vendredi 7 décembre 2012

L'Angleterre par les informations

Règle générale, j'aime bien prendre connaissance des nouvelles dans les pays que je visite. En autant que faire se peut, je tente de m'informer dans la langue d'origine, c'est souvent plus révélateur non seulement des informations locales, mais aussi de la culture qui s'y rattache et de la manière de voir le monde en général. Malheureusement, ce n'est pas toujours possible (essayez de lire un journal vietnamien ou bosniaque et on s'en reparle). Mais heureusement, pour mon présent séjour, je comprend bien la langue locale - même si parfois, certains accents régionaux ne sont pas évident à saisir. Voici donc mon petit survol des actualités des dernières semaines passées en Angleterre, selon les informations qui m'ont le plus marquées comme visiteur.
Sur l'Europe
Le premier article de fond que j'ai lu (dans The Guardian) traitait de l'Union Européenne. Officiellement, le Royaume-Uni fait partie de l'Union, mais il ne fait pas partie de la zone Euro, donc on ne parle que très rarement de la crise de l'Euro d'un point de vue local. Par contre, on tire des informations anglaises sur l'Europe la nette impression que le pays est plutôt indifférent à l'Union. Mon amie Suze, qui suit un cours sur l'Union Européenne pendant ses études ici, m'a raconté une anecdote révélatrice. Dans le cadre d'un séminaire, une professeure a posé la question à savoir combien d'étudiants venaient de l'Europe. A peine quelques-uns ont levé la main. La classe n'était pourtant pas du tout composée d'étudiants étrangers - une toute petite minorité du groupe essentiellement composé d'Anglais. La professeure a alors rappelé aux anglais que leur pays était non seulement situé en Europe, mais qu'il faisait partie de l'Union Européenne. Cette anecdote montre à quel point les anglais ne se sentent pas réellement européen, un terme que l'on associe ici généralement au continent, et non aux îles britanniques.
Scandales et la BBC
Les semaines couvrant la fin septembre et le début octobre a été dominées par l'affaire Jimmy Savile, un ancien animateur-vedette (mort en 2011) qui s'est adonné à des agressions et à du harcèlement sexuel sur des jeunes pendant la plus claire partie de sa carrière publique. On parle maintenant de 300 victimes sur près de 40 ans, une affaire qui a ébranlé le pays tout entier car Savile, qui avait obtenu le titre de 'Sir', était une super vedette et que l'affaire a été mise au jour seulement après sa mort, rendant toute poursuite impossible.
Puis, c'est toute l'organisation de la BBC (Brittish Broadcasting Corporation, la télé d'état, l'équivalent britannique de Radio-Canada) qui a été mise sur la sellette, car on a appris que certains de ses dirigeants en savaient bien plus que ce qui a été annoncé sur l'affaire Savile, et que certains auraient peut-être contribué à étouffer les rumeurs quand il y en avait. Puis, l'émission Newsnight a suggéré qu'un ancien trésorier Conservateur de l'époque Thatcher aurait été coupable de harcèlement et d'agression. La BBC a dû se rétracter après avoir découvert que le témoin qui avait affirmé avoir reconnu l'homme s'était trompé d'individu; scandale et démissions en chaîne ont suivies à la BBC.
Contrats aux transports
Même si on change de pays, ça ne veut pas dire que les nouvelles changent tant que ça. le West Coast Train Line Scandal en est une belle preuve. Après avoir lancé un appel d'offre majeur pour un projet ferroviaire de plus de 5 milliards de livres sterling il y a des mois, le gouvernement a été forcé d'annuler toute l'affaire récemment suite à la mise au jour des erreurs grossières dans l'évaluation du projet et dans les plans et devis. L'affaire a été découverte grâce à une plainte du groupe Virgin, qui avait soumissionné sur le projet mais avait relevé plusieurs irrégularité et n'avait jamais compris comment son concurrent avait pu obtenir le contrat. Une investigation plus tard, le ministère responsable des transport s'est aperçu des problèmes dans le processus et a dû annulé le contrat et devra maintenant compenser les compagnies pour leurs efforts dans le processus de soumission et l'annulation de tout le procédé, en plus de recommencer l'exercice du début et de reporter le projet de quelques années. Coût de l'opération pour les contribuables sous un régime de forte austérité: 40 millions de livres sterling.
Faits divers horrifiant
De temps à autre, comme c'est devenu semble-t-il la norme dans nos sociétés évoluées, un fait divers horrifiant fait la manchette. Octobre a été le cas d'une fillette, April Jones, qui aurait été kidnappée; elle a disparue après avoir été aperçue en train de monter dans une voiture. Pendant des jours et des jours, les autorités et les gens de la petite ville de Machynlleth où c'est arrivé se sont concentrées sur des recherches dans l'espoir de la retrouver. Elle n'a jamais été retrouvée et la police a arrêté un homme qui a été accusé de kidnapping et de meurtre.
