samedi 12 mai 2012

Crise sociale: Pour une réforme fiscale

Réforme fiscale: contexte.
Dans mon dernier billet, je m'opposais à l'idéologie de l'utilisateur-payeur. Cette philosophie de la tarification des services publics est en opposition avec celle de la taxation et de l'imposition. Or comme l'État doit financer ses services publics, je suis donc en faveur de l'impôt sur le revenu et de la taxe à la consommation.
Je n'aborderai pas ici les questions de fraudes fiscales (en principe, on devrait combattre la fraude), mais je me pencherai sur des exemples qui montrent comment notre fiscalité au Québec est actuellement déficiente dans son rôle principal; c'est-à-dire percevoir les justes parts de chacun et s'en servir pour financer les services publics.
Injustice fiscale.
Rémunération d'un haut dirigeant de banque,
tiré du site web de Radio-Canada.
Je ne veux pas être aride, ni trop long, alors j'irai droit au coeur du sujet du jour. Les gens les plus riches de notre société ne paient pas leur juste part d'impôts. Or, des gens qui gagnent des centaines de milliers de dollars (voir des millions), il y en a, et de plus en plus. Je ne parle pas ici d'augmenter les paliers d'imposition ou le taux des impôts des riches, non, je parle seulement des diverses exemptions et crédits qui n'avantagent que les plus riches et qui existent pour une seule et unique raison: les lobbys financés par ces riches ont réussis à les faire intégrer aux complexes règles fiscales québécoises. Ces exemptions et déductions avantageuses font en sorte que plusieurs contribuables très riches paient un taux d'impôt ridiculement bas, et souvent plus bas que tous les contribuables de la classe moyenne!
Je ferai une démonstration en cinq points; chacun consacré à une exemption ou une déduction spécifique, afin d'illustrer ce que j'avance (a).
Avant de débuter, gardez en mémoire que le taux d'impôt de base des particuliers au Canada est de 15%, et qu'au Québec, ce taux de base est de 16%. Les exemples qui suivent permettent à des contribuables gagnant plus 150 000$ de profiter de taux bien en deçà de ces taux de base.
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Site promotionnel des CFI. Deux ans sans
payer d'impôt pour certains employés.
1. Exemption pour employé d'un Centre Financier International (CFI).
Savez-vous qu'au Québec, le salaire d'un employé de CFI est totalement ou partiellement exempté d'impôt? Si l'employé est un étranger venu s'installer chez nous pour brasser de la haute finance, son exemption est de 100% de son salaire pendant deux ans, puis ça descend à 75%, 50% puis 37,5%. Deux ans de salaire (dans les six chiffres) sans impôt. Pour les employés de ces centres nés au Québec, la déduction maximale est de 37,5%, mais descendra à 30%, 20% puis à 10%.
Posons par exemple un employé québécois qui gagne 300 000$ avec une exemption (moyenne) de 25%. Selon certaines hypothèses de base (b), ce contribuable déduira de son revenu 75 000$ exempté, puis 22 450$ (c) de REER. Il aura donc 56 165$ d'impôt fédéral, et 41 668$ d'impôt du Québec, soit des taux d'imposition respectifs de 18,7% au fédéral (soit 56 165$/300 000$ - tous mes calculs sont effectués de la sorte: taux effectif sur revenu total). Au Québec, son taux est de 13,8%. Cette année-là, ce contribuable aura conservé 67,5% de sa rémunération, soit 202 167$.
Quelques-uns des CFI en activité à Montréal.
Son taux fédéral est donc équivalent à un contribuable qui gagne entre 40 000$ et 80 000$. Son taux québécois est plus bas qu'un contribuable qui gagne 40 000$.
Vous n'en revenez pas? Attendez; précisons que de plus, le CFI, qui est une compagnie, et qui paye notre ami 300 000$ a droit à un crédit d'impôt de 30% sur ce salaire, soit 90 000$ de ses revenus d'entreprise sur lequel le CFI n'a pas à payer ses impôts corporatifs.
Vous croyez que ces CFI sont rares? Fin 2009, il y en avait 114 reconnus par Revenu Québec (d).
Que font les CFI pour avoir ces avantages? Il offrent des services financiers internationaux; autrement dit, il s'agit de banques et de firmes de courtage, mais dont la spécificité est de se charger de transactions internationales (prêts, courtage de valeurs mobilières, etc).
Ils ont également un excellent lobby qui a su convaincre les ministres des finances de leur donner en cadeau cet argent public (certains mémoires, comme celui de la RBC, par exemple, sur les règles fiscales des CFI, recommandaient même l'exemption totale d'impôt sur le revenu, de taxe sur le capital et de contribution au fonds des services de santé).
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Site d'information sur les investissements de la Fédération
des médecins omnipraticiens du Québec, où on
détaille plusieurs stratégies, dont celle des "abris fiscaux"
par laquelle les médecins investissement dans les
compagnies minières, gazières et pétrolières.
2. Les frais d'exploration et de mise en valeur et l'exploitation de ressources naturelles. 
Voici certainement une panoplie de règles fiscales spécifiques à des investissements dans des sociétés qui exploitent des ressources naturelles (minières, gazières et pétrolières) qui sont parmi les plus tarabiscotées des lois fiscales canadiennes et québécoises. En gros, le contribuable investi quelques milliers de dollars dans ces sociétés, ce qui leur permet de se financier facilement, et l'individu reçoit en échange de très généreuses déductions et crédits d'impôts.
Imaginons un professionnel qui gagne 300 000$. Il investi 100 000$ dans des sociétés exploitant des ressources naturelles montées à cet effet (e) et disons, contribue à son REER (f).
Puisque ce contribuable, qui gagne 300 000$, déduira de son revenu un montant de 96 000$ à titre de frais d'exploration, puis 22 450$ de REER (c), et qu'il profitera d'un crédit d'impôt à l'investissement, il payera un impôt fédéral de 25 705$. Au Québec, un jeu de 4 déductions (exploration, exploration au Québec, investissement stratégique et frais financiers) permettent de déduire 110 700$ du 100 000$ investi... ce qui donne à notre contribuable un impôt du Québec de 32 373$. Il profite donc de taux d'imposition respectifs de 8,5% et de 10,7%. Cette année-là, ce contribuable aura conservé 80,6% de sa rémunération, soit 241 922$.
Son taux d'impôt combiné est donc plus bas que celui d'un contribuable qui gagne 40 000$ (en fait, à peine plus de la moitié du taux combiné de ce dernier).
Pourquoi une telle mécanique existe-t-elle? À qui profite ces cadeaux fiscaux? À part l'évidence de profiter aux plus riches ayant le loisir d'investir dans ce genre de chose, la mesure profite évidemment aux minières, gazières et pétrolières, que le fisc finance ainsi indirectement et qui n'ont pas à se soucier de trouver du financement traditionnel pour leurs activités d'exploration et d'exploitation. La mesure profite évidemment aux courtiers qui touchent leurs commissions sur ces placements qui sont même appelés officiellement "abris fiscaux", ainsi qu'aux avocats qui effectuent les montages légaux de ce financement à même les fonds publics.
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Tiré d'un article de la Presse Canadienne, sur la valeur
des options et actions reçues par le Président de Bell.
3. La déduction d'impôt sur les options d'achats d'actions.
On entend souvent parler, quand les médias nous parlent des "salaires" des hauts dirigeants d'entreprises, qu'ils sont rémunérés à partir de plusieurs outils, dont des options d'achats d'actions. Expliqué simplement, disons que si je veux donner 150 000$ de rémunération à un employé avec cet outil, et que les actions de la compagnie valent 100$ au moment de la rémunération, je lui donne des options lui permettant d'acheter 1500 actions, à un prix fixe de 100$ l'action. Au moment de donner cette option, l'employé ne sera pas imposé sur le montant de la rémunération, car tant qu'il n'a pas exercé cette option, il ne détient que l'option d'achat, et non les actions (g).
Prenons un contribuable qui gagne 300 000$, mais que son employeur rémunère avec 150 000$ de salaire et 150 000$ d'options d'achats d'actions (1500 @ 100$). Posons l'hypothèse qu'il attend un an (pendant laquelle il reçoit le même salaire de base de 150 000$), puis il exerce ses options, alors que l'action vaut maintenant 125$. Lors de cette année, il aura donc un "avantage", qu'il aura tiré de la variation de valeur des actions (ici, il achète à 100$ mais ça vaut déjà 125$; donc 37 500$ de gain immédiat s'il revend le jour même). Posons l'hypothèse qu'il contribue à son REER (h).
Ce contribuable a donc, cette année-là, 150 000$ de salaire de base, plus 37 500$ d'avantage sur ses options (s'il revend les actions à 125$ immédiatement, il encaisse en fait 337 500$ au total cette année-là).
Une déduction lui permet d'exempter d'impôt 50% de son avantage au fédéral et 25% au Québec. Il paye donc un impôt fédéral de 25 339$ et un impôt du Québec de 30 219$, soit des taux respectifs d'impôts de 8,4% et de 10,1%.
Tiré d'un article de la Presse Canadienne: Rémunération à
base d'actions et d'options du président de Bombardier.
Son taux d'impôt combiné est donc plus bas que celui d'un contribuable qui gagne 40 000$ (en fait, moins de 60% du taux combiné de ce dernier).
