Mon second billet en vue du gala des Oscars de ce soir; celui-ci concerne non pas mes prédictions du résultat des votes de l'académie, mais bien mes choix personnels; autrement dit, si j'étais membre de l'Académie, pour qui aurais-je voté, à qui aurais-je remis l'Oscar?
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Meilleur acteur: Leonardo Di Caprio
Je n'ai vu que trois des cinq prestations en nomination. Je m'étonne encore de l'absence de Paul Dano et/ou John Cusack (tous deux parfaits dans Love and Mercy). Même si j'ai apprécié la solidité habituelle de Matt Damon dans The Martian, Je pencherais plus pour Di Caprio ou Fassbender pour l'Oscar, puisque les deux ont réussi, d'après moi, une performance plus difficile qu'elle ne parait. Di Caprio ne fait peut-être que grogner pendant plus de deux heures, mais justement, faire passer un personnage à qui on s'intéresse n'est pas si facile que ça quand vous n'avez que quelques lignes de dialogues et des grognements à émettre et que l'émotion à rendre ne peut que passer par les expressions faciales et ces grognements. Fassbender (toujours excellent peu importe le rôle, semble-t-il) réussit à faire oublier qu'il joue Steve Jobs (un personnage pourtant assez connu du monde entier) et après quelques minutes seulement, il est Jobs, on perd l'impression de fiction et est immergé dans ce qui semble un documentaire, tellement il s'efface au profit du personnage, sans jamais tomber dans la caricature ou la simple imitation. J'ai donc fait comme les membres de l'académie, et choisi Di Caprio pour qu'il obtienne enfin un Oscar qui lui est dû de longue date d'après moi. Ça et le fait qu'il n'a encore jamais tourné dans un mauvais film, ce qui en fait un des acteurs les plu fiables de sa génération.
Meilleur actrice: Brie Larson
Ici aussi je n'ai vu que trois des nominations. Si j'ai adoré la subtilité habituelle de Cate Blanchett dans Carol, il s'agissait d'un rôle un peu moins difficile à défendre, de mon point de vue, que celui de Brie Larson dans Room. Celle-ci apparaît d'abord comme un personnage aux prises avec une situation exceptionnelle (dont on ne connait pas les détails avant la moitié du film) et qui doit prendre de grandes responsabilités et se montrer forte. Puis, alors que les événements se bousculent, elle se transforme, affronte des symptôme de stress post-traumatiques jumelés à diverses émotions contradictoires, dont la culpabilité. Une gamme très large à interpréter dans un semi-huis-clos étouffant, un rôle d'une grande intensité dramatique, d'où mon choix. Si Saoirse Ronan est très bonne dans Brooklyn, elle avait aussi un rôle moins difficile à rendre que Larson d'après moi.
Meilleur acteur - rôle de soutien: Christian Bale
Trois des quatre acteurs dont j'ai vu les performances étaient exceptionnels, j'ai un peu plus de réserve pour Tom Hardy qui défendait un personnage un peu trop unidimensionnel (et méchant) dans The Revenant pour que j'en apprécie vraiment l'interprétation. Rylance en espion russe m'est apparu beaucoup plus convaincant et subtil dans son jeu tout en retenue. Ruffalo en fait peut-être un peu trop avec les tics de son personnage (mais je soupçonne, comme il s'agit de faits réels, qu'il s'est inspiré du véritable journaliste qu'il personnifie), mais il démontre encore une fois qu'il est un acteur solide. Si mon choix se porte sur Christian Bale (un des meilleurs acteurs actuels toutes catégories et genres confondus), c'est qu'il compose un personnage original aux tendances semi-autistiques avec panache, dans un film au sujet aride, sans en faire trop ou être caricatural, et dont le silence et les excès physiques occasionnels en disent autant que les dialogues. Une interprétation qui pour ma part, se distingue du lot et des autres nominés.
