dimanche 6 mai 2012

Crise sociale: Grands médias et réseaux sociaux

Note: Ce billet a été mis à jour le 8 mai 2012, avec une note supplémentaire au bas.
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Une des grandes observations à faire de la crise sociale qui frappe le Québec depuis 3 mois est l'incapacité des grands médias traditionnels à fournir une information complète, calibrée et de qualité. Je ne suis ni un grand utilisateur, ni un convaincu des réseaux sociaux, je n'ai qu'une page restreinte Facebook, une encore plus restreinte sur Google+ et pas de compte Twitter. Pour moi, les réseaux sociaux sont remplis de "bruit de fond" inutile et frivole, la plupart du temps. Pourtant, sans les réseaux sociaux (*), j'ai l'impression que je n'aurais jamais vu la réalité de cette crise; je n'aurais eu que le point de vue restreint qui a été diffusé à la télé et dans les grands journaux. Or ces médias étant ce qu'ils sont (en concurrence, cherchant l'image-choc ou la nouvelle qui frappe), ils ont grandement erré dans leur couverture de la crise sociale.
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Ce billet présente une galerie de coupures de presse, de grands titres, de commentaires issus des réseaux sociaux afin d'illustrer ce que je veux dire par information incomplète, non calibrée et de piètre qualité, que nous a livré l'ensemble des médias traditionnels.


Sous le titre "Conflit étudiant", on parle de violence inquiétante et des manifestations contre le Plan Nord qui ont tourné à l'émeute, mais qui n'étaient pas le fait des étudiants.

J'ai, essentiellement, trois reproches à faire aux grands médias traditionnels;
1) On a été incapable de clairement faire la part des choses entre les casseurs et anarchistes divers qui ont commis des actes criminels et provoqué de la violence, d'une part, et des dizaines de milliers d'étudiants pacifiques qui manifestaient dans le calme, d'autre part. On a associé plus souvent qu'autrement la violence et les étudiants, un biais lancé et souhaité par le gouvernement lui-même, comme le montre la rhétorique du premier ministre et de la ministre de l'éducation. Les médias traditionnels n'ont pas eu le réflexe ni le professionnalisme de questionner cette rhétorique.


Prétexte pour dénoncer les "violences étudiantes": Autre biais; ces premières discussions ne portaient pas sur la hausse des droits de scolarité, malgré le titre de l'article de la PC.


Avec comme entête: "Actualité: Éducation", on relie le conflit étudiant aux barricades, vitrines fracassées, arrestations et chaos.


Titres tirés d'un dossier de La Presse regroupant leurs articles et chroniques sur le conflit étudiant. Le pire est à craindre, trimestre en péril, athlètes inquiets, injonctions non respectées, etc. En exigeant des votes secrets, Jean Charest sous-entend qu'il y a intimidation/violence dans les assemblées... et oublie de mentionner que le vote à main levé est exactement ce qui est utilisé lors des assemblées du Parti Libéral en congrès et dans la plupart des assemblées politiques.

2) Malgré les milliers de photos et les centaines de vidéos tournés par les médias traditionnels, on a été incapable de montrer les images de la brutalité policière (je ne parle pas ici de policiers qui tentent de maîtriser un casseur qui a commis un crime, je parle de brutalité injustifiée). On a été incapable de montrer les abus des troupes policières et des brigades anti-émeutes, qui souvent, ont eux-mêmes provoqué la violence que l'on déplorait par la suite.


Sur sa page Facebook, le journaliste au Voir Simon Jodoin témoigne d'une "émeute" provoquée par les policiers.


Sur sa page Facebook, Annick Vigeant témoigne de ce qu'elle voyait en direct à CUTV (*) et comprend où mène l'association violence-étudiant que fait le gouvernement; l'opinion publique passera du côté du gouvernement par peur de tout cette violence.

3) Malgré les dizaines, voir centaines, de témoignages d'arrestations injustifiées, aucun média traditionnel n'a fait ressortir l'injustice commise envers des gens qui, dans plusieurs cas, n'avaient rien à voir ni avec les étudiants, ni avec les casseurs, ni même avec les manifestations en cours. Deux exceptions ont filtré; le cas d'Alexis Martin, violenté et arrêté et à qui ont a refilé une amende injustifiée alors qu'il passait sur la rue, en toute innocence. Ce cas, tous les médias traditionnels en ont parlé. Tous. Le second cas est celui d'un journaliste de La Presse et d'un photographe du même journal, arrêtés injustement et dont le matériel saisi a finalement été rendu. Tant que ça n'a pas touché une célébrité locale ou des gens des médias, tous les autres cas d'arrestations injustifiées et de violence excessive de la police n'ont même pas été rapportés.



Une professeure de l'Outaouais, sur son compte Twitter, commente en direct l'arrestation brutale d'étudiants et supporteurs pacifiques, par la police: On leur refuse de l'eau, on les "menotte" avec des tie-wraps, etc. 



Mme Bilodeau de l'Outaouais, suite.


Extrait de témoignage sur la page Facebook de Charles Gill, lors de la même arrestation massive; il y rapporte des gens plus âgés violentés, des empêchements d'aller aux toilettes, etc.


Compte tenu de ce qui précède (et que ces quelques exemples sont loin d'être des cas isolés; amusez-vous sur Facebook, Twitter et Youtube), comment un journaliste peut-il accepter ce commentaire sans confronter les chefs de police à la réalité des témoignages? Le chef du SPVM a fait le même commentaire à l'émission Tout le monde en parle à Radio-Canada.

Pourtant, pendant plusieurs semaines, l'ensemble des manifestations était entièrement pacifique; même lors du débordement du 7 mars devant l'édifice de Loto Québec, tous les manifestants étaient pacifiques et c'est la brigade anti-émeute par son intervention qui a déclenché un affrontement. Parmi ces nombreuses manifestations pacifiques; il y a eu celle du 22 mars, puis celle du jour de la Terre, le 22 avril, où plusieurs centaines de milliers de personnes étaient dans les rues, pacifiquement. Le gouvernement a décidé de les ignorer... de même que certains médias.

Une de La Presse au lendemain du Jour de la terre. Notez que la Une mentionne que le chef de police appel au calme; il n'y a pourtant eu aucun incident lors de cet événement festif. 


Une du Devoir le 23 avril.
Le gouvernement n'a pas commenté, ni tenu compte des manifestants pacifiques.

À titre d'information, la Une du Journal de Montréal au lendemain de la manifestation ayant regroupé de 150 000 à 300 000 personnes dans les rues de Montréal. Ses lecteurs sont-ils réellement informés de ce qui se passe au Québec? Dans l'encart soulignant que la ministre rencontre les étudiants, on voit une photo... de policiers.

Une fois ces trois points bien installés dans la logique médiatique du conflit, la paranoïa collective envers les étudiants ne pouvait que nuire au mouvement, et avantager un gouvernement qui est en campagne pré-électorale; peu importe le moment du déclenchement des élections, Jean Charest n'a jamais géré la crise en tant que Premier Ministre mais constamment en tant que chef du Parti Libéral en quête d'un autre mandat.

André Pratte, éditorialiste de La Presse, condamne l'exploitation de la violence par les étudiants, et évoque la possibilité qu'il y ait des morts. La rhétorique de la peur des étudiants est bien installée.


TVA nouvelles cite le cas d'un étudiant "rouge" qui "appelle à la violence" en se demandant jusqu'où ces étudiants sont prêts à aller.


TVA nouvelles ne cite pas cette étudiante (Catherine Deslauriers, qui s'affiche "verte" sur sa page Facebook)... et qui conseille à un immigrant de retourner dans son pays, à un "rouge" parasite de se tuer, et ajoute plus loin espérer qu'une autre se fasse casser la face par les policiers.

Jamais nous n'aurons d'information dans les médias traditionnels sur la violence des pro-hausse parmi les étudiants. Jamais. Nulle part. Quand on parle d'eux, on parle de victimes de la grève, intimidés par les violences des étudiants contre la hausse.

Extrait d'un texte intitulé "Les laissés-pour-compte" publié dans La Presse, par la mère d'une étudiante victime de la grève.


La "sortie de crise" négociée (enfin!) en fin de semaine, en plus de tomber par une miraculeuse coïncidence pendant le congrès du Parti Libéral à Victoriaville, aurait tout aussi bien pu être négociée il y a 8 semaines, pour peu que le gouvernement ait vraiment voulu régler la crise. Le trimestre aura donc été "en péril" aussi longtemps que le gouvernement l'aura voulu, et aura cessé d'être en péril quand il aura décidé de véritablement discuter de la sortie de crise.

