vendredi 8 janvier 2010

Un après-midi à la finca de café

Hier après-midi, j'ai décidé d'aller revisiter une finca de café près d'Antigua où j'avais été faire une première visite en 2005. Je me souvenais y avoir été en chicken bus en 2005, mais il y a quelques jours, j'avais remarqué qu'on annonçait une navette gratuite entre El Arco de Antigua et la finca. J'ai donc décidé de faire un touriste de moi-même et de prendre la navette touristique au lieu du chicken bus. J'ai imaginé que ça serait plus rapide et plus confortable, même si je me retrouverais alors avec des touristes plutôt que d'expérimenter avec les locaux comme je préfère le faire habituellement.
Je me suis pointé à 13h30 à El Arco et j'ai pu voir que le passage de la prochaine navette était prévu à 14h10. J'ai pris une petite marche dans les environs, pris quelques photos, j'ai trouvé qu'Antigua était plus envahie par les groupes de touristes que lors de mon passage précédent en décembre, puis suis revenu à mon poste, à 13h50 pour attendre ma navette.
Comme c'est le Guatemala, je n'ai pas été surpris de l'absence de navette à 14h10 et j'ai simplement patienté en prenant quelques photos et en observant les passants, les guides, les vendeuses de textile maya et les touristes américains cherchant tantôt leur femme, tantôt le restaurant où se trouve leur groupe.
À 14h30, j'ai commencé à me dire que je passerais l'après-midi à attendre la foutue navette touristique et le perdrais du même coup au lieu de visiter une plantation de café. Après m'être réinformé, on a suggéré que la navette de 14h10 devait être passés sans que je ne la vois (?!Avec une rue à peine assez large pour faire passer deux petits véhicules et moi au milieu depuis 45 minutes surveillant chaque voiture?!). On me dit que la prochaine navette est à 15h10, mais sur l'affiche, l'horaire de 15h10 est recouvert d'un morceau de ruban blanc... Il est alors 14h35 et il est hors de question que j'attende encore 40 minutes au risque de perdre mon après-midi. Tant pis, j'irai un autre jour...
Je rebrousse donc chemin vers mon auberge... qui se trouve près du mercado et du terminal de bus... Je pousse donc de ce côté, au cas où, et je vois justement un chicken bus qui roule lentement vers la sortie et dont l'enseigne annonce Jocotenango. Je saute à bord, il est 14h42. Oublions l'idée de jouer au touriste et let's go local! :-)
Exactement 7 minutes plus tard, je débarque à Jocotenango. Cinq minutes à pied plus tard, je suis devant le portail de la finca de café La Azotea. (Comment ai-je pu imaginer que ça serait plus rapide avec une navette à des heures fixes??)
La Azotea, vu sa proximité avec Antigua, est visitée par de nombreux bus de touristes. or comme j'arrive de nulle part (j'étais évidemment le seul gringo à bord du chicken bus), et à pied, je me retrouve seul avec mon guide au lieu d'être part d'un groupe de 20-30 personnes pour la visite, chose inhabituelle d'après ce que je peux voir.
Voici donc quelques photos de cette visite - qui a finalement duré une heure - qui a eu ses bonnes surprises. J'accompagne ces photos d'informations sur le processus de production d'un bon café, puisque le prétexte est idéal, en plus d'ajouter certaines informations sur les travailleurs du café, obtenues en parlant un peu avec certains d'entre eux.
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La visite démarre avec une carte du monde du café, où les divers pays où est cultivé le café sont identifié et où les routes du café apparaissent. Cette carte date du 19e siècle; les cerises du caféier en avant-plan datent de janvier 2010.



Un bon café, de qualité, ça commence par ça: une fleur de caféier.
La fleur apparaît en avril ou mai, après la saison des pluies. La fleur de café vit trois jours. Exceptionnellement, un caféier peut produire une fleur tardive ou isolée, comme c'est le cas de celle-ci, sortie hors saison, juste pour vos yeux.



Après la fleur, le fruit. On appelle cerise le fruit du caféier, qui est d'abord verte et devient rouge en mûrissant. Lorsqu'elle est d'un beau rouge foncé, elle est prête pour la cueillette. Dans la région d'Antigua, le café est cultivé à l'ombre (plus long processus de croissance, moins de production, mais fruits et grains de plus grande qualité). Certaines plantations utilisent d'autres productions pour faire de l'ombre aux caféiers, comme des noisetiers (noix de macadam) par exemple. À La Azotea, on a simplement planté des arbres de la famille de l'eucalyptus, sans en tirer de production particulière.
La récolte commence seulement en décembre de chaque année. Janvier est donc en pleine saison de récolte et production et le moment idéal pour visiter une finca.



Un peu en retrait de la cour principale et de la visite, près de la plantation, des travailleurs de la récolte terminent leur journée. Si j'avais attrapé la navette de 14h10, je n'aurais pas vu ces travailleurs, et n'aurais pas participé à la suite des événements. Parfois, le hasard fait bien les choses et c'est pourquoi, malgré des délais qui peuvent paraître frustrant, souvent, se laisser porter et improviser comme je l'ai fait en prenant un chicken bus sur le tard procure une expérience intéressante et imprévue.



La récolte est effectuée à la main, car certaines cerises sont mûres avant d'autres sur la même grappe et on doit les récolter au bon moment. La fin de la journée pour les travailleurs signifie aussi la détermination de leur salaire, car ils sont payés au poids de cerise récolté. Chacun travaille toute la journée et entasse dans des sacs de jute ou de plastique identifiés à son nom sa récolte personnelle. En fin de journée, un tracteur apporte l'ensemble des sacs pour la pesée.