Meilleure actrice - rôle de soutien: Rooney Mara
Des trois nominations que j'ai pu voir et apprécier, Rooney Mara a définitivement été la plus touchante, et celle dont le rôle demandait probablement le plus d'habileté au jeu, puisque son personnage dans Carol est tranquille, peu bavard et réagit aux événements plus qu'elle ne les bouscule. Le rôle - et une bonne partie du film - reposait donc sur son interprétation. Kate Winslet est très souvent remarquable, et elle est particulièrement convaincante dans Jobs, mais elle profitait tout de même de l'avantage des costumes/maquillage pour relater les époques, et de dialogues particulièrement bien écrits. Rachel McAdams dans Spotlight avait elle aussi des dialogues forts bien ciselé à se mettre sous la dent, et elle s'en tire à merveille dans son rôle, mais il demeure un rôle plus facile à rendre, je pense, que celui joué par Rooney Mara dans Carol. Après l'avoir vue dans The Girl with the Dragon Tattoo et Side Effects dans des rôles aux antipodes de celui dans Carol, elle nous y démontre toute l'étendue de son registre et mériterait donc facilement mon vote si j'étais membre de l'académie.
Meilleur scénario adapté: The Big Short
Probablement le meilleur scénario tout court en 2015, et surtout, une réussite remarquable vu le matériau particulièrement aride à adapter (crise des subprimes). Les adaptations fort réussies de Room, Brooklyn, The Martian et Carol n'avaient pas à faire face à une telle difficulté. Room aurait probablement été mon second choix vu la très forte intensité dramatique qu'il projette; c'est certainement le film au scénario le plus étouffant de l'année, bien que The Martian, on l'oublie peut-être, clouait plus souvent qu'autrement le spectateur angoissé sur son siège, mais avec des fils dramatiques plus conventionnels (et exploités auparavant, voir Gravity, comme exemple récent réussi).
Meilleur scénario original: Spotlight
Si Ex Machina posait des problèmes intellectuels intéressants, le scénario comportait tout de même un certain verbiage et quelques longueurs. Inside Out, passé ses idées originales initiales, devenait un peu conventionnel et prévisible dans sa deuxième moitié et n'était pas porteur d'autant d'intensité dramatique que Spotlight ou Bridge of Spies. Ce dernier, réglé au quart de tour, souffrait peut-être d'un certain classicisme au niveau du développement de son intrigue (par comparaison aux autres nominés, on s'entend que c'est un excellent scénario), ce qui me rend moins enclin à lui décerner un Oscar, prix qui devrait récompenser non seulement l'excellence, mais aussi l'originalité. Spotlight, en plus d'être parfaitement réussi en termes de dialogues acérés et de progression dramatique, réussi à passer par dessus une difficulté qui passe donc inaperçue; celle d'écrire un suspense sur un groupe de quatre personnes qui attendent que le téléphone sonne, cherchent dans de vieux registre et épluchent des documents poussiéreux. Tout ça en gardant en tête que le spectateur bien informé connait déjà le résultat final (puisque le film est basé sur des faits réels qui sont largement connus aujourd'hui).
Meilleure réalisation: Adam McKay (The Big Short)
Réglons tout de suite le cas d'Inarritu, dont je suis un très très grand fan. The Revenant n'est pas son meilleur film (Birdman, pour moi), bien que la réalisation soit exceptionnelle. Les plans séquences qui ne paraissent même pas, une caméra d'une fluidité exemplaire, certes, mais ce n'est pas aussi révolutionnaire qu'avec d'autres de ses films, bref, il innove quand même moins, explore moins les possibilités nouvelles. Le résultat est excellent, mais pas nécessairement (pour moi) pour mériter un second Oscar en deux ans après le sublime Birdman. Si Spotlight est un de mes films favoris cette année, je dois quand même reconnaître que sa réalisation est assez classique. Efficacement effacée, ce qui est tout à l'honneur du réalisateur qui a fait ce choix intelligent, mais quiconque aurait fait ce choix aurait alors pu arriver à un résultat aussi bien; une nomination bien méritée, mais pas suffisant pour l'Oscar. Le travail de Miller dans Mad Max: Fury Road est probablement l'aspect du film que j'ai le plus aimé. Les plans accompagnent parfaitement le rythme de l'action et les images sont magnifiques, les scènes d'action ne sont pas brouillonnes... mais ça reste un film d'action, où, à part Charlize Theron, les acteurs sont bons mais sans plus (pas trop leur faute, les dialogues sont restreints), et rappelons que le travail de réalisateur est aussi celui du directeur d'acteurs. Malgré ces bémols, Miller serait un choix personnel défendable, même si je n'ai qu'apprécié le film qu'à moitié.