Si vous vous demandez pourquoi Jean Charest a ainsi géré cette crise, voici une bonne partie de la réponse:

Grands titres de l'édition Internet de La Presse: L'appui aux étudiants s'effrite; la grève étudiante profite aux Libéraux, annulation de cours, de trimestre, etc. 


Résultat d'un sondage publié dans divers médias, dont Le Soleil et La Presse... 

Pour la première fois depuis des mois (des années, en fait), le PLQ a une légère avance dans un sondage sur les intentions de vote des Québécois. À qui a profité la crise sociale? Qui a eu avantage à faire perdurer le conflit étudiant? Qui a eu avantage à régler in extremis avec une solution qui aurait été applicable il y a des semaines et des semaines?

Jean Charest a réussi son pari; et il l'a réussi grâce à la complicité (involontaire dans la majorité des cas) des médias traditionnels. Espérons qu'ils se réveilleront et corrigeront le tir; si la crise se résorbe enfin, ils auront d'autres sujets à couvrir, ou d'autres questionnements à se poser. Avec un peu de chance, certains prendront du recul et verront ce qui est arrivé, ce qui produira peut-être un effet de balancier qui est souhaitable.

On notera que l'on déplore aujourd'hui que deux étudiants (pacifiques, encore une fois) aient été blessés lors de l'intervention policière de Victoriaville (Témoignage d'un professeur présent sur les lieux, dans le Voir). Un d'eux en a perdu l'usage d'un oeil. Cette horrible conclusion à une crise, dont le gouvernement a favorisé l'enlisement par son inaction, doublée du manque de retenue des forces policières, aurait facilement pu être évitée. Ce n'est pas comme s'il n'y avait pas eu un avertissement; le 7 mars, déjà, un étudiant avait failli perdre l'usage d'un oeil à cause d'une bombe assourdissante mal utilisée par la police à Montréal, alors qu'il était pacifiquement en train de jouer de l'harmonica.

Tiré de La Presse, après les événements du 7 mars. Seul cas de brutalité policière plus largement couvert par les médias traditionnels. Pourquoi ont-il décidé d'arrêter de couvrir ce sujet par la suite?

On dit à ceux qui ont été victimes d'actes policiers répréhensibles de porter plainte au comité de déontologie; or si on reproche à certains manifestants d'être masqués, avez-vous déjà essayé d'identifier un policier de la brigade anti-émeute qui vous frappe à coup de matraque, ou encore - dans le cas d'un jeune blessé de Victoriaville, tenté d'identifier le policier coupable de l'avoir tiré avec une balle de caoutchouc rigide?

Sauriez-vous reconnaître ce policier, s'il vous tirait une balle de caoutchouc ou vous frappait avec sa matraque? Photo tirée de l'édition internet de La Presse, qui couvre en photos l'émeute de Victoriaville dans le cadre du conflit étudiant. On n'y mentionne pas que les casseurs et anarchistes n'étaient pas des étudiants. 

Vous aurez compris que ce billet n'est pas écrit contre les médias traditionnels; les grands médias publics sont importants en démocratie; ils sont souvent le dernier rempart qui empêche la manipulation de la population par les gouvernements (plus spécifiquement par les partis au pouvoir); ce que je souhaite, c'est qu'ils remplissent ce rôle essentiel au lieu de se faire manipuler eux-mêmes, et nous avec eux.
Quant à la police, elle a un sérieux examen de conscience à faire. Elle ne le fera pas, comme on a pu le lire et le voir un peu partout; elle ne reconnaît aucune faute.
Pourtant - une simple anecdote, mais révélatrice de l'ambiance qui règne dans les corps de police - un ami me disait hier être allé voir la police avec un collègue victime d'une tentative de vol, et la discussion a tourné sur le mouvement étudiant; une policière lui a dit tellement haïr les étudiants qu'elle les tuerait.
Que les médias ne parlent pas de cette attitude violente est fort dommage. Le font-ils parce qu'ils veulent protéger leurs bonnes relations avec les policiers qui sont des précieuses sources d'information?
Peu importe la raison, ce silence de leur part est inquiétant.
Enfin, l'attitude des policiers, qui ne se rendent plus compte qu'ils agressent la population qu'ils sont supposés "servir et protéger", est tout simplement terrifiante. Ce ne sont pas les exemples ailleurs dans le monde qui manquent pour illustrer où peut mener une telle attitude et son acceptation par les médias et une bonne partie de la population.
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AJOUT - 8 mai 2012 - Des dizaines de témoignage de ce qui s'est passé à Victoriaville sont apparus dans les derniers jours sur les réseaux sociaux; des témoignages de pompiers et d'infirmières, entre autres, qui ont porté secours aux blessés, et qui confirment que plusieurs ont été blessés par l'utilisation de balles de plastique par la police (et non de caoutchouc comme il a été fait mention - et repris dans mon billet ci-haut). Ces témoignages condamnent l'action des policiers, qui ont refusé de venir en aide aux blessés et refusé d'appeler les ambulances (ou le 911). Il y a un vidéo disponible sur Youtube dans lequel on voit un blessé par terre et une rangée de manifestants qui tentent de le protéger en criant à l'unisson: "Y'a un blessé, y'a un blessé...", mais la police continue de charger et de lancer des gaz; le blessé (grave) doit être déplacé en catastrophe. Une pétition circule sur Internet pour dénoncer la violence policière qui a cours depuis le début du conflit. On apprend aussi que le jeune qui a failli perdre un oeil le 7 mars n'a toujours pas retrouvé l'usage de son oeil et que sa carrière en art est sérieusement compromise. Enfin, une page Facebook recueille présentement plusieurs témoignage de paramédics, de journalistes, d'ambulanciers et de manifestants; on y parle également du gazage des secouristes qui a eu lieu à Victoriaville et on mentionne qu'un dossier est ouvert contre l'intimidation et la brutalité policière à l'ONU. 
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AJOUT FINAL - 12 mai 2012 - La SQ a convoqué un point de presse pour justifier ses actes et réfuter les accusations d'utilisation abusive de violence. Le Premier Ministre a déclaré avoir trouvé l'intervention de la SQ "exemplaire". 
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(*) J'inclus CUTV dans les réseaux sociaux; la télé étudiante universitaire de l'université Concordia, qui diffuse sur le web, a décidé de couvrir en direct la plupart des manifestations (Transparence; un peu avant minuit le 27 avril dernier; CUTV m'a interviewé lors d'une marche nocturne à laquelle je participais dans les rues de Montréal).

vendredi 4 mai 2012

Crise sociale: Et si je vous donnais des centaines de millions?

