Je ne sais pas pour vous, mais quand je lis des livres comme les thriller politiques de Jean-Jacques Pelletier ou les romans de SF de Daniel Sernine, je trouve leur vision du monde - et du proche avenir - inquiétant, vraiment inquiétant, mais en même temps tellement réaliste, tellement possible... tellement probable, que ça rend les choses encore plus inquiétantes.
On pourrait toujours lire ces romans et se réfugier dans l'idée qu'il s'agit de fiction - et je suis certain que la majorité des lecteurs de Pelletier le font, c'est ainsi beaucoup plus facile de continuer à vivre sa petite vie comme si on n'avait pas eu cette vision de réalité qui dérange.
On pourrait. Sauf que parfois, la réalité - cette chose parfois plus inquiétante que la fiction - rattrape celle-ci avec des échos qui font frémir.
Qui a lu La Suite du Temps de Sernine ne peux pas ignorer la situation des changements climatiques, l'inéluctable destin qui s'en vient et la réponse tellement erronée et inapproprié de l'humanité trop préoccupée par des visions économiques à court terme. (Exemple patent: la plus récente tragédie écologique est issue du dangereux mélange de négligence de la compagnie BP et de règles trop permissives sur les forages en mer, comme l'absence de puits secondaires).
De même, qui a lu Les Gestionnaires de l'Apocalypse de Pelletier ne peux pas ignorer les inquiétantes nouvelles des dernières semaines.
Des exemples? La gestion de la "crise" H1N1 par l'Organisation Mondiale de la Santé, remise en cause par le British Medical Journal : "Selon l'enquête du BMJ, les recommandations de l'OMS sur l'utilisation des antiviraux ont été préparées par des experts nommés comme consultants par les fabricants des antiviraux, Roche et GlaxoSmithKline. Ainsi, lorsque l'OMS a officiellement déclaré qu'il y avait pandémie, d'énormes contrats de vaccins ont été signés". (1)
Mieux encore, le "don" de Monsanto aux cultivateurs d'Haïti, décrié par plusieurs comme une mainmise de la compagnie et ses semences hybrides sur l'agriculture d'Haïti alors que d'autres saluent le geste; on se croirait réellement dans le 4e tome de la série de Jean-Jacques, La Faim de la Terre! (2)
Certains d'entre vous auront peut-être aussi vu les nouvelles sur les bananes que vous mangez aujourd'hui mais dont vous devrez éventuellement vous priver si les choses continuent comme ça.
Enfin, dans le journal du métro du 26 mai, j'ai trouvé cet article (photo de gauche, cliquez pour lire), article qui semble tout droit sorti du dernier roman de la série de Pelletier.
Vous ne trouvez pas inquiétant, vous, de savoir (oui, savoir) que les crises iront en se multipliant, tant du côté climatique, que financier et alimentaire? Moi, oui. Et avec la réalité qui calque les fictions les plus inquiétantes, ce sentiment ne va pas s'améliorer.
Sans y voir la manifestation de théories du complot (ce qui fait autrement de la sacrée bonne fiction), on ne peut s'empêcher de voir les liens entre les divers groupes d'intérêts, formant un désespérant mélange de gouvernements trop à droite, d'intérêts privés les supportant (contrôlant? (2)) et d'électeurs mal informés. Les trop puissantes multinationales (des OGM ou du secteur pharmaceutique), les règles imposées par le FMI, la Banque Mondiale et le Programme Alimentaire Mondial auprès des pays grands cultivateurs, les intérêts privés dominant le système financier, les gouvernements négationnistes des changements climatiques (ou pire encore, ceux qui prétendent faire des choses mais ne font rien de concret ni de très utile, comme celui des États-Unis ou du Canada), tout ce beau monde précipite notre perte plutôt que de retarder ou tenter d'éviter le pire.
--
On se demandera peut-être comment je fais pour continuer à vivre ma petite vie à moi, à voyager, à parler de films ou de bières sur mon blogue, malgré tout. Et bien, sans vouloir entrer dans une longue confession philosophique, je dirais simplement que même si le monde s'enfonce lentement mais surement, ma foi, je n'ai pas d'enfants, et rien de mieux à faire en attendant. Ultimement, je ne crois pas pouvoir le sauver, quoi que je fasse, alors je tente de profiter de la vie pendant que j'en ai encore l'occasion, tout simplement.
Paradoxalement, la lecture de Sernine et Pelletier fait partie de ces plaisirs de la vie :-)...
Pourtant, quand les informations s'approchent autant de la fiction, on dirait qu'il est plus ardu de s'accrocher au temps qu'il nous reste sans trouver épouvantable et tellement stupide que les décideurs et tenants du pouvoir aient autant de vues à court terme (3).
--
(1) Le télé-journal de Radio-Canada, 4 juin 2010. Le surlignage en caractère gras est de moi.
(2) L'histoire de cette compagnie, impliquée dans le pharmaceutique, la culture du sucre, les armes nucléaires, les pesticides divers et les OGM, ainsi que la liste de leurs "contacts" politiques, donne froid dans le dos. Et on ne parle ici que d'une compagnie.
(3) Paradoxe ou monde à l'envers - que j'ai déjà soulevé sur ce blogue; ce sont généralement ces gens qui ont des enfants, ce sont eux qui devraient être préoccupés, pas moi!
Sur ta note n°3, Hugues.
RépondreSupprimerEn toute justice, les conscients et les inconscients sont bien partagés entre les stériles et les fertiles.
Par exemple: des sans-enfants (ou des n'auront-pas-d'enfants, compte-tenu de leur âge) qui se foutent complètement de l'avenir de la planète. Cas personnel, mon frère et sa conjointe qui, de Longueuil, viennent travailler à Montréal chaque jour avec deux véhicules, alors que leurs bureaux se trouvent chacun à un coin de rue d'une station de métro (rejoignable sans sortir sous la pliuie, dans un cas).
Exemple inverse: des jeunes gens qui continuent à faire des enfants, et qui sont conscients de tout ça, qui lisent et aiment les romans de Pelletier ou de Sernine, mais qui... je ne sais pas. Qui pensent que leur seau hebdomadaire de compost, leur choix d'une facturation par courriel, leur recours occasionnel au vélo, leur café bio, leur blouse en chanvre ou leurs ampoules fluo-compactes vont faire une différence?
Quant aux riches et puissants qui ont des enfants, mais qui prennent ces décisions entraînant la planète vers le gouffre, une hypothèse possible est qu'ils comptent que leur fortune mettra leurs descendants à l'abri... au prix d'une vie d'assiégés, en environnement contrôlé?
Mystère, grand mystère...
Naguère j'aurais écrit «...mais nous ne serons pas là pour en juger». Sauf que là, chouette, à moins de crever l'an prochain ou en 2012, nous serons là pour assister à tout ça.
Merci Daniel, j'avais effectivement pris un raccourci trop sommaire dans cette dernière note.
RépondreSupprimerEt c'est vrai qu'avant, on pouvait dire qu'on serait mort avant que ça ne dégénère vraiment, mais que maintenant, à moins d'un accident, nous y serons. C'est peut-être cette réalisation qui me dérange et m'inquiète plus qu'avant?