Room est plus près du style que j'admire, surtout que réaliser un semi-huis-clos est quelque chose de beaucoup plus difficile qu'il n'y paraît. Non seulement l'espace est restreint, les mouvements des personnages aussi, le décor est toujours le même, bref, ce sont là des difficultés, qui lorsqu'elles sont surmontées avec autant de brio que dans Room, démontrent un talent indéniable de réalisation. Si on ajoute la direction d'acteurs (pour le rôle principal, mais aussi celui de l'enfant, pas toujours évident à diriger dans un rôle aussi dramatique), on se rapproche réellement d'un Oscar de mon point de vue.
Si j'ai choisi The Big Short, c'est par un biais personnel. J'adore vraiment les films éclatés de la sorte. La réalisation rappelle un mélange de The Wolf of Wall Street de Scorcese et de Guy Ritchie dans Snatch; c'est énergique, décalé, amusant et certainement le meilleur choix artistique pour rendre un film (et un scénario) au sujet aussi aride (même si ces références montrent une moins grande originalité de ce choix). La direction d'acteur est parfaite (voir mon choix pour Bale, mais on ne mentionne pas la performance de Brad Pitt, ni celle de Steve Carrell, tous deux dans des contre-emplois), bref, un choix très personnel, puisque la logique cinématographique seule me ferait pencher pour la réalisateur de Room.
Meilleur film documentaire: Amy
Je ne connaissais qu'un peu de sa musique, et très peu de la chanteuse elle-même, à part sa mauvaise réputation des années précédent son décès. Le documentaire, fascinant, permet non seulement de mieux cerner la personne, mais aussi son entourage et ce qu'elle a vécu. Les liens avec ses compositions sont hallucinants, et l'imposante quantité d'images vidéos disponibles donnent parfois l'impression qu'elle avait elle-même documenté sa vie (un signe des temps depuis le début des années 2000 mais plus encore depuis l'arrivée des réseaux sociaux et téléphones à caméra). Bref, un documentaire fascinant, autant dans la forme que sur le fond.
Meilleur film d'animation: Inside Out
J'ai beaucoup aimé Shaun the sheep, surtout le résultat du choix technique d'animation; sympathique, original et drôle. Même si Inside Out est plus classique dans son rendu, l'idée fort originale qui en forme la prémisse est difficile à battre. Il s'agit de deux films entièrement différent, autant dans le thème que dans la manière, et ils mériteraient tous deux l'Oscar, je suis bien content de ne pas avoir à voter, mais j'ai un souvenir plus complet et satisfaisant de Inside Out que de Shaun the sheep, au final.
Meilleur film: Spotlight
Pour ma part, c'est une lutte à trois: The Big Short, Room et Spotlight, que je considère tous meilleurs que The Revenant, même si je vois bien que je suis à contre-courant puisque le film d'Inarritu a tout raflé jusqu'à présent et qu'il l'emportera probablement (voir mes prédictions). The Revenant était un peu trop faible côté scénario. Je ne parle pas des dialogues volontairement restreints mais de l'unidimensionnalité des personnages, bons/méchants et de la scène finale trop hollywoodienne et un peu prévisible. Or, pour l'auteur, lecteur et spectateur que je suis, le meilleur film aux Oscars doit avoir un scénario particulièrement solide, en plus du reste. Bridge of Spies est peut-être un peu trop conventionnel sur tous ses aspects importants (interprétation, réalisation, scénario) pour s'élever au titre de meilleur film, même si c'est un film de premier plan en 2015 et que j'ai beaucoup apprécié. Mad Max: Fury Road comportait beaucoup de très bonnes petites idées, mais son scénario est probablement le plus mince des films nominés (on se rend du point A au point B), ce qui est un handicap insurmontable pour ce cinéphile-ci en ce qui concerne l'Oscar du meilleur film. The Martian fait tout à la perfection... mais rappelle inévitablement Gravity qui tirait exactement sur les mêmes ficelles dramatiques, les mêmes enjeux et qui demeure moins spectaculaire ou original qu'Interstellar, par exemple. Il souffre donc d'un manque d'originalité à ces niveaux.
