Nous avons finalement quitté Marrakech, une ville où nous serions bien resté plusieurs jours de plus. Le bus de Supratours, la compagnie de train, est moins confortable que le CTM et s’arrête pour le dîner en cours de route, mais, après quelques trois heures, il arrive près de la medina de Essaouira, anciennement connu sous le nom de Mogador.
Notre première surprise est la température. Bien qu’Essaouira soit une ville balnéaire, c’est nuageux et frais, quasi froid pour nous qui sommes habitués à des mercures dépassant les 40 degrés.
Cette journée à Essaouira est décevante. La plage est très loin des belles plages que nous avons visitées au Mexique, au Costa Rica, en Thailande et au Vietnam, le temps est gris, la ville est glauque, la négociation à l’auberge s’avère énergivore et nous laisse avec un goût amer - comme c’est souvent le cas dans les négociations avec les marocains qui finissent par se rendre à votre argument, mais en vous donnant l’impression désagréable qu’ils sont froissés ou que vous les volez presque.
Après plusieurs longues marches dans les rues de la Medina, on se rend compte qu’on a rapidement fait le tour, pour peu que nous ne voulions pas nous baigner par ce temps lugubre. Nous allons donc au terminus de CTM, mais les bus du lendemain sont tous complets. Nous réservons pour le premier bus du surlendemain, en imaginant déjà mal comment on pourra passer le temps dans la petite ville toute déglingue.
Cette journée se termine donc à l’image de la ville; Nous ne soupons même pas, et nous couchons tôt, après qu’un orage s’abattant sur la ville ne vienne à bout de nos idées de sortir de l’auberge en soirée.
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Le lendemain est donc une journée obligée à Essaouira. Mogador me rappelle un roman ou une télé-série française qui a du être populaire au Québec dans ma jeunesse. Je n’arrive pas à me rappeler si c’était une série de romans ou une émission télé. J’imagine que ce n’était pas québécois, mais que ça a été assez largement diffusé au Québec pour que je me souvienne de la chose même si je devais avoir moins de 10 ans à l’époque de ces souvenirs. Je ne me souviens que du titre: Les Gens de Mogador. Ce qui devait être très exotique dans les années 70 est aujourd’hui devant moi.
Nous tirons le meilleur dans les circonstances de notre journée, piégés à Essaouira. La température est toujours froide le matin, et restera fraîche toute la journée. C’est tristounet comme ville, et tellement déglingue que c’est à se demander si Essaouira ne sera pas complètement en ruines d’ici 5 à 10 ans si rien de vraiment majeur n’est entrepris pour sauver ses édifices. La plupart des touristes (des français en grande majorité, avec quelques représentants de la sous-culture baba-cool des rastas) ne semblent pas se rendre compte de la chose. C’est que les rez-de-chaussés sont occupés par des commerces et relativement bien entretenus. On ne se rend pas nécessairement compte du premier coup d’œil que les étages au-dessus sont souvent inoccupés, parfois même déjà en partie détruits. De prime abord, la ville semble avoir une espèce de charme viellot, pour peu que l’on apprécie les choses déglingues, mais après observation – et exploration dans les rues éloignées des quelques rues touristiques du centre de la medina – on se rend vite compte à quelle point ça tombe en ruines. Le quartier de la Mellah ressemble à une ville en pleine guerre civile, avec ses immeubles carrément à moitié détruits et aux intérieurs éventrés abandonnés et visibles de la rue. C'est tellement étrange et inquiétant que je n'ose même pas sortir mon appareil photo devant les quelques badauds qui rôdent dans ce secteur.
Une promenade sur la plage révèle qu’elle est très occupée malgré le temps gris, mais les alentours sont sales et pleins de morceaux de béton épars, ce qui n’est pas très invitant pour le touriste.
L’aspect le plus intéressant demeure les vieilles murailles du 17-18e siècle et les tours de la medina et le port est définitivement l’endroit le plus intéressant de la ville, malgré (ou à cause) de ses centaines de goélands et des vieux bateaux de pêcheurs que l’on peut y voir.
Par ce temps humide et froid, on se croirait dans le nord de l’écosse et on se rappelle que c’est ici qu’Orson Welles a tourné Othello sans aucune difficulté à comprendre pourquoi.