Inondations, référendum et manifs étudiantes
Je vous ai déjà parlé à quelques reprises des inondations, qui semblent revenir en boucle aux informations, puisqu'il s'en produit au moins une majeure touchant plusieurs régions du pays, à chaque mois. J'ai aussi parlé auparavant du référendum sur l'indépendance de l'Écosse, puisque les modalités de ce référendum ont été négociées récemment entre Edimbourgh et Londres. Par contre, je n'ai pas parlé des manifestations étudiantes pour dénoncer l'augmentation des frais de scolarité. Ceux-ci ont plus que doublés en 2010, le maximum passant de 3 375 livres par an à 9 000 livres pas an (sous certaines conditions; à 6 000 livres sans conditions). Il y a des manifestations récurrentes depuis et celle de novembre 2012 a regroupé entre 5000 et 10 000 étudiants dans les rues de Londres. Le résultats de ces augmentations est déjà tangible dans les universités. J'en prends pour témoin la situation des étudiants à Leeds (tirée de rapports et discussions de profs et adjoints, d'étudiants et étudiants étrangers). La pression est immense sur la réussite, et ce dans un domaine qui sera payant. Plusieurs cours sont orientés en ce sens; l'utilité dans l'emploi le plus payant possible, souvent au détriment du processus d'apprentissage et de réflexion. L'échec d'un cours est appréhendé comme un drame majeur aux conséquences catastrophiques autant professionnellement que financièrement.
Médias-politiciens et police.
Les nouvelles politiques sont toujours fort présentes et le mois de novembre a vu le dépôt du rapport du juge Leveson sur les relations entre les médias, la police et le gouvernement. Ce rapport fait suite à une commission établie suite aux scandales sur les écoutes téléphoniques illégales impliquant des journaux, et couverts par des policiers corrompus, le tout en lien avec les officiels du gouvernement. J'ai écouté une fascinante émission documentaire sur l'implication de Hugh Grant avec le groupe Hacked Off, militant en faveur de l'implantation des recommandations du rapport Leveson par le gouvernement et les soupçons du groupe que le Premier Ministre Conservateur David Cameron reculerait et renierait ses promesses.
La réaction mitigée du PM à la sortie du rapport confirme les doutes et les craintes des militants; une fois de plus, les médias anglais s'en sortent facilement et pourront continuer de 's'auto-réguler', à moins d'un changement de direction inattendu de la part du gouvernement.
Amazon, Google, Starbucks et les impôts
La compagnie Starbucks a fait les manchettes, en devenant malgré elle l'image publique d'un phénomène (qui est aussi présent chez nous et probablement dans tous les pays industrialisés qui ont un régime d'impôts). En effet, il a été révélé au grand jour que la plupart des multinationales installées au Royaume-Uni ne payent pas d'impôts sur le revenu (ou très peu), puisque dans leurs résultats annuels, elles "payent" à une compagnie étrangère des frais qui, une fois comptabilisés, réduisent leur bénéfice à néant. Ces frais sont 'payés' à une compagnie-affiliée, appartenant à la multinationale, donc dans les fait, ne sortent jamais des poches de la multinationale en question. Comme la compagnie-affiliée qui fait alors ce revenu supplémentaire se trouve dans un paradis fiscal quelconque, où il n'y a pas d'impôts sur ce revenu, celui-ci est totalement exempt d'impôts.
Les noms de Google, Starbucks et Amazon sont tous sortis, mais c'est la compagnie de café qui a été le plus attaquée sur la place publique. Ce genre de transaction est parfaitement légal, tous l'ont admis, et a lieu dans plusieurs pays industrialisés, mais avec l'austérité qui est la norme ici, c'est l'aspect moral qui a dérangé. La compagnie a depuis négociée avec les autorités fiscales et a décidé de 'volontairement' payer 20 millions de livres en impôts dans les 2 prochaines années (ce qui sera donc 10 fois plus qu'Amazon, qui a réalisé un revenu annuel 10 fois plus élevé que Starbucks l'an dernier). Google et Amazon sont restées sur leur position 'légales'.
Austérité et parlementarisme
