Au 4e siècle après J.C., les romains, régnant alors sur un vaste empire, établirent une station sur un haut promontoire rocheux du nord de la Grande Bretagne.
Quelques 1600 ans plus tard, je prenais la photo ci-haut des vestiges de cette station qui devait prévenir les forces romaines en cas d'arrivée d'un navire hostile sur la mer du nord. Si je me retrouve à cet endroit, c'est bien entendu pour y voir les ruines romaines. Car bien qu'elles soient réduites aux fondations de la station d'observation, des ruines romaines sont toujours un prétexte suffisant pour me rendre dans un lieu historique. Mais dans ce cas précis, il y avait aussi autre chose à découvrir sur le site.
C'est que 700 ans après les romains, un baron local a érigé un château sur le même promontoire. Il ne savait pas, à ce moment-là, qu'il installait son château juste à côté de la station romaine, puisque les vestiges des fondations étaient ensevelis depuis longtemps - de même que ceux d'une chapelle érigée là par les Anglo-Saxons cent ans avant que le baron ne s'y établisse.
William Le Gros, c'était son nom, au baron, dont l'oncle était le légendaire William le Conquérant (connu sous le nom de Guillaume en français, pour une raison que je n'arriverai jamais à comprendre si son nom était William). Le Gros a donc érigé là son château. Ce n'est pas du tout ce que l'on voit sur la photo ci-haut, remarquez, puisque le château de Le Gros... ce n'est pas clair ce qu'il en est advenu.
Car Henry II a fait saisir l'endroit au nom de la couronne. Pendant le règne de son prédécesseur, plusieurs châteaux avaient été érigés sans la permission royale, dont celui du baron Le Gros. Il faut aussi dire que le château de William Le gros était principalement construit en bois. Ce n'est donc pas non plus ça que l'on voit sur les photos, mais plutôt une partie de ce que Henry II y a fait bâtir, en pierre.
Henry a beaucoup dépensé sur la construction de ce château, et d'un gigantesque poste de garde servant aussi de résidence fortifiée à l'intérieur même du château. Selon certaines sources, il aurait dépensé, entre les années 1157 et 1164, 532 livres sterling pour bâtir le château. 150 livres supplémentaires allaient y être investis avant sa mort. (Henry II serait certainement découragé de savoir qu'à Leeds en 2012, une telle somme lui assurerait le loyer d'un petit appartement pour un mois, et non la construction d'un château de pierre en entier, mais c'est une autre histoire; demandez à la jolie fille de la photo).
C'est après 1200 et l'arrivée sur le trône de John que le terrain a été réaménagé et qu'une résidence royale y prend place, accompagnée d'une salle de réception. Ces ajouts et les quelques réparations effectuées au château pendant son règne ne surprendront pas les lecteurs de ce blogue au courant de la réputation de John comme bâtisseur de château. Il aurait dépensé une véritable fortune avoisinant les 15 000 livres sur près de 100 châteaux pendant ses 17 ans sur le trône d'Angleterre.
Ce château aura donc vu passer beaucoup d'histoires, et beaucoup d'Histoire. Situé sur le promontoire et dominant ainsi le paysage, entouré au nord comme au sud par la Mer du Nord, il voit passer les siècles, les guerres et les rois. Richard III sera le dernier à y résider, en 1484 alors qu'il affrontait les Tudors.
Le château est ensuite pris d'assaut par la France, puis l'Écosse, et est aussi l'objet d'affrontements en guise de protestation après la dissolution des monastères par Henry VIII, puis pris par les opposants à Mary I (Bloody Mary) en 1557. Les responsables de cette prise y seront d'ailleurs exécutés pour haute trahison.
C'est en 1645, soit environ 500 ans après sa construction, que le poste de garde du château est irrémédiablement endommagé. C'est la guerre civile, entre les parlementaristes (têtes rondes) et les royalistes fidèles à Charles I. Les parlementaristes auraient tirés un boulet de 60 livres du plus gros canon du pays, installé pour l'occasion dans l'église St.Mary en contrebas du château, démolissant ainsi tout un pan du poste de garde.
367 ans plus tard, ce qui avait résisté 500 ans avant le boulet de canon est encore debout. Et ce sont les ruines de ce château, qui m'ont originalement attiré vers le site où se trouvent également les ruines de la station romaine du 4e siècle.
Pendant ces 367 ans, le château a continué de voir de l'action. Utilisé comme prison dans les années 1660, il a ensuite été conquis par William d'Orange (Guillaume pour les français, il
faudra qu'on m'explique ceci à un moment donné). Puis ses fortifications sont rénovées lors de la révolution des Jacobins en 1745; on ne s'ennuie semble-t-il jamais sur ce promontoire.
Craignant une invasion pendant les guerres Napoléoniques, on y a réinstallé une garnison armée, qui y est resté jusqu'au milieu du 19e siècle, alors qu'a débuté sa vocation d'attraction touristique.
On a alors excavé les fondations de son hall médiéval... mais rapidement, le château allait être endommagé de nouveau, cette fois-ci par les bombardements allemands en 1914 en provenance de deux navires de guerre.
Ayant survécu à bien d'autres guerres auparavant, le château a survécu à celle-ci également, servant même de prétexte à la propagande britannique contre l'empire germanique après son bombardement. On ouvre à nouveau le château, maintenant en ruine, aux visiteurs et dans les années 1920, on y découvre et excave les ruines de la chapelle Anglo-Saxonne et de la station romaine.
Appartenant toujours à la couronne d'Angleterre, le château est aujourd'hui un agréable endroit à visiter, le large promontoire sur lequel il domine le paysage étant encore vierge de toute autre construction. On peut y marcher le long de la falaise rocheuse faisant face aux deux baies (nord et sud) de la mer du Nord encerclant Scarborough en contrebas, y admirer les ruines romaines, la chapelle Anglo-Saxonne et les vestiges du château érigé originalement au 12e siècle.
C'était l'Esprit Vagabond, au Château de Scarborough, en octobre 2012, pendant ce qui doit être une des périodes les plus calmes de sa longue et tumultueuse histoire.
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