La scène se passe à La Lupe, sur la Calle Real Guadalupe, de San-Cristobal-de-Las-Casas, état du Chiapas, Mexique.
La place offre un excellent 2 x 1 sur sa cerveza Modelo Choppe en fût, en plus d'un menu de comida tipica à prix abordable.
Les tacos de poulet sont à 12 pesos, alors l'Esprit Vagabond ne se gène pas pour profiter de l'occasion pour déguster quelques délices de la gastronomie locale.
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À La Lupe, il y a un bar à salsa et autres condiments pour assaisonner vos tacos, une belle idée qui permet de varier tout en gardant le contrôle de ce que vous mangez.
Après une première expérience plutôt relevée, nous sommes venus à la conclusion que La Lupe préparait une guacamole très piquante, à utiliser avec prudence.
Ainsi, mon premier taco de la soirée a été accompagné d'un soupçon de la guacamole en question, un peu de salsa rouge non piquante, quelques tranches de concombres et radis, un peu de laitue et un morceau de piment.
J'avais commandé deux tacos, et j'ai préparé l'autre à peu près de la même manière, mais avec un peu plus de guacamole - la cuiller a débordé un peu dans mon assiette.
Dès les premières bouchées de tacos, j'ai réalisé que j'avais peut-être exagéré sur la guacamole ce soir. Deux jours plus tôt, l'affaire ne m'avait pas parue aussi piquante. Hum, hum... Quelques bouchées plus tard, j'avais déjà les lèvres et l'intérieur des joues en feu - il faut dire que je n'ai pas une grande habitude de la nourriture trop piquante. J'aime les plats bien assaisonnés et relevés, mais on doit goûter, pas brûler l'ensemble de ses papilles gustatives au passage.
Pour faire une histoire courte, ce taco était brûlant, mais délicieux. J'ai donc attaqué le second, en craignant l'excès de guacamole, mais - surprise - il s'avéra moins brûlant que le premier. L'adaptation, déjà?
Comme ma seconde cerveza était à peine entamée et que les tacos étaient délicieux, j'en ai commandé un troisième. Cetet fois-ci, j'allais être prudent; pas de guacamole piquante.
Je suis passé au bar à condiment, et j'ai pris une tranche de concombre, une de radis, un peu de salsa rouge douce, un quartier de lime, puis j'y suis allé de quatre petits morceaux de piments, en prenant soin d'éviter les grandes tranches de cebolla qui y étaient mêlées - je ne suis pas un amateur d'oignon.
J'ai alors croisé le regard d'un des employés de La Lupe, regard plein de respect envers ce gringo qui assaisonnait ses tacos mexicains.
- Le gusta los habaneros?
- Si. (réponse-réflexe).
Un simple petit commentaire - et ce regard plein de respect - a semé le doute dans mon esprit. Qu'avais-je fait?
Puis, le mot a fait son chemin dans mon esprit et je me suis rappelé de quoi il s'agissait. Habanero.
Je me suis souvenu que lors de mon dernier passage au Mexique, en recherchant une sauce piquante à rapporter à ma soeur Sophie, j'avais pris connaissance de la table simplifiée de Scoville, qui classe les piments par leur force de zéro à 10. Pour vous donner une idée, un poivron est coté zéro, un jalapeno est à 4, le Cayenne à 6... et le habanero est à 10.
Hum, hum.
J'ai rapidement compris pourquoi le gars avait un regard aussi respectueux envers moi avec les quelques morceaux de habanero que j'avais mis dans mon taco.
De retour à ma table, j'ai tout de même attaqué mon taco avec plaisir et confiance. J'ai rapidement conclu à la justesse de mon raisonnement - et à l'imprudence de ma démarche. Même sans guacamole, ce troisième taco était trois fois plus piquant que les précédents! Évidemment, j'avais aussi mis un morceau de piment habanero dans les deux premiers! Quelques bouchées ont suffit pour faire monter quelques larmes et éteindre ma voix l'espace de quelques minutes. Je n'allais pas tousser haut et fort quand même - je ne voulais pas perdre ce respect nouvellement acquis, on a son orgueil.
Deux ou trois lampées de cerveza oscura plus tard, j'ai dû opter pour une solution mitoyenne et retirer de mon taco la moitié des habaneros toujours là.
On m'aurait fait avaler du feu que l'effet aurait été moins fort, je crois bien. La sensation était exactement similaire à une brûlure par le feu, autant pour l'intérieur des joues que pour les lèvres. Expirer cette chaleur - par un réflexe de survie - n'arrangeait rien, semble-t-il, et réchauffait encore plus les lèvres, comme si c'était encore possible.
J'ai habilement camouflé les quelques minuscules coupables sous les restes de mon quartier de lime, et j'ai terminé mon taco contenant l'habanero restant (quand même).
Toujours très très relevé, je dois avouer.
Quinze minutes plus tard, j'en avais encore des larmes aux yeux, mais n'avait pas perdu le contrôle de la situation. Une heure trente plus tard, au moment d'écrire ceci, j'ai la vague impression que certaines de mes papilles gustatives semblent avoir survécu à toute l'affaire - un petit miracle si vous voulez mon avis. Je relaxe en prenant une autre cerveza (une Sol, celle-là, que l'on peut aussi trouver au Québec en importation), question de diluer le plus possible le responsable.
Le plus étrange, c'est que c'était délicieux. Excellent repas. (Évidemment, je ne sais toujours pas si mon système digestif, lui, sera du même avis).
La sensation de brûlure était un peu extrême pour profiter vraiment de l'expérience, mais disons que la prochaine fois, j'irai plus doucement sur les piments non identifiés...
... Ou je me méfierai plus, si jamais je croise à nouveau un regard rempli de respect sur le visage d'un serveur mexicain.
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... suite...
RépondreSupprimerQuelques jours plus tard, de retour de Palenque, nous nous rendons à La Lupe, pour y déguster leurs excellents tacos et leur non moins excellente Modelo Oscura.
Question de ne pas exagérer, j'ai décidé de jouer de prudence au bar à condiment (Suzie adoptant la même stratégie).
J'ai donc garni mes deux tacos de salsa rouge, de concombre et radis.
Après une bouchée, j'ai réalisé que la chose était plus relevée qu'elle n'aurait dû, compte tenu de mes habitudes à La Lupe.
Deux bouchées plus tard, j'avais - une fois de plus! - les lèvres et les joues en feu. Quoi??
J'ai alors repéré quelques noyaux de piments dans la salsa rouge de mon second taco... noyaux que j'ai retiré dès identification: des noyaux d'habanero! Pourtant, lors de mes visites précédentes, la salsa rouge de La Lupe était douce!!
La serveuse est venue nous demander si tout allait bien - Suze avait les joues rouges et dégageait de la chaleur!
- Si, perfecto. Muy rico. Un poco piquante... la salsa roja?
- Ah, si... la mas piquante.
La plus piquante, évidemment... L'humeur du cuisinier lui a fait mettre des habaneros entiers dans la salsa rouge.
Pff, on ne peut plus se fier à personne! :-)
Leçon mexicaine: Ne jamais garnir tous vos tacos avant d'en avoir goûté un!
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