lundi 6 août 2007

Actualité socio-politique - Bolivie

Je profite de ce 6 aout - fete nationale de la Bolivie pour dresser un portrait sommaire de la situation socio-politique actuelle, telle que j'ai pu l'observer d'un point de vue de voyageur indépendant.
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Le président de la république, Evo Morales, a été élu majoritairement (lui et son parti, le MAS) il y a environ 18 mois. Le MAS, c'est le Movimiento Al Socialismo (Mouvement Socialiste). Evo avait "perdu" ses élections de 2002... En fait, puisque personne n'avait pu déterminer de gagnant, l'assemblée législative avait tranché en faveur d'un candidat (celui de droite) tel que le prévoit la constitution dans un cas semblable. On a toujours prétendu ici que les élections avaient été irrégulières... Le résultat de 2006 semble confirmer qu'Evo avait déjà une grande popularité en 2002.
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Comme le MAS et Evo sont socialistes, le gouvernement actuel opte pour des politiques sociales de gauche. Sous le thème de la révolution démocratique et culturelle, le gouvernement, par ses politiques, a augmenté le salaire minimum, nationalisé le secteur des hydrocarbures, lancé un programme d'alphabétisation de 100% de la population, lancé le projet de systeme de santé universel (et gratuit pour les populations pauvres du pays) et entrepris de grands travaux routiers partout au pays.
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Evo est certainement le gouvernant le plus populaire que j'ai pu observer dans un pays lors de mes voyages. On ne parle pas ici de popularité normale ou souhaitable en début de mandat; mais bien de grande popularité personnelle en plus. Le seule parallèle que j'ai à l'esprit est Pierre Elliot Trudeau à l'époque de la Trudeaumania, car on pourrait pratiquement parler ici d'Evomania. Non seulement tous les journaux parlent des actes et décisions du président sur 4-5 pages à tous les jours de la semaine, mais les gens écrivent des messages partout, les banderoles "maison" de la fete nationale disent "Evo, el pueblo esta contigo. Sigue Adelante!" (Evo, la population est avec toi, continue d'avancer!). Preuve supplémentaire de la popularité du personnage: les boutiques et artisans vendent des T-shirt à l'effigie de Evo et il y a au moins 3-4 biographies d'Evo dans les librairies.
L'origine du personnage fait aussi parti de sa popularité: indigène et cultivateur (de coca, entres autres cultures), Evo semble le représentant idéal de cette Bolivie multi-culturelle.
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[Parenthèse comparative; après 12 mois de présidence, Alan Garcia du Pérou semble avoir les 3/4 de sa population à dos - relire mes observations péruviennes à ce sujet].
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Les politiques d'Evo semblent donc très populaires au pays - à part bien sur pour l'opposition, les militants de droites et la classe sociale suppérieure qui a vu son pouvoir diminué et voit d'un mauvais oeil une meilleure redistribution de la richesse nationale.
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Les alliés naturels et idéologiques de cette nouvelle Bolivie sont évidemment Cuba et le Vénézuela. Le gouvernement Castro a d'ailleurs déjà contribué à la relance bolivienne en apportant son aide directe dans les programmes d'alphabétisation et de santé publique. En effet (à titre d'exemple), le manque de médecins en régions pauvres et l'impossibilité pour les populations pauvres d'accéder à des services médicaux de base a été contré par la présence de médecins cubains qui offrent gratuitement leurs services à la populatoin dans le besoin. Les organismes regroupant les médecins boliviens (classe suppérieure, on notera) sont contre cette incursion de médecins étrangers en Bolivie mais la mesure fait la joie de la population et améliore grandement l'ensemble de la santé au pays.
Le gouvernement Chavez voit évidemment d'un très bon oeil ce nouvel allié idéologique de gauche en Amérique du Sud et contribue grandement et généreusement aux politiques de Evo Morales. Ainsi, à part un traité sur les hydrocarbures et les rafineries entre les deux pays, Chavez a aussi offert un hélicoptère et un avion présidentiel à Morales, deux choses que le gouvernement bolivien n'avait pas les moyens de se payer. Une aide à la formation et au développement des forces militaires est aussi venue du Vénézuela.
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Est-il besoin de mentionner que l'élection d'un gouvernement de gauche a considérablement refroidi les relations entre la Bolivie et les États-Unis?
Plusieurs points sont carrément en conflit entre les deux pays; la coca étant le plus important. Les USA veulent que la culture de la coca cesse, alors que le gouvernement Morales a entrepris une lutte au narcotrafic plutot qu'aux cultivateurs de coca (ici, fierté nationale et partie de la culture). L'implication de divers citoyens américains dans quelques litiges et actions illégales a contribué à rendre le gouvernement bolivien très suspicieux quand aux intérets américains en sol bolivien. Par exemple, un américain a fait exploser de la dynamite dans un hotel de La Paz et cet américain aurait eu des liens serré avec une agence de son gouvernement... (hum). Une autre étatsunienne a été arretée à l'aéroport de La Paz avec en sa possession plus de 500 balles de fort calibre, mais n'a pu etre jugée et a été libéré puisqu'elle jouissait de l'immunité diplomatique et que le gouvernement américain a décidé de ne pas poursuivre d'enquete à son sujet ... (re-hum?). [Rappelons que se trouver dans un aéroport américain avec un coupe-ongle est jugé suspicieux aux USA, mais des balles, pas de problèmes??]
