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lundi 25 janvier 2016

Dix ans en dix jours et vingt pays (2014)

Plus que deux jours à ce décompte, donc avant-dernier billet du décompte... Il y a deux ans, en 2014, je faisais un retour sur mon premier projet de coopération, en Équateur, justement dix après ce premier projet... puis allait rejoindre mon amie Suze en Turquie.
Deux photos représentant deux moments lourds de sens dans mes récents voyage.


Vallee de los Chillos, Équateur.
Contexte: En visite chez mon amie Evelyn en compagnie de notre ami Léandro non loin de Quito (j'ai connu les deux en 2004 lors de mon premier séjour), nous avons fait une petite randonnée dans un parc et j'ai capté cette photo de Léo et Ariana, la fille de Evelyn.


Place de l'hippodrome, Sultanahmet, Istanbul, Turquie.
Contexte: J'avais rejoint Suze deux semaines plus tôt, et nous avions décidé de passer une semaine à visiter la métropole turque. Le choix de cette photo n'est as innocent: la place de l'Hippodrome, comme beaucoup de lieux que j'ai visité auparavant, a dramatiquement été touchée récemment par des attaques, un événement fort triste pour la Turquie qui n'a pas fait autant les manchette que les attentats de Paris mais qui touchait tout autant "mon" monde personnel.
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vendredi 4 septembre 2015

De réfugiés, de politique, d'une photo et des voyages qui rapetissent la planète.

Comme tout le monde, j'ai été bouleversé, choqué, de voir la photo du petit Aylan Kurdi, gisant sur une plage de Bodrum, en Turquie. Comme tout le monde, je n'arrive pas à croire que les gouvernements de l'occident n'en fassent pas plus pour aider les réfugiés (je refuse de parler de migrants, termes plus général, puisqu'il s'agit ici de réfugiés, qui n'ont clairement pas choisi librement de changer de pays de résidence suite à un projet de vie).
La plupart des gens voient la nouvelle passer sur leur écran de télé ou leur Une de journal ou sur Facebook, puis se disent que la Syrie, c'est à l'autre bout du monde, que ces gens là s'entretuent depuis des années, voir des décennies dans les régions avoisinantes, alors que peut-on faire?
Évidemment, on peut toujours se dire que comme citoyen, on n'y peut pas grand chose, après tout, ces choses-là se décident via des politiques gouvernementales, et sont administrées par la fonction publique, et comme simple citoyen, je ne pouvais pas, par un acte direct, aider cet enfant ou sa famille. Sauf que... sauf que ces politiques gouvernementales, elles sont décidées, votées, par les députés et administrées par les ministres du gouvernement en place. Et le simple citoyen, il vote, au moins. On ne fera pas de cette histoire spécifique une histoire politique canadienne, sauf que... sauf qu'il y a une connexion entre cette famille et les politiques gouvernementales canadiennes. Sauf que la Turquie et Bodrum, ce n'est pas l'autre bout du monde.
Si cette photo m'a interpelé, ce n'est pas seulement par l'échec qu'elle illustre de la compassion humaine, mais parce que ce conflit-là, il faisait déjà partie, indirectement, de ma vie. En effet, la connexion entre la Syrie et la position du gouvernement canadien, entre ma vie et le lieu du conflit, je l'avais abordé dans un billet politique il y a près d'un an.
Sur la mer, entre Bodrum et Kos, mai 2014.
La traversée Bodrum-Kos que la famille du petit Aylan a tenté, je l'ai fait, et dans les deux sens, dans le confort (relatif, on s'entend) que procurent un billet sur un bateau sécuritaire et un passeport qui assure le passage à la frontière de l'Union Européenne. Cette photo, elle a donc été prise dans mon univers, à un endroit où il y a à peine plus d'un an, je prenais moi-même des photos. Et j'ai pu faire cette traversée en toute quiétude, grâce à mon appartenance à un pays occidental. À la chance d'être né du bon bord des choses. Pourtant, ma vie, en tant qu'humain, ne devrait pas valoir plus que celle d'Aylan ou ses parents.
Mais les gouvernements occidentaux en ont décidé autrement.
Pour nous restreindre au gouvernement canadien, ne mentionnons que quatre facteurs: Un. Une politique de limitation de l'immigration qui a fait en sorte que le Canada n'a accueilli qu'un millier de réfugiés syriens depuis le début de 2015, reniant ainsi toute obligation morale d'aider les gens, et préférant les laisser mourir plutôt que d'ouvrir notre frontière. Deux. Une rhétorique pro-Israël à tout crin qui fait en sorte que l'on refuse de considérer des réfugiés musulmans comme on l'a pourtant fait avec des haïtiens ou des kosovars, par exemple, dans le passé. Trois. Une attitude pro-armée qui ne valorise que les attaques et bombardements, attitude guerrière qui fait en sorte que les populations civiles des secteurs visés doivent absolument partir et deviennent des réfugiés. Quatre. Un support au régime de Bachar Al Assad  lors de la révolution en Syrie qui a non seulement permis au conflit de perdurer, mais a aussi été une des causes de l'émergence-même de l'EI.
Or, ce gouvernement canadien, il est élu. Il parle en votre nom. Ailleurs dans le monde, quand le premier ministre ou un ministre parle, il le fait en votre nom. J'arrêterai ici la partie politique du billet en mentionnant que nous sommes justement en campagne électorale, donc en période où nous devons choisir qui nous mettons à la tête du pays, qui décidera de (et administrera) nos politiques canadiennes. Qui parlera en notre nom. Votre vote, et bien il compte, et pour des millions de gens, parmi eux des centaines de milliers de réfugiés, ce vote, il peut représenter la vie ou la mort.
Enfin, ce gouvernement canadien, tel qu'il est depuis une décennie, joue beaucoup sur la peur; et plusieurs semblent lui donner raison quand je vois les nombreux relais d'histoires de peur concernant les étrangers, les arabes (ou les musulmans), passer sur les pages Facebook et relayées par des connaissances qui n'ont jamais rencontré beaucoup d'étrangers, d'arabes (ou de musulmans) dans leur vie. Pour moi, qui ne suis jamais allé en Syrie, ce pays est représenté dans ma vie par la chroniqueuse et journaliste Rima Elkouri, une femme admirable pour sa grande intelligence et son écriture fine et juste, ainsi que par un homme qui tient boutique sur l'avenue du Mont-Royal et chez qui j'achète des noix et fruits séchés, un homme d'une gentillesse exemplaire avec ses clients. Je me demande bien pourquoi j'aurais peur!
Rima Elkouri se demandait justement, dans sa chronique d'hier :
«Comment en est-on arrivé à parler des réfugiés qui meurent comme de simples statistiques? Comment en est-on arrivé à accepter en haussant les épaules que des victimes de la guerre meurent chaque jour en mer? Comment en est-on arrivé à trouver normal d’ériger des murs et des barbelés devant leur seul espoir?»
Moi, j'ai envie de lui répondre que je ne trouve pas ça normal, que je trouve horrible et sans coeur la position actuelle du Canada, que j'espère que ce pays va assumer ses responsabilités morales et ouvrir ses frontières pour accueillir sa part (et plus) de réfugiés issus de ce conflit.
Et j'ai envie de lui dire que je suis contre les murs.
La seule manière de dire ça, et d'être entendu, ça reste de garder l'esprit ouvert, de se méfier des marchants de peur, de voter pour des gens responsables et humains, et de ne pas rester indifférent,
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dimanche 19 octobre 2014