Comme je profitais de la scène pour parler avec les gens, je me suis informé si cette journée-là était une bonne journée. On semblait unanime; la récolte avait été bonne et les conditions pas trop difficiles (soleil chaud, mais un peu de nuage et d'ombre, pas de pluie ni trop de vent). J'ai aidé une petite famille à transporter ses sacs du tracteur vers la pesée (des sacs d'environ 25-30 kg pièce). Puis, à la pesée, on a vu qu'ils avaient récoltés 245 lbs de cerises.



Une fois le café pesé (et le travailleur payé), les sacs sont vidées pour que le fruit soit aspiré par un système menant vers l'extraction de la pulpe et de la pelure pour ne garder que le (double) noyau. Les résidus du fruits sont utilisés comme fertilisant, les noyaux vont au nettoyage par lavage et fermentation.
Les travailleurs de la récolte sont payés 45 quetzales du 100 lbs. C'est dire que ma famille de tout à l'heure recevra 110,25Q pour sa récolte du jour. Il s'agit d'une femme, aidée de ses trois enfants (jeunes). On parle donc d'environ 15$ CDN pour leur journée de travail (6-7h). Même si ça paraît très peu (et c'est très peu d'argent), c'est quand même suffisant pour que cette famille ne vive pas sous le seuil de pauvreté, ce qui est le cas d'à peine 50% des familles au pays.



Les noyaux, auxquels adhère une pulpe visqueuse, sont lavés à grande eau, en utilisant un système d'irrigation qui recycle l'eau une fois épurée de la pulpe.



D'autres travailleurs utilisent des rames pour ramener plusieurs fois les grains dans le canal de nettoyage et retirer le plus de pulpe résiduelle possible. Ils travaillent à raison de quart de 2h en ligne, à "ramer" à contrecourant.



Puis, les grains lavés mais toujours mouillés sont apportés sur un grand patio extérieur - une cour en béton dépourvue de zones d'ombres - pour faire sécher le grain. Le procédé de séchage naturel prend entre 5 et 7 jours.



En alternance avec les quarts de "ramage", les travailleurs procèdent au tournage du grain, à chaque jour, pendant le procédé de séchage naturel. (Ne vous inquiétez pas de voir celui-ci marcher dans votre café, les grains sont encore recouverts d'une mince écale à ce stade-ci - j'ai moi-même marché dans ces champs de grains de café).



La vue de la cour de séchage est impressionnante. (Ici en fin de journée, d'où l'ombre projetée par les hauts arbres en bordure de la plantation).



Enfin, on procède mécaniquement à l'écalage des grains ainsi qu'à leur classement par grosseur (À Antigua, on parle de 4 standards de grosseurs de grains). Le produit est alors ensaché (typiquement en poches de 150 lbs) et prêt à la vente et/ou l'exportation.
La fin du processus qui transforme la fleur d'origine en excellente tasse de café est prise en charge par le client de la finca; nous parlons ici du procédé de torréfaction, qui permet d'extraire la saveur, l'arôme et le corps du grain en rôtissant ce dernier pour en faire ressortir les huiles. Puis, évidemment, c'est la mouture et l'infusion. Le contrôle de ces trois dernières étapes fera la différence entre divers commerces de café dans le monde, mais à l'origine, rien ne peut faire une bonne tasse de café sans la bonne plante, cultivée avec soin dans de bonnes conditions.



La Azotea est une petite-moyenne plantation (quelques centaines d'hectares). Un plant de café prend trois ans avant de donner des cerises, et lorsqu'il le fait, sa production - d'une récolte par an - permet la production d'environ une livre de café torréfié. Après environ 40 ans, le plant cesse de produire, et à La Azotea, on utilise ou vend le bois du caféier pour la production artisanale de petits meubles ou de sculptures locales.
La visite de la finca se termine par une dégustation; la plantation torréfie tout de même une petite quantité de sa production pour vente locale et dans certaines boutiques à Antigua comme souvenir pour les visiteurs. Hier, nous avions à déguster une torréfaction moyenne, qui avait tous les aspects d'un bon café d'Antigua - un de mes préférés au monde - même si je préfère les torréfactions un peu plus corsées de cette excellente région du monde pour le café.
[Pour les amateurs, la tasse de dégustation s'est avérée juste assez légèrement acide, d'un arôme plutôt chocolaté, d'un corps léger-moyen et avec une finale au goût d'agrume peu acidulé.]
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Après ma visite, j'ai noté qu'il y avait une navette prévue pour ramener les derniers touristes à Antigua, à 16h40. Comme il était 16h15, j'ai décidé de repartir à pied vers la plaza centrale de Jocotenango, d'où j'ai pris un chicken bus vers Antigua. En arrivant au terminal, comme je devais traverser le mercado, j'en ai profité pour acheter trois avocats et deux tomates. J'ai ainsi pu me faire une excellente guacamole, que j'ai dégustée avec des tostadas, en guise d'entrée avec une cerveza bien fraîche.
Il vaut parfois mieux jouer au local qu'au touriste, finalement. C'est souvent moins confortable, mais oh combien plus intéressant.
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2 commentaires:

  1. Chanceux! Au moins avec ton article je vais avoir vu un peu comment ça se passe dans une finca ;)

    Stéphane

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  2. Ouais ça j'aurais aimé Gi

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