Les Catalans
Dimanche dernier, la Catalogne a élu un nouveau gouvernement (qui sera de coalition, selon toute vraisemblance) où les partis indépendantistes ont une large majorité de sièges et de votes exprimés. Cette élection (anticipée) avait été déclenchée essentiellement sur la base de la préparation d'un référendum sur la souveraineté de la région par rapport à l'Espagne.
Pour le moment, la question nationale catalane n'est pas réglée pour autant, même si le référendum est éventuellement tenu et que l'indépendance est supportée par la population, puisque la constitution espagnole pose un problème légal; Madrid ne reconnaît même pas la légitimité de tenir un référendum sur cette question et a annoncé que le gouvernement central ne reconnaîtrait pas le résultat, peu importe celui-ci.
Les Écossais
Plus près de moi, au Royaume-Uni, un autre référendum sur la souveraineté sera tenu, cette fois-ci, à l'automne 2014. Et contrairement à celui de la Catalogne, le référendum sur l'indépendance de l'Écosse est déjà validé en tant que processus par le gouvernement de Londres. Cette validation est toutefois récente, et elle est issue d'une ronde de négociation entre Edimbourg et Londres, à l'issue de laquelle un accord sur la portée de la question et des choix a été entériné en octobre dernier. Ici, la plupart des observateurs remarquent que c'est Londres qui a gagné ce premier bras de fer, car c'est la position du gouvernement central qui a prévalu dans l'accord, à savoir que la question soit directe et n'offre qu'une option: complète indépendance ou statut quo (le premier ministre écossais voulait intégrer une sous-question sur l'obtention de pouvoirs supplémentaires dans une Écosse toujours membre du Royaume-Uni, Londres s'est opposé à cette idée).
Les Québécois
Ces deux situations, dans deux pays du globe où j'ai passé pas mal de temps ces dernières années ne sont pas sans rappeler le débat sur l'indépendance du Québec, qui a connu ses hauts et ses bas au fil des décennies sans jamais disparaître du paysage politique (comme en témoigne le récent "débat" sur le drapeau canadien à l'Assemblée Nationale à Québec, qui a toutefois permis de clarifier la positions des 4 partis à la chambre sur la question nationale).
Un film
À ce sujet, je vous réfère à l'excellent documentaire Questions Nationales, des cinéastes Jean-Pierre Roy et Roger Boire et dans lequel les documentaristes explorent justement les mouvements indépendantistes qui existent ailleurs afin d'éclairer ce qui se passe chez nous au Québec (sur le site officiel, on peut visionner une bande-annonce, de même que des extraits sur l'Écosse et la Catalogne). On parle ici d'une démarche plus éducative que militante, le propos du film n'étant pas de vous convaincre de faire l'indépendance, mais d'explorer la question, en observant ce qui se passe ailleurs, quand cet ailleurs est représentatif de notre situation. Ainsi, les similitudes entre les mouvements catalans, écossais et québécois sont absolument frappants. Je retiens surtout certains témoignages de gens (en Écosse comme en Catalogne) qui ont un discours (fédéralistes comme indépendantistes) que l'on peut également entendre - presque mot pour mot dans certains cas - au Québec.
Une déclaration
On se rappellera également les déclarations de Michael Ignatieff concernant l'Écosse (et le Québec) à la BBC; ces déclarations avaient fait réagir pas mal de monde au Québec et au Canada en avril dernier.
Ceci ne signifiait aucunement que Ignatieff était en faveur de cette indépendance - contrairement à ce que tout un chacun a affirmé en hurlant à la traîtrise lors de la diffusion d'un segment de son entretien avec la BBC écossaise. Il a d'ailleurs réaffirmé son dévouement au fédéralisme canadien en réaction à ses détracteurs. Mais en tant qu'universitaire et observateur politique, Ignatieff établissait une évidence; à savoir que de facto, le Québec, comme la Catalogne et même l'Écosse, ne sont peut-être pas des pays souverains pour le moment, mais leur grandissante autonomie à tous les niveaux (et une langue distincte dans deux des trois cas cités) faisaient en sorte que leur souveraineté devenait en réalité de plus en plus inévitable à moyen ou long terme.
Et ceci n'est pas sans rappeler - ironiquement diront certains - que le Canada lui-même a gagné son indépendance* de la couronne britannique absolument de la même manière, c'est à dire petit à petit.