Un membre de l'ambassade américaine a tenté de sortir illégalement du pays près de 35 armes de collectoin déclarées patrimoine national en Bolivie et une fois encore, aucune enquete n'a été effectuée par le gouvernement des USA... Ce genre d'incident n'est certainement pas pour aider à contrer la "paranoia" grandissante que le gouvernement Morales éprouve envers le gouvernement Bush (paranoia alimentée par Chavez et Castro, mais ils ont eux aussi leurs raisons d'etre paranoiaques, non?)... Enfin, qui suis-je meme pour appeler ca de la paranoia? Pour ce que j'en sais, ils ont probablement toutes les raisons du monde de se méfier, avec ce que l'histoire de l'Amérique Latine nous enseigne... (Guatemala, Bolivie, Nicaragua, Cuba, allouette..).
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Du coté de l'opposition, on craint surtout que Morales suive les traces de ses maitres à penser (Castro et Chavez) et n'entraine la Bolivie dans un systeme communiste. Je me trompe peut-etre, mais il semble que pour le moment, Evo soit un fort partisan de la démocratie, l'avenir nous dira s'il évoluera dans une autre dirrection.
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Ainsi, malgré une dévastation causée en janvier-mars 2007 par un phénomène El Niño, l'économie bolivienne se porte plutot bien. Les exportations ont grimpées, le boliviano (devise nationale) a vu sa valeur augmenter sur le marché mondial, on parle maintenant de bolivianisation de l'économie. Des millions de $$ de comptes bancaires en dollars US ont été convertis en bolivianos, puisque la devise nationale s'est avérée plus stable et en meilleure position mondiale depuis l'élection d'Evo que le dollar américain.
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Un des pricipaux défis à court terme du gouvernement bolivien est la réalisation des travaux routiers entrepris depuis 18 mois pour faciliter les mouvements de gens et de biens au pays (un défi considérable). Le gouvernement Morales a en effet entrepris pour 308 millions de $$ US de travaux publics sur les grands axes routiers, car de meilleures routes signifient une diminution des couts de transport et un meilleur accès pour les touristes (et donc plus d'argent frais). L'ensemble des travaux couvre plus de 550 km de routes étalés sur 26 projets.
L'autre défi majeur concerne le controle de l'activité économique. Il faut comprendre qu'actuellement, on estime que 75% de l'activité économique est informelle en Bolivie. Il est facile de le constater quotidiennement dans les rues; les marchés informels couvrent littéralement les rues de toutes les villes que j'ai visité au pays. Cet état de fait (aussi partie de l'histoire et la culture du pays) rend particulièrement ardu l'imposition et cause évidemment un problème fiscal pour le gouvernement.
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Enfin, il y a cette sorte de petite crise politique qui divise le pays: l'histoire de la localisation de la capitale (et donc des pouvoirs et emplois relatifs à la gestion nationale). J'ai appris que c'est la région de Sucre, qui tate le terrain depuis 1995 pour un retour des pouvoirs dans la capitale constitutionnelle, qui a relancé l'idée officiellement il y a peu. Pour le moment, le président ne s'est pas compromis ni pour La Paz ni pour Sucre. Dans son message à la nation dans les journaux du 6 aout, il appelle les gens à se consulter et à s'unir putot que de choisir le chemin de la division. Les marches à La Paz et Sucre se sont multipliées récemment contre/en faveur le déplacement de l'administration publique vers Sucre. La région de Sucre croit etre en mesure d'obtenir soit un débat sur le sujet (et une décision) à l'assemblée législative, soit un référendum national sur la question. Selon la constitution actuelle, Sucre est la capitale de la Bolivie, mais un conflit civil avait installé les pouvoirs législatifs à La Paz il y a un peu plus de 100 ans. Depuis 1995, l'Assemblée législative siège symboliquement à Sucre à l'occasion - comme ce fut le cas ce matin justement.
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Quoi d'autre... sinon cette annonce de nationalisation du rail (qui serait en fait un rachat du gouvernement des parts détenues dans l'industrie ferroviaire bolivienne par les intèrets étrangers, ce qui indispose un important consortium chilien), et du programme de corruption zéro aussi enclenché par le gouvernement Morales...
Ah, il y a cette demande officielle et renouvellé d'un accès à la mer (vers le Chili), accès perdu il y a longtemps par la Bolivie lors de la guerre du Pacifique, remportée par le Chili et isolant la Bolivie à l'intérieur du continent. C'est un aspect important de la vie ici, car à part le Paraguay, la Bolivie est le seul pays des Amériques à ne pas avoir d'accès à la mer, faisant monter les couts d'exportation et d'importation de tous les produits, puisque le pays doit passer par un pays étranger pour joindre les pays du globe autres que ses voisins immédiats.
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L'avenir nous dira si ma sympathie pour Evo continuera d'évoluer dans la bonne direction... Pour l'instant, une chose est certaine, en tant que voyageur, le programme routier est alléchant puisqu'une fois complété, il sera possible de faire La Paz - Tarija (donc frontière Pérou à frontière Argentine) en environ 10h... La seule route Potosi-Tarija me prendra probablement un peu plus de 12h après-demain... alors que je suis déjà à plus de 12h de La Paz... :-)
[Information anecdotique, le développement de la route Cochabamba-Villagrande porte le nom de "Camino del Che"].
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El Che serait certainement fier de voir que sous Evo, la Bolivie s'en sort bien et semble marcher dans la direction qu'il a souhaitée, et pour laquelle il s'est battu ici, justement. Mais ca sera le sujet d'un autre billet...
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L'Esprit Vagabond, comme observateur de la Bolivie, 6 aout 2007

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