Quand la nouvelle devient trop complexe pour les nouvelles, que penser?

Dans l'actualité locale québécoise et canadienne cette semaine, on retrouve la question de l'implication du pays dans la réaction aux actions de l'EI au Moyen-Orient. Personnellement, mon réflexe est de tenter de comprendre suffisamment la situation pour me faire une opinion quand à la participation du Québec et du Canada à la réaction internationale (1).
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Mon intérêt pour le conflit EI/Irak/Kurdes/Syrie découle de deux origines.
La première, c'est que je voyage, et qu'en le faisant en indépendant, je ne retrouve pas dans des enclaves touristiques bien léchées et externes aux villes ou populations locales. Ainsi, règle générale, je me retrouve dans le vrai monde, même si dans ce vrai monde, je visite souvent des lieux ou sites historiques ou d'intérêt touristique. C'est comme ça que j'ai souvent été - sans même le rechercher - témoin de manifestations, d'affrontements légers, ou de mouvements citoyens lors de mes voyages.
Ces voyages ont un autre effet - à part me faire voir le reste du monde tel qu'il est lorsque j'y mets les pieds - ils rapetissent ma planète. Quand on parle d'événements qui touchent directement un pays où je suis allé, la nouvelle m'interpèle personnellement, et pas qu'à un niveau humaniste ou politiquement intéressé, mais à un niveau vraiment personnel, puisque ces lieux font désormais partie de moi, de ma vie, des éléments qui font qui je suis.
La seconde origine vient de centaines de textes de sciences politiques que j'ai eu l'occasion (et le privilège) de lire dans les cinq dernières années, par l'accès aux revues scientifiques sur le sujet dont j'ai pu profiter via les études de ma conjointe. Pour un lecteur intéressé, avoir accès à des milliers de publications donne le vertige, mais procure aussi des lectures approfondies et de qualité supérieure à l'information qui nous est généralement accessible au quotidien.
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Je n'ai jamais mis les pieds en Irak, ni en Syrie, ni même dans la région que l'on pourrait appeler le Kurdistan (pour peu que l'on en reconnaisse l'existence qui chevauche quatre pays). Pourtant, j'ai récemment fait un court séjour en Turquie, où j'ai entre autres exploré le sud-ouest, à gauche sur la carte suivante: (Izmir, Soke, Bodrum et l'île grecque de Kos apparaissent sur la carte). Mon ami et compagnon de voyage Istvan s'est rendu jusqu'à Konya avant que je le rejoigne à Selçuk.