Conclusion ouverte
Évidemment, il y a des différences entre les trois situations; notamment le fait que la Catalogne soit la région la plus riche de l'Espagne, par exemple, ou le fait qu'au Royaume-Uni, ce ne soit pas les États qui aient la propriété des ressources naturelles (l'Écosse gagnerait contrôle sur les redevances pétrolière, par exemple, qui sont actuellement versées à Londres, si j'ai bien compris leur système). Pour ceux qui sont intéressés à creuser ces questions, on peut déjà remarquer deux parallèles sur lesquels je conclus cette courte réflexion:
1. Point négatif pour le Québec: Au Québec, contrairement à la Catalogne, on adopte le discours de la province pauvre.
Notes: La CAQ est devenue spécialiste de la question et n'a presque parlé que de ça depuis sa création (à part la parenthèse sur l'intégrité pendant les élections). On note également que les analystes fédéralistes oublient toujours d'inclure les subventions et avantages fiscaux aux pétrolières et gazières de l'ouest ou le sauvetage de l'industrie de l'automobile de l'Ontario quand vient le temps de calculer quelle province "paye" ou "reçoit" le plus du fédéral. Ce point est donc certainement moins négatif qu'il ne le paraît.
2. Point positif pour le Québec: Contrairement à l'Écosse, on a la propriété de nos ressources.
NOtes: Toutefois, si on regarde le genre de transactions/redevances que l'on fait sur celles-ci, on ne peut guère parler de propriété ou de contrôle sur ces ressources. Comme ça ne changera visiblement pas sous le gouvernement Marois malgré les promesses électorales, on ne peut même pas prétendre que ce contrôle inexistant était le fait de partis de centre-droite. La poursuite éventuelle d'une compagnie gazière américaine contre le moratoire sur la fracturation hydraulique est une preuve de plus de cette illusion de propriété/contrôle des ressources. Ce point apparaît donc moins positif (et donc moins pertinent sur la question nationale) qu'il ne le paraît.
--
Note: Je me suis concentré ici sur la Catalogne et l'Écosse pour des raisons évidentes d'actualités européennes que j'ai pu suivre lors de mes séjours; on pourrait ajouter à cela les très nombreux mouvements souverainistes qui émergent inévitablement dans à peu près tous les pays qui regroupent diverses 'nations'.
--
* Même si le Canada est encore à ce jour une monarchie constitutionnelle et que son chef d'État est toujours la Reine d'Angleterre.
Dimanche dernier, la Catalogne a élu un nouveau gouvernement (qui sera de coalition, selon toute vraisemblance) où les partis indépendantistes ont une large majorité de sièges et de votes exprimés. Cette élection (anticipée) avait été déclenchée essentiellement sur la base de la préparation d'un référendum sur la souveraineté de la région par rapport à l'Espagne.
Pour le moment, la question nationale catalane n'est pas réglée pour autant, même si le référendum est éventuellement tenu et que l'indépendance est supportée par la population, puisque la constitution espagnole pose un problème légal; Madrid ne reconnaît même pas la légitimité de tenir un référendum sur cette question et a annoncé que le gouvernement central ne reconnaîtrait pas le résultat, peu importe celui-ci.
Les Écossais
Plus près de moi, au Royaume-Uni, un autre référendum sur la souveraineté sera tenu, cette fois-ci, à l'automne 2014. Et contrairement à celui de la Catalogne, le référendum sur l'indépendance de l'Écosse est déjà validé en tant que processus par le gouvernement de Londres. Cette validation est toutefois récente, et elle est issue d'une ronde de négociation entre Edimbourg et Londres, à l'issue de laquelle un accord sur la portée de la question et des choix a été entériné en octobre dernier. Ici, la plupart des observateurs remarquent que c'est Londres qui a gagné ce premier bras de fer, car c'est la position du gouvernement central qui a prévalu dans l'accord, à savoir que la question soit directe et n'offre qu'une option: complète indépendance ou statut quo (le premier ministre écossais voulait intégrer une sous-question sur l'obtention de pouvoirs supplémentaires dans une Écosse toujours membre du Royaume-Uni, Londres s'est opposé à cette idée).
Les Québécois
Ces deux situations, dans deux pays du globe où j'ai passé pas mal de temps ces dernières années ne sont pas sans rappeler le débat sur l'indépendance du Québec, qui a connu ses hauts et ses bas au fil des décennies sans jamais disparaître du paysage politique (comme en témoigne le récent "débat" sur le drapeau canadien à l'Assemblée Nationale à Québec, qui a toutefois permis de clarifier la positions des 4 partis à la chambre sur la question nationale).