Reste donc mes trois films favoris. Si The Big Short n'avait pas traité d'un sujet déjà couvert par Wolf of Wall Street ou Inside Job et quelques autres films, il aurait eu plus de chance à mes yeux pour l'Oscar du meilleur film. Room serait donc mon second choix, puisqu'il regroupe à la fois un scénario très intelligent et sensible, des interprétation et une réalisation solide, une forte intensité dramatique et réussit à éviter les clichés du genre. En plus, Room ne dévoile son genre qu'en cour de route, laissant donc le spectateur intrigué et fasciné pendant toute sa première moitié, certainement le meilleur film de ce point de vue en 2015. Si je choisi Spotlight malgré tout le bien que je pense de Room, c'est probablement par un biais très personnel que j'ai envers les scénarios complexes, très écrits et les dialogues ciselés sur des sujets subtils. Réussir un aussi bon suspense sur un groupe de journalistes, en évitant les clichés et les facilités, et en évitant également les punch prévisibles, montre un niveau d'excellence que peu de films atteignent dans ces circonstances. Meilleur film de 2015 pour moi, donc.
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En prime, mes choix pour certains Oscars techniques:
Effets visuels: Star Wars: The Force Awakens: pour le choix d'être revenu à des vrais accessoires, parce que ce film va beaucoup mieux vieillir que la trilogie d'antépisodes qui utilisait à outrance les effets numériques de l'heure.
Montage: The Big Short, pour l'aspect décalé et éclaté, le film le plus difficile à monter, puisque le moins conventionnel de ce point de vue.
Direction photo: Sicario. Je réalise que c'est plus un choix personnel (j'aime beaucoup la caméra de Deakins) qu'une prédiction sérieuse (voir mes prédictions), puisque le choix de direction photo pour The Revenant lui donne une image très bleutée et toujours ne demi-teinte qui marque le visuel du film peut-être plus que les choix de direction photo de Sicario. Mais je demeure convaincu qu'il est plus facile d'être exceptionnel sur un film comme The Revenant, tourné dans la nature sauvage, que sur un film aux lieux aussi variés que Sicario.
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Vos choix à vous?
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Meilleur acteur: Leonardo Di Caprio
Je n'ai vu que trois des cinq prestations en nomination. Je m'étonne encore de l'absence de Paul Dano et/ou John Cusack (tous deux parfaits dans Love and Mercy). Même si j'ai apprécié la solidité habituelle de Matt Damon dans The Martian, Je pencherais plus pour Di Caprio ou Fassbender pour l'Oscar, puisque les deux ont réussi, d'après moi, une performance plus difficile qu'elle ne parait. Di Caprio ne fait peut-être que grogner pendant plus de deux heures, mais justement, faire passer un personnage à qui on s'intéresse n'est pas si facile que ça quand vous n'avez que quelques lignes de dialogues et des grognements à émettre et que l'émotion à rendre ne peut que passer par les expressions faciales et ces grognements. Fassbender (toujours excellent peu importe le rôle, semble-t-il) réussit à faire oublier qu'il joue Steve Jobs (un personnage pourtant assez connu du monde entier) et après quelques minutes seulement, il est Jobs, on perd l'impression de fiction et est immergé dans ce qui semble un documentaire, tellement il s'efface au profit du personnage, sans jamais tomber dans la caricature ou la simple imitation. J'ai donc fait comme les membres de l'académie, et choisi Di Caprio pour qu'il obtienne enfin un Oscar qui lui est dû de longue date d'après moi. Ça et le fait qu'il n'a encore jamais tourné dans un mauvais film, ce qui en fait un des acteurs les plu fiables de sa génération.