À qui profite cette mesure? Aux hauts dirigeants de grandes entreprises. Aucune petite entreprise n'a les moyens d'instaurer cette mesure à grande échelle et de distribuer des options et des actions, et aucun employé parmi les employés de la classe moyenne ou les employés à bas salaires n'est rémunéré en actions ou en options. C'est actuellement une des meilleures manières de faire des millions de revenu annuels tout en évitant carrément de payer de l'impôt sur une grande partie de cette rémunération. Mon exemple fait état de quelques dizaines de milliers de dollars d'option, or la tendance de la "norme" de rémunération des hauts dirigeants se chiffre plutôt dans les millions, voir même les dizaines de millions, dont une grande partie est exemptée d'impôt sur le revenu. [Un exemple: En 2011, Bombardier et Bell annoncent que leur plus haut dirigeant touche 5 millions en options diverses sur leurs 8 à 9 millions de rémunération totale].
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4. Le gain en capital imposable à 50%.
Tous les gains en capital sont imposables à 50%, tant au niveau fédéral qu'au Québec. Ceci veut dire que si vous achetez des actions (en bourse, par exemple), et que celles-ci prennent de la valeur, puis que vous les revendez, le gain réalisé sur cette "loterie boursière" n'est imposable qu'à la moitié; la moitié de vos gains sont totalement exemptés d'impôt. Ce revenu qui n'a aucun lien avec le travail, ou l'effort, mais seulement à voir avec votre capital (richesse) de départ, est exempté à 50% de tout impôt.
Prenons par exemple mon contribuable du point 3. L'année suivante, il n'exerce aucune option, mais décide de vendre les actions achetées l'année précédente grâce à ses options. Disons qu'il vend alors que les actions valent 138$. Il obtient donc 207 000 $ pour des actions payées 150 000$, donc un gain réel de 57 000$. Comme il a été imposé sur l'avantage (en partie seulement, voir point 3 ci-haut), on considère seulement son gain entre la valeur de 138$ et celle de 125$ au moment de l'exercice des options. Donc, un gain "fiscal" de 39 000$. Ce gain n'est imposable qu'à 50%, donc il inclus dans son revenu un montant de 19 500$ en plus de son 150 000$ de salaire. S'il contribue à son REER (h), il aura un impôt fédéral de 22 370$ et un impôt du Québec de 25 280$. Nous parlons ici de taux respectifs d'impôt de 10,8% et de 12,2%.
Mais attendez, et prenons un autre exemple, celui d'un contribuable comme mon employé de CFI du point 1, qui accumule ses richesses à vitesse de 240 000$ par an moins son coût de vie. Posons l'hypothèse qu'il a investi cet argent en bourse pendant quelques années, et l'année où il quitte le CFI pour un emploi "ordinaire" à disons, 100 000$ de salaire, il vend ses placements et réalise un gain sur cette vente de 200 000$. Il a donc un revenu de 300 000$ cette année-là, mais dont 50% du gain (donc 100 000$) est totalement exempté d'impôt. Son impôt fédéral sera de 32 117$ et son impôt du Québec sera de 34 940$ (i).
Ses taux d'impôts sont donc de 10,7% et de 11,6% respectivement.
Vous rappelez-vous que le taux d'impôt de base des particuliers au Canada est de 15%, et qu'au Québec, ce taux de base est de 16%?
À qui profite cette mesure d'exemption de 50% des gains en capital? Aux gens qui peuvent en réaliser, aux gens qui accumulent assez d'argent pour pouvoir le faire fructifier. Pour exempter 50 000$ de gain, il faut réaliser 100 000$ de gain total, donc avoir investi plusieurs dizaines/centaines de milliers de dollars pour réaliser ce gain; bref, il faut avoir accumulé de la richesse; être parmi les mieux nantis de la société. La mesure profite également aux banques et aux courtiers qui gagnent leurs commissions en effectuant les transactions pour ces riches clients. Le contribuable lambda qui gagne 40 000$ avant impôt n'a que peu d'argent résiduel pour investir sur les marchés financiers (surtout s'il contribue déjà à un REER).
Cette mesure profite uniquement à ceux qui ont accumulé beaucoup de richesses, beaucoup de liquidités; puisque c'est la seule manière de réaliser du gain en capital boursier important (j).
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5. Plafond élevé de contributions au REER.
Le REER est un bon outil pour que les gens qui n'ont aucun régime de retraite puisse s'en bâtir un à leur manière. La règle fiscale permettant de déduire de ses revenus (dont d'exempter d'impôt) les contributions aux REER est là pour inciter les gens à mettre de l'argent de côté pour leur retraite. Il faut aussi savoir que toute somme investie dans un REER peut fructifier à l'abri de l'impôt; les revenus d'intérêts, de dividendes ou les gains en capital réalisés à même les investissements fait dans le REER sont exemptés d'impôts. Je ne critiquerai pas l'ensemble de ces mesures du point de vue incitatif.
Par contre, j'avoue ne pas saisir un des éléments; le "plafond" autorisé de contributions (appelé officiellement "Maximum déductible au titre des REER").
Ce plafond, il existe pour empêcher les gens très riches de mettre énormément d'argent dans leur REER (et ainsi ne pas payer d'impôt sur ces revenus ni sur les gains accumulés ensuite dans le REER en question). C'est donc une bonne idée d'implanter un plafond.
Le plafond dépend de deux éléments (k): une limite annuelle fixée par règlement fiscal, et une limite annuelle de 18% des revenus de l'année précédente du contribuable.
Je vous invite à relire mes 4 exemples; vous y verrez que pour chacun, j'ai utilisé le plafond de 2011 (c), qui était de 22 450$. Or comme ce plafond augmente à chaque année, le plafond de 2012 est déjà connu; il est de 22 970$.
Faites un calcul rapide et vous verrez que ceux qui peuvent réellement profiter au maximum de cette mesure et de ce plafond, en 2012, sont les gens qui feront plus de 127 611$. Le contribuable gagnant 40 000$ de salaire est limité à 7 200$ de contribution, et donc, d'exemption fiscale. Ce plafond (annuel, répétons-le), permet donc aux contribuables les plus riches d'exempter plus de revenus d'impôts et de mettre plus d'argent  à l'abri de l'impôt.
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Réforme fiscale: Une conclusion.
Vu la longueur de ce billet, je conclurai brièvement sur cette démonstration.
Tous mes exemples étaient basés sur des contribuables faisant entre 150 000$ et 300 000$ par an. Imaginez les sommes en jeu quand on parle de millions de rémunération ou de gains; imaginez les sommes dont se prive l'État - volontairement - pour favoriser cette élite.
Ce que ma démonstration indique, c'est que si l'impôt sur le revenu est une manière pour chaque contribuable de faire sa juste part dans le financement des services publics, les lacunes dans la Loi Québécoise favorisent sans cesse les plus riches, ramenant leur part à un % d'impôt que l'on ne peut que qualifier d'injuste, si on le compare au commun des mortels de la classe moyenne.
Je vous laisse juger des motivations des ministres des finances et des premiers ministres qui permettent cette injustice; surtout lorsqu'ils nous disent que l'État n'a pas d'argent, qu'il faut faire sa juste part, et que pour ce faire, on devra faire face à la tarification des services publics.
Personnellement, je trouve ridicule que l'on traite d'idéalistes, d'irréalistes ou de communistes ceux qui veulent parler de réformer la fiscalité. Vous noterez que jamais dans cette démonstration je n'ai même mentionné de hausse des taux d'impôts des particuliers, même des plus riches. Il faudrait d'abord commencer par s'assurer qu'ils paient leurs impôts sur leur revenu, et non des impôts sur un revenu "élagué" par un favoritisme fiscal totalement injuste, avant de modifier des taux qui ne sont pas effectifs actuellement.
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Notes:
(a) J'évite ici de détailler les calculs fiscaux complexes, puisqu'ils rendraient très lourd ce billet et sa compréhension. N'hésitez pas à les soumettre à un comptable ou un fiscaliste ou à un simple logiciel d'impôt des particuliers si le coeur vous en dit. J'ai choisi cinq thèmes fiscaux; il en existe des dizaines d'autres qui auraient pu illustrer mon propos.
(b) Disons, marié, conjointe qui gagne très bien sa vie également, et deux enfants.
(c) Maximum déductible à titre de REER en 2011.
(d) Sources: Journal les Affaires.
(e) Il existe tout un marché spécialisé, soutenu par les compagnies minières, gazières et pétrolières afin de monter les structures légales qui permettent ces déductions fiscales et ce financement par des particuliers-investisseurs.
(f) Autres hypothèses, pour fins de simulation; marié, conjointe a un revenu de disons 30 000$, deux enfants.
(g) Je simplifie un peu, pour des fins évidentes de compréhension, ce billet n'étant pas un cours de fiscalité.
(h) Et disons qu'il est célibataire et sans enfants, pour varier les exemples.
(i) Contribution maximale au REER, pas de conjoint ni d'enfants.
(j) Je ne traite pas ici de l'exemption totale du gain en capital pour les petites entreprises, qui est une mesure pour stimuler l'entreprenariat local.
(k) Je simplifie en éliminant les Régime de Pension agréés du calcul, mais le raisonnement de base demeure le même.

