Joanie est une étudiante du Lac St-Jean qui a effectué un séjour de coopération internationale à Cuba. Joanie vient de revenir de son séjour et comme
je l'avais interviewé avant son départ, j'ai voulu répéter l'expérience à son retour afin d'avoir ses commentaires à chaud sur son expérience.
Hugues Morin (HM): Comment s'est déroulée ton arrivée là-bas? As-tu vécu un choc culturel?
Joanie Ouellet (JO): Notre arrivée là-bas s'est fait très rapidement. Nous sommes arrivés dans la nuit, donc la seule chose qu'on sentait de différent était l'humidité, et aussi l'odeur. Par contre, comme j'ai déjà voyagé avant ce stage, je m'y attendais. De même pour le matin suivant où certaines personnes ont eu le choc de voir les habitations et la routines des Cubains. Je pourrais donc dire que je n'ai pas vraiment vécu de choc culturel.
HM: Tu es quelqu'un qui s'adapte bien au changement; la vie à Cuba est pourtant bien différente de celle du Québec. Quelles étaient vos conditions de vie là bas?
JO: En fait, oui j'ai vécu un choc culturel, mais moins apparent que certaines autres personnes, car je savais déjà un peu comment les gens là-bas vivaient. Mais oui, on fait toujours le saut de voir toutes ces habitations pauvres. On se demande toujours comment ces gens réussissent à vivre là dedans. Ce que j'ai trouvé drôle aussi, c'est de voir que presque tout se fait à l'ancienne comme le lavage par exemple. Pas un Cubain n'a de laveuse et de sécheuse; tout se lave à la main et tout sèche à l'extérieur sur des cordes à linge installées sur les toits des habitations. Ce qui m'a marqué aussi, c'est la fierté que ces gens ont. Ils ne veulent pas paraître pauvres. Nos jumeaux Cubains se sont forcés pour s'acheter du beau linge de marque. Au début nous nous disions qu'ils étaient tous des Cubains riches, mais deux puis trois soirées plus tard ils avaient toujours le même gilet sur le dos, on pouvait comprendre qu'ils n'étaient pas si riches qu'on le croyait.
Nos condidtions de vie la-bas étaient quand même bien. Nous avions une chambre pour trois étudiants. Bien sûr, filles et garçons séparés dans deux installations différentes. Dans chaque chambre nous avions un lit simple par personne avec des draps que nous avions apportés et une salle de bain comprenait une douche (quasi sans pression et seulement de l'eau glaciale), un lavabo (eau non potable) et une toilette (sans lunette, donc on ne s'assoit pas quand on fait nos besoins haha). Cette année nous étions chanceux comparé aux autres années, car ils dormaient dans des grand dortoirs et n'avaient qu'une ou deux toilettes pour tout le monde. Pour notre lavage, et bien on le faisait à la cubaine, c'est à dire dans des sceaux avec du savon à linge que nous avions apporté. On l'essorait et on l'étendait sur des cordes à linge qu'on s'était installé.
Côté nourriture, on peut dire que nous étions chanceux. Pour le déjeuner nous avions droit à deux semblant de toast (pain très raide: 30 minutes pour manger les deux tranches) sur lesquelles nous pouvions mettre du nutella que nous avions apporté, un oeuf (à la coque, brouillé ou au poêlon, dépendant des jours), des ananas et un chocolat chaud. Pour les dîners et les souper, nous avions toujours droit à de la viande, soit du boeuf, du porc, du poulet ou du poisson. (il n'était pas rare de trouver de la peau de cochon avec du poil dans notre porc!). Aussi, nous avions droit à une bonne portion de riz, blanc ou avec des frijoles, et à une soupe soit au frijoles ou une soupe jaune qu'on n'a jamais su le nom des légumes servis dedans. Ça c'est ce que nous avions à chaque fois. Pour les accompagnement ça changeait plus souvent. Par exemple, nous avons eu droit à des boñatos, des betteraves, des carottes, de la salade, des tomates, des frites, etc. Nos repas se terminaient toujours avec un dessert; de la crème glaçée au chocolat ou des ananas.
HM: Comment as-tu trouvé l’accueil de la communauté dans laquelle vous êtes allé?
