vendredi 16 juillet 2010

En visite chez la comtesse

Séville est une ville pleine de surprise.
Je revenais de la buanderie, en faisant un détour par le supermarché El Corte Ingles, lorsque je suis passé devant le Palais de la comtesse de Lebrija. Je n'avais jamais remarqué le palais en question, je n'en avais jamais entendu parler, et dans les deux sources qui me servent de guide de voyage - je viens d'y jeter un oeil - on n'en parle pas.
Il s'agit d'un banal manoir érigé au 16e siècle, et rénové au 19e.
L'affaire devient moins banale quand la comtesse de Lebrija en fait l'acquisition en 1901 et décide de le transformer en véritable palais-musée, activité qui occupera la dame pendant 13 ans. La comtesse est une grande amateure de voyage, d'histoire et d'art, mais surtout d'archéologie; elle rapporte des artefacts de ses voyages, achète des pièces originales de l'époque romaine ou grecque, du mobilier de diverses provenance en Europe, etc. Alors que le site d'Italica n'est pas encore protégé, elle fait l'acquisition de planchers en mosaïque originaux des premiers et second siècles et les fait transporter dans ce qui est aujourd'hui le Palais Lebrija. Elle récupère des morceaux de poterie romaine, mudéjar, arabe, des azulejos, des éléments de décorations morcelées, bref, elle accumule une véritable collection de musée.
Après sa mort, son neveu hérite du palais, puis à sa mort à lui, des cousins et neveux en héritent à leur tour et décident d'en faire un musée.
Ce Musée du Palais Lebrija est une visite des deux planchers du manoir. Le plancher principal est consacré à l'archéologie, et on peut s'y balader librement (à part quelques pièces où les mosaïques d'Italica forment le plancher). À l'étage - les pièces principalement habitées par la comtesse - la visite est guidée et nous fait voir la collection d'art de cet incroyable résidence.


Entrée principale, avec accès au patio central. On remarque tout de suite le style mudéjar et les azulejos muraux.


Azulejo du hall d'entrée. La comtesse était une voyageuse, alors elle a fait faire des peintures sur azulejo représentant les continents qu'elle allait visiter. Ici, l'Amérique.


Couloir du patio central. Plancher de marbre. Vases romains ou musulmans, diverses poteries dans des cabinets vitrés, azulejos muraux, plafonds mudéjars. Certains azulejos datent du 17e siècle et ont été rapportés d'un palais d'Arcos de la frontera, une petite ville située plus au sud.


Patio central. Le plancher est une mosaïque originale du 2e siècle, rapportée d'Italica. Les bustes autres sculptures sont des marbres rapportés d'Italica. Le Palais serait reconnu pour avoir les plus beaux planchers d'Europe. Comme je ne connaissais pas l'endroit, je ne m'attendais à rien de précis. J'y suis entré, et ça a été la surprise totale. Je n'en revenais pas de ce que je voyais là. (Je n'en suis pas encore revenu, en fait).


Les pièces sont souvent décorées de ces planchers d'Italica, et certains murs sont ornés de mosaïques partielles récupérées dans l'ancienne cité romaine. Les sculptures et le mobilier sont des pièces originales. Les colonnes que l'on voit dans la pièce au fond sont également des colonnes de marbres rapportées d'Italica.


Une des mosaïque partiellement récupérée.


Sculptures romaines. Cabinets remplis de morceaux de poteries musulmanes et romaines. Des centaines de pièces originales. Incroyable.


Détail d'un azulejo à plusieurs tableaux. Au centre, on reconnaît Séville, avec la Giralda (centre, désolé du reflet) et la Torre de Oro (droite).


À l'étage, où il est interdit de prendre des photos (hum, mon guide était italien et il m'a autorisé, en autant que ses patron ne nous voyait pas d'en bas, hehehe). Il y a plusieurs salons et pièces thématiques. Salle asiatique, salle baroque française, salle anglaise, etc. Ici, c'est le salon espagnol. Tout y est original. les livres sur les étagères contiennent des illustrations peintes à la main au 16e siècle, l'amusant sofa est portugais (l'exception de la pièce), le paravent date du mariage d'Alfonso XIII (début 20e)... Il n'y a que le plancher (tapis) qui n'ait été ajouté, pour protéger le plancher original en cristal qu'on trouve dans cette pièce.
Dans d'autres pièces toutes aussi somptueuses, on peut admirer des peintures originales (dont un Murillo), des paravents mexicains, des vases en porcelaine de Chine, des plafonds à caisson, des planchers en bois importé de Cuba, des sculptures des Philippines, ainsi que des cabinets, fauteuils et tables d'un peu partout et de plusieurs époques en Europe. La salle à manger comporte un service de porcelaine dont il n'existe que deux exemplaires, le second étant à Buckingham Palace. La bibliothèque, qui contient près de 6000 livres, principalement en français, est orientée vers les ouvrages traitant d'archéologie, d'histoire, de philosophie et de religion.
Nous effectuons la visite de ces pièces, et je ne vois guère de différence entre cette visite et celle de Buckingham, justement, ou des châteaux de la Loire ou  encore de Schönbrunn ou les actuelles pièces d'habitation de la famille royale espagnole à l'Alcazar de Séville. Je me répète: Incroyable.


Détail du plancher du patio central rapporté d'Italica (Dieu Pan, au centre).


En terminant, parmi les collections d'artefacts divers qui se trouvent dans cette incroyable demeure, j'ai même trouvé quelques amis péruviens, entre autres pièces originales d'Amérique latine. J'ai connu des musées d'archéologie qui avaient moins de pièces que ce Palais-Musée et je n'en reviens toujours pas qu'une telle collection ait été accumulée par la comtesse. On parle ici de milliers d'artefacts d'origines variées.
En 1914, à cause de la première guerre mondiale, la comtesse a cessé de voyager. Plus tard, atteinte de conjonctivite, elle a dû abandonner ses sorties à l'étranger et a donc cessé de rapporter des pièces pour sa collection.
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2 commentaires:

  1. Daniel Sernine9:38 AM

    «Incroyable» étant le mot-clé de cette page, je suis quand même allé vérifier si ce palais était aussi méconnu que tu le disais. Rassuré, j'ai vu qu'il ressortait quand même 22,700 fois dans Google en français. L'article «Monuments de Séville» de Wiki le mentionne vers la fin. Quel riche pays, tout de même, quand un musée aussi bien garni passe pour un attrait secondaire.
    Constat plus agréable, devine quelle était la 4e référence offerte par Google à partir des mots «palais Lebrija»?
    L'esprit vagabond!

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  2. Daniel,
    Wow, tu es un rapide! :-)
    Tu as mis le doigt sur ce qui étonne le plus de cette visite: c'est effectivement un attrait secondaire. je l'ai retracé depuis sur la feuille d'information du bureau touristique municipal; il apparaît comme une visite suggérée en seconde page (la page 1 comporte 14 visites).
    Quand à la référence de Google, j'avoue que je n'ai pas à me plaindre de l'indexation de mon blogue!

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