Je viens de quitter Isla del Sol, berceau qui a vu naitre Manco Capac, le premier Inca. Je leve la tete vers Penelope - qui a en fait les traits d'Audrey Tautou. Devant moi, Copacabana se rapproche avec une lenteur hypnotisante accentuée par notre basse vitesse de croisiere, alors que Isla del Sol disparait tout aussi lentement dans le couchant.
Le lac Titicaca est immense et calme, en cette fin d'apres-midi d'hiver bolivien.
Sur Isla del Sol, ou nous avons passé la journée, nous avons visité l'ancienne cité de Chinkana, le principal site Inca, situé au nord de l'ile, puis nous avons entrepris une randonnée de 3h pour traverser complétement l'ile du nord vers le sud pour rejoindre un second site Inca (escalera), moins impressionnant, avant de reprendre le bateau vers Copacabana. Les ruines, sinon fascinantes, valaient amplement la visite et le prix du billet d'entrée en ce qui concerne Chinkana (10 bolos), et la marche de 3h nous a permis de couvrir les quelques 14 km de l'ile, en profitant d'un panorama absolument spectaculaire et unique tout en grimpant deux fois a un peu plus de 4000 m.
A un moment, nous avons noté que des randonneurs avaient utilisé des roches pour fabriquer de petites imitations de portiques Incas. Nous avons donc érigé un portique similaire, mais de plus grande taille, et question de le personnaliser, avons placé un peit Inukshuk devant la porte!
Le vent froid pince un peu mon visage, mais je sais que c'est l'humidité ambiante qui me fera frissonner ce soir dans les rues de Copacabana. Les nuages - qui ont patienté toute la journée autour du lac - envahissent le ciel de leur couleur mélange de gris, d'indigo et de blanc teinté du jaune que Inti lance a travers le ciel vers l'eau ondulante du lac.
Je peux maintenant distinguer les croix sur le Cerro Calvario, surplombant Copacabana, petit sommet a 3966 m d'altitude que nous avons conquis hier en apres-midi.
Mes deux espagnoles poursuivent leur conversation, inconscientes d'etre partie de ces notes et de mon expérience sur le lac Titicaca.
Nous sommes une vingtaine a profiter des derniers rayons du soleil sur le toit de la lancha. La plupart des autres voyageurs tentent vainement d'éviter le froid en trouvant refuge dans la cabine. Sophie et Martin sont de ceux-la.
Le voisin de Penelope/Amélie est une jeune américain de L.A., ville qui me rappelle mon amie Tamy, ayant étudié a Salamanca, ville que j'ai visité avec mon amie Suzie. Pour ce que j'en sais, Martin est peut-etre en pleine conversation avec un couple de francais originaire de Grenoble avec qui nous avons marché 1 km ou 2 en apres-midi. La France me fait penser a mon amie Agnes, que je reverrai peut-etre a la fin de cet automne. Le copain du jeune homme de L.A. est captivé par la lecture d'un roman de Mario Vargas Llosa, un célebre écrivain péruvien et ex-candidat a la présidence du Pérou. J'ai une pensée pour Kathy, amie péruvienne rencontrée au Colca Canyon il y a quelques semaines déja.
Le Cerro Calvario est plus imposant devant nous, maintenant. Nous devrions acoster dans une vingtaine de minutes. L'accent musical de Penelope continue de bercer notre lente progression. Deux allemandes viennent rejoindre un compatriote qui est assis a mes cotés. Tout le monde est tres chaudement habillé - je porte moi-meme 4 différents vetement sur le corps, ce que je ne fait généralement que pendant le rude hiver québécois. Mes doigts commencent a souffrir du froid, ou bien est-ce le fait d'écrire sur le sujet qui me le fait réaliser a l'instant?
Je fais une pause et prends quelques photos. En faisant mine de les regarder, je manipule mon appareil de maniere a immortaliser mon inconnue espagnole, que je baptise alors Amélie Cruz, pour faire honnuer a son joli visage et sa voix mélodieuse. Elle devient a son insu un personnage de ma journée sur le lac Titicaca.
Je dois me répéter intérieurement que je suis dans une lancha sur le lac qui a vu naitre la civilisation Inca et qui, a 3810 m d'altitude, est aussi le lac navigable (et navigué) le plus haut du monde.
Les conversation se multiplient depuis l'arrivée des allemandes. Les deux copains américains parlent aussi entre eux maintenant. Copacabana approche, j'apercois le port, notre auberge et le monticule rocheux de la Horca del Inca, que nous avons également gravi hier apres-midi. Nous passons le poste de gardes-cotes (puisque le lac "contient" la frontiere entre le Pérou et la Bolivie), et je note deux pédalos en forme de cygne, qui tronent devant l'affiche indiquant que c'est le poste de l'armée bolivienne. Un sourire aux levres, je vois également quelques militaires laver leur linge sur les bords du lac.
Ce moment sur le lac s'acheve donc, et je vais bientot déposer mon crayon, sans jamais savoir qui sont les voyageurs qui ont partagé ce trajet avec moi. Mais ca fait partie de ce moment de solitude de groupe - pour moi - et c'est bien ainsi car eux non plus, ne sauront jamais qui je suis.
Et Amélie Cruz ne saura jamais non plus qu'elle est devenue un personnage de cette petite histoire de navigation entre Isla del Sol et Copacabana.
Hugues Morin - lac Titicaca, 14/7/07 - 17h30.
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