JO: L'accueil?!? Un mot: MAGIQUE! La direction de l'école où nous dormions nous a fait un accueil très chaleureux, et ensuite, en soirée, les étudiants (adultes) de cette école nous ont fait une soirée de danse. Pour ce qui est de l'école de nos jumeaux Cubains ça a été encore plus magique. Tout le monde était rassemblé à l'extérieur. Danse, chant, poèmes... tout était au rendez-vous. Durant tout le voyage nous avons eu des accueils extraordinaires. Une fois nous étions 10 pour aller réparer des livres dans une école primaire et celle-ci nous a accueilli avec une fanfare!! Bref, les Cubains sont vraiment chaleureux et accueillant!!
HM: Quel genre de travail de coopération avez-vous effectué sur place, et auprès de qui?
JO: Là-bas, nous avions 5 tâches pour 8 jours que nous pouvions faire, car nous étions 5 brigades de 10 personnes. La première tâche était les boñatos. Une sorte de patate douce. Nous devions les ramasser en tas pour ensuite les mettre dans des sacs. Cela se faisait dans une copérative. Par contre, au milieu des 8 jours de tâches, les boñatos ont changé pour des patates, mais c'était les mêmes maniplations.
La deuxième tâche était aussi dans une copérative, mais cette fois nous devions désherber un champ d'ail. (Ma brigade n'a pas fait cette tâche, car le jour où nous étions censés y aller nous sommes allés aider dans un champ de bananes de l'école où nous dormions, c'était une école d'agriculture).
La troisième tâche était la réparation de livres dans les écoles. À chaque jour, c'était une école différente. Ma brigade, nous avons été chanceux, car nous sommes allés les deux fois dans une école primaire, ce qui faisait qu'on pouvait jouer avec les enfants durant les récréations!!
Quatrième tâche: le ménage de toutes nos chambres... Personnellement, j'ai trouvé cette tâche très inutile. Nous avions l'impression de déranger les dames qui le faisaient. Pas mal tout le monde qui était avec nous ne trouvait pas que nous aidions en faisant cette tâche.
Pour ce qui est de la cinquième tâche, c'était de travailler dans les champs de l'école où nous dormions. Ma brigade, nous avons fait du désherbage dans un champ de malanga et la deuxième fois, nous avons ramassé des grosses branches, des roches et des déchets dans un champ qui n'était pas entretenu, pour ensuite, dans le même avant-midi, ramasser des roches dans un champ.
Pour ce qui est de nos jumeaux Cubains, ils sont venus seulement pour le premier jour de tâches, sinon, ils venaient seulement quand la tâche de leur brigade était dans un champ.
HM: Vous étiez un groupe assez important, comment s’est passé la collaboration et le travail d’équipe?
JO: Avant de partir, on ne se parlait pas tous. Nous étions plus séparés en gang. Au début je croyais que nous serions jamais capable de travailler tous ensemble, mais à la grande surprise de tout le monde, tout le monde s'entraidait et s'encourageait. Dans les chambres, quelqu'un manquait de savon, tout le monde se proposait pour lui en prêter. Dans les champs, quelqu'un est fatigué, tout le monde l'encourage pour qu'il continue. À chaque problème, moral ou physique, tout le monde se soutenait.
HM: As-tu eu l'occasion de faire des visites? Si oui, lesquelles ont retenu ton attention?
JO: En deux semaines, nous avons fait plusieurs visites, si je réfléchis bien, nous en avions une par jour, soit à chaque après-midi, car nous faisions nos tâches les matins. Entre autres, nous avons visité des musées sur la révolution, une école d'art, une garderie, un foyer pour femmes enceintes, une maison de la culture, la plage et deux fois la capitale, La Havana. Nous sommes même allés dans un restaurant plus chic à La Havana où on nous a servi des pâtes napolitaines et de la pizza pour ensuite aller assister au coup de canon qui se faisait à 21h dans une genre de forteresse. Nous sommes aussi allés dans deux
ferias.
Une fois à La Havana où c'était un peu plus pour les touristes, mais l'autre fois à Güira de Melena même, et c'était pour les paysans. Cette journée, qui était la dernière, nous étions libres pour visiter la cité avec nos jumeaux Cubains. Moi j'ai eu la chance d'aller visiter la maison de la grand-mère d'un jumeau. C'est là que j'ai eu un petit choc personnel, car je savais à quoi ressemblait l'extérieur des maisons, mais l'intérieur j'en avais aucune idée. C'était très sombre et sale. Par contre, cela ne leur empêche pas de nous accueillir à bras ouverts. J'ai rencontré sa grand-mère et sa tante qui était avec son bébé de 4 mois.