vendredi 11 mai 2012

Crise sociale: L'utilisateur-payeur

Utilisateur-payeur: une introduction.
On peut constater qu'au cours de la crise sociale qui secoue le Québec actuellement, deux visions s'affrontent. Que l'on lise des éditoriaux, écoute la télé (informations, affaires publiques et opinions), des chroniques ou encore que l'on s'attarde aux commentaires dans ces mêmes médias et sur les réseaux sociaux, deux visions du Québec sont opposées et s'expriment de manières diverses. Ces deux visions peuvent être identifiées par divers étiquettes, mais on peut aussi dire qu'au centre de ce débat, on retrouve le concept d'utilisateur-payeur.
Ce concept, élaboré dans les années 70, mais qui a pris son envol avec le début de la déréglementation néolibérale des années 90, il est cher au gouvernement Libéral de Jean Charest et à son ministre des finances Raymond Bachand, qui se fait un ardent défenseur de la chose avec sa "juste part", qui vient justifier ses politiques.
En un mot, le concept d'utilisateur-payeur justifie l'idéologie selon laquelle les citoyens doivent payer leurs services à l'usage (tarification) plutôt que de les financer par des taxes et impôts communs. C'est la fiscalité individualiste à son extrême, le total opposé des impôts et taxes, qui vise un financement commun des services.
C'est ce concept qui justifie que les étudiants devraient payer plus pour leurs études, que ça soit une juste part ou non, qu'il y ait eu ou non choix social du Québec par le passé de financer les études post-secondaires et d'en assurer une accessibilité large pour toutes les classes sociales.
On a beaucoup parlé de marchandisation de l'éducation; l'étudiant est un utilisateur, il devrait donc payer.
Sous ce raisonnement, on retrouve celui-ci: pourquoi un citoyen-contribuable devrait-il financer (payer pour) les études d'un inconnu? Si on ajoute à cette équation les revenus que cet inconnu tirera de son éducation (on ne cite dans ces cas que les futurs médecins et avocats), alors le citoyen-contribuable moyen - surtout celui issu de la classe moyenne ou ne gagnant pas ce genre de revenus - ne voit pas pourquoi ça serait à lui de payer.
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Utilisateur-payeur: une illustration.
L'utilisateur-payeur, moi, je trouve ça aberrant comme concept d'économie dans une société quand on parle de services publics.
Voici pourquoi, par l'exemple. Voici où cette idéologie mène si on suit sa logique jusqu'au bout. J'invite les tenants du concept de l'utilisateur-payeur à s'assumer... jusqu'au bout.
Pas besoin de chercher bien loin pour illustrer mon opinion: je prendrai l'exemple d'un citoyen-contribuable au hasard, disons... moi (puisque je le connais bien).
Imaginons pour les besoins de la démonstration que je sois un défenseur du concept de l'utilisateur-payeur et regardons ce qui se passe avec deux assertions très simples.

1) Je n'ai pas d'enfants.
Ainsi, je serais d'accord avec la hausse des frais de scolarité, puisque je préfère que les étudiants, qui utilisent l'éducation post-secondaire, payent pour leurs études, plutôt que de la financer avec mes impôts.
Je suis aussi pour l'abolition des garderies subventionnées (à 7$ actuellement), puisque je ne vois pas pourquoi en tant que citoyen et contribuable honnête je payerais pour les enfants des autres. Avec mes impôts qui payent leurs garderies, les parents de la classe moyenne travaillent tous les deux et font plus d'argent que moi, en plus.
Je prône également l'abolition des crédits d'impôts pour enfants, des crédits pour frais de scolarité, des crédits de soutien aux enfants, de la prestation fiscale pour enfants et de la prestation universelle pour garde d'enfants. Pourquoi le citoyen-contribuable que je suis payerait-il plus d'impôt à cause qu'il a fait un choix personnel différent de ceux qui ont décidé d'avoir des enfants? Pourquoi je me priverais pour que les parents qui décident d'avoir des enfants reçoivent des cadeaux du gouvernement?
J'aimerais que ne soient pas remboursés les frais de traitement d'infertilité ni les frais de procréation in-vitro et je militerais pour l'abolition du crédit d'impôt pour frais d'adoption, de même que ceux pour la condition physique et artistique des enfants.
Évidemment, je proposerais au ministre des finances d'imposer un nouveau tarif d'inscription aux écoles primaires et secondaires; une fois encore, je ne vois pas pourquoi, n'ayant aucun enfant qui utilisera ces établissements, mes impôts serviraient à payer pour éduquer les enfants des autres.

2) Je n'ai pas de voiture.
Je suis évidemment pour le péage sur toutes les routes et autoroutes du Québec, puisque ce n'est pas moi qui les utilise. Pourquoi par mes impôts payerais-je pour l'entretien et la construction de routes qui servent à ceux qui les utilisent? L'utilisateur-payeur me dicte de refiler la facture aux automobilistes usagers des routes du Québec.
Bien entendu, je suis également pour le péage sur tous les ponts; surtout ceux qui entourent Montréal, puisque je ne comprends pas pourquoi je payerais ces ponts avec mes impôts pour permettre aux banlieusards de se construire des belles maisons en banlieue et de continuer à travailler à Montréal sans avoir à payer pour les infrastructures que ça nécessite.
Sinon, comme je suis un usager du transport en commun (métro, Bixi et autobus), si les routes et ponts demeurent gratuits, j'exige que ces transports collectifs soient également gratuits! En ce moment, je fais ma juste part en payant pour les utiliser (je suis donc un bon utilisateur-payeur), mais les automobilistes ne font pas cet effort pour leurs infrastructures.
Je militerais également pour un crédit de taxe municipale pour les gens n'ayant pas de voiture. En effet, le concept de l'utilisateur-payeur et de la juste part me dicte que ceux qui circulent dans la ville sont ceux qui exigent de celle-ci qu'elle déblaie les rues et réparent les nids de poule, ce qui coûte très cher à la municipalité, qui finance ces services avec mes taxes!
Je ne vois pas non plus en quoi mes impôts devraient servir à financer par crédit ou remboursement l'achat de véhicules hybrides ou éco-énergétiques des autres.
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Vous aurez compris le principe. Je pourrais continuer longtemps, avec d'autres assertions, comme le fait que je sois en bonne santé (donc je serais pour l'abolition du régime public d'assurance maladie et d'assurance médicament), ou encore j'ai toujours eu un emploi (donc je militerais activement pour l'élimination de l'assurance-emploi et de l'aide-sociale, ou leur remaniement pour les faire financer exclusivement par ceux qui ont eu droit à des prestations par le passé - une forme d'utilisateurs-payeurs). N'ayant pas d'entreprise, je voudrais l'abolition des subventions aux entreprises, etc.
Et pourquoi pas l'abolition des coûteuses inspections des viandes et abattoirs dans la province, puisque je suis végétarien? Ou sinon, l'imposition d'une taxe spéciale sur la viande qui constituerait la juste part des mangeurs de viande au financement de ces inspections? On pourrait appeler ça la "contribution carnivore".
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La logique de cette philosophie.
Vous avez compris où mène la logique de l'utilisateur-payeur, vous avez compris que si on suit cette logique, qu'on l'assume totalement, jusqu'au bout, on abouti à une société qui n'a plus grand chose à voir avec une société; on abouti à un regroupement d'individus où chacun vit pour lui-même, par lui-même, et dans la plus grande autarcie possible. Évidemment, sans tous les filets sociaux que mon exemple fini par abolir, et avec toutes les tarifications de services que mon exemple fini par imposer, les gens pouvant simplement vivre comme ils le font aujourd'hui au Québec seraient un très très petit nombre; et le regroupement d'individus en question s'effondrerait probablement assez vite sur lui-même devant les problèmes qu'il aurait à affronter (pauvreté accrue, maladie accrue, taux de natalité encore plus bas, taux de chômage encore plus haut, apparition de violences accrue, etc).
Voilà donc pourquoi je trouve aberrant le concept d'utilisateur-payeur quand on parle de services publics dans une société. S'il s'agit de services publics, ils devraient être adéquatement financés par l'argent public, pas par la poche de ceux qui en ont besoin à un moment ou un autre de leur vie.
Et cet argent public, il provient des impôts et des taxes (j'y reviens plus loin).
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L'injuste part.
On me dira qu'il est injuste qu'un citoyen-contribuable qui gagne 400 000$ par an paye 7$ par jour pour une  place en garderie alors que ce même tarif est appliqué à l'enfant d'un citoyen-contribuable qui gagne 40 000$ par an. On me dira qu'il faudrait établir un système (à deux vitesses) pour compenser cette "injustice", mais c'est oublier qu'alors, le citoyen qui gagne 400 000$ par an et qui payera 45$ par jour, il le fera dans une garderie qui deviendra alors plus riche, et engagera probablement les meilleurs employés, au détriment des garderies plus pauvres, à 7$. Dans ce cas précis, l'utilisateur-payeur mène vers un système profondément injuste dans lequel le plus riche a accès à de meilleurs services publics que le plus pauvre. Quand on parle de services publics (comme l'éducation, par exemple), c'est profondément injuste.
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La juste part fiscale.
Comment puis-je prétendre que ce n'est pas injuste que le citoyen gagnant 400 000$ paye le même tarif que son voisin qui gagne dix fois moins par an? Et bien parce qu'il existe déjà un mécanisme pour réparer cette "injustice", et toutes celles - qui existent en apparence seulement - de tous les autres services publics.
Ce mécanisme, ça s'appelle l'impôt sur le revenu, et les taxes à la consommation.
En payant plus d'impôt sur le revenu, le contribuable gagnant 400 000$ contribue plus que son voisin à financer les garderies à 7$; il y fait donc sa juste part, sans créer un système à deux vitesses ni que l'utilisateur des garderies soit le seul à payer pour leur existence. En payant plus de taxes à la consommation à l'achat d'une Jaguar alors que son voisin achète une Élantra, le même contribuable finance sa juste part des services publics, encore une fois.
Évidemment, l'impôt sur le revenu a ses défauts (et ils sont nombreux). C'est d'ailleurs là qu'il faut fouiller si on veut réformer l'économie et les finances du Québec. Ce qu'il faut, c'est une véritable réforme fiscale, pas des tarifications injustes, pas des utilisateurs-payeurs.
L'impôt sur le revenu sera donc le sujet de mon prochain billet.
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Lectures complémentaires:
Pour les curieux, Gérald Fillion dresse un court historique de l'intervention du concept dans la fiscalité du Québec sur son blogue.
Le chroniqueur Patrick Lagacé de La presse s'attaquait lui aussi aux dérives d'un tel concept, de ses limites (ou de comment les définir).