Depuis le début du débat sur la hausse des frais de scolarité, la position du gouvernement a le mérite d’être claire : la hausse est inévitable, puisque les universités sont sous-financées et que le gouvernement n’a pas les moyens à lui seul (sans couper dans d’autres programmes ou services) d’injecter ce qu’il manque. On demande donc aux étudiants de faire leur juste part. La contribution des étudiants est établie à environ 325 millions de dollars.
Gouverner et administrer les finances publiques n’est pas chose facile, j’imagine. C’est toujours, comme dans un budget familial ou personnel, une affaire de choix. Certains préfèrent sortir au restaurant chaque semaine, d’autres se payer une voiture de luxe, d’autres encore mettent plus d’argent de côté pour leur retraite, quelques-uns préfèrent voyager en indépendant, alors que d’autres achètent un condo. À chacun ses choix, selon ses propres valeurs.
Gouverner et administrer les finances publiques relève du même exercice de choix, mais devrait (en théorie) être pratiqué selon les valeurs les plus communes à la majorité de la population de ce « public ».
Imaginons un instant que je vous donne 20 000$... partez-vous en voyage organisé en Europe dans des 5 étoiles pour quelques semaines? Achetez-vous une voiture? Remboursez-vous vos dettes? Investissez-vous dans des REER ou des obligations d’épargne? Chacun ses choix.
Ça c’est 20 000$. Imaginez que je vous donne des centaines de millions de dollars…
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Voici quelques-uns des choix récents du gouvernement Libéral de Jean Charest; les choix fait avec votre argent, des centaines de millions de dollars, des choix fait par un gouvernement qui clame haut et fort que le Québec n'a pas d'argent, qu'on doit tous faire sa juste part. Dites-moi par la suite si ces choix représentent « vos valeurs », celle des Québécois pris dans leur majorité.
1. Construction-prolongement de la route 167. Coût: 331 millions de dollars plus la garantie d’assumer tous les dépassements de coûts du projet. Cette construction est effectuée pour permettre à une compagnie exploitant une mine de diamants de se rendre au site.
2. Amphithéâtre de Québec - Contribution du Gouvernement du Québec: 200 millions de dollars; L’édifice sera géré (à profit) par une entreprise privée sans qu’elle eut à y mettre un dollar dans sa construction (*).
3. Dépenser 700 millions de dollars pour remplacer complètement les panneaux routiers du Québec, TOUS les panneaux routiers, sous le seul prétexte que la population vieillit et que sa vue baisse. Évidemment, il vous faut attendre de démanteler le secteur du ministère des transports qui se charge habituellement de fabriquer ces panneaux (démantèlement en 2008) pour pouvoir donner le contrat à des firmes privées (ce qui fut fait en 2010).
4. Offrir un tarif préférentiel de 4,5 cent le kilowattheure à Arcelor-Mittal, une compagnie exploitant une mine de fer. Dans votre maison, vous payez un minimum de 5,32 cent le kwh pour les 30 premiers kwh par jour, puis 7,51 cent le kwh (si vous n’excédez pas 50 kwh). Dans ses derniers états financiers annuels (2011), Arcelor-Mittal affiche des revenus de 93 973 millions et des profits nets d’impôts de 2 259 millions de dollars.
5. Construire une route pour Goldcorp (GC), au coût de 40 millions de dollars. Pour GC, qui pense extraire grâce à une mine qu’elle atteindra avec cette route, 600 000 onces d’or par an pendant 20 ans. L’or se transige actuellement à 1600 $ l’once. Je vous laisse le soin de calculer si GC aurait eu les moyens de construire sa route d’accès, ma calculatrice à 9 chiffres me donne une erreur que j’essaie. (Indice : Ça avoisine le milliard de dollars par an d’extraction, donc 20 milliards en 20 ans, en supposant que le prix de l’or n’augmentera plus; or il a grimpé de 400% depuis 2004). GC a affiché des profits nets d’impôts de 1,9 et de 2 milliards (2011 et 2010).
6. Avec les miettes, vous pourriez payer 560 000$ pour la publicité sur le budget 2012, publicité dans laquelle aucune mesure du budget n’est mentionnée. Cette propagande pro-Libérale est payée à même les fonds publics, bien entendu, on ne parle pas ici de "publicité électorale".
7. Oh, je sais! Vous pourriez restaurer les sites contaminés et abandonnés par les mines (avant d’instaurer le plan nord pour en créer de nouveaux); bon vous n’auriez pas assez de quelques centaines de millions, puisque ça va coûter 1,25 milliards, et ce montant de 1 250 millions n’est encore qu’un estimé, on envisage des dépassements de coûts. Vous devez évidemment refuser catégoriquement d’envisager faire payer une partie de ces coûts de restauration du territoire aux compagnies minières.
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L’ensemble de ces quelques choix représente plus de 2 521 millions de dollars. Soit, pour ces seuls exemples, et sans compter le cadeau à Arcelor-Mittal (inestimable, littéralement, sans autres données), huit fois la « juste part » demandés aux étudiants et parents d’étudiants.
Bien sûr, si je vous donnais des millions, j’espèrerais que vous votiez pour moi en retour, et que vous me réserviez quelques-uns de ces millions comme administrateur, à ma retraite de la politique (*).
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Sources des données: La Presse, Radio-Canada, Le Devoir, sites de Goldcorp et Arcelor-Mittal, TVA nouvelles, site d'Hydro-Québec.
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(*) Dans le cas de l'Amphithéâtre, il n'y aura pas de position au conseil d'administration, mais en échange de ces bonnes mesures (et bien d'autres), l'Empire médiatique dont il est question dans ce dossier vous assurera une bonne presse dans le dossier étudiant (violence, dénonciation, chroniqueurs favorables au point de vue gouvernemental, etc).

mardi 1 mai 2012

Crise sociale: Le cas de ma mère et d’Henry VIII

L’an dernier, pour son anniversaire, nous avons offert à mon père un coffret de DVD de la série The Tudors. Ma mère et mon père ont donc écouté avec plaisir les premières saisons de cette série, qui débute dans la jeunesse d’Henry VIII, Roi d’Angleterre. Depuis, ma mère ne cesse de dire qu’elle a aimé la série mais qu’elle est toujours enragée devant le comportement et le contrôle total que les rois avaient sur les gens à cette époque. Elle s’offusque profondément du pouvoir de vie et de mort, du pouvoir de décapitation (souvent appliqué sur le champ), dont dispose Henry VIII. Elle trouve que c’était une époque violente et absolument épouvantable. Elle trouve que l’on est bien mieux aujourd’hui.
Ce qui m’a rappelé les commentaires de ma mère sur The Tudors et Henry VIII pendant la crise sociale actuelle au Québec, c’est que devant les abus policiers, la violence de certains casseurs et les émeutes lors du salon du Plan Nord, ma mère est troublée de voir autant de violence, ici, au Québec, particulièrement à Montréal, puisqu’elle y habite (il n’y a pas eu de manifestation dans son quartier, mais comme tout montréalais, elle connait bien les lieux des manifestations puisqu’elle les fréquente sur une base régulière). Évidemment, ma propre participation à plusieurs manifestations et marches n’a rien fait pour calmer son sentiment de crainte face à cette violence.
Ma mère me pardonnera d’étaler ici publiquement certains éléments de sa vie privée, mais je dois mettre deux ou trois détails en contexte, pour ce qui suivra. Ma mère est issue d’une famille modeste/pauvre dans un petit village perdu au nord du Lac St-Jean, famille qui a déménagée à Roberval, toujours au Lac St-Jean, où elle a passé la majeure partie de sa vie. Elle a été éduquée chez les « bonnes sœurs », avec donc, des bonnes manières, et, on s’en doute, une absence de propension à prôner la révolution, puisqu’elle a grandi à une époque où le clergé avait encore un pouvoir considérable au Québec et espérait que les choses demeurent ainsi. Ma mère a toujours été une bonne mère, qui n’aime pas la chicane. Avec l’évolution sociale qui a suivi dans le Québec des années 60 et 70, ma mère a vu notre société – et sa propre qualité de vie – s’améliorer considérablement. Enfin, il faut comprendre que malgré l’ébullition sociale de l’époque dans les grandes villes, il y avait très peu – sinon aucun – mouvement social visible dans les petites villes de région comme Roberval.; ce n’est pas là que s’est jouée la révolution tranquille, ni déroulée la crise d’octobre. Il y avait bien des informations, mais les événements de Montréal de cette époque apparaissaient aux gens de Roberval comme ceux de l’Indonésie ou de la Colombie apparaissent aux gens du Québec d’aujourd’hui; si vous n’aviez pas souvent mis les pieds à Montréal, vous pouviez être concerné sur une base humaniste et citoyenne, mais ça ne touchait en rien votre vie quotidienne. Tout ça pour expliquer pourquoi ma mère n’a jamais été vraiment politisée, et trop souvent victime des informations qu’elle recevait sur les questions politiques.
Comme au Québec, on a la fibre révolutionnaire assez tranquille, ce que ma mère n’a pas réalisé – faute de l’avoir étudié avec les bonnes sœurs, de l’avoir vécu ou d’en avoir été informé par les médias - c’est que si le monde ne fonctionne plus exactement comme à l’époque violente et épouvantable d’Henry VIII, c’est que les gens ont fini par exiger des changements. Et dans la grande majorité des cas, ces changements n’ont pas été accordés à la population après une simple marche printanière pacifique dans les rues de Londres ou de Paris, même à coup de 100 000 ou 250 000 personnes. La révolution française, pour ne nommer que celle-là, a permis à la France – et une bonne partie de l’Europe qui l’a suivie – de reprendre le pouvoir à la monarchie (puis à la bourgeoisie) et de redonner ce pouvoir aux citoyens, en grande partie. Cette révolution, comme la plupart des autres d’ailleurs, a été particulièrement longue, violente et chaotique; mais la société qui en a émergé, par contre, s’est ultimement avérée plus juste et plus équitable pour l’ensemble des citoyens que ne l’était le régime monarchique qui l’a précédée.
Ainsi, en écoutant les nouvelles à TVA ou sur LCN, en entendant les élucubrations de Martineau ou bien pire, de Gendron, ma mère est restée sur l’impression que les manifestations actuelle des étudiants (et des autres groupes, comme la grande manifestation du Jour de la Terre) étaient violentes et dangereuses, qu’elles menaçaient la paix sociale. Bref, que c’était de la chicane.
Je ne m’étendrai pas sur l’absence totale du gouvernement pendant les 10 premières semaines du mouvement étudiant – absence qui a mené à une escalade de la crise sociale – ni sur les calculs politiques qu’il y avait définitivement derrière cette absence – ni sur le fait que la très grande majorité des actes « violents » n’ont pas été perpétrés par des étudiants, mais il faut être aveugle pour ne pas comprendre que les discours de Line Beauchamps et de Jean Charest sur la dénonciation de la « violence étudiante », étaient des mensonges fort bien planifiés pour accentuer l’idée que les étudiants sont violents. Il faut également reconnaître que le message que plusieurs médias (TVA, V, LCN, les éditos de André Pratte dans La Presse, écris au nom de Power Corp.) ont « forcés » sur ma mère a été que les étudiants étaient violents et que cette violence était inquiétante (1).
Ceci a évidemment pour résultat que ma mère s’inquiète de cette violence, s’inquiète de ma participation à ces manifestations et ce mouvement… et souhaite que le calme revienne. Évidemment, ceci signifie que bien malgré elle, ayant été manipulée par un gouvernement qui lui ment et par une concentration de médias qui ont tout à gagner à le supporter, elle est loin de désirer sortir dans la rue elle-même.
Ainsi, ma mère – même si elle dénonce la corruption de ce gouvernement et d’une bonne partie de la classe politique québécoise – est donc loin de vouloir descendre dans la rue pour réclamer que ce régime d’Henry VIII et sa bourgeoisie laisse place à un meilleur système, même si la connaissant très bien, je sais que c’est pourtant ce qu’elle souhaite.
Je me suis donc dit que j’allais lui en parler.
Et voilà qui est fait.
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(1) Même Radio-Canada, la semaine dernière, a erré, en plein Téléjournal de 18h, alors que la société d’état diffusait un reportage citant les discours de Line Beauchamps et de Jean Charest contre la « violence étudiante » et nous montrait en parallèle des images de l’émeute à l’extérieur du salon du Plan Nord de la semaine précédente, images où les activistes n’étaient même pas des étudiants. Une association "mots-images" inappropriée et indigne d'un journalisme objectif, en plus d'être fort tendancieuse.
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Illustrations: Portraits d'Henry VIII, série The Tudors, film The Other Boleyn Girl, Henry VIII gravé sur pièce de monnaie.

