vendredi 22 février 2013

Oscars 2013: Les choix de l'Esprit Vagabond

Pendant l'année 2012 cinéma, en autant que les Oscars soient concernés, j'ai réussi à voir beaucoup de films, dont la majorité des films en nomination, ce qui m'offre l'opportunité de donner mon avis avant les Oscars. Mes prédictions, quand à elles, suivront dans un billet à part, comme c'est devenu mon habitude depuis quelques années. (Les prédictions et les choix relèvent de deux processus bien différents en ce qui me concerne, puisque je préfère souvent des performances à contre-courant des préférences de l'Académie, mais je dois bien tenir compte des préférences des votants quand vient le temps de me compromettre à prédire leurs choix).
Je précise d'entrée de jeu cette année que je n'ai pas vu tous les films dans les catégories documentaires et films en langue étrangère, mais je les inclus toutefois ici. Je n'ai vu aucun des films d'animation, alors j'exclus cette catégorie de mon tableau cette année. Je ne vous assommerai pas avec les catégories plus techniques, me limitant donc à dix catégories pour ce billet.
Voici donc mes choix personnels (parmi les nominations, ce qui relève déjà d'un autre débat sur les grands absents de ces nominations, mais je n'ai pas eu le temps de m'y attarder ici auparavant, alors passons). Espérons que l'académie me surprendra et remettra le précieux Oscar à l'un de mes choix dimanche soir prochain.
Devant la caméra.
Meilleur acteur. Bradley Cooper. L'exemple parfait du choix à contre-courant dont je parlais ci-haut. Cooper est surtout connu pour ses rôles dans les comédies romantiques ou légères, mais dans Silver Linings Playbook, il étonne et démontre l'étendue de son registre et la subtilité de son jeu. Certes, Daniel Day Lewis excelle dans Lincoln, mais malgré un jeu admirable dans cette grande fresque historique, il n'étonne pas réellement; on s'attend à ce genre de héros plus grand que nature. Le choix a été difficile, puisque Day Lewis compose un Lincoln attachant et intéressant, mais j'avoue avoir été très impressionné et plus bouleversé par la performance de Cooper cette année. J'ajoute à ma défense que je n'ai pas vu Les Misérables (une version musicale en anglais de ce classique français ne m'intéressait pas particulièrement), et je n'ai donc pas eu l'occasion de juger Hugh Jackman.
Meilleure actrice. Emmanuelle Riva. Choix très difficile ici, puisque j'ai beaucoup apprécié les quatre performances que j'ai vu sur les cinq nominations. J'ai été impressionné par Jessica Chastain dans Zero Dark Thirty, j'ai adoré Jennifer Lawrence dans Silver Linings Playbook et été absolument emporté par la performance d'un incroyable naturel de Quvenzhané Wallis dans Beast of the Southern Wild, mais mon choix se porte tout de même sur Emmanuelle Riva, pour son interprétation touchante, subtile, tout en douceur et en naturel dans Amour. Un rôle très difficile, qui aurait bien pu tomber dans le mélodramatique à plusieurs reprises, mais que Riva porte avec brio dans un film à la fois dur et tendre. Ceci dit, je ne serai pas fâché si une autre actrice l'emporte, les quatre que j'ai vues le mériterait.
Meilleur acteur de soutien. Christoph Waltz. Ici, malgré d'excellentes performances à souligner, comme celle de Tommy Lee Jones qui offre certains des meilleurs moments de Lincoln, et De Niro qui nous rappelle combien il est talentueux dans Silver Linings Playbook, mon choix est clair. Waltz, qui porte une partie de Django Unchained sur ses épaules de manière absolument truculente, est le meilleur de cette catégorie cette année, et en fait, je ne comprends même pas qu'il ne soit pas nominé à titre de meilleur acteur tout court, tellement sa présence est importante (et continue) dans le film. Dès la scène d'ouverture, et ce pratiquement jusqu'à la toute fin, son interprétation donne au film un ton jouissif et une facture unique. Quand on sait que c'est le même Waltz qui était si horrifiant dans un rôle totalement opposé dans Inglorious Basterds, on ne peut qu'admirer l'ampleur de son registre et de son talent.
Meilleure actrice de soutien. Jacki Weaver. Ici, comme mes deux choix personnels de 2012 ne sont même pas en nomination (je parle de Judy Dench dans Skyfall et de Emma Watson dans The Perks of Being a Wallflower), je me rabats donc sur la seule performance en nomination que je considère oscarisable. Helen Hunt dans The Sessions est excellente et dans le ton de ce film original et parfois iconoclaste, mais je n'ai pas été étonné ou frappé outre mesure par la performance au point de lui décerner la statuette. Weaver dans un film qui doit beaucoup à ses interprètes et à leurs relations, contribue significativement à l'ambiance du film. Comme je n'ai pas vu Les Misérables, impossible de me prononcer sur Anne Hathaway, mais je dois souligner que je n'ai pas été réellement impressionné par Sally Field dans Lincoln, qui jouait un personnage antipathique et peu utile au film, en plus de le faire dans son registre habituel, dont je n'ai jamais été un fan. Weaver par défaut, donc.
Derrière la caméra.