jeudi 10 mai 2012

Crise sociale: Mémoire sélective et mensonges grossiers

Je ne sais pas pour vous, mais j'accepte comme faisant partie du jeu politique que les politiciens adoptent un discours "adapté" à leur besoin car j'ai la prétention de pouvoir faire la part des choses la plupart du temps.
Ainsi, quand Jean Charest mentionne qu'il y a deux partis (PQ et QS) qui sont contre la hausse des frais de scolarité et deux autres pour le financement des universités, j'y vois évidemment une entourloupette (tellement grossière en plus) où il laisse croire que le PQ et QS sont contre le financement des universités, ce qui est faux, évidemment. Personnellement, je vois à travers, je le trouve épais d'utiliser une stratégie aussi grossière, mais que voulez-vous, ça fait partie du jeu (et il semble que ça marche, en plus).
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Par contre, me faire mentir en pleine télé par le Premier Ministre m'insulte au plus haut point. Au point, évidemment, de ne plus avoir un seul gramme de confiance en celui qui agit de la sorte. En plus de me mentir effrontément, il le fait en me pensant assez imbécile pour ne pas m'en rendre compte. C'est vraiment insultant.
Ainsi, depuis plusieurs jours, Jean Charest affirme à tout vent qu'il a toujours été en mode écoute, en mode d'accueil et de négociation avec les étudiants.
Il l'a même ré-affirmé, et en pleine Assemblée nationale:
"Depuis que des associations et des représentants d’associations étudiantes ont manifesté une opposition à la politique, nous avons été ouverts, M. le Président." (mercredi 9 mai)
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Nous sommes le 10 mai 2012; pourtant, les déclarations de fermeture, de rigidité, de refus de rencontrer les leaders étudiants ne datent pas d'il y a deux ou cinq ans; ces déclarations, nombreuses, datent d'il y a moins de 3 mois!(*) Il faudrait que je sois particulièrement crétin pour ne pas me rappeler ces déclarations de fermeture totale envers le mouvement étudiant!
Que Jean Charest ait une mémoire sélective et décide de me mentir, tant pis pour lui, mais je n'aime pas que les grands médias (journaux et télé) ne le confrontent pas quand il dit une telle ânerie. Pourquoi, hier, quand il a réaffirmé ce mensonge, aucun journaliste ne lui a ressorti ses propres archives sur son entêtement qui a duré plusieurs semaines? Au fond, on sait tous - pour ou contre la hausse, pour ou contre la grève étudiante- que si on en est rendu là, c'est justement parce que le PM, et sa ministre de l'éducation, se sont entêté et ont laissé traîner les choses pendant quelques mois avant même d'envisager un plan de sortie de crise et de rencontrer les leaders étudiants. Pourquoi les grands médias ne poussent pas l'information jusqu'à l'épreuve des faits et se contentent plutôt de simplement relayer la déclaration du jour du PM ou d'un de ses ministres sans mise en contexte préalable?(**)
Évidemment, s'il me ment aussi effrontément sur un sujet dont je me souviens très bien, que j'ai suivi, et que sur lequel je peux vérifier le mensonge en quelques clics de souris(*), je ne peux qu'imaginer à quel point il ne se gène pas pour me mentir sur tout le reste, tout.
Voilà pourquoi je ne fais pas confiance au gouvernement Libéral. Pas par cynisme, pas par paranoïa, mais parce qu'ils me prouvent jour après jour, mensonge après mensonge, que je ne dois absolument pas leur faire confiance.
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(*) Voir les quelques exemples de ce billet, captés sur le site internet de La Presse (j'aurais pu faire la même chose avec d'autres médias), qui s'échelonnent du 15 février au 5 avril 2012.
(**) À ce sujet, en relayant la sortie "étonnante" de Pierre Reid, discréditant les étudiants, les médias auraient pu faire mention du fait qu'il est un ex-recteur d'université, en plus d'avoir perdu son poste de ministre (de l'éducation) et de redevenir "simple député" suite au conflit étudiant de 2005.

mardi 8 mai 2012

Crise sociale: L'Histoire en quatre films

Pour ceux que l'Histoire (qui se répète souvent) intéresse, je vous invite à visionner 4 films, dont trois sont des classiques du cinéma québécois. Chacun à leur façon vient éclairer la crise sociale qui secoue notre Québec sans gouvernance. Car ces films, malgré que la plupart datent de plusieurs années (voir décennies), ils sont encore brûlant d'actualité. Leur visionnement (ou un second visionnement si vous les aviez vu il y a un certain temps) jette une lumière fort intéressante sur la crise actuelle et sa (non) gestion par le gouvernement.

Sujet: Étudiants désirant rencontrer le gouvernement pour parler de frais de scolarité et d'accès à l'éducation.
Film: L'histoire des trois (1990), un documentaire de Jean-Claude Labrecque. En 1958, trois étudiants quittent Montréal en train vers Québec où ils désirent rencontrer le Premier Ministre Maurice Duplessis, pour lui demander de s'asseoir officiellement avec des leaders étudiants et ouvrir le débat sur l'accès aux universités, leur coût pour les étudiants et le financement des établissements. Ils sont accompagnés par un journaliste du Devoir, qui appuie le mouvement étudiant. Duplessis rejette la demande du haut de son mépris. "Les trois" demeurent à Québec et sollicitent à chaque jour une rencontre. Leur mouvement dure trois mois. Ils ne rencontreront jamais le Premier Ministre. En 1990, le documentariste Jean-Claude Labrecque les regroupent et ils reprennent le train pour Québec en se remémorant les événements de 1958. Ce film offre un regard sur le mouvement étudiant absolument fascinant! C'est incroyable comment ce documentaire aurait pu être tourné en 2012 (ainsi que les images d'archives et les titres des journaux de l'époque) tellement les parallèles entre leur situation et celle des trois leaders étudiants d'aujourd'hui sont nombreux. Il n'y aurait qu'à changer quelques noms, mais tout y est: Premier Ministre entêté (et blagueur), mainmise des grandes entreprises sur le parti au pouvoir, patronage, corruption et scandales sur les ressources naturelles, paternalisme face à ces "jeunes", offre de sortie de crise bâclée vers la fin, menace de perte de session d'études, etc. Une belle leçon sur les choses que l'on croit acquises, sur la nécessité des mouvements sociaux, sur le prix à payer pour revendiquer, sur les réflexions engendrées dans la population et sur les résultats obtenus sur le long terme. (***)

Sujet: Le ton bon enfant et paternaliste des gouvernants du Québec en compagnie d'un parterre de gens d'affaire détenant le pouvoir.
Film: Le temps des bouffons (1985/1993), un court métrage de Pierre Falardeau, qui en assure également la narration (*). Ce pamphlet politique acide et cinglant montre une soirée d'anniversaire du sélect Beaver Club de Montréal, réunissant la crème du monde des affaires de l'époque, ainsi que des têtes dirigeantes et/ou d'ex-dirigeants (ministres, sénateurs, gouverneur général, etc). La ressemblance avec le salon du Plan Nord et le discours blagueur/méprisant de Jean Charest est absolument saisissante. La dénonciation de la mainmise de cette bourgeoisie économique et de celle, politique, à son service, n'a pas pris une ride. Attention aux oreilles sensibles; la narration de Falardeau est représentative de son ton habituel; provocateur, direct et souvent très vulgaire (parfois inutilement trop vulgaire, mais c'est Falardeau, que voulez-vous). Son message demeure toutefois parfaitement juste et toujours d'actualité.(**)

Sujet: Abus de pouvoir, arrestations arbitraires et violence policière.
Film: Les Ordres (1974), de Michel Brault, avec Jean Lapointe et Hélène Loiselle. Dans la foulée de la Crise d'Octobre, la Loi des mesures de guerre est déclarée et donne à la police toute latitude pour arrêter n'importe quel citoyen sans mandat. Plusieurs arrestations d'opposants aux instances gouvernantes ont lieu. La violence à laquelle ces citoyens sont soumis par les policiers, puis par les gardiens de prison, est parfois dure à supporter. Ils sont libérés après 6 à 21 jours de détention (sans information ni accusation formelle), détention accompagnée d'un traitement qui peut être caractérisé d'inhumain à plusieurs égards. Ils n'ont jamais été accusé; les autorités évoquant des "erreurs de procédure". L'ensemble du film brosse un portrait tragique d'une page très noire de l'histoire du Québec et qui fait comprendre que ce que l'on prends souvent pour acquis (comme le droit d'expression) est encore fragile, même chez nous. Certains parallèles avec la situation actuelle sont inévitables. (**)

Sujet: La mauvaise foi en négociation et la rédaction d'entente de principe.
Film: "La Stratégie du Choc" (The Shock Doctrine, 2009), documentaire tiré de l'essai du même titre de Naomi Klein. (Je vous en avais parlé dans ce billet en novembre dernier). Ce film démontre avec brio la mécanique derrière la stratégie des gouvernants néo-libéraux pour que le peuple accepte son idéologie et ses politiques. Le concept développé par Klein est idéal pour saisir comment le gouvernement Libéral a utilisé la privation de sommeil, le refus de faire des pauses, le climat d'urgence et l'ampleur du choc causé par la crise sociale qu'a exacerbé le conflit étudiant à son avantage lors des négociations de la "sortie de crise" de la fin de semaine dernière.(**)