Meilleur actrice: Brie Larson
Ici aussi je n'ai vu que trois des nominations. Si j'ai adoré la subtilité habituelle de Cate Blanchett dans Carol, il s'agissait d'un rôle un peu moins difficile à défendre, de mon point de vue, que celui de Brie Larson dans Room. Celle-ci apparaît d'abord comme un personnage aux prises avec une situation exceptionnelle (dont on ne connait pas les détails avant la moitié du film) et qui doit prendre de grandes responsabilités et se montrer forte. Puis, alors que les événements se bousculent, elle se transforme, affronte des symptôme de stress post-traumatiques jumelés à diverses émotions contradictoires, dont la culpabilité. Une gamme très large à interpréter dans un semi-huis-clos étouffant, un rôle d'une grande intensité dramatique, d'où mon choix. Si Saoirse Ronan est très bonne dans Brooklyn, elle avait aussi un rôle moins difficile à rendre que Larson d'après moi.
Meilleur acteur - rôle de soutien: Christian Bale
Trois des quatre acteurs dont j'ai vu les performances étaient exceptionnels, j'ai un peu plus de réserve pour Tom Hardy qui défendait un personnage un peu trop unidimensionnel (et méchant) dans The Revenant pour que j'en apprécie vraiment l'interprétation. Rylance en espion russe m'est apparu beaucoup plus convaincant et subtil dans son jeu tout en retenue. Ruffalo en fait peut-être un peu trop avec les tics de son personnage (mais je soupçonne, comme il s'agit de faits réels, qu'il s'est inspiré du véritable journaliste qu'il personnifie), mais il démontre encore une fois qu'il est un acteur solide. Si mon choix se porte sur Christian Bale (un des meilleurs acteurs actuels toutes catégories et genres confondus), c'est qu'il compose un personnage original aux tendances semi-autistiques avec panache, dans un film au sujet aride, sans en faire trop ou être caricatural, et dont le silence et les excès physiques occasionnels en disent autant que les dialogues. Une interprétation qui pour ma part, se distingue du lot et des autres nominés.
Meilleure actrice - rôle de soutien: Rooney Mara
Des trois nominations que j'ai pu voir et apprécier, Rooney Mara a définitivement été la plus touchante, et celle dont le rôle demandait probablement le plus d'habileté au jeu, puisque son personnage dans Carol est tranquille, peu bavard et réagit aux événements plus qu'elle ne les bouscule. Le rôle - et une bonne partie du film - reposait donc sur son interprétation. Kate Winslet est très souvent remarquable, et elle est particulièrement convaincante dans Jobs, mais elle profitait tout de même de l'avantage des costumes/maquillage pour relater les époques, et de dialogues particulièrement bien écrits. Rachel McAdams dans Spotlight avait elle aussi des dialogues forts bien ciselé à se mettre sous la dent, et elle s'en tire à merveille dans son rôle, mais il demeure un rôle plus facile à rendre, je pense, que celui joué par Rooney Mara dans Carol. Après l'avoir vue dans The Girl with the Dragon Tattoo et Side Effects dans des rôles aux antipodes de celui dans Carol, elle nous y démontre toute l'étendue de son registre et mériterait donc facilement mon vote si j'étais membre de l'académie.
Meilleur scénario adapté: The Big Short
Probablement le meilleur scénario tout court en 2015, et surtout, une réussite remarquable vu le matériau particulièrement aride à adapter (crise des subprimes). Les adaptations fort réussies de Room, Brooklyn, The Martian et Carol n'avaient pas à faire face à une telle difficulté. Room aurait probablement été mon second choix vu la très forte intensité dramatique qu'il projette; c'est certainement le film au scénario le plus étouffant de l'année, bien que The Martian, on l'oublie peut-être, clouait plus souvent qu'autrement le spectateur angoissé sur son siège, mais avec des fils dramatiques plus conventionnels (et exploités auparavant, voir Gravity, comme exemple récent réussi).
Meilleur scénario original: Spotlight
Si Ex Machina posait des problèmes intellectuels intéressants, le scénario comportait tout de même un certain verbiage et quelques longueurs. Inside Out, passé ses idées originales initiales, devenait un peu conventionnel et prévisible dans sa deuxième moitié et n'était pas porteur d'autant d'intensité dramatique que Spotlight ou Bridge of Spies. Ce dernier, réglé au quart de tour, souffrait peut-être d'un certain classicisme au niveau du développement de son intrigue (par comparaison aux autres nominés, on s'entend que c'est un excellent scénario), ce qui me rend moins enclin à lui décerner un Oscar, prix qui devrait récompenser non seulement l'excellence, mais aussi l'originalité. Spotlight, en plus d'être parfaitement réussi en termes de dialogues acérés et de progression dramatique, réussi à passer par dessus une difficulté qui passe donc inaperçue; celle d'écrire un suspense sur un groupe de quatre personnes qui attendent que le téléphone sonne, cherchent dans de vieux registre et épluchent des documents poussiéreux. Tout ça en gardant en tête que le spectateur bien informé connait déjà le résultat final (puisque le film est basé sur des faits réels qui sont largement connus aujourd'hui).