Décembre a vu le dépôt d'un mini-budget. Austérité est le mot-clef, malgré que cette stratégie des Conservateurs n'aient pas encore fonctionné après deux ans d'application; leurs cibles ne seront donc pas atteintes et les critiques fusent de toutes parts. Le gouvernement coupe encore plus dans les pensions et dans les programmes sociaux... mais 'coupe' aussi dans les impôts des corporations, tout en renonçant à une taxe sur l'essence. La nouvelle, comme toutes celles qui concernent le gouvernement ici, est souvent illustrées par les interventions des ministres et députés en chambre. Assister à ces scènes est plus souvent ennuyant qu'autre chose, mais permet de voir comment la culture locale se distingue de la nôtre... Le régime parlementaire anglais (fort similaire à celui du Québec/Canada, puisqu'il en est le modèle) est assez déprimant à voir, en fait. Les commentaires et réactions en direct au parlement semblent plus violents et enfantins que ce que l'on voit chez nous, ce qui est particulièrement décourageant dans un monde en théorie 'évolué' (Avis à ceux qui sont découragés de l'Assemblée Nationale, il y a pire, si c'est une consolation).
Les Badgers
Depuis mon arrivée au pays, on a beaucoup parlé de badgers. ça m'a pris du temps à comprendre pourquoi on parlait autant de ces petites bêtes aux informations. Et après avoir vu quelques reportages sans aucun lien les uns avec les autres à part de porter sur les badgers, j'en ai conclus que les anglais ont une étrange relation avec cet animal. Il faut dire que ça remonte à plusieurs années, puisque certains détails font état du problème en 1998. Il a eu des cas de bovins infectés par une maladie virale et semble-t-il qui ont été infectés par cet animal qui sert parfois de vecteur au virus. Le gouvernement a lancé une campagne d'abattage des badgers pour prévenir le problème, mais a fait face à de l'opposition de toutes parts, et à des problèmes logistiques, donc cette année, une nouvelle application de ce programme d'abattage de masse a été retardé. Le problème est accru politiquement car la maladie bovine est surtout présente en Angleterre et que le Pays de Galles a vacciné les badgers au lieu de les exterminer. L'affaire est très controversée, tout un chacun critique l'autre, un soap gallois a même ouvertement critiqué la décision du gouvernement du Pays de Galles de ne pas abattre les badgers, et des plaintes ont suivies contre les créateurs de l'émission. Si vous vous demandez ce qu'est qu'un badger, c'est une sorte de blaireau d'allure rigolo et sympathique, et il semble incroyable de voir à quel point cet animal est toujours au centre de l'actualité ici. L'exemple le plus surréaliste étant l'affaire des badgers mangeurs d'homme envoyés en Irak par les britanniques, une rumeur que le gouvernement a dû officiellement démentir.
Et la famille royale?
La famille royale n'occupe pas tant que ça l'avant-plan aux infos sérieuses; quoi qu'on ait parlé de la fausse rumeur qui voulait que Charles demande la préparation de sept oeufs durs le matin pour choisir celui qui correspondait le plus à son goût. On a beaucoup parlé de la récente nouvelle de la grossesse de Kate mais  surtout, de la transmission d'informations confidentielles par l'hôpital à deux animateurs de radio australiens faisant un canular téléphonique (incroyable histoire, ils se sont simplement fait passés pour la Reine et Charles et ont longuement discuté avec une infirmière du cas de Kate, qui souffre d'extrême nausées matinales). Retournement malheureux, une infirmière qui avait originalement prit l'appel a été retrouvée morte le lendemain, sans que les médias d'ici n'en disent plus sur les causes de son décès pour le moment.
Si on a beaucoup parlé de la grossesse de Kate, c'est qu'en fin de compte, le bébé sera bien le futur monarque britannique, puisque les règles régissant l'accès au trône seront (ont été ces jours-ci) modifiées. Avant, c'était le premier héritier mâle qui devenait roi, on avait une reine qu'en l'absence d'un héritier mâle. Après modification, l'aîné devient monarque, sans regard au sexe du bébé.
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3 commentaires:

  1. Daniel Sernine3:33 PM

    Blaireaux.

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    Réponses
    1. "Si vous vous demandez ce qu'est qu'un badger, c'est une sorte de blaireau d'allure rigolo et sympathique".
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      Ouais, je l'attendais celle-là. Si j'ai laissé Badger, c'est que je n'ai pas cherché à savoir si ces pet^tes bêtes anglaises étaient la même race que les blaireaux que l'on a parfois chez nous, ou s'il s'agissait d'un cousin... d'où ma copie de l'auto-citation ci-haut, où je parle d'une 'sorte' de blaireau, justement.
      J'imagine que tu as fait la recherche - ou que tu savais que les badgers anglais sont les mêmes bêtes que nos blaireaux...

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    2. Daniel Sernine11:43 AM

      A badger is a badger is a blaireau. :O/

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