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(*) Merci à Daniel Sernine et Gabriel TD pour le signalement très pertinent sur ce film.
(**): Disponible en DVD.
(***): Disponible sur le site web de l'ONF.

dimanche 6 mai 2012

Crise sociale: Grands médias et réseaux sociaux

Note: Ce billet a été mis à jour le 8 mai 2012, avec une note supplémentaire au bas.
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Une des grandes observations à faire de la crise sociale qui frappe le Québec depuis 3 mois est l'incapacité des grands médias traditionnels à fournir une information complète, calibrée et de qualité. Je ne suis ni un grand utilisateur, ni un convaincu des réseaux sociaux, je n'ai qu'une page restreinte Facebook, une encore plus restreinte sur Google+ et pas de compte Twitter. Pour moi, les réseaux sociaux sont remplis de "bruit de fond" inutile et frivole, la plupart du temps. Pourtant, sans les réseaux sociaux (*), j'ai l'impression que je n'aurais jamais vu la réalité de cette crise; je n'aurais eu que le point de vue restreint qui a été diffusé à la télé et dans les grands journaux. Or ces médias étant ce qu'ils sont (en concurrence, cherchant l'image-choc ou la nouvelle qui frappe), ils ont grandement erré dans leur couverture de la crise sociale.
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Ce billet présente une galerie de coupures de presse, de grands titres, de commentaires issus des réseaux sociaux afin d'illustrer ce que je veux dire par information incomplète, non calibrée et de piètre qualité, que nous a livré l'ensemble des médias traditionnels.


Sous le titre "Conflit étudiant", on parle de violence inquiétante et des manifestations contre le Plan Nord qui ont tourné à l'émeute, mais qui n'étaient pas le fait des étudiants.

J'ai, essentiellement, trois reproches à faire aux grands médias traditionnels;
1) On a été incapable de clairement faire la part des choses entre les casseurs et anarchistes divers qui ont commis des actes criminels et provoqué de la violence, d'une part, et des dizaines de milliers d'étudiants pacifiques qui manifestaient dans le calme, d'autre part. On a associé plus souvent qu'autrement la violence et les étudiants, un biais lancé et souhaité par le gouvernement lui-même, comme le montre la rhétorique du premier ministre et de la ministre de l'éducation. Les médias traditionnels n'ont pas eu le réflexe ni le professionnalisme de questionner cette rhétorique.


Prétexte pour dénoncer les "violences étudiantes": Autre biais; ces premières discussions ne portaient pas sur la hausse des droits de scolarité, malgré le titre de l'article de la PC.


Avec comme entête: "Actualité: Éducation", on relie le conflit étudiant aux barricades, vitrines fracassées, arrestations et chaos.


Titres tirés d'un dossier de La Presse regroupant leurs articles et chroniques sur le conflit étudiant. Le pire est à craindre, trimestre en péril, athlètes inquiets, injonctions non respectées, etc. En exigeant des votes secrets, Jean Charest sous-entend qu'il y a intimidation/violence dans les assemblées... et oublie de mentionner que le vote à main levé est exactement ce qui est utilisé lors des assemblées du Parti Libéral en congrès et dans la plupart des assemblées politiques.

2) Malgré les milliers de photos et les centaines de vidéos tournés par les médias traditionnels, on a été incapable de montrer les images de la brutalité policière (je ne parle pas ici de policiers qui tentent de maîtriser un casseur qui a commis un crime, je parle de brutalité injustifiée). On a été incapable de montrer les abus des troupes policières et des brigades anti-émeutes, qui souvent, ont eux-mêmes provoqué la violence que l'on déplorait par la suite.


Sur sa page Facebook, le journaliste au Voir Simon Jodoin témoigne d'une "émeute" provoquée par les policiers.


Sur sa page Facebook, Annick Vigeant témoigne de ce qu'elle voyait en direct à CUTV (*) et comprend où mène l'association violence-étudiant que fait le gouvernement; l'opinion publique passera du côté du gouvernement par peur de tout cette violence.

3) Malgré les dizaines, voir centaines, de témoignages d'arrestations injustifiées, aucun média traditionnel n'a fait ressortir l'injustice commise envers des gens qui, dans plusieurs cas, n'avaient rien à voir ni avec les étudiants, ni avec les casseurs, ni même avec les manifestations en cours. Deux exceptions ont filtré; le cas d'Alexis Martin, violenté et arrêté et à qui ont a refilé une amende injustifiée alors qu'il passait sur la rue, en toute innocence. Ce cas, tous les médias traditionnels en ont parlé. Tous. Le second cas est celui d'un journaliste de La Presse et d'un photographe du même journal, arrêtés injustement et dont le matériel saisi a finalement été rendu. Tant que ça n'a pas touché une célébrité locale ou des gens des médias, tous les autres cas d'arrestations injustifiées et de violence excessive de la police n'ont même pas été rapportés.



Une professeure de l'Outaouais, sur son compte Twitter, commente en direct l'arrestation brutale d'étudiants et supporteurs pacifiques, par la police: On leur refuse de l'eau, on les "menotte" avec des tie-wraps, etc. 



Mme Bilodeau de l'Outaouais, suite.


Extrait de témoignage sur la page Facebook de Charles Gill, lors de la même arrestation massive; il y rapporte des gens plus âgés violentés, des empêchements d'aller aux toilettes, etc.


Compte tenu de ce qui précède (et que ces quelques exemples sont loin d'être des cas isolés; amusez-vous sur Facebook, Twitter et Youtube), comment un journaliste peut-il accepter ce commentaire sans confronter les chefs de police à la réalité des témoignages? Le chef du SPVM a fait le même commentaire à l'émission Tout le monde en parle à Radio-Canada.

Pourtant, pendant plusieurs semaines, l'ensemble des manifestations était entièrement pacifique; même lors du débordement du 7 mars devant l'édifice de Loto Québec, tous les manifestants étaient pacifiques et c'est la brigade anti-émeute par son intervention qui a déclenché un affrontement. Parmi ces nombreuses manifestations pacifiques; il y a eu celle du 22 mars, puis celle du jour de la Terre, le 22 avril, où plusieurs centaines de milliers de personnes étaient dans les rues, pacifiquement. Le gouvernement a décidé de les ignorer... de même que certains médias.

Une de La Presse au lendemain du Jour de la terre. Notez que la Une mentionne que le chef de police appel au calme; il n'y a pourtant eu aucun incident lors de cet événement festif. 


Une du Devoir le 23 avril.
Le gouvernement n'a pas commenté, ni tenu compte des manifestants pacifiques.

À titre d'information, la Une du Journal de Montréal au lendemain de la manifestation ayant regroupé de 150 000 à 300 000 personnes dans les rues de Montréal. Ses lecteurs sont-ils réellement informés de ce qui se passe au Québec? Dans l'encart soulignant que la ministre rencontre les étudiants, on voit une photo... de policiers.

Une fois ces trois points bien installés dans la logique médiatique du conflit, la paranoïa collective envers les étudiants ne pouvait que nuire au mouvement, et avantager un gouvernement qui est en campagne pré-électorale; peu importe le moment du déclenchement des élections, Jean Charest n'a jamais géré la crise en tant que Premier Ministre mais constamment en tant que chef du Parti Libéral en quête d'un autre mandat.

André Pratte, éditorialiste de La Presse, condamne l'exploitation de la violence par les étudiants, et évoque la possibilité qu'il y ait des morts. La rhétorique de la peur des étudiants est bien installée.


TVA nouvelles cite le cas d'un étudiant "rouge" qui "appelle à la violence" en se demandant jusqu'où ces étudiants sont prêts à aller.


TVA nouvelles ne cite pas cette étudiante (Catherine Deslauriers, qui s'affiche "verte" sur sa page Facebook)... et qui conseille à un immigrant de retourner dans son pays, à un "rouge" parasite de se tuer, et ajoute plus loin espérer qu'une autre se fasse casser la face par les policiers.

Jamais nous n'aurons d'information dans les médias traditionnels sur la violence des pro-hausse parmi les étudiants. Jamais. Nulle part. Quand on parle d'eux, on parle de victimes de la grève, intimidés par les violences des étudiants contre la hausse.

Extrait d'un texte intitulé "Les laissés-pour-compte" publié dans La Presse, par la mère d'une étudiante victime de la grève.


La "sortie de crise" négociée (enfin!) en fin de semaine, en plus de tomber par une miraculeuse coïncidence pendant le congrès du Parti Libéral à Victoriaville, aurait tout aussi bien pu être négociée il y a 8 semaines, pour peu que le gouvernement ait vraiment voulu régler la crise. Le trimestre aura donc été "en péril" aussi longtemps que le gouvernement l'aura voulu, et aura cessé d'être en péril quand il aura décidé de véritablement discuter de la sortie de crise.

Si vous vous demandez pourquoi Jean Charest a ainsi géré cette crise, voici une bonne partie de la réponse:

Grands titres de l'édition Internet de La Presse: L'appui aux étudiants s'effrite; la grève étudiante profite aux Libéraux, annulation de cours, de trimestre, etc. 


Résultat d'un sondage publié dans divers médias, dont Le Soleil et La Presse... 