Crise sociale: Introduction

Il peut paraître paradoxal que la vie m'ait apporté un important contrat (et donc limité le temps que je peux consacrer à ce blogue) pendant la plus importante crise sociale que vit le Québec depuis des années (pour ne pas dire des décennies). Car malgré la rhétorique négationniste du gouvernement du Québec, il ne fait aucun doute que le Québec est en crise. La grève étudiante n'a été que la partie visible de cette crise dans les dix dernières semaines, mais crise il y a. Cette question de la hausse des droits de scolarité a énormément bousculé l'ordre social au cours des dernières semaines et fait ressortir les gigantesques écarts de valeurs entre le gouvernement actuel et la population (il n'y a qu'à consulter les innombrables sondages montrant un taux d'insatisfaction à l'endroit du gouvernement qui atteint des sommets).
Mon absence de ce blogue pendant cette période fort active (qui n'est pas terminée au moment où je reprend du clavier) s'est en réalité avérée intéressante pour prendre du recul avant de revenir. J'ai été un peu plus actif sur les réseaux sociaux - puisque les interventions sont plus courtes et plus directes qu'ici, donc demandent moins de temps et sont plus effectives à très très court terme (j'y reviendrai d'ailleurs), j'ai pu observer la crise avant de revenir pour publier mes observations, les rendant, je l'espère, plus pertinentes que si elles avaient été écrites dans le feu de l'action... et j'ai eu le temps de lire beaucoup de sources immédiates et de participer activement au mouvement. Parfois, en voyage, je blogue peu parce que je suis trop occupé à vivre l'aventure plutôt que la rapporter, c'est un peu ce qui s'est passé depuis un mois, où j'ai passé mon peu de temps libre dans la rue au lieu de le passer à écrire sur ce blogue.
Quelques billets d'ensemble sont donc en préparation à titre de retour sur cette crise sociale qui secoue le Québec.
L'intérêt de la crise est déjà positif: La crise aura permis de secouer un peu les idées reçues, de faire ressortir plus en évidence les positions idéologiques du gouvernement et des groupes qui le supportent (même parfois inconditionnellement), de relancer (lancer?) le débat sur le genre de société que les québécois désirent, et de politiser bien des gens qui ne croyaient pas l'être (en plus de prouver qu'il est faux de dire que les jeunes ne sont pas politisés ou sont cyniques).
Enfin, j'avais publié depuis l'été dernier plusieurs billets à caractère sociaux et politiques, la crise sociale actuelle me permet donc de poursuivre des réflexions entamées publiquement depuis plusieurs mois sur le Canada et le Québec et s'inscrit donc dans une continuité certaine avec mes billets les plus récents concernant le Québec du futur.
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vendredi 20 avril 2012

Quelques mots du PM



Nous prenons ce billet pour diffuser ici quelques mots du Premier Ministre du Québec au sujet de la crise sociale qui secoue le Québec depuis plus de deux mois.









"Le Salon Plan Nord est déjà très populaire, les gens courent de partout pour rentrer."













"À ceux qui frappaient à la porte ce matin, on pourrait leur offrir un emploi... dans le Nord, autant que possible."











"Rien ne vas nous arrêter."












Et c'est nous que l'on traite de cyniques. Les rires gras de son audience sont aussi une belle démonstration de qui contrôle le Québec de Jean Charest.
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Après les événements du Palais des Congrès de ce 20 avril 2012; on sait au moins une chose sur le Québec de Jean Charest; si les choses tournaient vraiment mal ici, le citoyen ordinaire ne pourrait compter sur la police pour le protéger; elle serait trop occupée à lui taper dessus.
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samedi 14 avril 2012

De l'idéalisme et du cynisme

J'ai plusieurs billets en préparation depuis quelques semaines, mais je manque de temps à y consacrer et je n'aime pas faire les choses à moitié.
Il y a donc un silence relatif sur ce blogue en ce moment - d'autres projets, notamment de séjours à l'étranger en préparation, occupent mon temps, en plus de contrats pour gagner ma vie, puisqu'il faut bien la gagner cette vie, et pas seulement en profiter :-).

