Je ne prévoyais pas aborder la question, mais on me l'a expressément demandé dans un commentaire au billet sur le NO 8 DO (d'où le titre du présent billet - même si on dirait le score d'un match de baseball), et que la réponse est un peu longue pour tenir dans un commentaire de billet...
En plus, la réponse demande explications, alors voici donc.
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Je répète la question, au profit des lecteurs n'ayant pas exploré les commentaires du billet précédent:
"Est-ce qu'il y a à Séville des traces (officielles ou non) de la Guerre Civile ou de la dictature franquiste? (plaques commémoratives, noms de rues, que sais-je?)"
La réponse est fort simple: Non. Rien.
L'intérêt de cette réponse vient des explications qui suivent.
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C'est bien simple, ces sujets sont tabous, ici, en Espagne, purement et simplement. Il ne me viendrait même pas à l'idée d'en discuter avec une connaissance de l'endroit. Je pourrais éventuellement approcher ce genre de chose après des mois et des mois de contact entretenu, une fois ces contacts en confiance... et même là, ça ne pourrait être avec n'importe qui.
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Les références au régime dirigé par Franco, incluant les portraits, les noms de rue, les parcs, les symboles de sa dictature, les statues, tout ce qui touche à cette époque, a été banni de l'Espagne, par une loi spéciale.
Même les paroles de l'hymne national ont été modifiées parce que Franco avait introduit des paroles à son époque. Il de même interdit d'utiliser toute image relative à son régime, de même que les armoiries avec l'aigle noir. Ceci dit, les victimes de la guerre civile ont un peu été les délaissés dans cet "oubli" national, car une des lois adoptées par la nouvelle démocratie post-franquiste comprenait aussi une amnistie générale. Bref, l'Espagne, plutôt que de s'embarquer dans un long processus civil, a décidé de regarder devant elle.
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Comme la jeune génération de professionnels espagnols est née après la mort de Franco (on parle des jeunes de 25-30 ans ici), il y a un vent de renouveau concernant cette portion douloureuse de l'histoire.
Le gouvernement a adopté, il y a quelques années, la Ley de la memoria historica (la Loi sur la mémoire historique), ouvrant la porte à des mesures en faveur de ceux ayant été violentés au cours de la guerre civile et de la dictature. C.est que dans certaines régions, les emplacements des fosses communes sont connues - bien que personne n'osait en parler - et les proches des victimes vont enfin pouvoir offrir à celles-ci des sépultures dignes de ce nom. Ce genre d'histoire paraît maintenant dans les journaux, à l'occasion.
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À Séville même, il n'y a aucune trace de la guerre civile ni du régime franquiste. À Dos Hermanas, une banlieue où je suis justement passé hier en route vers Ronda, il y avait deux camps de concentration à l'époque franquistes. Je n'y ai rien vu relativement à cette époque, mais un journal local a parlé l'autre jour qu'un mémorial aux victimes de la guerre civile et de la répression de la dictature serait très bientôt inauguré à l'emplacement du camp de Los Merinales. Je ne me suis pas rendu jusque là dans mes explorations, alors je ne sais pas si le mémorial est installé ou non au moment d'écrire ceci.
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Voilà donc ce qu'un humble visiteur peut donner comme réponse à cette délicate question.
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Pour boucler la boucle avec le NO 8 DO... 2, on dirait bien que Séville, comme le reste de l'Espagne, a définitivement abandonné Franco, contrairement à Alfonso X.
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Très intéressant, et surtout paradoxale de la part d'un pays qui ne s'est pas gêné (heureusement) pour inculper d'anciens dictateurs.
RépondreSupprimerJe suppose que la situation doit être variable selon les "communautés autonomes" (i.e. les sociétés distinctes d'Espagne... soupire...) du Pays basque ou de la Catalogne qui ont dû combattre et vivre plus difficilement le franquiste très centralisateur. Est-ce qu'ils ont les mêmes réserves que les Espagnoles ?
¡Gracias Hugo!
RépondreSupprimerCher Istvan,
RépondreSupprimerJe ne pourrais pas te donner le point de vue des "sociétés distinctes" du nord :-), n'ayant accès ici qu'à quelques journaux nationaux... On y parle surtout, depuis un mois, du "problème" catalan, puisque l'ensemble de la "reconnaissance de la nation" catalane dans la constitution n'a pas été acceptée par le tribunal chargé d'analyser la loi qui a été adoptée par le gouvernement en place...
Ah, les problèmes constitutionnels, c'est un peu partout pareil, non?
:-)