Pour la première fois depuis des mois (des années, en fait), le PLQ a une légère avance dans un sondage sur les intentions de vote des Québécois. À qui a profité la crise sociale? Qui a eu avantage à faire perdurer le conflit étudiant? Qui a eu avantage à régler in extremis avec une solution qui aurait été applicable il y a des semaines et des semaines?

Jean Charest a réussi son pari; et il l'a réussi grâce à la complicité (involontaire dans la majorité des cas) des médias traditionnels. Espérons qu'ils se réveilleront et corrigeront le tir; si la crise se résorbe enfin, ils auront d'autres sujets à couvrir, ou d'autres questionnements à se poser. Avec un peu de chance, certains prendront du recul et verront ce qui est arrivé, ce qui produira peut-être un effet de balancier qui est souhaitable.

On notera que l'on déplore aujourd'hui que deux étudiants (pacifiques, encore une fois) aient été blessés lors de l'intervention policière de Victoriaville (Témoignage d'un professeur présent sur les lieux, dans le Voir). Un d'eux en a perdu l'usage d'un oeil. Cette horrible conclusion à une crise, dont le gouvernement a favorisé l'enlisement par son inaction, doublée du manque de retenue des forces policières, aurait facilement pu être évitée. Ce n'est pas comme s'il n'y avait pas eu un avertissement; le 7 mars, déjà, un étudiant avait failli perdre l'usage d'un oeil à cause d'une bombe assourdissante mal utilisée par la police à Montréal, alors qu'il était pacifiquement en train de jouer de l'harmonica.

Tiré de La Presse, après les événements du 7 mars. Seul cas de brutalité policière plus largement couvert par les médias traditionnels. Pourquoi ont-il décidé d'arrêter de couvrir ce sujet par la suite?

On dit à ceux qui ont été victimes d'actes policiers répréhensibles de porter plainte au comité de déontologie; or si on reproche à certains manifestants d'être masqués, avez-vous déjà essayé d'identifier un policier de la brigade anti-émeute qui vous frappe à coup de matraque, ou encore - dans le cas d'un jeune blessé de Victoriaville, tenté d'identifier le policier coupable de l'avoir tiré avec une balle de caoutchouc rigide?

Sauriez-vous reconnaître ce policier, s'il vous tirait une balle de caoutchouc ou vous frappait avec sa matraque? Photo tirée de l'édition internet de La Presse, qui couvre en photos l'émeute de Victoriaville dans le cadre du conflit étudiant. On n'y mentionne pas que les casseurs et anarchistes n'étaient pas des étudiants. 

Vous aurez compris que ce billet n'est pas écrit contre les médias traditionnels; les grands médias publics sont importants en démocratie; ils sont souvent le dernier rempart qui empêche la manipulation de la population par les gouvernements (plus spécifiquement par les partis au pouvoir); ce que je souhaite, c'est qu'ils remplissent ce rôle essentiel au lieu de se faire manipuler eux-mêmes, et nous avec eux.
Quant à la police, elle a un sérieux examen de conscience à faire. Elle ne le fera pas, comme on a pu le lire et le voir un peu partout; elle ne reconnaît aucune faute.
Pourtant - une simple anecdote, mais révélatrice de l'ambiance qui règne dans les corps de police - un ami me disait hier être allé voir la police avec un collègue victime d'une tentative de vol, et la discussion a tourné sur le mouvement étudiant; une policière lui a dit tellement haïr les étudiants qu'elle les tuerait.
Que les médias ne parlent pas de cette attitude violente est fort dommage. Le font-ils parce qu'ils veulent protéger leurs bonnes relations avec les policiers qui sont des précieuses sources d'information?
Peu importe la raison, ce silence de leur part est inquiétant.
Enfin, l'attitude des policiers, qui ne se rendent plus compte qu'ils agressent la population qu'ils sont supposés "servir et protéger", est tout simplement terrifiante. Ce ne sont pas les exemples ailleurs dans le monde qui manquent pour illustrer où peut mener une telle attitude et son acceptation par les médias et une bonne partie de la population.
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AJOUT - 8 mai 2012 - Des dizaines de témoignage de ce qui s'est passé à Victoriaville sont apparus dans les derniers jours sur les réseaux sociaux; des témoignages de pompiers et d'infirmières, entre autres, qui ont porté secours aux blessés, et qui confirment que plusieurs ont été blessés par l'utilisation de balles de plastique par la police (et non de caoutchouc comme il a été fait mention - et repris dans mon billet ci-haut). Ces témoignages condamnent l'action des policiers, qui ont refusé de venir en aide aux blessés et refusé d'appeler les ambulances (ou le 911). Il y a un vidéo disponible sur Youtube dans lequel on voit un blessé par terre et une rangée de manifestants qui tentent de le protéger en criant à l'unisson: "Y'a un blessé, y'a un blessé...", mais la police continue de charger et de lancer des gaz; le blessé (grave) doit être déplacé en catastrophe. Une pétition circule sur Internet pour dénoncer la violence policière qui a cours depuis le début du conflit. On apprend aussi que le jeune qui a failli perdre un oeil le 7 mars n'a toujours pas retrouvé l'usage de son oeil et que sa carrière en art est sérieusement compromise. Enfin, une page Facebook recueille présentement plusieurs témoignage de paramédics, de journalistes, d'ambulanciers et de manifestants; on y parle également du gazage des secouristes qui a eu lieu à Victoriaville et on mentionne qu'un dossier est ouvert contre l'intimidation et la brutalité policière à l'ONU. 
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AJOUT FINAL - 12 mai 2012 - La SQ a convoqué un point de presse pour justifier ses actes et réfuter les accusations d'utilisation abusive de violence. Le Premier Ministre a déclaré avoir trouvé l'intervention de la SQ "exemplaire". 
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(*) J'inclus CUTV dans les réseaux sociaux; la télé étudiante universitaire de l'université Concordia, qui diffuse sur le web, a décidé de couvrir en direct la plupart des manifestations (Transparence; un peu avant minuit le 27 avril dernier; CUTV m'a interviewé lors d'une marche nocturne à laquelle je participais dans les rues de Montréal).

vendredi 4 mai 2012

Crise sociale: Et si je vous donnais des centaines de millions?

Depuis le début du débat sur la hausse des frais de scolarité, la position du gouvernement a le mérite d’être claire : la hausse est inévitable, puisque les universités sont sous-financées et que le gouvernement n’a pas les moyens à lui seul (sans couper dans d’autres programmes ou services) d’injecter ce qu’il manque. On demande donc aux étudiants de faire leur juste part. La contribution des étudiants est établie à environ 325 millions de dollars.
Gouverner et administrer les finances publiques n’est pas chose facile, j’imagine. C’est toujours, comme dans un budget familial ou personnel, une affaire de choix. Certains préfèrent sortir au restaurant chaque semaine, d’autres se payer une voiture de luxe, d’autres encore mettent plus d’argent de côté pour leur retraite, quelques-uns préfèrent voyager en indépendant, alors que d’autres achètent un condo. À chacun ses choix, selon ses propres valeurs.
Gouverner et administrer les finances publiques relève du même exercice de choix, mais devrait (en théorie) être pratiqué selon les valeurs les plus communes à la majorité de la population de ce « public ».
Imaginons un instant que je vous donne 20 000$... partez-vous en voyage organisé en Europe dans des 5 étoiles pour quelques semaines? Achetez-vous une voiture? Remboursez-vous vos dettes? Investissez-vous dans des REER ou des obligations d’épargne? Chacun ses choix.
Ça c’est 20 000$. Imaginez que je vous donne des centaines de millions de dollars…
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Voici quelques-uns des choix récents du gouvernement Libéral de Jean Charest; les choix fait avec votre argent, des centaines de millions de dollars, des choix fait par un gouvernement qui clame haut et fort que le Québec n'a pas d'argent, qu'on doit tous faire sa juste part. Dites-moi par la suite si ces choix représentent « vos valeurs », celle des Québécois pris dans leur majorité.
1. Construction-prolongement de la route 167. Coût: 331 millions de dollars plus la garantie d’assumer tous les dépassements de coûts du projet. Cette construction est effectuée pour permettre à une compagnie exploitant une mine de diamants de se rendre au site.
2. Amphithéâtre de Québec - Contribution du Gouvernement du Québec: 200 millions de dollars; L’édifice sera géré (à profit) par une entreprise privée sans qu’elle eut à y mettre un dollar dans sa construction (*).
3. Dépenser 700 millions de dollars pour remplacer complètement les panneaux routiers du Québec, TOUS les panneaux routiers, sous le seul prétexte que la population vieillit et que sa vue baisse. Évidemment, il vous faut attendre de démanteler le secteur du ministère des transports qui se charge habituellement de fabriquer ces panneaux (démantèlement en 2008) pour pouvoir donner le contrat à des firmes privées (ce qui fut fait en 2010).
4. Offrir un tarif préférentiel de 4,5 cent le kilowattheure à Arcelor-Mittal, une compagnie exploitant une mine de fer. Dans votre maison, vous payez un minimum de 5,32 cent le kwh pour les 30 premiers kwh par jour, puis 7,51 cent le kwh (si vous n’excédez pas 50 kwh). Dans ses derniers états financiers annuels (2011), Arcelor-Mittal affiche des revenus de 93 973 millions et des profits nets d’impôts de 2 259 millions de dollars.
5. Construire une route pour Goldcorp (GC), au coût de 40 millions de dollars. Pour GC, qui pense extraire grâce à une mine qu’elle atteindra avec cette route, 600 000 onces d’or par an pendant 20 ans. L’or se transige actuellement à 1600 $ l’once. Je vous laisse le soin de calculer si GC aurait eu les moyens de construire sa route d’accès, ma calculatrice à 9 chiffres me donne une erreur que j’essaie. (Indice : Ça avoisine le milliard de dollars par an d’extraction, donc 20 milliards en 20 ans, en supposant que le prix de l’or n’augmentera plus; or il a grimpé de 400% depuis 2004). GC a affiché des profits nets d’impôts de 1,9 et de 2 milliards (2011 et 2010).
6. Avec les miettes, vous pourriez payer 560 000$ pour la publicité sur le budget 2012, publicité dans laquelle aucune mesure du budget n’est mentionnée. Cette propagande pro-Libérale est payée à même les fonds publics, bien entendu, on ne parle pas ici de "publicité électorale".
7. Oh, je sais! Vous pourriez restaurer les sites contaminés et abandonnés par les mines (avant d’instaurer le plan nord pour en créer de nouveaux); bon vous n’auriez pas assez de quelques centaines de millions, puisque ça va coûter 1,25 milliards, et ce montant de 1 250 millions n’est encore qu’un estimé, on envisage des dépassements de coûts. Vous devez évidemment refuser catégoriquement d’envisager faire payer une partie de ces coûts de restauration du territoire aux compagnies minières.
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L’ensemble de ces quelques choix représente plus de 2 521 millions de dollars. Soit, pour ces seuls exemples, et sans compter le cadeau à Arcelor-Mittal (inestimable, littéralement, sans autres données), huit fois la « juste part » demandés aux étudiants et parents d’étudiants.
Bien sûr, si je vous donnais des millions, j’espèrerais que vous votiez pour moi en retour, et que vous me réserviez quelques-uns de ces millions comme administrateur, à ma retraite de la politique (*).
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Sources des données: La Presse, Radio-Canada, Le Devoir, sites de Goldcorp et Arcelor-Mittal, TVA nouvelles, site d'Hydro-Québec.
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(*) Dans le cas de l'Amphithéâtre, il n'y aura pas de position au conseil d'administration, mais en échange de ces bonnes mesures (et bien d'autres), l'Empire médiatique dont il est question dans ce dossier vous assurera une bonne presse dans le dossier étudiant (violence, dénonciation, chroniqueurs favorables au point de vue gouvernemental, etc).