Les combats actuels les plus intenses se déroulent à Kobané (point rouge sur la carte), à la frontière entre la Syrie et la Turquie.
Je me sens donc interpelé par cette proximité à ma planète personnelle (l'univers que j'ai visité), mais aussi par la complexité des enjeux et acteurs du conflit, qui dépassent tout ce que les médias arrivent à nous transmettre. Je ne jette pas la pierre aux médias (et encore moins aux journalistes), c'est leur modèle d'information qui est en cause; il est absolument impossible d'expliquer ce conflit en topos de deux minutes ou en articles de 500 mots.
Si on se limite en plus aux informations en français (ou une seule langue, peu importe laquelle), les dossiers approfondis deviennent plus difficiles à dénicher.
Il est pourtant clair que le laisser-faire international dans la crise/rébellion syrienne a permis l'avènement de cette situation (et sa perte de contrôle), comme l'a fait l'intervention stupide (et ratée) des américains en Irak en 2003 et l'abandon du pays à son sort par la suite. Il semble aussi évident que la situation conflictuelle des kurdes en Turquie ait été sous-estimée et c'est peut-être cette situation qui permet le mieux d'illustrer, comme un microcosme du conflit global, la complexité de ce dernier.
Doit-on aider son ennemi - et même l'armer - pour combattre un pire ennemi commun au risque que notre ennemi se serve ensuite de ces armes contre nous? (2)
Question intéressante et représentative de la complexité de ce conflit.
En effet, le gouvernement turc se retrouve avec un dilemme difficile (voire impossible) à résoudre: Si elle aide à combattre l'EI (la Turquie condamne évidemment les actions de l'EI), elle renforce la position de son "ennemi intérieur" (qui combat la Turquie pour les droits des kurdes de ce pays et prône la création d'un état indépendant kurde). Et on ne parle pas ici de simple débat d'idées, ici, mais bien de combats, de mouvements d'armes, d'implication militaire (ne serait-ce que pour offrir un corridor humanitaire sécurisé).
Je n'ai évidemment pas la prétention de vouloir expliquer cette complexité ici, mais j'ai pour ambition de comprendre suffisamment la situation pour me faire une opinion quand à la participation du Canada à la réaction internationale.
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Si jamais la chose vous intéresse aussi, si vous aimeriez mieux comprendre ce qui se passe et pourquoi il est délicat et difficile de décider si on doit intervenir (et qui doit le faire, et comment), je vous suggère quelques pistes de lecture ici bas. Certains passages aident également à comprendre la responsabilité historique des pays de l'occident dans la situation, qui remonte au partage des restes de l'empire ottoman parmi les puissances coloniales à la fin de la première guerre mondiale.
Et comme on nous parle surtout de terroristes (3) quand on aborde la question des conflits aux Proche-Orient et au Moyen-Orient, il est toujours pertinent de rappeler que les héros des uns sont les terroristes des autres (et vice-versa) alors que la question est nécessairement plus complexe que ça; les échecs des interventions américaines dans leur guerre au terrorisme sont là pour nous le rappeler. L'actuelle situation en Irak vient douloureusement hanter nos voisins amateurs de solutions armées, au moment où ils frappent à notre porte pour les aider et les soutenir. Est-ce une bonne idée de le faire, et de la manière choisie par le gouvernement canadien?
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Notes:
(1) Actuellement, l'engagement du Canada découle d'une motion approuvée par le parlement canadien (majorité du gouvernement Harper qui a aussi imposé le bâillon) le 7 octobre dernier selon laquelle le pays s'engage dans des frappes aériennes (jusqu'à six mois) sans qu'il ne soit question de participer à des opérations terrestres. On apprend par contre que le mandat est plus large et comprend la fourniture d'armes à "des alliés dans le nord de l'Irak" (source: Radio-Canada ).
L'opposition officielle s'est prononcé contre ce plan d'action du gouvernement Harper, que le NPD qualifie d'improvisé et mal défini. L'opposition propose plutôt une réponse humanitaire (source: NPD).
La seconde opposition à Ottawa n'a pas non plus appuyé l'initiative du gouvernement Harper, mais ses propos sont ambigus, et le député Marc Garneau a déclaré qu'une fois la mission débutée, son parti appuierait les soldats canadiens (sources: PLC et deux articles du journal Le Devoir.
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(2) La question se pose pour la Turquie en ce moment, mais la même question s'applique à plusieurs des interventions américaines au Moyen-Orient (voir la guerre Iran-Irak, par exemple).
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(3) Gérard Chaliand rappelle d'ailleurs que «Les succès du terrorisme, à proprement parler, en Occident au cours des années qui ont suivi les attentats du 11 Septembre sont quoi qu’on dise très limités. On est loin des perspectives apocalyptiques annoncées par Oussama Ben Laden il y a une douzaine d’années. Nuisance coûteuse, le terrorisme international reste un phénomène surtout psychologique dont les médias garantissent le retentissement démesuré par rapport à ses effets physiques» (dans "Les jeux de l’échiquier au Proche et Moyen-Orient", NAQD, 2014, 31, p.83-93).
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Références - Médias traditionnels:
Trois articles sur la situation de la Turquie:
La Turquie veut-elle vraiment la paix avec les Kurdes? (France24)
Turquie : "Les Kurdes risquent de se retourner contre nous" (France24)
Pourquoi la Turquie ne vient-elle pas au secours des Kurdes? (Le Devoir)
Syrie:
Même si elle date de 2012, cette carte de l'opposition syrienne (et le court texte qui se retrouve au bas de la page) est intéressante et permet de saisir un peu mieux l'origine et la complexité de cette opposition au régime (Radio-Canada).
Le Kurdistan:
Une page Wikipédia qui résume assez bien l'histoire contemporaine de la région, en plus de détailler les grandes lignes du nationalisme kurde par pays. Ceci permet entre autres de saisir l'origine des kurdes syriens et leurs liens avec les kurdes turcs, en plus de comprendre que l'opposition entres kurdes de Turquie et le gouvernement turc remonte à la création même de la Turquie.