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Si je sors de mon mutisme temporaire, ce soir, c'est parce que j'ai pris une pause cet après-midi pour - oui, une fois encore - marcher en compagnie de plusieurs dizaines de milliers de personnes.
Quelques notes, brèves, donc, sur cette marche collective.
Je ne cesse de lire depuis des mois sur le cynisme de la population envers la politique, envers les causes sociales, envers l'économie, envers la mondialisation, etc. Or, ce que j'observe - et j'ai pu également l'observer ailleurs dans le monde, notamment en Amérique latine - c'est plutôt l'idéalisme.
C'est ce qui m'a frappé aujourd'hui, entre le coin Parc et Mont-Royal et la "Place du peuple" qu'est devenu le Square Victoria depuis près d'un an. Je n'ai pas vu 40 000 cyniques dans les rues, j'ai vu 40 000 idéalistes; j'ai vu, comme lors de la marche familiale d'il y a un mois ou de la marche monstre regroupant des centaines de milliers de Québécois dans les rues d'il y a quelques semaines, j'y ai vu, donc, des gens qui espèrent encore des dirigeants qui oeuvrent pour le bien commun, pour une meilleure société, qui sont au service de la communauté et non qui règnent sur celle-ci comme des petits despotes.
J'ai vu des familles, des jeunes, des personnes âgées, des travailleurs, des contribuables, des étudiants, bref, des citoyens, qui se battent pacifiquement pour demander un gouvernement honnête et responsable. Je n'ai pas vu de cynisme, j'ai vu de l'idéalisme.
Malheureusement, la réponse des élites et des membres du gouvernement du Québec, c'est le mépris de cette population, le mépris des gens qui marchent pacifiquement, c'est la désinformation, le jeu de la rhétorique sur ce que signifie le mot "grève" *, c'est l'inaction la plus complète alors que se dessine une petite crise sociale **, bref, ce que je vois au gouvernement, c'est... du cynisme. Je trouve cynique un gouvernement qui ne gouverne pas, une ministre qui ne prend pas ses responsabilités face à la crise qui touche son ministère, et qui refile les responsabilités aux établissement d'enseignement, aux tribunaux ou aux individus et établissements qui décident - faute d'avoir des dirigeants responsables - de s'adresser à ces tribunaux.
Au-delà de la question de la hausse des frais de scolarité, on commence à se demander pourquoi la population ne peut plus poser de questions à son gouvernement ou ne peut plus manifester sans se faire frapper par les forces de l'ordre ***. Je dois donc, puisqu'on en est rendu là, au Québec, dire que la marche d'aujourd'hui s'est fait dans la joie et le calme et n'a pas causé d'interventions brutales de la police.
Cet idéal de société juste, équitable, et de gouvernement honnête, ne rencontre, pour l'instant, que cynisme de la part des politiciens du gouvernement du Québec. Et ces mêmes politiciens cyniques s'interrogent par la suite sur les débordement, sur les dérapes? À quoi s'attendent-ils après avoir accueilli avec mépris et indifférence des dizaines de manifestations pacifiques - dont 3 marches regroupant au total près de 300 000 Québécois dans les rues de Montréal? Le message qu'il lance - haut, fort et cynique, ce gouvernement - c'est que la marche pacifique ne sert à rien.
Après ça, on reprochera aux gens d'être cyniques?
Après ça, on reprochera aux jeunes de ne pas être politisés?
Après ça, on reprochera aux jeunes de ne pas avoir confiance dans une élite politique honnête?
Sans égard à l'économie, la finance, l'environnement, la question nationale, ou toute autre question de gouvernance, le comportement de ce gouvernement est - sur cette simple observation citoyenne - tout simplement honteux, tout simplement indigne d'un gouvernement.
Et c'est pourquoi du haut de mon idéalisme - et non par cynisme comme on tente de vous le faire croire - j'étais et je serai encore, dans la rue.
Ailleurs dans le monde, j'ai vu des gens se battre pour moins que ça, et on voit encore des gens - quotidiennement - mourir pour avoir le droit de parole, le droit d'être entendu. Je refuse de respecter des gouvernants qui me méprisent et ignorent ce fait, que tous croient acquis au Québec.
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* Selon la rhétorique Libérale, on ne devra plus dire "Grève de la faim", mais plutôt "Boycotte de la nourriture" si on suit leur logique. Pathétique.
** Il y a de pires crise sociales dans le monde, mais c'est néanmoins une crise sociale que l'on vit et c'est une des responsabilités du gouvernement d'y réagir, et de mettre en oeuvre des actions pour la régler; et l'adoption de la ligne dure et de l'inaction est totalement opposée à l'idée d'un gouvernement "responsable". Le gouvernement sait bien que la majorité des citoyens est trop occupée par ses obligations pour descendre quotidiennement dans la rue, et il compte sur le confort relatif et le temps qui passe pour résoudre une crise qu'il n'a pas le courage d'affronter. Il oublie que c'est son travail de le faire.
*** Nous avons tous vu les "affrontements" avec la police et sa brigade anti-émeute aux informations; paradoxalement, toutes les manifestations auxquelles j'ai assisté, toutes, avec les familles, les profs, les adultes, les personnes âgées; les policiers se tiennent à quelques rues des manifestants, et tout se passe - toujours - dans le calme et le respect. Affronter les manifestant avec des boucliers, c'est les provoquer, ce que ne peut se permettre le gouvernement ou la police lorsqu'il y a des enfants, semble-t-il. Ça, c'est cynique. Et je ne parle pas des arrestations de journalistes et photographes de presse de cette semaine. Cette logique de la ligne dure est également observée ailleurs dans le monde; on voit d'ailleurs où elle mène. À partir de la décision de faire taire la population, l'acceptation de cette ligne dure peut mener loin.

vendredi 30 mars 2012

Créativité, fierté, désinformation, honte, démocratie

Lors de la manifestation du 22 mars dernier (à laquelle j'ai participé - il faut assumer ses opinions), j'ai remarqué avec joie la créativité de certaines pancartes portées par les manifestants.
J'ai pu en capter quelques unes avec mon appareil.
Voici un condensé photo de quelques trouvailles amusantes, accompagnées de liens vers des données récentes ajoutées au débat sur la "juste part" des étudiants, notamment le gaspillage de fonds publics au bénéfice de quelques spéculateurs (fonds devant être consacrés au transport collectif dans ce cas précis).
Les régimes de retraite dorées entièrement payées par le gouvernement provincial, exclusivement pour les hauts dirigeants (et hauts salariés) des universités, ces mêmes établissements que l'on dit sous-financées, est un autre cas patent. Et tant qu'à dénoncer la "désinformation" dans ce dossier, notons également la sortie qui vient confirmer la version des étudiants sur le fameux "débat de société" censé avoir eu lieu avant l'annonce de la hausse.


Parmi les manifestants, quelques figures légendaires... Le premier s'est battu pour l'égalités des classes sociales, le second aurait été dans la rue avec les jeunes (ou au concert du soir) s'il était toujours là, le troisième est un fier représentant - honnête et loyal - de la génération d'étudiants d'aujourd'hui, et si vous connaissez le 4e, vous êtes un peu geek. :-), mais le jeu de mot est une bonne trouvaille.


J'étais fier de voir des représentants des HEC (mon alma mater) et du Cégep de St-Félicien (mon collège) présents à la marche à laquelle ont participé quelques centaines de milliers de personnes. Une note sur les HEC (avec honte, cette fois); les étudiants des études supérieures ont voté en faveur de la grève, mais l'école n'a pas accepté le résultat de ce vote (majoritaire), alléguant que la faible participation disqualifiait ce vote. Le taux de participation était un peu au-dessus de 70%... On voit bien à quel niveau on place à démocratie à HEC.
Selon ce raisonnement, le gouvernement de Jean Charest devrait donc être disqualifié, puisqu'il a été élu lors d'une élection au taux de participation de 57,3%. Le gouvernement majoritaire de Harper a été élu lors d'une élection avec un taux de participation de 61,1%. On dit que les jeunes ne sont plus politisés ni intéressés par la politique, mais quand arrive un débat de société auquel ils participent, on refuse de les écouter ou de discuter et on les ridiculise. N'espérez pas les politiser après cet exemple pathétique de comportement de la part du Parti Libéral.


Quelques exemples créatifs.
Il y en avait beaucoup d'autres, parfois trop loin pour être captés, ou inclinés sous le mauvais angle pour ma caméra... Je me souviens particulièrement du "Mon recteur est riche en tabarnak" (probablement en référence à Concordia, qui a "avancé 1,4 million de dollars à son ex-recteur, sans intérêts - on parle ici d'une université "sous"-financée, par l'argent de l'État). Je me souviens aussi de "Je pense donc je paye" (On pense au cas des primes de départ de 3,1 millions de dollars à cinq ex-membres du personnel, par exemple).
Concernant les "arguments" que l'on entend un peu partout, je vous suggère fortement de lire ce texte articulé et intelligent de Émilie Dazé, qui répond avec aplomb aux niaiseries généralisatrices, individualistes et démagogues de Martineau (dont les opinions changent allègrement au gré de qui le paye pour les émettre de toutes manières).
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Merci à Stéphane et Alexandra pour avoir porté quelques textes à mon attention.