Réglons tout de suite le cas d'Inarritu, dont je suis un très très grand fan. The Revenant n'est pas son meilleur film (Birdman, pour moi), bien que la réalisation soit exceptionnelle. Les plans séquences qui ne paraissent même pas, une caméra d'une fluidité exemplaire, certes, mais ce n'est pas aussi révolutionnaire qu'avec d'autres de ses films, bref, il innove quand même moins, explore moins les possibilités nouvelles. Le résultat est excellent, mais pas nécessairement (pour moi) pour mériter un second Oscar en deux ans après le sublime Birdman. Si Spotlight est un de mes films favoris cette année, je dois quand même reconnaître que sa réalisation est assez classique. Efficacement effacée, ce qui est tout à l'honneur du réalisateur qui a fait ce choix intelligent, mais quiconque aurait fait ce choix aurait alors pu arriver à un résultat aussi bien; une nomination bien méritée, mais pas suffisant pour l'Oscar. Le travail de Miller dans Mad Max: Fury Road est probablement l'aspect du film que j'ai le plus aimé. Les plans accompagnent parfaitement le rythme de l'action et les images sont magnifiques, les scènes d'action ne sont pas brouillonnes... mais ça reste un film d'action, où, à part Charlize Theron, les acteurs sont bons mais sans plus (pas trop leur faute, les dialogues sont restreints), et rappelons que le travail de réalisateur est aussi celui du directeur d'acteurs. Malgré ces bémols, Miller serait un choix personnel défendable, même si je n'ai qu'apprécié le film qu'à moitié.
Room est plus près du style que j'admire, surtout que réaliser un semi-huis-clos est quelque chose de beaucoup plus difficile qu'il n'y paraît. Non seulement l'espace est restreint, les mouvements des personnages aussi, le décor est toujours le même, bref, ce sont là des difficultés, qui lorsqu'elles sont surmontées avec autant de brio que dans Room, démontrent un talent indéniable de réalisation. Si on ajoute la direction d'acteurs (pour le rôle principal, mais aussi celui de l'enfant, pas toujours évident à diriger dans un rôle aussi dramatique), on se rapproche réellement d'un Oscar de mon point de vue.
Si j'ai choisi The Big Short, c'est par un biais personnel. J'adore vraiment les films éclatés de la sorte. La réalisation rappelle un mélange de The Wolf of Wall Street de Scorcese et de Guy Ritchie dans Snatch; c'est énergique, décalé, amusant et certainement le meilleur choix artistique pour rendre un film (et un scénario) au sujet aussi aride (même si ces références montrent une moins grande originalité de ce choix). La direction d'acteur est parfaite (voir mon choix pour Bale, mais on ne mentionne pas la performance de Brad Pitt, ni celle de Steve Carrell, tous deux dans des contre-emplois), bref, un choix très personnel, puisque la logique cinématographique seule me ferait pencher pour la réalisateur de Room.
Meilleur film documentaire: Amy
Je ne connaissais qu'un peu de sa musique, et très peu de la chanteuse elle-même, à part sa mauvaise réputation des années précédent son décès. Le documentaire, fascinant, permet non seulement de mieux cerner la personne, mais aussi son entourage et ce qu'elle a vécu. Les liens avec ses compositions sont hallucinants, et l'imposante quantité d'images vidéos disponibles donnent parfois l'impression qu'elle avait elle-même documenté sa vie (un signe des temps depuis le début des années 2000 mais plus encore depuis l'arrivée des réseaux sociaux et téléphones à caméra). Bref, un documentaire fascinant, autant dans la forme que sur le fond.
