vendredi 14 janvier 2011

Quelques étranges itinéraires de Tim Powers

Je constate une chose étrange sur ce blogue; je n'ai presque jamais parlé de Tim Powers, pourtant un de mes auteurs favoris, sinon mon auteur préféré. J'y ai fait allusion ici et , mais jamais dans le cadre d'un billet formel. Je commence donc à combler ce manque flagrant avec le présent billet.
Les itinéraires étranges dont il sera question dans ce billet sont des nouvelles de Tim Powers. Le recueil Strange Itineraries, publié par Tachyon en 2005 représentait - à l'époque - l'intégralité des nouvelles de Powers, publiées entre 1982 et 2004. Tachyon Publications n'est pas l'éditeur le plus largement distribué au Québec, et j'avais profité de la présence de la maison dans la salle de vente d'Anticipation à Montréal pour mettre la main sur ce précieux recueil.
On pourrait être porté à imaginer que l'intégrale des nouvelles de Tim Powers est un immense volume, mais ce serait ignorer qu'en fait, l'auteur californien se fait très rare, côté nouvelles littéraires. Ainsi, ce recueil de 200 pages comporte neuf nouvelles, dont trois ont été écrites en collaboration avec son ami James P. Blaylock (un autre dont je ne parle pas souvent non plus malgré toute mon appréciation de son oeuvre - voir ici).
Lire Powers en recueil, c'est donc une expérience de dégustation plus qu'un marathon. Heureusement, le style riche de l'auteur fait de la lecture de ces oeuvres courtes une expérience unique.
Ceux qui ont lu les romans de l'auteur connaissent déjà sa verve et son humour truculent ainsi que sa mise en place de personnages déjantés et de quête surréalistes qui ne dépareraient pas un film des frères Coen, s'ils s'adonnaient plus souvent à la fantasy urbaine. On retrouve ces éléments dans les nouvelles de Powers et malgré leur rareté, il semble qu'un aspect commun caractérise l'ensemble de ces histoires courtes. Cet aspect, c'est le questionnement, ou l'élasticité, de la notion de réalité, ainsi que la perception que nous avons de cette réalité et de nous mêmes. Le protagoniste type de Powers en nouvelle est souvent aux prises avec une réalité autre, parallèle, dickienne, quoi, et souvent, cette réalité le confronte à lui-même, ou aux lui-mêmes qui existent en parallèle, en d'autres temps, ou les deux à la fois. D'ailleurs, dans le texte d'introduction du recueil, Paul Di Filippo n'hésite pas à qualifier Powers de "dealer of afterlife imagery".
Aussi, lire Powers en nouvelle est peut-être plus court que de le lire en roman, mais ça ne signifie pas que l'expérience soit plus simple. L'auteur ne laisse guère de place à la paresse du lecteur, car ce dernier peut rapidement se perdre s'il ne demeure pas concentré sur ce qui se passe entre les lignes. Par contre, on est loin des constructions élaborées, des histoires qui valses entre les époques et lieux phares de l'histoire que l'auteur affectionne particulièrement en roman. Les nouvelles de Strange Itineraries se déroulent généralement dans le cadre d'une Amérique contemporaine aux prises avec des révisions de mythes modernes qui n'est pas sans rappeler celle des romans et nouvelles du complice de toujours de Powers, James P. Blaylock, ou de leur ami de jeunesse Philip K. Dick. Et ce n'est évidemment pas un hasard de retrouver Blaylock trois fois au sommaire du recueil, pour des collaborations.
Une autre caractéristique assez typique du protagoniste selon Tim Powers, c'est son aspect "héros malgré lui" (mais non pas anti-héros), puisque dans toutes les nouvelles de l'auteur, les phénomènes sont observés ou vécus par un citoyen ordinaire qui n'avait jamais demandé à vivre de telles aventures (un peu comme pour certains personnages de ses romans-phares comme The Anubis Gates, par exemple). Enfin, les oeuvres courtes de l'auteur partagent également avec la plupart de ses romans une mise en scène moderne, qui n'implique jamais les tropes les plus connues du fantastique classique; dans le cas des nouvelles de Strange Itineraries, on parle d'histoires se déroulant dans la Californie du 20e siècle, sous le couvert d'un réalisme magique teinté de SF. Autrement dit, ne cherchez pas chez Powers de baguettes magiques ou de loups garous traditionnels, mais vous y croiserez peut-être des créatures plus inquiétantes ou encore des lapins à éther.
Strange Itineraries est donc une fort agréable lecture, bien que cruellement courte pour l'amateur de Tim Powers que je suis. Heureusement, l'auteur reviendra en 2011 avec un nouveau roman, et entre temps, je me suis plongé depuis décembre dernier, dans un merveilleux cadeau, sur lequel je reviendrai dans un billet à part. Sinon, je pourrai toujours me lancer dans la quête des autres nouvelles de Powers, puisque l'auteur a, depuis la publication de ce recueil, publié quatre nouvelles courtes et une novella.
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"It's always seem to me that a writer should have 'a book of short stories' on his list of works, and with this, I have one."
- Tim Powers, à propos de son premier recueil de nouvelles, Night Moves and other stories (2001), regroupant six nouvelles, rééditées avec trois autres nouvelles pour former Strange Itineraries (2005).
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