mardi 27 mars 2012

Analogie du chalet et Amphithéâtre de Québec

Voici une autre analogie (1).
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Contexte
La démagogie est une faiblesse intellectuelle (2). J'affirme donc aux démagogues la chose suivante:
Je déteste le discours du gouvernement du Québec qui dit ne pas avoir d'argent (voir le discours du budget, l'argument principal de la "juste part" dans le dossier de la hausse des frais de scolarité, l'importance de la dette, etc) mais qui trouve facilement 200 millions pour financer un amphithéâtre à Québec, édifice qui sera entièrement géré par une entreprise privée.
Mais non, je ne suis pas contre la construction d'un amphithéâtre à Québec, je ne suis pas contre un retour éventuel des Nordiques (dont j'étais un fan à la belle époque), et je ne suis pas contre les entreprises privées, ni contre l'idée que ces entreprises fassent du profit, au contraire! Enfin, je ne suis même pas contre l'investissement public dans un tel projet (mais pas n'importe comment). Voici comment s'explique ma position, sous la forme d'une analogie, comme si j'avais à l'expliquer à un enfant de 10 ans.
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Analogie du chalet
Vous avez hérité, d'une arrière-grand-tante que vous n'avez jamais connue, d'une somme de 300 000 $. Vous décidez d'investir cette somme dans l'immobilier et achetez un chalet au bord de l'eau, au Lac des Huards.
Pour rentabiliser votre investissement, vous cherchez quelqu'un pour vous aider et venez me voir. Voici ce que je je vous propose: Nous signons une entente de 20 ans.
Dans le cadre de cette entente, je m'occuperai de tout: Je loue, organise des activités sportives, j'entretien, je fais de la publicité, bref, je prends tout en charge pour vous.
Annuellement, si je fais un profit en opérant votre chalet, je vous en verserai 20%.
Après 20 ans, je vous redonne les clefs et le chalet en bon état.
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Faites-vous une bonne affaire?
Ce qui est fascinant avec cette affaire, c'est que...
Oui... vous faites peut-être une bonne affaire...
Mais seulement si moi, j'en fais une très bonne. Car vos profits (20% de mon profit avant répartition) est un quart des miens (puisque je conserve 80% du profit d'opération).
Ainsi, si vous faites 200 000 $ sur les 20 ans, ce n'est pas une mauvaise affaire, sur un investissement initial de 300 000 $, j'imagine.
Mais dans ce cas, j'en aurai fait 800 000 $ sur la même période.
Rappel: Je n'ai pas mis un sou dans l'achat du chalet.
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Financement public et profits privés
Vous aurez compris de cette analogie que je parle ici de financement collectif (public) et de profits privés. Dans mon analogie, vous êtes le public, vous avez financé et payé le chalet à 100%. Moi, en l'opérant, j'engrange 80% des profits réalisés sur ses opérations.
Dans le cas de l'amphithéâtre de Québec, le financement est assuré à 100% par le public (Ville et Province de Québec) et l'entente avec Québécor prévoit que la compagnie privée de PKP empochera un % appréciable du profit d'opération... sans avoir mis un sou dans l'immeuble en question. Si jamais il s'avère que l'affaire est rentable pour la ville de Québec, tant mieux, mais ça voudra aussi dire que Québécor aura empoché plus encore que la ville, et sans mettre un dollar dans l'investissement initial.
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La stupidité des calculs sur les profits
Une dernière considération, qui s'applique également au Plan Nord actuel du gouvernement du Québec.
On parle de part de profits pour l'amphithéâtre, on parle de redevance sur les profits dans le cas du Plan Nord, c'est souvent la même option avec les PPP.
Sans vouloir tomber dans une explication technique, je veux au moins souligner que ces calculs avantagent définitivement celui qui "contrôle" le calcul des profits. Par exemple, dans mon analogie ci-haut, si je réalise un profit préliminaire de 12 000 $ la première année, je peux toujours décider que je verse à ma soeur 5 000$ d'honoraires de gestion pour son "aide" à exploiter votre chalet. Celle-ci payera évidemment de l'impôt sur son revenu, mais cette "transaction" fait baisser mon profit à 7 000 $. Je vous verse donc 1 400 $ (20%). Cette "transaction" avec ma soeur m'a fait économiser 1 000$ de "redevances" que je vous aurais autrement versé.
[Si je veux être plus agressif, je demande même à ma soeur de me redonner "entre nous" le 5 000$ et je paye ses impôts sur le 5 000 $ donc elle n'est pas incommodé par la transaction, autrement parfaitement légale].
Toutes les minières du Plan Nord ont des compagnies "soeurs", dont plusieurs sont à l'étranger (donc à l'abri de l'impôt du Canada et du Québec, en plus) et Québécor en a aussi. Je ne dis pas que PKP userait d'une telle manoeuvre - qu'il est facile de mettre en place et même de justifier légalement (ma soeur m'aurait préparé une facture, elle aurait été présente quelques jours au chalet pour prouver qu'elle me rend service). Je souligne simplement la stupidité de baser des systèmes de redevances sur les profits et non sur les revenus (ou sur la quantité de minerai dans le cas des minières; puisque c'est la ressources qu'elles vont vendre).
Un exemple facile à comprendre pour illustrer ce propos: Quand j'étais gérant de salles de cinéma, nous payions toujours les redevances aux distributeurs de films en % des billets vendus, et non de nos profits; on nous aurait offert de payer des % de nos profits que nous aurions été morts de rire.
Malheureusement, les pouvoirs publics sont "conseillés" par leurs "experts", des firmes privées - quand ce ne sont pas carrément des gens de l'industrie avec laquelle ils négocient les ententes (c'est le cas des minières et gazière, par exemple).
Portant, si vous mettez deux entreprises privées qui négocient une répartition de redevances, aucune ne voudra accepter de recevoir une redevance sur les profits, à moins d'être dirigée par un imbécile.
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(1) Je ne sais pas si c'est parce que j'ai récemment reçu un commentaire de Megan sur ce blogue, mais l'envie d'expliquer mes positions à certaines personnes comme je le ferais à une enfant de 3 ans m'est apparue fort intéressante, soudainement. Ce billet est donc dans la lignée de celui sur le Plan Nord et celui sur le budget de l'État.
(2) Je souligne la différence entre expliquer son désaccord avec les positions du gouvernement et chialer pour rien, tare dont plusieurs démagogues accusent ces temps-ci toute personne qui semble en désaccord avec certaines projets; Plan Nord, gaz de schiste, etc.
(J'ai lu plusieurs commentaires - dans les journaux et sur les réseaux sociaux - déplorant que les Québécois (ou les gens en général) chialent tout le temps, sont négatifs, ne veulent rien payer, veulent tout gratuitement, etc. Que quand on se compare (aux pires) aux États-Unis, on devrait être content de ce qu'on a au lieu de chialer. Je déteste ce genre de commentaire pour deux raisons. La première me semble évidente: si se comparer aux États-Unis nous permet de voir à quel point nous sommes mieux placés, alors il semble évident que nous devrions nous battre pour garder ce que l'on a et non accepter les politiques qui vont dans la direction prise par les américains. Ceci est vrai en éducation (débat actuel) ou en santé (débat sur la contribution santé), par exemple. La seconde raison c'est que la plupart de ces commentaires veulent faire croire que les gens qui s'opposent à certaines politiques sont des chialeux. Désolé, mais je maintiens que j'ai le droit d'être en désaccord avec certaines politiques, et le droit d'exprimer ce désaccord, sans passer pour un chialeux qui est contre tout et qui veut tout gratuit).