Références - Revues scientifiques:
Nationalisme kurde:
Les paradoxes du printemps kurde en Syrie, dans Politique Étrangère (2014/2, été, p.51-61)
Les Kurdes et l’option étatique, dans Politique Étrangère (2014/2, été, p.15-26)
Syrie:
La reconfiguration des espaces transfrontaliers dans le conflit syrien, Analyse Noria, février 2014 - disponible en ligne.
Le «cavalier seul» des Kurdes de Syrie, sur Orient XXI (un média intermédiaire entre journalisme et articles académiques) - mars 2014, article disponible en ligne.
La question kurde et la guerre civile syrienne (sur un carnet d'accompagnement de la recherche "Le Proche-Orient et la crise syrienne - paradigmes en débat") - disponible en ligne.
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mardi 17 juin 2014

Artemision de Selçuk: vestiges d'une des sept merveilles du monde antique

Voici un site qui a été une très belle surprise pour moi. Non pas qu'il soit particulièrement bien préservé ou qu'il comporte encore des structures spectaculaires, rien de tout cela à l'Artemision.


En réalité, il ne reste que quelques vestiges de fondations, et des fragments de colonnes qui ont été ré-empilées pour former deux structures.
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J'ai toujours cru que des sept merveilels du monde antique, seule la pyramide de Khéops était encore debout. Si cette information est véridique, on sait tout de même où se trouvaient quelques autres merveilles, et même si à peu près rien ne demeure du Temple d'Artémis original érigé près d'Éphèse, c'est tout de même incroyable de se trouver là où se tenait une des sept merveilles du monde antique, non?


Ainsi, le visiteur n'a pas grand chose à se mettre sous la dent (ou sous la caméra) à l'Artemision, outre le fait de savoir où il se trouve au moment où il contemple les vestiges en question.