Un film
À ce sujet, je vous réfère à l'excellent documentaire Questions Nationales, des cinéastes Jean-Pierre Roy et Roger Boire et dans lequel les documentaristes explorent justement les mouvements indépendantistes qui existent ailleurs afin d'éclairer ce qui se passe chez nous au Québec (sur le site officiel, on peut visionner une bande-annonce, de même que des extraits sur l'Écosse et la Catalogne). On parle ici d'une démarche plus éducative que militante, le propos du film n'étant pas de vous convaincre de faire l'indépendance, mais d'explorer la question, en observant ce qui se passe ailleurs, quand cet ailleurs est représentatif de notre situation. Ainsi, les similitudes entre les mouvements catalans, écossais et québécois sont absolument frappants. Je retiens surtout certains témoignages de gens (en Écosse comme en Catalogne) qui ont un discours (fédéralistes comme indépendantistes) que l'on peut également entendre - presque mot pour mot dans certains cas - au Québec.
Une déclaration
On se rappellera également les déclarations de Michael Ignatieff concernant l'Écosse (et le Québec) à la BBC; ces déclarations avaient fait réagir pas mal de monde au Québec et au Canada en avril dernier.
Ceci ne signifiait aucunement que Ignatieff était en faveur de cette indépendance - contrairement à ce que tout un chacun a affirmé en hurlant à la traîtrise lors de la diffusion d'un segment de son entretien avec la BBC écossaise. Il a d'ailleurs réaffirmé son dévouement au fédéralisme canadien en réaction à ses détracteurs. Mais en tant qu'universitaire et observateur politique, Ignatieff établissait une évidence; à savoir que de facto, le Québec, comme la Catalogne et même l'Écosse, ne sont peut-être pas des pays souverains pour le moment, mais leur grandissante autonomie à tous les niveaux (et une langue distincte dans deux des trois cas cités) faisaient en sorte que leur souveraineté devenait en réalité de plus en plus inévitable à moyen ou long terme.
Et ceci n'est pas sans rappeler - ironiquement diront certains - que le Canada lui-même a gagné son indépendance* de la couronne britannique absolument de la même manière, c'est à dire petit à petit.
Conclusion ouverte
Évidemment, il y a des différences entre les trois situations; notamment le fait que la Catalogne soit la région la plus riche de l'Espagne, par exemple, ou le fait qu'au Royaume-Uni, ce ne soit pas les États qui aient la propriété des ressources naturelles (l'Écosse gagnerait contrôle sur les redevances pétrolière, par exemple, qui sont actuellement versées à Londres, si j'ai bien compris leur système). Pour ceux qui sont intéressés à creuser ces questions, on peut déjà remarquer deux parallèles sur lesquels je conclus cette courte réflexion:
1. Point négatif pour le Québec: Au Québec, contrairement à la Catalogne, on adopte le discours de la province pauvre.
Notes: La CAQ est devenue spécialiste de la question et n'a presque parlé que de ça depuis sa création (à part la parenthèse sur l'intégrité pendant les élections). On note également que les analystes fédéralistes oublient toujours d'inclure les subventions et avantages fiscaux aux pétrolières et gazières de l'ouest ou le sauvetage de l'industrie de l'automobile de l'Ontario quand vient le temps de calculer quelle province "paye" ou "reçoit" le plus du fédéral. Ce point est donc certainement moins négatif qu'il ne le paraît.
2. Point positif pour le Québec: Contrairement à l'Écosse, on a la propriété de nos ressources.
NOtes: Toutefois, si on regarde le genre de transactions/redevances que l'on fait sur celles-ci, on ne peut guère parler de propriété ou de contrôle sur ces ressources. Comme ça ne changera visiblement pas sous le gouvernement Marois malgré les promesses électorales, on ne peut même pas prétendre que ce contrôle inexistant était le fait de partis de centre-droite. La poursuite éventuelle d'une compagnie gazière américaine contre le moratoire sur la fracturation hydraulique est une preuve de plus de cette illusion de propriété/contrôle des ressources. Ce point apparaît donc moins positif (et donc moins pertinent sur la question nationale) qu'il ne le paraît.
--
Note: Je me suis concentré ici sur la Catalogne et l'Écosse pour des raisons évidentes d'actualités européennes que j'ai pu suivre lors de mes séjours; on pourrait ajouter à cela les très nombreux mouvements souverainistes qui émergent inévitablement dans à peu près tous les pays qui regroupent diverses 'nations'.
--
* Même si le Canada est encore à ce jour une monarchie constitutionnelle et que son chef d'État est toujours la Reine d'Angleterre.