Meilleur réalisateur. David O. Russel. Cette fois-ci, c'est pire, mes trois choix ne sont pas en nomination (Sam Mendez pour Skyfall, Ben Affleck pour Argo  et Quentin Tarantino pour Django Unchained), mais je n'ai aucun problème à remettre l'Oscar à David O. Russel pour Silver Linings Playbook. On ne parle pas d'un film qui demande une technique exceptionnelle de mouvements de caméras ou de trouvailles d'effets spéciaux, mais vu l'ambiance particulière de ce film, intimiste et qui explore plusieurs facettes émotives de ses personnages, la subtilité de la réalisation et de la direction d'acteurs (le film a d'ailleurs des acteurs nominés dans toutes les catégories à ce niveau) démontre la parfaite maîtrise de Russell sur ce film. Spielberg a fait un excellent "travail de Spielberg" dans Lincoln, avec quelques dérives un peu patriotiques peut-être, mais avec une certaine retenue quand même, mais il ne m'a pas étonné, ou renversé par sa réalisation avec ce film.
Meilleur scénario adapté. Argo. Je ne peux trop juger du travail d'adaptation lui-même dans cette catégorie, mais en ce qui concerne les 5 films en nomination, Argo a le scénario le plus solide et tissé serré. Silver Linings Playbook est plus subtil, et parfois plus fin au niveau des dialogues, mais reste que Argo regroupe plusieurs éléments - thriller, critique politique, événement histoirique, autodérision hollywoodienne et décalage culturel - qui en font mon scénario favori cette année dans cette catégorie. Même si j'ai apprécié le film, Lincoln ne m'a pas nécessairement impressionné par son scénario, puisque j'y ai trouvé quelques aspects plus faibles (comme toute la relation entre Lincoln et sa femme, ou l'histoire avec son fils). Beast of the Southern Wild possède un excellent scénario, peut-être le plus original du lot, mais pas aussi complexe ou solide qu'Argo.
Meilleur scénario original. Django Unchained. Les autres films en nomination comportent beaucoup de qualités scénaristiques, mais Django Unchained est définitivement celui qui s'illustre le plus par son originalité, le traitement de son thème, le mélange de genres, les excès, les dialogues savoureux, les rebondissements et le véritable et pur plaisir cinématographique qui en découle. Comme souvent chez Tarantino, certaines répliques sont restées avec moi depuis, et demeureront parmi le palmarès des classiques qui vous reviennent en tête des années plus tard.
Films
Meilleur documentaire. Five broken Cameras. Juste pour inciter mes lecteurs à voir ce film, un excellent documentaire, choquant et révélateur, qui n'a aucune chance de remporter l'Oscar. D'une part parce qu'il n'a pas eu la distribution américaine des autres en nomination, mais surtout, d'après moi, par son sujet et son traitement, qui dénonce la colonisation israélienne et le traitement réservés aux palestiniens par l'armée d'Israël. Question d'avoir, pour des nord-américains, l'autre version des faits sur ce conflit.
Meilleur film en langue étrangère. A Royal Affair. J'ai vu trois des films en nomination ici et les ai tous appréciés. Si Amour est touchant et profond, ça reste un film un peu dur, et concentré sur un sujet bien précis. Rebelle pose un regard que je considère plus universel et finement réalisé, et traite habilement d'un sujet que plusieurs croient passé, mais pour diverses raisons, A Royal Affair a touché plusieurs cordes chez moi. L'aspect historique, le parallèle avec les luttes politiques droite-gauche dont on parle plus depuis les révolutions arabes, Occupy et le printemps québécois, l'Europe où j'ai passé l'hiver, une histoire d'amour tragique, bref, un impressionnant amalgame de thèmes et d'ambiances finement regroupées dans un film enlevant et filmé avec des images absolument superbes.
Meilleur film. Argo. Très bonne année pour les amateurs d'histoire, avec Lincoln, Django, Argo et Zero Dark Thirty en tête, donc une année fort appréciée de ce cinéphile-ci. La vision américaine de l'histoire, toutefois, peut parfois tomber un peu sur les nerfs. La glorification des héros, de la guerre et des soldats me fatigue plutôt que ne fait vibrer en moi une fibre patriotique. Ainsi, l'uniformité de Lincoln et de Zero Dark Thirty, aussi efficace soient-ils en terme de suspense, use un peu trop du 'drapeau', même s'ils le font au moins avec retenue. Ainsi, j'ai surtout apprécié le regard critique et honnête de Argo et celui, loufoque, éclaté et déjanté de Django Unchained, à la prétention (même en grande partie réussie) de Lincoln et Zero Dark Thirty, même si j'ai aimé ces deux films.
Pour mon choix personnel, c'est donc un ex-aequo entre Argo et Django Unchained, mais j'imagine que si la chose pourrait arriver aux Oscars, elle ne peut arriver pour un seul votant comme moi; donc je joue le jeu et vote pour celui des deux qui est plus sérieux. Argo, donc. Django Unchained est définitivement le film qui m'a procuré le plus de plaisir cinématographique cette année - un plaisir parfois coupable, avouons-le - mais Argo raconte une histoire politique importante (et je ne limite pas ma lecture à la mission de sauvetage), encore d'actualité, avec un intelligent regard critique, un condensé d'éléments culturels dont la somme fini par dépasser le simple plaisir cinématographique. Argo est le genre de film qui aurait été trop controversé pour sortir il y a quelques décennies, et il rappelle comment l'histoire américaine (et mondiale) est souvent maquillée ou ignorée selon l'image que veut projeter l'empire, un constat que l'on ne mentionnera jamais assez, d'où l'Oscar que je lui décerne.
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1 commentaire:

  1. J'ajouterai que je n'ai pas parlé des courts, puisque je n'en ai pas vu assez, mais que j'espère bien que Henry, un film fort émouvant, l'emporte dimanche.

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