S'il ne reste à peu près rien du Temple d'origine, c'est évidemment qu'après sa destruction (par un incendiaire qui désirait que son nom passe à la postérité), une partie des pierres a été utilisée pour ériger d'autres édifices - comme la Basilique St-Jean à Selçuk, un kilomètre en arrière (voir première photo)... et que le site n'a été redécouvert qu'en 1869 par des britanniques... qui ont donc ramené au Brittish Museum les rares artéfacts sculptés ayant survécu dans les ruines.


Un tout petit site, dont j'ignorais originalement l'emplacement exact. J'ignorais même que l'on en connaissait l'emplacement exact, et sa découverte a donc été une belle surprise de voyage.
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vendredi 13 juin 2014

On croise toujours plus d'évangélistes qu'on imagine...

Lors de mon arrivée à Selçuk en Turquie, j'avais publié un court billet mentionnant que j'étais tombé sur le tombeau d'un second évangéliste en trois jours.
Je parlais alors des restes de Jean l'évangéliste, mort à Éphèse (où il aurait écrit son évangile), et dont le tombeau avait été placé dans la basilique St-Jean, aujourd'hui en ruine, sur une colline de Selçuk.
Ruines de la basilique St-Jean; tombeau de l'évangéliste,
à droite. Selçuk, Turquie.
Je croyais alors qu'il succédait, dans mon voyage, à Marc l'évangéliste, dont le tombeau a été volé près d'Alexandrie en l'an 828 et installé à Venise, dans une basilique construite à cette fin. Note intéressante, toutefois, en 1968, Paul VI aurait rendu les reliques au Caire, mais à Venise, on continue de prétendre qu'on les a conservées et que seules des reliques de contact auraient été remises au Caire.

Basilique St-Marc de Venise, Italie.
Ce que je n'avais pas réalisé, c'était que j'avais croisé les restes d'un autre évangéliste dans ce voyage, avant Marc. En effet, originalement, le tombeau de Luc l'évangéliste, avait été déplacé de Patras à Constantinople (Istanbul, où je suis passé entre Venise et Selçuk, mais sans visiter le site de l'ancienne église ayant abrité le corps de Luc). Par contre, les reliques ont été dispersées après la chute de Constantinople. Ainsi, si certaines se sont retrouvées à Rome, d'autres étaient à Padoue (dans un reliquaire de la Basilique Ste-Justine), voisine du Prato della valle, où j'ai pris une pause repas avec mes parents avant notre trajet vers Venise.

Prato della valle, Padoue, Italie.
Évidemment, j'aurais pu faire mieux, si mon voyage en Italie m'avait mené plus au sud, à Salerne, où reposerait Mathieu l'évangéliste, son corps y ayant été transféré après sa mort en Éthiopie. Je me suis tout de même approché de quelques km de ce 4e évangéliste, puisque par un hasard amusant, le train de banlieue qui m'a mené de Naples à Pompéi avait comme destination ultime la ville de Salerne, à quelques km à peine de Pompéi.
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Je m'en voudrais de terminer ainsi ce pèlerinage imprévu sans mentionner un tombeau qui, dans la chrétienté est encore plus important que ceux des évangélistes; celui de Marie, mère de Jésus.
En effet, si on en croit Jean l'évangéliste lui-même, «Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère: "Femme, voici ton fils." Puis il dit au disciple: "Voici ta mère." Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui» (ch 19, 26-27).
Ainsi, Marie aurait terminé sa vie... à Éphèse et le tombeau de Marie, mère de Jésus, serait près d'Éphèse et Selçuk, puisqu'elle y a accompagné Jean, à qui Jésus l'avait confié.
(Ça serait aussi pour cette raison que l'église érigée au 3e siècle non loin du théâtre d'Éphèse porte le nom de Ste-Marie).
Chemin marqué d'une statue dorée, menant au tombeau de
Marie, près d'Éphèse, Turquie.
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jeudi 12 juin 2014

Lettre de l'Esprit Vagabond aux Éphésiens

[Note: Le jeu de mot du titre est de moi, cette fois, et l'idée n'est évidemment pas de froisser qui que se soit, et encore moins de prêcher quoi que se soit, mais bien un jeu de mot trop tentant pour y résister. Et puis comme ce billet parle d'enseignement, si j'avais eu la patience de l'écrire en vers, j'aurais peut-être poussé la blague jusqu'à l'intituler "Épitre" mais je me suis retenu].
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Amis Éphésiens, je sais bien que votre cité a été abandonnée il y a des siècles et que désormais, personne ne se considère comme éphésiens. De mon point de vue, par contre, je vous considère, vous, archéologues et chercheurs continuant le travail d'excavation et de restauration dans la cité, comme les Éphésiens modernes et m'adresse donc à vous aujourd'hui.


