vendredi 1 janvier 2010

Situation sociopolitique au Guatemala : Rencontre avec deux coopérants volontaires québécois.

Lors de mon arrivée au Guatemala, j’ai eu la chance de rencontrer Guillaume et Élyse, deux coopérants volontaires qui oeuvrent dans le cadre du Projet d’accompagnement Québec-Guatemala, une ONG québécoise qui supporte la défense des droits humains au Guatemala.
Je vous invite à vous informer sur le projet dont ils font partie en visitant le site Internet de l’ONG. Le chapitre sur l’histoire du Guatemala est très bien monté et résume bien le contexte politique historique du pays.
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Nous nous sommes donc rencontrés à Antigua et j’ai pu aborder avec eux divers sujets reliés à la situation sociopolitique au pays. Vu la nature de leur projet de coopération, nos discussions ont essentiellement portées sur la situation actuelle des droits humains ici.
Guillaume est présent depuis 3 mois, et son projet s’achève bientôt. Il a œuvré depuis la capitale, Ciudad Guatemala. Quand à Élyse, elle œuvre dans l’ouest du pays depuis 3 mois et devrait continuer son travail volontaire jusqu’en avril 2010.
Leur séjour est axé sur un projet d’accompagnement. Il s’agit donc, au jour le jour, d’un accompagnement physique, afin d’offrir une présence étrangère (et non partisane) à des communautés et des personnes en situation d’insécurité, dans le but de les aider à continuer à se consacrer à leurs activités et travailler à leur propre développement. C’est donc essentiellement auprès de leaders communautaires qui œuvrent à la défense des droits humains au Guatemala que nos volontaires se retrouvent.

Nous avons d’abord parlé du contexte politique actuel, puisque le gouvernement, légèrement plus socialiste qu’auparavant, préconise quelques programmes sociaux (minces), ce qui n’a pas été le cas depuis les années 50 et le gouvernement Arbenz (je reviendrai sur cette période dans un prochain billet relié à mon propre séjour et mes observations socio-politiques en Amérique du sud en 2007).
Pour le moment, donc, l’appareil militaire n’est plus au pouvoir. Toutefois, le gouvernement du Président Alvaro Colom demeure en place grâce à d’importants appuis politiques des compagnies locales, ainsi que l’appui des compagnies étrangères qui ont tout à gagner à conserver une économie de droite et une instabilité au pays. Nous sommes très loin de la latitude dont disposent Evo Morales (Bolivie) ou Raphael Correa (Équateur), par exemple.

De leur expérience de coopérant, Élyse me dit qu’ «au début, c’est difficile de se faire accepter dans certaines communautés, puisque la peau blanche est souvent synonyme de complicité avec les grandes corporations qui exploitent les ressources naturelles et contre lesquelles les leaders communautaires se battent depuis plusieurs années.»
Puis, après un temps, les gens apprennent à connaître les coopérants et sont très reconnaissants envers le travail effectué par les volontaires internationaux.
Élyse : «L’accompagnement est un appui moral important pour qu’ils poursuivent leur lutte. L’objectif de notre présence est de créer un effet dissuasif. En même temps, il faut accompagner sans causer d’effet de dépendance». Interpellé par ce que j’ai lu dans les journaux et sur Internet depuis quelques semaines, j’interroge les deux québécois sur la situation actuelle des droits humains. Les deux volontaires mentionnent de concert: «La situation des droits humains est catastrophique, et un climat de peur règne dans la communauté activiste. Les menaces sont monnaie courante, les assassinats également. Il est certain que dans certains cas, la présence étrangère ne change rien aux yeux des détracteurs de ces groupes communautaires.»
Les deux jeunes coopérants gardent donc un œil réaliste sur ce qu’ils peuvent réaliser pendant un court séjour de 3 mois. Interrogés sur les résultats obtenus depuis leur arrivée, ils répondent ne pas se sentir en mesure d’évaluer la portée de leur travail individuel au cours de leur séjour. Il faut dire qu’il s’agit d’enjeux difficiles à évaluer et qui font l’objet d’actions et de présence de coopérants depuis des années et en vue de continuer pendant les années à venir. Un séjour de 3-6 mois est ainsi très dur à évaluer individuellement.

Le climat de peur transparaît jusque dans notre entretien, sur le calme patio d’un café de Antigua, qui semble pourtant si accueillante et si tranquille. Il s’avère que de parler de défense des droits humains et des violences qui sont commises par les détenteurs du pouvoir est inquiétant, même pour des volontaires internationaux. Plusieurs intervenants locaux sont en fait des compagnies internationales, et certaines sont même canadiennes.
J’aborde le sujet des poursuites baillons au Canada suite à la publication d’un livre sur la présence de compagnies canadiennes en Afrique. Les deux volontaires adoptent alors une attitude prudente et refusent tout simplement de commenter ou d’être cités sur le sujet.
Quelques jours plus tard, j’allais lire des articles dans des publications de la presse locale indépendante qui allait me porter à revoir mon opinion sur la présence de certaines multinationales canadiennes au Guatemala (sujet d’un chaud billet à venir).

En fin d’entretien, j’ai demandé à Guillaume et Élyse ce que les lecteurs, au Canada, pouvaient faire pour aider. À part les contributions directes à l’ONG ou à d’autres organismes venant en aide aux populations lésées du Guatemala, qui viennent directement en tête.
Guillaume : «Notre mode de vie, notre surconsommation a un effet direct sur les populations d’ici. Les produits commercialisés par les corporations qui exploitent les ressources naturelles au détriment des populations locales ne devraient pas être achetés, chacun devrait tenter de mieux s’informer avant de consommer tel ou tel type de produit. Certaines personnes dénoncent ces grandes entreprises, mais possèdent des actions de ces mêmes corporations dans leur régime de retraite, parfois sans même le savoir. Informez-vous. Enfin, faire pression sur notre gouvernement pour qu’il encadre légalement les entreprises qui exploitent des grands chantiers à l’étranger sans aucun respect pour les droits humains.»

Je termine donc ce billet en remerciant chaleureusement Guillaume et Élyse de leur disponibilité et leur collaboration et je vous invite à vous informer davantage sur les activités des compagnies que vous encouragez par vos achats et vos investissements. Ici, ce qui pour nous sont des détails de notre mode de vie, signifie parfois la vie et la mort, littéralement.
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