mardi 1 mai 2012

Crise sociale: Le cas de ma mère et d’Henry VIII

L’an dernier, pour son anniversaire, nous avons offert à mon père un coffret de DVD de la série The Tudors. Ma mère et mon père ont donc écouté avec plaisir les premières saisons de cette série, qui débute dans la jeunesse d’Henry VIII, Roi d’Angleterre. Depuis, ma mère ne cesse de dire qu’elle a aimé la série mais qu’elle est toujours enragée devant le comportement et le contrôle total que les rois avaient sur les gens à cette époque. Elle s’offusque profondément du pouvoir de vie et de mort, du pouvoir de décapitation (souvent appliqué sur le champ), dont dispose Henry VIII. Elle trouve que c’était une époque violente et absolument épouvantable. Elle trouve que l’on est bien mieux aujourd’hui.
Ce qui m’a rappelé les commentaires de ma mère sur The Tudors et Henry VIII pendant la crise sociale actuelle au Québec, c’est que devant les abus policiers, la violence de certains casseurs et les émeutes lors du salon du Plan Nord, ma mère est troublée de voir autant de violence, ici, au Québec, particulièrement à Montréal, puisqu’elle y habite (il n’y a pas eu de manifestation dans son quartier, mais comme tout montréalais, elle connait bien les lieux des manifestations puisqu’elle les fréquente sur une base régulière). Évidemment, ma propre participation à plusieurs manifestations et marches n’a rien fait pour calmer son sentiment de crainte face à cette violence.
Ma mère me pardonnera d’étaler ici publiquement certains éléments de sa vie privée, mais je dois mettre deux ou trois détails en contexte, pour ce qui suivra. Ma mère est issue d’une famille modeste/pauvre dans un petit village perdu au nord du Lac St-Jean, famille qui a déménagée à Roberval, toujours au Lac St-Jean, où elle a passé la majeure partie de sa vie. Elle a été éduquée chez les « bonnes sœurs », avec donc, des bonnes manières, et, on s’en doute, une absence de propension à prôner la révolution, puisqu’elle a grandi à une époque où le clergé avait encore un pouvoir considérable au Québec et espérait que les choses demeurent ainsi. Ma mère a toujours été une bonne mère, qui n’aime pas la chicane. Avec l’évolution sociale qui a suivi dans le Québec des années 60 et 70, ma mère a vu notre société – et sa propre qualité de vie – s’améliorer considérablement. Enfin, il faut comprendre que malgré l’ébullition sociale de l’époque dans les grandes villes, il y avait très peu – sinon aucun – mouvement social visible dans les petites villes de région comme Roberval.; ce n’est pas là que s’est jouée la révolution tranquille, ni déroulée la crise d’octobre. Il y avait bien des informations, mais les événements de Montréal de cette époque apparaissaient aux gens de Roberval comme ceux de l’Indonésie ou de la Colombie apparaissent aux gens du Québec d’aujourd’hui; si vous n’aviez pas souvent mis les pieds à Montréal, vous pouviez être concerné sur une base humaniste et citoyenne, mais ça ne touchait en rien votre vie quotidienne. Tout ça pour expliquer pourquoi ma mère n’a jamais été vraiment politisée, et trop souvent victime des informations qu’elle recevait sur les questions politiques.
Comme au Québec, on a la fibre révolutionnaire assez tranquille, ce que ma mère n’a pas réalisé – faute de l’avoir étudié avec les bonnes sœurs, de l’avoir vécu ou d’en avoir été informé par les médias - c’est que si le monde ne fonctionne plus exactement comme à l’époque violente et épouvantable d’Henry VIII, c’est que les gens ont fini par exiger des changements. Et dans la grande majorité des cas, ces changements n’ont pas été accordés à la population après une simple marche printanière pacifique dans les rues de Londres ou de Paris, même à coup de 100 000 ou 250 000 personnes. La révolution française, pour ne nommer que celle-là, a permis à la France – et une bonne partie de l’Europe qui l’a suivie – de reprendre le pouvoir à la monarchie (puis à la bourgeoisie) et de redonner ce pouvoir aux citoyens, en grande partie. Cette révolution, comme la plupart des autres d’ailleurs, a été particulièrement longue, violente et chaotique; mais la société qui en a émergé, par contre, s’est ultimement avérée plus juste et plus équitable pour l’ensemble des citoyens que ne l’était le régime monarchique qui l’a précédée.
Ainsi, en écoutant les nouvelles à TVA ou sur LCN, en entendant les élucubrations de Martineau ou bien pire, de Gendron, ma mère est restée sur l’impression que les manifestations actuelle des étudiants (et des autres groupes, comme la grande manifestation du Jour de la Terre) étaient violentes et dangereuses, qu’elles menaçaient la paix sociale. Bref, que c’était de la chicane.
Je ne m’étendrai pas sur l’absence totale du gouvernement pendant les 10 premières semaines du mouvement étudiant – absence qui a mené à une escalade de la crise sociale – ni sur les calculs politiques qu’il y avait définitivement derrière cette absence – ni sur le fait que la très grande majorité des actes « violents » n’ont pas été perpétrés par des étudiants, mais il faut être aveugle pour ne pas comprendre que les discours de Line Beauchamps et de Jean Charest sur la dénonciation de la « violence étudiante », étaient des mensonges fort bien planifiés pour accentuer l’idée que les étudiants sont violents. Il faut également reconnaître que le message que plusieurs médias (TVA, V, LCN, les éditos de André Pratte dans La Presse, écris au nom de Power Corp.) ont « forcés » sur ma mère a été que les étudiants étaient violents et que cette violence était inquiétante (1).
Ceci a évidemment pour résultat que ma mère s’inquiète de cette violence, s’inquiète de ma participation à ces manifestations et ce mouvement… et souhaite que le calme revienne. Évidemment, ceci signifie que bien malgré elle, ayant été manipulée par un gouvernement qui lui ment et par une concentration de médias qui ont tout à gagner à le supporter, elle est loin de désirer sortir dans la rue elle-même.
Ainsi, ma mère – même si elle dénonce la corruption de ce gouvernement et d’une bonne partie de la classe politique québécoise – est donc loin de vouloir descendre dans la rue pour réclamer que ce régime d’Henry VIII et sa bourgeoisie laisse place à un meilleur système, même si la connaissant très bien, je sais que c’est pourtant ce qu’elle souhaite.
Je me suis donc dit que j’allais lui en parler.
Et voilà qui est fait.
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(1) Même Radio-Canada, la semaine dernière, a erré, en plein Téléjournal de 18h, alors que la société d’état diffusait un reportage citant les discours de Line Beauchamps et de Jean Charest contre la « violence étudiante » et nous montrait en parallèle des images de l’émeute à l’extérieur du salon du Plan Nord de la semaine précédente, images où les activistes n’étaient même pas des étudiants. Une association "mots-images" inappropriée et indigne d'un journalisme objectif, en plus d'être fort tendancieuse.
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Illustrations: Portraits d'Henry VIII, série The Tudors, film The Other Boleyn Girl, Henry VIII gravé sur pièce de monnaie.