Nous avons changé d’auberge et profitons d’une bien meilleure chambre (à meilleur prix) au Cap Sim. Nos aubergistes nous apprennent que la nuit dernière, nous devions changer l’heure. Il est ironique de « gagner une heure » dans une ville que nous aurions quitté volontiers plus tôt que ça. Le changement d’heure est totalement décalé par rapport à l’Europe et l’Amérique. C’est que le Ramadan s’en vient et comme il sera interdit de manger pendant que le soleil est levé pendant ce mois-là, le Maroc s’arrange pour que le soleil se couche une heure plus tôt en abandonnant l’heure d’été quelques jours avant le début du mois du jeûne.
En soirée, nous nous cuisinons des pâtes comme souper. Après avoir réussi à dénicher un hôtel qui vend de la bière en dehors des murailles, j’ai pu acheter deux bouteilles de Casablanca, une lager fort honnête, que nous dégustons avec notre souper. Il s’agit de nos premières consommations alcoolisées depuis l’arrivée de Suzie à Casablanca. Il s’agira de nos dernières, même si nous l’ignorons encore). Ironiquement, il est ardu de dénicher une bière au Maroc mais les offres de drogues douces ne manquent pas. À Essaouira, il aurait été bien plus facile d'acheter du cannabis et du hachich, ouvertement dans la rue, que ces deux bouteilles de lager.
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Le lendemain, alors que nous quittons Essaouira, le soleil se montre, les nuages s’éloignent, le beau temps revient sur Mogador et ses plages touristiques.
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Quelques photos supplémentaires:
L'édifice de la douane m'a fait sourire par sa modestie, avec son kiosque de tuques à vendre à gauche en plus...
Pharmacie... et vendeur de tapis, à deux pas de notre seconde auberge.
Vendeurs et acheteurs de poissons frais se croisent au port en fin d'après midi.
Les jeunes garçons qui travaillent comme aide au port jouent en faisant des plongeons en fin de journée.
Visite de la forteresse, et photo prise par plusieurs touristes (malgré le manque d'originalité quand on voit le nombre de personne qui font pareil, ça donne une assez jolie photo, en dépit du temps gris).
On imagine facilement pourquoi Welles a été intéressé à tourner Othello à Essaouira avec ce décor. On pense aussi à L'île Noire de Tintin.
Une partie de la forteresse et de la medina, vue du port.
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Excellente, ta photo du jeune plongeur.
RépondreSupprimerJe crois que les gens comprendront mieux la grisaille de cette ville en apprenant qu'elle se trouve sur la côte Atlantique.
Pour Les gens de Mogador, tu avais raison, c'était un téléfeuilleton et un roman. Co-production franco-canadienne (et suisse, je crois), vers 1972. Ma mère suivait peut-être ça; en tout cas le titre «Les gens de Mogador» m'est venu en tête dès que j'ai vu ton billet. Sauf que dans la fiction, «Mogador» était un domaine en France, et l'histoire suivait une dynastie de nobles au 19e siècle et jusqu'à la Première Guerre mondiale -- rien à voir avec le Maroc...
Ah, intéressant... j'avais toujours imaginé que ça devait se passer à Mogador, la ville, et non quelque château français :-)
RépondreSupprimerÉvidemment, j'étais bien trop jeune pour avoir suivi ça, alors je n'ai que le titre en souvenir.
(Mais j'imagine que l'auteur du roman original a dû s'inspirer du nom de la ville marocaine pour le nom de son domaine fictif).
En fait, Mogador semble s'être immiscé dans l'imaginaire français à la suite d'une bataille navale (milieu du 19e siècle): la marine française a canonné la ville, probablement pour imposer son «protectorat» au royaume du Maroc, et/ou pour quelque raison commerciale. Il y a à Paris une rue Mogador, un théâtre Mogador, et bien sûr un hôtel, un café... tous sur la rue de même nom.
RépondreSupprimerUn domaine aristocrate baptisé de même aurait eu du sens... J'ignore où en France il était censé de trouver.
Maintenant que tu en parles, je me souviens de l'existence du théâtre Mogador de Paris. Étrangement, je n'avais jamais fait de lien, et c'est à la vieille télé-série que j'ai pensé en arrivant à Essaouira.
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