, je vous invite à lire deux articles que j'ai écris lors de mon séjour au Guatemala en 2009-2010. Vous les trouverez ici (premier article) et ici (second article).
Votre vote, chers citoyens de Roberval, il m'a brisé le coeur, tellement il va à l'encontre de qui je suis, à l'encontre des valeurs que j'ai acquises dans ma jeunesse, à Roberval et développées depuis. Le jour de ce vote, j'avais honte d'être canadien. J'avais honte d'être robervalois.
En mars 2010, j'écrivais justement à propos d'un premier vote sur ce projet de loi en 2009:
"Je vous invite à questionner votre député, s'il a voté contre le projet de loi C-300, afin de savoir pourquoi il refuse de responsabiliser les compagnies qui commettent des violations des droits humains dans des pays comme le Guatemala et comment il justifie que par ce vote, il protège ces compagnies au détriment des humains qui sont les victimes de ces agissements. Demandez lui comment il votera si ce projet de loi est présenté de nouveau à la chambre des communes". (Voir mon billet du 1er mars 2010) (4).
Le 27 octobre, j'ai eu la réponse en ce qui concerne votre député, votre opinion: J'avais de la difficulté à le croire, mais voilà, vous étiez en faveur des violations de droits humains et de l'environnement dont j'avais pris connaissance au Guatemala lors de mon séjour et que je dénonçais activement.
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En partisan de la démocratie, je réitère mon invitation à voter en grand nombre. Gens de Roberval, votre choix sera votre voix au Parlement, votre député qui parle, c'est vous qui dites ce que vous pensez, qui vous êtes, ce qui est important pour vous. La question n'est pas tant d'être au pouvoir, plutôt que ce que l'on fait de ce pouvoir.
Et surtout, n'hésitez pas à questionner les candidats sur tous les sujets, pas seulement sur ceux qu'ils voudront aborder, ou sur les deux ou trois thèmes généraux sur lesquels ils ont déjà des réponses pré-enregistrées.
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Cinq autres votes de Roberval au cours de la dernière année:
C- 311 - Responsabilité du Canada envers les changements climatiques dangereux. "Le texte vise à faire en sorte que le Canada respecte ses obligations en matière de changement du climat mondial, conformément à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques". Vous avez voté contre.
C- 232 - "Crée une nouvelle condition de nomination des juges de la Cour suprême selon laquelle ceux-ci doivent comprendre l’anglais et le français sans l’aide d’un interprète". Vous avez voté contre.
C- 304 - "Loi visant à assurer aux Canadiens un logement sûr, adéquat, accessible et abordable". Vous avez voté contre.
C-440 - "Le texte vise à permettre aux étrangers qui, du fait de leurs convictions morales, politiques ou religieuses, quittent l’armée d’un pays pour éviter de participer à un conflit armé non approuvé par les Nations Unies et qui se trouvent au Canada, de demeurer au pays en raison de circonstances d’ordre humanitaire". Vous avez voté contre.
Motion de cesser le projet de loi C-391 sur l'abolition du registre des armes à feu. Vous avez voté contre la motion, donc pour poursuivre le but du projet de loi d'abolir le registre.
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Notes et références:
(1) Il n'y a actuellement aucun candidat officiellement inscrit dans Roberval Lac-St-Jean (Source: Élections Canada, 31 mars 2011).
(2) Pour plus de détails, voir mes deux articles sur l'État du Canada en 2010: Partie 1, Partie 2. J'ai écris ces articles parce que "Le Canada, en 2010, n'est pas le pays où j'ai grandi, n'est pas le pays qui représente mes valeurs et les valeurs que je tente de défendre dans ma vie ici comme quand je me trouve à l'étranger."
(3) Toutes les données sur les projets et les votes exprimées sont tirées du site officiel du Parlement du Canada. Toutes les citations sont tirées textuellement des projets de lois cités.
(4) J'avais parlé du premier vote de L'Honorable Denis Lebel en 2009, contre ce projet de Loi, lors d'un retour sur mes articles du Guatemala. Vous pouvez consulter les détails ici.
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* Pour des fins de lisibilité évidente, et puisque c'est un usage reconnu, le masculin et le féminin sont également représentés dans les formules désignant les personnes dans ce texte. Je voulais éviter la lourdeur inutile des formulations telles citoyens-citoyennes, canadiens-canadiennes, québécois-québécoises, robervalois-robervaloises, candidats-candidates...