(Voir
l'intro de ce premier billet pour le contexte de publication du présent billet).
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Ce quatrième billet portant sur les oeuvres de Antoni Gaudi à Barcelona s'arrête à une des maisons les plus spectaculaires de la ville, la casa Batllo.
Sise sur le
Passeig de Gracià, elle contribue à la domination du modernisme dans ce secteurs de la ville. Pourtant, lors de sa transformation par Gaudi, le quartier était constitué de maisons conventionnelles. Avec l'apparition de quelques édifices modernistes (dont la Casa Amatller), ce pâté de maison à l'architecture mélangée a rapidement obtenu le surnom de
Menzana de la discordia (jeu de mot intraduisible, puisque menzana, qui veut dire pomme ("Pomme de discorde, donc), veut aussi dire pâté de maison, en espagnol.
Comme toutes les constructions de Gaudi, la façade de l'édifice est remarquable par l'absence de lignes ou d'angles droits et l'aspect organique, presque vivant, qui s'en dégage Sur cette photo, notez en ce sens les colonnes en forme d'os, qui forment le squelette du bâtiment. Contrairement à d'autres projets de l'architecte, la maison existait déjà quand il a reçu la mission de la démolir pour reconstruire quelque chose de moderniste à la place, par Josep Batllo, nouvel acquéreur du bâtiment. Gaudi opta plutôt pour transformer l'édifice existant, en ajoutant une façade, deux étages et une terrasse, entre autres éléments.
Dès l'entrée, on perçoit qu'on ne se trouve pas dans une maison ordinaire.
Les courbes dominent, la lumière entre par tous les endroits possibles, la couleur est omniprésente (comme dans ces vitraux dans la façade), Gaudi a réussi à créer tout un ensemble de pièces spacieuses et lumineuses d'un immeuble pourtant dépourvu de fenêtres de côté.
Dans le grand salon, il est parfois difficile de déterminer où commence le mur, ou se termine le plafond, les portes et lampes sont ondulées, les arches paraboliques donnent sur les fenêtres en saillies courbes, ça respire et donne une impression de très grand volume.
Pour profiter au maximum de la lumière naturelle malgré les nombreux étages, Gaudi a aménagé deux puits à l'intérieur de la maison, qui communiquent entre eux par une grande cage d'escalier enveloppant un ascenseur vitré. Les murs de ces puits sont recouverts de céramique captant et réfléchissant la lumière dans des fenêtres intérieures de toute la maison.
Dans la partie arrière donnant sur une terrasse, les portes, colonnes et fenêtres ondulées permettent de passer d'une pièce à l'autre sans trop s'en rendre compte, ou encore de s'isoler d'un petit groupe dans une même pièce, sans qu'aucune des pièces ne comportent de coins.
Vue en plongée d'un des puits, où on remarque l'astucieuse utilisation de la couleur: le bleu est de plus en plus foncé si on monte vers les derniers étages, et les fenêtres intérieures plus étroites, ce qui permet de distribuer également la lumière naturelle, que l'on soit au premier ou au quatrième étage.
Les combles sont là où on voit que Gaudi pensait à tous les aspects de la conception d'un immeuble. Il utilise des passages en arches, avec des côtés ouverts, afin de favoriser l'ensemble de la ventilation dans l'immeuble, sans qu'aucun conduit ne soit nécessaire. Un petit escalier en colimaçon donne aussi accès à une terrasse sur le toit.
La Casa Batllo, vue de la rue, peut parfois évoquer un château médiéval, avec deux tourelles à la mi-hauteur, parfois évoquer une série de masques, avec ses balcons percés, ou encore une gigantesque chauve souris, qui échappe à un dragon... dont le toit évoque en effet la forme, en partie, laissant le reste à l'imagination. Le dos de ce dragon renfermait à l'origine les citernes d'eau de la maison.
Comme pour les autres maisons imaginées par Gaudi, les cheminées sont un élément de décoration en plus d'être utilitaires. Dans le cas de la Casa Batllo, Gaudi a rassemblé toutes les cheminées de la maison en quatre groupes sculpturaux qui ajoutent à la beauté du toit.
À même les combles, un balcon en façade donne une vue splendide du quartier. Sur cette photo, prise de ce balcon, on peut apprécier quelques détails de la mosaïque recouvrant la partie supérieure de la façade.
Détails de la partie intermédiaire de la façade, où Gaudi a installé des céramiques colorées, mais sans couvrir l'ensemble de
trencadis, mais plutôt en évoquant des nénuphars à la manière d'un impressionniste. Les masques (ici les balcons) sont un autre élément souvent présent dans l'architecture de Gaudi. Côté symbolique, c'est encore un riche héritage qu'a laissé Gaudi, puisque certains y voient des crânes (victimes du dragon sur le toit), alors que d'autres y voient l'océan, avec les nénuphars et un serpent de mer sur le toit...
Vue à contre-jour de la tour de la façade, qui se termine, telle une église, par une flèche surmontée d'une croix. Celle-ci, par contre, a quatre branches, qui pointent vers les points cardinaux, et chaque branche se termine par des bourgeons, donnant un air organique à cette représentation religieuse.
La Casa Batllo a été transformée par Gaudi entre 1904 et 1907. On raconte que comme pour quelques uns de ses autres projets, la Casa Batllo n'a pas été très bien perçue par les autorités municipales lors de sa transformation, et qu'elles auraient délivré le permis de construire... en 1913, soit six ans après la fin des travaux! C'est pourtant en visitant cette maison que Milà a décidé d'engager Gaudi pour réaliser la Casa Milà, à quelques coins de rue de la casa Batllo.
Aujourd'hui, la Casa Batllo, tout comme le
Palau Güell, la
Casa Milà, le
Parc Güell et certains éléments de la Sagrada Familia, est classé au patrimoine mondial de l'UNESCO.