HM: Tu avais visité des parties du Honduras et de la Jamaïque auparavant; as-tu pu observer des éléments de comparaison avec tes précédents séjours en Amérique latine continentale?
JO: Côté comparaison c'est plus difficile, car pour mes voyages au Honduras et en Jamaïque j'étais plus dans des lieux touristiques et je n'avais pas le temps de créer des liens avec les gens. C'est donc compliqué de dire si les gens de Cuba sont plus ou moins accueillants. Par contre, je sais pas si j'ai raison, mais j'ai trouvé le Honduras et la Jamaïque plus riches que Cuba. Peut-être que c'est parce que dans ces deux pays j'étais plus dans des coins touristiques, on sait jamais. Tout ce que je sais, c'est que je n'avais jamais vu un pays aussi "slow motion" que la Jamaïque, haha. À Cuba, si nous avons un problème, ils s'empressaient de le régler. En Jamaïque, il n'y a jamais de problèmes, la vie est trop belle pour en avoir.
HM: As-tu appris des choses que tu ignorais sur Cuba et la culture cubaine grâce à tes rencontres?
JO: Avant de partir j'en avais déjà une bonne idée. Ce qui m'a le plus marqué, c'est que je croyais entendre parler de Che à tout moment, mais au contraire, José Marti est beaucoup plus populaire.
HM: Ce projet a-t-il répondu à tes attentes?
JO: Ce stage à répondu à beaucoup plus que mes attentes. J'ai amélioré mon espagnol de beaucoup, j'ai renforcé des liens avec mes ami(e)s, j'ai créé des liens avec des personnes avec qui je ne croyais jamais parler, etc. Je peux seulement dire du positif. J'ai cherché à me souvenir si j'ai vécu quelque chose de négatif et sérieusement je ne trouve aucun point!!
HM: Que retires-tu de ce projet concernant ton intérêt pour la coopération internationale?
JO: Haha, LA question. En fait, c'est en faisant ce stage que j'ai réalisé que plus tard, et dans un avenir proche, je ferai des voyages de ce genre. Toute ma vie. Plus jamais je ne vais aller dans un hôtel chic pour faire seulement de la plage et de la piscine. Je voyagerai pour vivre la culture de chaque pays que je visiterai. Vivre la culture et créer des liens! À mon retour j'ai dit à ma mère de chercher des études après mon secondaire qui me feraient étudier pour être capable de voyager comme ça toute ma vie. Mon rêve est de faire le tour du monde en vivant, à chaque voyage, dans une culture différente, pour avoir des sensations de toutes sortes. Tellement j'ai aimé mon expérience, je suis entrain de chercher pour un projet de ce genre à faire durant cet été, mais qui serait pour plus de 2 semaines. Justement, j'ai la semaine de relâche pour trouver le projet parfait!!
HM: Comment a été le retour? As-tu expérimenté un choc du retour?
JO: Mon retour à été très difficile et il l'est encore un peu aujourd'hui. C'est après avoir vu là où tous ces gens vivent et après avoir vu leur façon de voir les choses, on se rend compte qu'ici, au Québec, nous pensons seulement à notre personne. À Cuba, les gens ne jugent jamais et tout le monde s'entraide. Ici, il faut penser 5 fois avant de mettre un gilet pour aller à l'école, pour ensuite se faire juger par tout le monde. Et quand nous avons un problème, c'est démerde toi tout seul. Je m'ennuie vraiment de Cuba: marcher dans la rue et se faire dire "Hola" ou "Buen Día" par chaque personnes dont on croise le regard, même si elle est de l'autre côté de la rue et qu'elle est en pleine discussion. Ici je marche dans la rue, seule, je croise quelqu'un qui marche, seul aussi, et la seule chose qui se passe, c'est que cette personne chercher à éviter mon regard, et quand je la croise elle regarde le sol...
HM: Merci Joanie, je te souhaite un bon retour au pays, et d'autres départs bientôt.
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Entretien réalisé par échanges de courriels, mars 2012.
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Photos: Joanie Ouellet 2012.
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