Crise sociale: Introduction

Il peut paraître paradoxal que la vie m'ait apporté un important contrat (et donc limité le temps que je peux consacrer à ce blogue) pendant la plus importante crise sociale que vit le Québec depuis des années (pour ne pas dire des décennies). Car malgré la rhétorique négationniste du gouvernement du Québec, il ne fait aucun doute que le Québec est en crise. La grève étudiante n'a été que la partie visible de cette crise dans les dix dernières semaines, mais crise il y a. Cette question de la hausse des droits de scolarité a énormément bousculé l'ordre social au cours des dernières semaines et fait ressortir les gigantesques écarts de valeurs entre le gouvernement actuel et la population (il n'y a qu'à consulter les innombrables sondages montrant un taux d'insatisfaction à l'endroit du gouvernement qui atteint des sommets).
Mon absence de ce blogue pendant cette période fort active (qui n'est pas terminée au moment où je reprend du clavier) s'est en réalité avérée intéressante pour prendre du recul avant de revenir. J'ai été un peu plus actif sur les réseaux sociaux - puisque les interventions sont plus courtes et plus directes qu'ici, donc demandent moins de temps et sont plus effectives à très très court terme (j'y reviendrai d'ailleurs), j'ai pu observer la crise avant de revenir pour publier mes observations, les rendant, je l'espère, plus pertinentes que si elles avaient été écrites dans le feu de l'action... et j'ai eu le temps de lire beaucoup de sources immédiates et de participer activement au mouvement. Parfois, en voyage, je blogue peu parce que je suis trop occupé à vivre l'aventure plutôt que la rapporter, c'est un peu ce qui s'est passé depuis un mois, où j'ai passé mon peu de temps libre dans la rue au lieu de le passer à écrire sur ce blogue.
Quelques billets d'ensemble sont donc en préparation à titre de retour sur cette crise sociale qui secoue le Québec.
L'intérêt de la crise est déjà positif: La crise aura permis de secouer un peu les idées reçues, de faire ressortir plus en évidence les positions idéologiques du gouvernement et des groupes qui le supportent (même parfois inconditionnellement), de relancer (lancer?) le débat sur le genre de société que les québécois désirent, et de politiser bien des gens qui ne croyaient pas l'être (en plus de prouver qu'il est faux de dire que les jeunes ne sont pas politisés ou sont cyniques).
Enfin, j'avais publié depuis l'été dernier plusieurs billets à caractère sociaux et politiques, la crise sociale actuelle me permet donc de poursuivre des réflexions entamées publiquement depuis plusieurs mois sur le Canada et le Québec et s'inscrit donc dans une continuité certaine avec mes billets les plus récents concernant le Québec du futur.
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vendredi 20 avril 2012

Quelques mots du PM



Nous prenons ce billet pour diffuser ici quelques mots du Premier Ministre du Québec au sujet de la crise sociale qui secoue le Québec depuis plus de deux mois.









"Le Salon Plan Nord est déjà très populaire, les gens courent de partout pour rentrer."













"À ceux qui frappaient à la porte ce matin, on pourrait leur offrir un emploi... dans le Nord, autant que possible."











"Rien ne vas nous arrêter."












Et c'est nous que l'on traite de cyniques. Les rires gras de son audience sont aussi une belle démonstration de qui contrôle le Québec de Jean Charest.
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Après les événements du Palais des Congrès de ce 20 avril 2012; on sait au moins une chose sur le Québec de Jean Charest; si les choses tournaient vraiment mal ici, le citoyen ordinaire ne pourrait compter sur la police pour le protéger; elle serait trop occupée à lui taper dessus.
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samedi 14 avril 2012

De l'idéalisme et du cynisme

J'ai plusieurs billets en préparation depuis quelques semaines, mais je manque de temps à y consacrer et je n'aime pas faire les choses à moitié.
Il y a donc un silence relatif sur ce blogue en ce moment - d'autres projets, notamment de séjours à l'étranger en préparation, occupent mon temps, en plus de contrats pour gagner ma vie, puisqu'il faut bien la gagner cette vie, et pas seulement en profiter :-).

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Si je sors de mon mutisme temporaire, ce soir, c'est parce que j'ai pris une pause cet après-midi pour - oui, une fois encore - marcher en compagnie de plusieurs dizaines de milliers de personnes.
Quelques notes, brèves, donc, sur cette marche collective.
Je ne cesse de lire depuis des mois sur le cynisme de la population envers la politique, envers les causes sociales, envers l'économie, envers la mondialisation, etc. Or, ce que j'observe - et j'ai pu également l'observer ailleurs dans le monde, notamment en Amérique latine - c'est plutôt l'idéalisme.
C'est ce qui m'a frappé aujourd'hui, entre le coin Parc et Mont-Royal et la "Place du peuple" qu'est devenu le Square Victoria depuis près d'un an. Je n'ai pas vu 40 000 cyniques dans les rues, j'ai vu 40 000 idéalistes; j'ai vu, comme lors de la marche familiale d'il y a un mois ou de la marche monstre regroupant des centaines de milliers de Québécois dans les rues d'il y a quelques semaines, j'y ai vu, donc, des gens qui espèrent encore des dirigeants qui oeuvrent pour le bien commun, pour une meilleure société, qui sont au service de la communauté et non qui règnent sur celle-ci comme des petits despotes.
J'ai vu des familles, des jeunes, des personnes âgées, des travailleurs, des contribuables, des étudiants, bref, des citoyens, qui se battent pacifiquement pour demander un gouvernement honnête et responsable. Je n'ai pas vu de cynisme, j'ai vu de l'idéalisme.
Malheureusement, la réponse des élites et des membres du gouvernement du Québec, c'est le mépris de cette population, le mépris des gens qui marchent pacifiquement, c'est la désinformation, le jeu de la rhétorique sur ce que signifie le mot "grève" *, c'est l'inaction la plus complète alors que se dessine une petite crise sociale **, bref, ce que je vois au gouvernement, c'est... du cynisme. Je trouve cynique un gouvernement qui ne gouverne pas, une ministre qui ne prend pas ses responsabilités face à la crise qui touche son ministère, et qui refile les responsabilités aux établissement d'enseignement, aux tribunaux ou aux individus et établissements qui décident - faute d'avoir des dirigeants responsables - de s'adresser à ces tribunaux.
Au-delà de la question de la hausse des frais de scolarité, on commence à se demander pourquoi la population ne peut plus poser de questions à son gouvernement ou ne peut plus manifester sans se faire frapper par les forces de l'ordre ***. Je dois donc, puisqu'on en est rendu là, au Québec, dire que la marche d'aujourd'hui s'est fait dans la joie et le calme et n'a pas causé d'interventions brutales de la police.
Cet idéal de société juste, équitable, et de gouvernement honnête, ne rencontre, pour l'instant, que cynisme de la part des politiciens du gouvernement du Québec. Et ces mêmes politiciens cyniques s'interrogent par la suite sur les débordement, sur les dérapes? À quoi s'attendent-ils après avoir accueilli avec mépris et indifférence des dizaines de manifestations pacifiques - dont 3 marches regroupant au total près de 300 000 Québécois dans les rues de Montréal? Le message qu'il lance - haut, fort et cynique, ce gouvernement - c'est que la marche pacifique ne sert à rien.
Après ça, on reprochera aux gens d'être cyniques?
Après ça, on reprochera aux jeunes de ne pas être politisés?
Après ça, on reprochera aux jeunes de ne pas avoir confiance dans une élite politique honnête?
Sans égard à l'économie, la finance, l'environnement, la question nationale, ou toute autre question de gouvernance, le comportement de ce gouvernement est - sur cette simple observation citoyenne - tout simplement honteux, tout simplement indigne d'un gouvernement.
Et c'est pourquoi du haut de mon idéalisme - et non par cynisme comme on tente de vous le faire croire - j'étais et je serai encore, dans la rue.
Ailleurs dans le monde, j'ai vu des gens se battre pour moins que ça, et on voit encore des gens - quotidiennement - mourir pour avoir le droit de parole, le droit d'être entendu. Je refuse de respecter des gouvernants qui me méprisent et ignorent ce fait, que tous croient acquis au Québec.
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* Selon la rhétorique Libérale, on ne devra plus dire "Grève de la faim", mais plutôt "Boycotte de la nourriture" si on suit leur logique. Pathétique.
** Il y a de pires crise sociales dans le monde, mais c'est néanmoins une crise sociale que l'on vit et c'est une des responsabilités du gouvernement d'y réagir, et de mettre en oeuvre des actions pour la régler; et l'adoption de la ligne dure et de l'inaction est totalement opposée à l'idée d'un gouvernement "responsable". Le gouvernement sait bien que la majorité des citoyens est trop occupée par ses obligations pour descendre quotidiennement dans la rue, et il compte sur le confort relatif et le temps qui passe pour résoudre une crise qu'il n'a pas le courage d'affronter. Il oublie que c'est son travail de le faire.
*** Nous avons tous vu les "affrontements" avec la police et sa brigade anti-émeute aux informations; paradoxalement, toutes les manifestations auxquelles j'ai assisté, toutes, avec les familles, les profs, les adultes, les personnes âgées; les policiers se tiennent à quelques rues des manifestants, et tout se passe - toujours - dans le calme et le respect. Affronter les manifestant avec des boucliers, c'est les provoquer, ce que ne peut se permettre le gouvernement ou la police lorsqu'il y a des enfants, semble-t-il. Ça, c'est cynique. Et je ne parle pas des arrestations de journalistes et photographes de presse de cette semaine. Cette logique de la ligne dure est également observée ailleurs dans le monde; on voit d'ailleurs où elle mène. À partir de la décision de faire taire la population, l'acceptation de cette ligne dure peut mener loin.