Vous avez pris cette photo en 1967, où on voit une des rues principales, et les vestiges d'un des quartiers résidentiels d'Éphèse, le reste de ce secteur de la cité étant recouvert de végétation. Puis, vous avez découvert que sous le monticule que l'on voit au centre droit de la photo, se cachaient d'autres résidences, que vous avez soupçonné particulièrement bien préservés puisqu'elles auraient été enfouies lors d'un tremblement de terre vers la fin du 3e siècle.


Vous avez ensuite repris une photo après avoir érigé une toiture couvrant 4000 mètres carré de cette surface, afin de pouvoir effectuer les excavations à l'abri des éléments. Ce faisant, vous me fournissez l'opportunité d'expliquer comment ces vestiges nous parviennent grâce à vous, à certains de mes lecteurs incrédules ou néophytes dans ce genre de choses, et je vous en remercie.


Mais je vous remercie surtout de permettre aux visiteurs qui le souhaitent (et qui ne font pas partie de groupes organisés qui évitent ce secteur), d'entrer et de visiter les travaux d'excavations réalisés à ce jour et d'être témoin de votre travail quotidien.


J'ai ainsi pu admirer, grâce à votre travail minutieux, des intérieurs de maison, les décorations, fresques, peintures et mosaïques qui demeurent parmi les mieux préservées de l'époque romaine avec celles des résidences de Pompéi.


La qualité de la préservation, et le travail de restauration est phénoménal et vous permettez là une visite absolument fascinante à tout amateur d'archéologie et d'histoire.


L'ingénieux système de passerelles que vous y avez installé nous permet à la fois d'accéder et de pouvoir admirer la grande majorité des pièces des résidences de cette époque, mais permet de le faire sans risque de détériorer ce site important. Chapeau pour cette organisation.


J'espère que mon enthousiasme vous permettra de garder courage face aux défis qui vous restent encore; j'ai été particulièrement impressionné par le travail de reconstitution des panneaux de marbre et autres éléments décoratifs que vous avez trouvé en miettes. Vous travaillez à juste titre sur ce que l'on pourrait qualifier de plus incroyable casse-tête au monde; des dizaines de milliers de morceaux abîmés, d'une série d'éléments disparates et mélangés, aux représentations usées et auxquels il manque peut-être 20% des morceaux!


Votre travail est inspirant; si j'étais plus jeune, vous voir à l'oeuvre aurait suffit à me convaincre d'étudier dans ce domaine merveilleux et me joindre à votre équipe; comme il doit être stimulant de restaurer (ou même découvrir) ces petits oiseaux et les ramener à la vie après plus de 1500 ans d'enfouissement grâce à vos potions magiques!


Et que dire des mosaïques des planchers que vous êtes arrivés à découvrir quasi intactes!


L'ensemble des pièces et péristyles que vous nous offrez lors de cette visite donne un aperçu enchanteur de la vie à Éphèse à l'époque romaine; une expérience quasi unique au monde et qui est définitivement inoubliable.


Les quelques indications fournies - comme celle identifiant cette salle des muses - permettent d'apprécier à leur juste valeur ces artéfacts inestimables.


Je vous remercie donc chaleureusement, chers Éphésiens, pour ce travail monumental ainsi que pour votre accueil qui a été fort apprécié. Un jour viendra où vous aurez accompli la restauration des vestiges des 62 pièces que comportent ce secteur. Je vous encourage donc à continuer votre oeuvre, qui fait revivre la cité de vos ancêtres.
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Note: ce billet fait suite à un autre, consacré au site archéologique de la cité d'Éphèse, où se situe les vestiges de ce quartier résidentiel.
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L'Esprit Vagabond et l'appeau d'Éphèse

[Note: Le jeu de mot du titre n'est pas de moi, il me vient de mes souvenirs d'enfance, faisant d'Éphèse une cité dont je connaissais l'existence depuis bien longtemps avant mon intérêt pour l'histoire romaine et l'archéologie. On peut donc dire que voir Éphèse est une sorte de vieux rêve d'enfance, étrangement. Enfin, ce jeu de mot est évidemment bien connu de ceux qui ont été en contact avec la BD dont il est issu].
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Lors de mon passage à Éphèse, il y a quelques semaines déjà, je n'avais pas vraiment le temps d'écrire un billet détaillé sur ma visite, ni le temps de faire un tri parmi les plus de 200 photos que j'y ai pris. Je prends donc un moment afin de décrire ma journée à Éphèse, et illustrer par quelques photos ce merveilleux site archéologique témoin d'une des plus belles cités gréco-romaines que j'ai pu voir dans mes voyages.