dimanche 25 mars 2012

Analogie du cadeau de fête et Budget de l'État

Voici une petite analogie (1).
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Contexte
La démagogie est une faiblesse intellectuelle (2). J'affirme donc aux démagogues la chose suivante:
Je suis contre l'idéologie actuelle du gouvernement du Québec et celui du Canada, qui prétendent que nous "n'avons pas le choix" de couper les dépenses gouvernementales, et qui le font en sabrant dans les programmes ou en augmentant la tarification pour que chacun paye ce qu'ils appellent - dans une fraude intellectuelle incroyable - "sa juste part".
Mais non, je ne suis pas contre l'équilibre budgétaire et je ne suis pas négationniste de la dette publique ni de l'importance de commencer à la rembourser au lieu de la faire grimper. Et non, je n'appuie pas le gaspillage de fonds publics et les grosses dépenses publiques inutiles. Voici comment s'explique ma position, sous la forme d'une analogie, comme si j'avais à l'expliquer à un enfant de 10 ans.
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Analogie du cadeau de fête
Un père de famille qui habite une jolie maison de Laval doit expliquer à sa petite fille de 5 ans pourquoi il ne lui a pas acheté de cadeau pour sa fête cette année.
"Tu sais, papa est allé voir son patron il y a trois mois. Papa a demandé à son patron de lui couper son salaire de moitié. Comme la patron a accepté avec joie, papa a deux fois moins de revenus qu'avant. Dans le passé, papa et maman ont fait des choix de vie; nous avons acheté cette belle maison (avec la piscine qu'on s'est payé le mois passé), une belle voiture, nous avons voyagé, et nous t'avons acheté beaucoup de cadeaux. Maintenir la maison, payer pour l'hypothèque, l'utilisation de la belle voiture, le chauffe-eau de la piscine, tout ça coûte toujours aussi cher mais papa ne fais plus autant d'argent qu'avant.
À cause de tout ça, tu vois, papa n'a pas le choix de couper dans ses dépenses, papa ne peux plus t'acheter de cadeaux, à moins de s'endetter. Et la dette de papa frôle le 150 000 $, c'est astronomique. Ma petite fille, il faut que tu comprennes que chaque membre de la famille doit faire sa juste part, alors tu n'auras plus de cadeau à partir d'aujourd'hui. Ni à ta fête ni à Noël."
La petite fille de 5 ans s'est mis à pleurer.
La mère lui a dit qu'elle devrait arrêter de pleurer, qu'on ne peut pas tout avoir dans la vie; la maison, la piscine, l'auto et des cadeaux.
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Le papa a-t-il pris une sage décision dans cette histoire?
Voyons-voir.
Après avoir choisi d'avoir une enfant, de vivre en banlieue dans une belle maison, d'avoir une voiture et de voyager, le tout accompagné d'une hypothèque, le papa a volontairement renoncé à la moitié de ses revenus. Et une fois cette incompréhensible décision prise, il se retrouve coincé et n'a plus eu d'autres choix que de couper dans les dépenses.
On dirait le classique chien que l'on veut tuer donc que l'on accuse d'avoir la rage. Le papa aurait voulu une excuse pour ne plus acheter de cadeaux qu'il n'aurait pu trouver mieux que de s'y obliger en renonçant lui-même à la moitié de ses revenus. Évidemment, son discours est incohérent puisqu'il avoue au passage avoir acheté une belle piscine le mois précédent. On voit que ses priorités sont à son confort et non pas au plaisir de sa petite fille de 5 ans.
J'aime également l'argument de la dette astronomique; puisque le papa "oubli" de dire à la fillette que la maison en question vaut 265 000 $.
Mais la mère a raison: quand on est assez imbécile pour renoncer à la moitié de ses revenus sans aucune compensation, on ne peut pas tout avoir; la maison, la voiture, la piscine... et le respect de sa fille de 5 ans.
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Les coupures dans les budget de l'État
On ne compte plus les déclarations des premiers ministres du Québec et du Canada ni celles de leurs ministres des Finances respectifs sur la nécessité de couper les dépenses de l'état et de tarifer des services autrefois offerts par l'état à ses citoyens. On nous annonce toujours ce genre de choses - et le budget fédéral de cette semaine n'y fera pas exception - comme une fatalité. "On vit au-dessus de nos moyens et notre dette publique est astronomique; donc nous n'avons pas le choix de couper, et il faut que chacun fasse sa juste part".
Pourtant, ce sont ces mêmes gouvernements qui se sont volontairement privé d'une partie importante de leurs revenus depuis leur ascension au pouvoir. Baisses de deux points de pourcentage de la TPS et baisse d'impôts aux grandes corporations au fédéral (entre autres), baisse d'impôts des mieux nantis et des compagnies, en plus de l'abolition de la taxe sur la capital des institutions financières au Québec (entre autres). Dans les deux cas, on parle de gouvernement qui ont renoncé - idéologiquement - à des milliards de dollars de revenus annuels et qui se plaignent maintenant de ne pas avoir assez de revenus. Une fois ainsi "peinturés dans le coin", ils affirment n'avoir aucun autre choix que de couper dans les dépenses et les programmes publics et de tarifer ceux-ci.
Ces gouvernements (le papa de mon analogie, évidemment) ont agit en imbéciles irresponsables. Et ils nous demandent maintenant d'assumer cette imbécilité, et de le faire sans pleurer.
Il est difficile de les prendre au sérieux, puisqu'ils semblent nous prendre pour des enfants de 5 ans. Surtout quand ils achètent des avions de combat à coups de milliards ou qu'ils sont est assez corrompus (ou incompétents) pour permettre la collusion qui fait exploser les coûts des infrastructures à un niveau jamais vu ailleurs pour les mêmes ouvrages. (La piscine de mon analogie).
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Dette, actifs et équilibre budgétaire
La dette du Québec est élevée, et il serait temps d'y remédier, je ne pourrais être plus d'accord avec cette idée. Mais attention, elle n'est pas hors contrôle, cette dette, et elle s'accompagne d'un actif majeur que peu d'États peuvent se vanter de posséder: Hydro-Québec, une Société qui vaut très cher, nous assure une énergie à bon marché, collectivement, et rapporte des millions à l'État à chaque année.
Et pour équilibrer un budget - je me tue à répéter cette évidence alors que les ministres ne font que radoter leur salade idéologique - les gouvernements ont la possibilité d'augmenter leurs revenus, pas seulement celle de réduire leurs dépenses. Et qu'on ne vienne pas me dire que je suis un diabolique communiste qui veut monter les impôts, je réclame simplement l'annulation des baisses accordées depuis 2005 - favorisant essentiellement les très riches et les amis des partis au pouvoir - pour remettre à l'État ce qui lui appartient, ce qui nous appartient.
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(1) Je ne sais pas si c'est parce que j'ai récemment reçu un commentaire de Megan sur ce blogue, mais l'envie d'expliquer mes positions à certaines personnes comme je le ferais à une enfant de 3 ans m'est apparue fort intéressante, soudainement. Ce billet est donc dans la lignée de celui sur le Plan Nord.
(2) Je souligne la différence entre expliquer son désaccord avec les positions du gouvernement et chialer pour rien, tare dont plusieurs démagogues accusent ces temps-ci toute personne qui semble en désaccord avec certaines projets; Plan Nord, gaz de schiste, etc. 
(J'ai lu plusieurs commentaires - dans les journaux et sur les réseaux sociaux - déplorant que les Québécois (ou les gens en général) chialent tout le temps, sont négatifs, ne veulent rien payer, veulent tout gratuitement, etc. Que quand on se compare (aux pires) aux États-Unis, on devrait être content de ce qu'on a au lieu de chialer. Je déteste ce genre de commentaire pour deux raisons. La première me semble évidente: si se comparer aux États-Unis nous permet de voir à quel point nous sommes mieux placés, alors il semble évident que nous devrions nous battre pour garder ce que l'on a et non accepter les politiques qui vont dans la direction prise par les américains. Ceci est vrai en éducation (débat actuel) ou en santé (débat sur la contribution santé), par exemple. La seconde raison c'est que la plupart de ces commentaires veulent faire croire que les gens qui s'opposent à certaines politiques sont des chialeux. Désolé, mais je maintiens que j'ai le droit d'être en désaccord avec certaines politiques, et le droit d'exprimer ce désaccord, sans passer pour un chialeux qui est contre tout et qui veut tout gratuit).
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samedi 24 mars 2012