Meilleur film d'animation: Inside Out
J'ai beaucoup aimé Shaun the sheep, surtout le résultat du choix technique d'animation; sympathique, original et drôle. Même si Inside Out est plus classique dans son rendu, l'idée fort originale qui en forme la prémisse est difficile à battre. Il s'agit de deux films entièrement différent, autant dans le thème que dans la manière, et ils mériteraient tous deux l'Oscar, je suis bien content de ne pas avoir à voter, mais j'ai un souvenir plus complet et satisfaisant de Inside Out que de Shaun the sheep, au final.
Meilleur film: Spotlight
Pour ma part, c'est une lutte à trois: The Big Short, Room et Spotlight, que je considère tous meilleurs que The Revenant, même si je vois bien que je suis à contre-courant puisque le film d'Inarritu a tout raflé jusqu'à présent et qu'il l'emportera probablement (voir mes prédictions). The Revenant était un peu trop faible côté scénario. Je ne parle pas des dialogues volontairement restreints mais de l'unidimensionnalité des personnages, bons/méchants et de la scène finale trop hollywoodienne et un peu prévisible. Or, pour l'auteur, lecteur et spectateur que je suis, le meilleur film aux Oscars doit avoir un scénario particulièrement solide, en plus du reste. Bridge of Spies est peut-être un peu trop conventionnel sur tous ses aspects importants (interprétation, réalisation, scénario) pour s'élever au titre de meilleur film, même si c'est un film de premier plan en 2015 et que j'ai beaucoup apprécié. Mad Max: Fury Road comportait beaucoup de très bonnes petites idées, mais son scénario est probablement le plus mince des films nominés (on se rend du point A au point B), ce qui est un handicap insurmontable pour ce cinéphile-ci en ce qui concerne l'Oscar du meilleur film. The Martian fait tout à la perfection... mais rappelle inévitablement Gravity qui tirait exactement sur les mêmes ficelles dramatiques, les mêmes enjeux et qui demeure moins spectaculaire ou original qu'Interstellar, par exemple. Il souffre donc d'un manque d'originalité à ces niveaux.
Reste donc mes trois films favoris. Si The Big Short n'avait pas traité d'un sujet déjà couvert par Wolf of Wall Street ou Inside Job et quelques autres films, il aurait eu plus de chance à mes yeux pour l'Oscar du meilleur film. Room serait donc mon second choix, puisqu'il regroupe à la fois un scénario très intelligent et sensible, des interprétation et une réalisation solide, une forte intensité dramatique et réussit à éviter les clichés du genre. En plus, Room ne dévoile son genre qu'en cour de route, laissant donc le spectateur intrigué et fasciné pendant toute sa première moitié, certainement le meilleur film de ce point de vue en 2015. Si je choisi Spotlight malgré tout le bien que je pense de Room, c'est probablement par un biais très personnel que j'ai envers les scénarios complexes, très écrits et les dialogues ciselés sur des sujets subtils. Réussir un aussi bon suspense sur un groupe de journalistes, en évitant les clichés et les facilités, et en évitant également les punch prévisibles, montre un niveau d'excellence que peu de films atteignent dans ces circonstances. Meilleur film de 2015 pour moi, donc.
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En prime, mes choix pour certains Oscars techniques:
Effets visuels: Star Wars: The Force Awakens: pour le choix d'être revenu à des vrais accessoires, parce que ce film va beaucoup mieux vieillir que la trilogie d'antépisodes qui utilisait à outrance les effets numériques de l'heure.
Montage: The Big Short, pour l'aspect décalé et éclaté, le film le plus difficile à monter, puisque le moins conventionnel de ce point de vue.
Direction photo: Sicario. Je réalise que c'est plus un choix personnel (j'aime beaucoup la caméra de Deakins) qu'une prédiction sérieuse (voir mes prédictions), puisque le choix de direction photo pour The Revenant lui donne une image très bleutée et toujours ne demi-teinte qui marque le visuel du film peut-être plus que les choix de direction photo de Sicario. Mais je demeure convaincu qu'il est plus facile d'être exceptionnel sur un film comme The Revenant, tourné dans la nature sauvage, que sur un film aux lieux aussi variés que Sicario.
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