Pour les néophytes, mentionnons seulement qu'Éphèse a été visitée tour à tour par Alexandre le Grand, St-Jean (l'Évangéliste) et que St-Paul y a habité (et y a été emprisonné) une cinquantaine d'années plus tard. Marcher dans Éphèse, ancienne capitale romaine d'Asie, c'est donc poser ses sandales sur un sol qui en a vu d'autres, et représente une visite chargé d'un historique impressionnant.


Le site d'Éphèse est souvent considéré comme l'un des meilleurs endroits au monde - sinon le meilleur - pour pouvoir contempler comment était la vie dans une grande cité de l'antiquité gréco-romaine. Et en effet, avec Pompéi, c'est une des rares cités encore assez bien préservée et où on peut voir non seulement des édifices majeurs comme les temples ou cet odéon ("petit" théâtre), mais également des quartiers résidentiels entiers.


Le problème avec un tel site, c'est qu'il est populaire, très populaire. Après Istanbul, c'est donc le site le plus visité de la Turquie. Originalement, la ville d'Éphèse était sise en bord de la mer, mais des changements climatiques, secousses sismiques et autres phénomènes ont fait que la côte s'est éloignée au fil des siècles, de quelques kilomètres. Cette relative proximité à la mer explique toutefois l'achalandage du site, puisqu'il est accessible en moins d'une demi-heure de transport aux bateaux de croisières qui parcourent le bassin de la Méditerranée.


Malgré cet achalandage imposant, il y a toujours moyen de visiter Éphèse dans une relative tranquillité aux premières heures à l'ouverture du site, avant l'arrivée des autobus et des groupes débarquant des bateaux de croisière. Il y a ainsi une nette différence sur le site - autant pour son appréciation dans le calme que pour réaliser des photos du site sans qu'il ne soit envahi par le tourisme de masse. J'ai par exemple eu la chance de pouvoir capter des vues du "grand" théâtre d'Éphèse exemptes de visiteurs.


Même chose pour l'édifice devenu l'image classique d'Éphèse; la façade de la Bibliothèque de Celsus, monumentale et abondamment décorée de sculptures et bas reliefs. La bibliothèque est définitivement l'un des édifices les plus beaux et élégants de l'époque romaine encore debout. Avoir le privilège de prendre une photo de notre trio de voyageur (en plan éloigné, pour illustrer la grandeur de l'édifice) sans aucun autre touriste aux alentours était une expérience particulièrement agréable. Nous avions l'impression d'avoir le site exclusivement pour nous.


Détails de la façade de la bibliothèque (la statue est une reproduction).


Heureusement, Éphèse était une grande cité et le site est donc vaste, comme on peut le voir sur cette vue où on peut distinguer, tout au fond au centre, la façade de la bibliothèque. Il y a donc de longues rues principales, des quartiers moins visités et quelques édifices où les groupes organisés n'entrent même pas. Malgré l'étendue du site, il n'en reste pas moins très achalandé entre 10h et midi trente ou encore passé 13h30 (la plupart des groupes que nous avons croisé y ont passé apparemment moins de 3h, nous y avons passé la journée).


Autre détail de la spectaculaire façade de la bibliothèque érigée au premier siècle.


Ce genre de site me fait toujours apprécier le voyage en indépendant, quand je vois à quel point les membres de certains groupes passent trop vite sur des sites aussi intéressants, où se voient obligés de suivre un tracé prédéfini et visiter le site aux heures les plus achalandées. La photo ci-haut (ainsi que la suivante) a été captée dans un secteur qu'aucun groupe n'est venu visiter.


Un peu en retrait de la rue principale, mais contenant assez d'espaces et d'artéfacts pour autrement constituer un petit site archéologique en soi, la visite en indépendant nous a permis de profiter de tout ce que le site d'Éphèse avait à nous offrir.


Inscription au-dessus de la triple porte dite de Mazaeus et Mithridates, honorant les gens d'Éphèse, ainsi que Marc-Agrippa, Julia, César et Auguste. En voyant l'inscription, je me suis demandé s'il s'agissait bien du Mithridates qui a maintes fois défié et combattu l'empire romain jusqu'à sa défaite aux mains de Pompée. Dans un cas comme dans l'autre, j'étais content de connaître une partie des références que je voyais là.


Plus haut, je mentionnais la différence entre visiter le site aux petites heures et le visiter après l'entrée du tourisme de masse. Cette photo, et la suivante, illustrent parfaitement cette différence.