Analogie de l'immeuble et Plan Nord

Voici une petite analogie.
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Contexte
J'ai lu plusieurs commentaires - dans les journaux et sur les réseaux sociaux - déplorant que les Québécois (ou les gens en général) chialent tout le temps, sont négatifs, ne veulent rien payer, veulent tout gratuitement, etc. Que quand on se compare (aux pires) aux États-Unis, on devrait être content de ce qu'on a au lieu de chialer.
Je déteste ce genre de commentaire pour deux raisons. La première me semble évidente: si se comparer aux États-Unis nous permet de voir à quel point nous sommes mieux placés, alors il semble évident que nous devrions nous battre pour garder ce que l'on a et non accepter les politiques qui vont dans la direction prise par les américains. Ceci est vrai en éducation (débat actuel) ou en santé (débat sur la contribution santé), par exemple. La seconde raison c'est que la plupart de ces commentaires veulent faire croire que les gens qui s'opposent à certaines politiques sont des chialeux. Désolé, mais je maintiens que j'ai le droit d'être en désaccord avec certaines politiques, et le droit d'exprimer ce désaccord, sans passer pour un chialeux qui est contre tout et qui veut tout gratuit.
La démagogie est une faiblesse intellectuelle. J'affirme donc à ces démagogues la chose suivante:
Je suis contre le Plan Nord actuel du gouvernement Libéral. Mais non, je ne suis pas contre l'exploitation de nos ressources naturelles. Et voici pourquoi, sous la forme d'une analogie, comme je pourrais le faire si j'avais à expliquer ma position à un enfant de 10 ans.
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Analogie de l'immeuble à appartement
Un grand oncle que vous n'avez jamais connu vous lègue un immeuble à appartement situé au coin Beaubien et St-Denis à Montréal. L'immeuble est en excellent état, comporte 14 logement loués, et rapportait annuellement 25 000 $ à votre grand oncle avant son décès.
Vous venez me consulter pour que je vous conseille sur la meilleure manière de gérer votre nouvel immeuble.
Voici ce que je vous suggère, dans mon rapport d'expert-conseil.
Recommandation: Comme vous ne connaissez rien à la gestion d'un immeuble à logement, confiez sa gestion à quelqu'un qui connaît ça. Je vous suggère quelqu'un que je connais dans ce milieu: M. Landry, par exemple. Signez un contrat avec M. Landry sur les conditions de votre entente avec lui pour la gestion de l'immeuble. Étant expert dans ce domaine, j'ai même préparé un contrat-type, qui est souvent utilisé par les gens comme M. Landry.
Conditions de l'entente: M. Landry vous paye 1 000 $ à la signature, puis 4 000 $ par an pendant 20 ans, soit la durée du contrat. Il se charge de tout: location, baux, peinture des logements, etc. Vous n'avez rien d'autre à faire que d'encaisser votre argent. À la fin du contrat, il vous redonne les clefs.
Vous trouvez que 4 000 $  par an n'est pas beaucoup? Pourtant, sur 20 ans, ça donne 80 000 $. Hier, vous n'aviez pas d'immeuble, et ce contrat vous assure d'encaisser 81 000 $, au total, sans rien faire.
Vous signez donc le contrat que j'ai recommandé, et vous me payez mes honoraires d'expert (8 000$).
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Trouvez-vous que vous avez fait une bonne affaire?
Voyons-voir.
M. Landry encaissera les profits de 25 000 $ par an, vous versera 4 000 $, donc obtiendra un profit net de 21 000 $ par an pour s'occuper de louer et gérer l'immeuble. Il n'aura pas mis un sou dans l'immeuble, qui vous appartient, et aura payé son "droit" de signature 1 000 $. Et rien au contrat ne prévoit que l'immeuble doit vous être rendu après 20 dans son état actuel, donc il le laissera probablement décrépir en plus (il n'aura aucun incitatif à rénover le toit dans 18 ans, par exemple).
Après 20 ans, le demi-million de dollars qu'aura rapporté votre immeuble se répartira donc comme suit:
- Moi: 8 000 $.
- Vous: 73 000 $.
- M. Landry: 419 000 $.
Est-ce toujours une bonne affaire? (Si oui, pour qui?).
Ah, j'avais oublié d'inclure dans mon analyse d'expert que vu la décrépitude de l'immeuble, il vous faudrait après 20 ans investir 70 000 $ pour le remettre en état.
J'ai aussi oublié de vous dire - mais vous l'apprendrez par les médias dans quelques années - que M. Landry est mon beau-frère.
(Si vous êtes contre cette manière de faire, je vais m'assurer que vous serez publiquement connu comme quelqu'un qui est contre la gestion des immeubles et contre les immeubles à logement en général).
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Le Plan Nord
Les ressources naturelles du Nord du Québec nous appartiennent à tous. Disons que nous en avons hérité d'un grand oncle que nous n'avons pas connu.
Le Plan Nord du gouvernement Libéral, avec ses redevances minimes (sur les profits et non sur la quantité de minerai extrait), c'est le contrat avec M. Landry.
Les compagnies privées - dont plusieurs appartiennent à des intérêts étrangers - verseront donc des sommes ridicules pour "gérer" notre minerai pour nous. L'extraire, le vendre, et encaisser des profits qui se chiffreront en dizaine de milliards de dollars. Et ils nous laisseront avec des sites vides et des routes, construites pour leur bénéfice, qui ne serviront plus à personne après leur départ (ça, c'est l'immeuble en décrépitude à la fin du contrat de mon analogie si vous me suivez toujours).
Et ces infrastructures que nous nous apprêtons à payer collectivement, c'est comme si j'ajoutais, dans mon analogie, que vous devez faire la réfection du toit de votre immeuble avant que M. Landry ne puisse en assurer sa gestion, et que ces travaux vont vous coûter 50 000 $.
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IRIS vs SECOR.
L'Institut de Recherche et d'Information Socio-économique est un organisme apolitique, indépendant et sans but lucratif. Son étude sur Le Plan Nord tel qu'il est présenté actuellement par le gouvernement Libéral ressemble à la section "Trouvez-vous que vous avez fait une bonne affaire?" ci-haut. Il est facile d'y voir à quel point ce n'est pas rentable pour le Québec, et à quel point ça l'est (et de manière indécente) pour les compagnies privées à qui on cède la "gestion" de nos ressources par ce plan.
Mais le gouvernement préfère mettre cette étude de côté et se fier à celle de ses experts-conseils de la firme privée SECOR. Ça ne sera une surprise pour personne d'apprendre que parmi les "experts" de SECOR, on retrouve des noms comme André Caillé (ex-porte-parole des gazières dans le dossier du schiste), Philippe Couillard (ex-ministre Libéral sous Jean Charest) et qu'avant d'être Ministre des Finances, Raymond Bachand était PDG de SECOR. Jean Charest semble avoir "oublié" de nous en informer.
Car au Parti Libéral, les avis d'experts, ça se fait entre amis. Vous aurez compris que dans mon analogie, c'est "l'oubli" du beau-frère...
Hum, alors qui croire? L'institut de recherche sans but lucratif ou bien la firme dont le mandat (explicite) est d'aider les investisseurs à améliorer leur stratégie pour pénétrer les marchés (et non de conseiller les gouvernements sur la meilleure gestion des ressources collectives)?
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Hydro-Nord?
Si, dans les années 60-70, les gouvernements québécois avaient eu la même idéologie que celle qu'ont les Libéraux actuels, Hydro-Québec n'existerait pas, on payerait notre électricité 3-4 fois plus cher, et le gouvernement n'obtiendrait pas des millions en dividendes annuellement de la Société d'État - et devrait donc aller chercher cet argent ailleurs dans les poches des contribuables. Les gens de l'époque avaient compris que de développer l'hydro-électricité, pour que ça nous rapporte vraiment comme ressource collective - puisque les ressources nous appartiennent - , il fallait le faire nous-mêmes, et pas le sous-contracter en échange de redevances mineures sur les profits.
Il est incroyable de voir que quelques décennies plus tard, les québécois ont oublié ça et ne se rendent pas compte - endormis au gaz par l'idéologie libérale ou par la démagogie qui l'accompagne - que le Parti au pouvoir donne leurs richesses.
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dimanche 18 mars 2012

Oncle socialement responsable

Ce dimanche, avec un superbe 22 degrés, je me suis dit que la journée était idéale pour aller prendre une marche.
Je suis donc parti du Parc Lafontaine, sur Cherrier, puis St-Denis et Ste-Catherine Est jusqu'à la rue Fullum.
Et j'ai marché en compagnie de quelques dizaines de milliers de personnes.
Des parents, des enfants, des bébés, des grands-parents... et des oncles, comme moi, j'imagine.
Cette marche symbolisait l'appui citoyen au mouvement étudiant qui dénoncent la hausse des frais de scolarité décrétée par le gouvernement libéral.
Je n'ai pas marché pour moi, qui ai terminé mes études depuis longtemps, et je n'ai pas marché pour mes enfants, puisque je n'en ai pas. Je n'ai pas marché pour mes amis, bien que j'en ai qui sont toujours à l'université - ils terminent tous d'ici deux ou trois ans, alors ce n'est pas eux qui seront le plus touchés par ce changement de direction dans l'accès aux études universitaires qui a été décidé pour la société québécoise.
J'ai marché pour mes neveux et nièces.
Certains de ces neveux et nièces se foutent de la hausse, ou sont même contre la grève étudiante. C'est leur droit et je le respecte. Ils se foutent évidemment de la hausse parce que mes soeurs et mes beaux-frères sont tous dans les classes économiques moyennes/élevées et qu'ils ont donc tous les moyens d'envoyer mes neveux et nièces à l'université si tel est leur plan de vie.
Mais la vie, justement, on ne sait jamais ce qu'elle nous réserve. Accentuation de la crise économique, accident, problèmes de santé, on ne sait jamais - a fortiori plusieurs années d'avance dans les cas de mes nièces les plus jeunes - si leur situation enviable d'aujourd'hui le sera tout autant dans dix ou quinze ans.
J'ai donc marché pour eux, en tant qu'oncle* socialement responsable.


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Je vous invite également à lire les commentaires de mon collègue blogueur Jean-Louis Trudel, qui a étudié à l'université, et qui y a enseigné également. Il souligne plusieurs éléments que je n'avais encore pas lu ailleurs concernant la question du choix social qui nous préoccupe.

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* Je n'ai souligné que mes liens de sang (les enfants de mes soeurs), mais j'avais aussi en tête mes (autres) neveux et nièces, qui ne sont pas issus de familles des classes économiques moyennes/élevées, et qui sont directement touchés par ces changements sociaux, même si je ne connais pas leur opinion sur la question.
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