Il est évident que toutes les photos des vestiges les plus importants (théâtre, odéon, bibliothèque) n'auraient pas pu être réalisées autrement. Ainsi, plus de 90% des touristes que j'ai croisé à Éphèse ont des photos de la bibliothèque qui ressemblent à celle-ci, plutôt que la précédente. Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, cet élément fait une immense différence sur mon appréciation d'un site.


Sinon, quelques endroits où l'accès est restreint peuvent quand même être photographiés tout au long de la journée sans y voir une masse d'autres visiteurs.


Éphèse est aussi un site frustrant à raconter sur un blogue tel que le mien; le tri des photos est ardu, puisque je voudrais montrer la grandeur (dans les deux sens d'étendue et de majestueux) du site, mais en même temps donner une idée du nombre incroyable de vestiges et de détails qu'on peut y admirer. Ci-dessus, quelques exemples de bas reliefs qui ornent des morceaux de corniches qui trainent dans une espèce de cimetière archéologique près du théâtre et qui constituerait déjà un incroyable musée à peu près n'importe où ailleurs dans le monde.


Comme la ville d'Éphèse était une cité importante, le site couvre essentiellement ce qui en représentait le centre, mais un peu partout aux alentours, on retrouve encore des vestiges, comme ceux de cette église Ste-Marie érigée non loin du théâtre probablement au 3e siècle (les vestiges sont aujourd'hui au milieu de nulle part à quelques minutes de marche d'une des entrées, aucun groupe ne s'y rend). [Détail sur la photo, il y a un beau lézard].


Autre lézard, qui contrairement à la plupart des visiteurs, apprécie l'absence d'ombre et le soleil tapant qui plombe les ruines d'Éphèse. Ils y étaient nombreux, surtout dans les secteurs les moins achalandés, évidemment, mais malgré ma visite de tous les endroits accessibles de la cité, je n'ai pas pu retrouver le mythique appeau d'Éphèse. Hop!
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Note finale sur la pauvreté des visites des groupes organisés: la très très grande majorité des groupes évitent complètement une partie d'Éphèse - ses quartiers résidentiels - qui forment un site à part, avec sa porte et ses billets vendus séparément de ceux du site. Je consacrerai un billet à part à cette partie de la cité qui est certainement, avec Pompéi, le site le plus fascinant qu'on puisse voir sur la vie quotidienne de cette époque.
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mardi 10 juin 2014

Tombeaux des sultans et pillages culturels

Juste à côté de Ste-Sophie à Istanbul, on retrouve les tombeaux de nombreux sultans, dont l'accès est gratuit (il s'agit d'un site religieux et non d'un musée). En plus de pouvoir visiter ces très jolis mausolées, on nous offre un texte sur le pillage culturel effectué par des français et dont la Turquie a été victime.


L'ensemble est composé de 5 mausolées où reposent quelques sultans, leurs femmes et leurs enfants. Chaque mausolée a ses caractéristiques et sa décoration spécifique. Voici quelques images captées dans ces splendides mausolées.

Mausolée de Mehmed III.

Détails; Mausolée de Mehmed III.

Tombeau de Selim II, dont
les décorations du portique ont été remplacées par
des copies par les français (voir ci-bas).

Détail d'un volet de fenêtre; tombeau de Selim II.

Le plus beau des 5 mausolées, celui de Murad III.

Détails: tuiles d'Iznik et volet de fenêtres; tombeau de Murad III.

Dôme décoré d'un coup de crayon partiel;
tombeau des princes (Sehzades).

Le dôme de l'ancien baptistère de Ste-Sophie,
converti en mausolée pour recevoir les tombes des sultans
Mustafa I et Ibrahim.

Vue du parc des tombeaux, voisin de Ste-Sophie.
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Le portique du mausolée de Selim II est décoré de céramiques du 16e siècle considérées comme des chefs d'oeuvre de l'école d'Iznik, une décoration composée de 60 tuiles. Entre 1882 et 1896, les décorations ont été emportées en France sous prétexte d'y être restaurées par des experts. Les français ont plutôt retourné en Turquie des copies qui ont été installées à la place des originaux, lesquels ont été conservé au Louvre sans autorisation. La Turquie a depuis effectué plusieurs demandes pour que la France remettent ces oeuvres originales à leurs place, mais n'a reçu que des refus et qualifie cette affaire de pillage culturel.

L'Esprit vagabond, dans le portique
controversé devant le mausolée de
Selim II. Les tuiles en bas à gauche, près de
mon épaule, sont des copies.
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