mardi 28 décembre 2010

Viva 2011 (gracias 2010)

Voilà. Dans quelques jours, nous serons en 2011 et nous dirons adieu à 2010.
Mon année 2010 a été riche en expériences nouvelles et en découvertes et explorations, alors j'ai peine à la voir se terminer. Ainsi, permettez moi quelques mots personnels avant de vous offrir mes voeux de bonne année pour celle qui s'en vient...
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Je remercie sincèrement Suze, ma muse et ma complice de voyage, qui a partagé mes séjours au Guatemala et au Chiapas, en Nouvelle-Angleterre et au Maroc en plus de me faire voyager au Burkina Faso par procuration;
Merci à Stéphane/Istvan/Esteban qui a débuté l'année avec nous au Guate, en plus d'être l'instigateur du road trip en Nouvelle-Angleterre et de mon séjour à La Havane;
Un mot pour Corinne, Vincent, Carl et Véro avec qui je partage des souvenirs marocains, en plus de les avoir suivi à distance pendant leur séjour à Ouagadougou; chose que j'ai aussi fait pour Marilène, Catherine et Émilie;
D'ailleurs, en terme de voyage par procuration, un merci spécial à Christian pour l'Europe, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, ainsi qu'à Catherine et Pat pour l'Asie.
Merci à Denis/Arsenio pour la semaine à La Havane et la caldoza cubana;
Et je m'en voudrais d'oublier Kristina, coloc belge et artisane de Xela au Guatemala.
Enfin, même si j'ai visité le Honduras, l'Andalousie et Gibraltar en solo, je remercie les gens qui ont croisé mon chemin, comme Len, compagnon de randonnée à Copan, ou encore le couple canado-italien qui m'a offert le livre de Rory Stewart à Séville. Et je termine avec des remerciements chaleureux à la famille du 7 Orejas de Xela, ainsi qu'à la famille de la pension Bienvenido à Séville; ils m'ont fait me sentir chez moi et je garderai de ces séjours un éternel bon souvenir.
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En guise de voeux du nouvel an, voici donc une carte, qui est un montage de diverses photos prises en 2010 lors de mes voyages; avec une carte postale virtuelle pour 2011, représentant Montréal.
Cliquez sur la carte pour voir un très grand format (5120x3200). Ce format permettra d'explorer les photos en détails si vous le désirez.



Bonne année 2011 - Je vous la souhaite remplie de ces petites joies et ces agréables rencontres qui font le véritable bonheur et qui vous enrichissent l'existence.
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lundi 27 décembre 2010

L'État du Canada en 2010 (2)

«Sa naissance [du capitalisme] représente le moment fatal où l'homme, de son libre choix, a échangé le bonheur pour le pouvoir comme valeur suprême, la rationalité des fins pour la rationalité des moyens. En proposant l'efficacité du travail comme critère de l'existence éthique, l'homme a subordonné une partie de sa liberté morale à un système rationnel qui lui indique maintenant comment vivre».
- Laurent McFalls, Construire le politique.
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Ce billet constitue la seconde partie de mon survol sur l'État du Canada en 2010. J'invite donc le lecteur à d'abord consulter les notes en introduction et la première partie. Les photos accompagnant le texte ont été prises par l'auteur, en 2009 et 2010 et sont uniquement publiées pour agrémenter la présentation de l'article.
Avant de jeter un oeil sur la performance de notre pays en terme d'environnement et de relations internationales - et pour faire le lien avec le volet précédent de mon survol concernant l'appareil législatif et la gouvernance - voici un petit intermède sur la situation actuelle au parlement canadien.

Interlude: Le gouvernement minoritaire.
Notez que bien que très critique de notre gouvernement actuel, je ne suis pas dupe des accusations portées par une opposition qui n'a pas le courage de ses opinions. Là où certains partis comme le Bloc Québécois ou le NPD adoptent (la plupart du temps) une position en chambre, lors d'un vote, qui soit cohérente avec leurs déclarations, on ne peut pas en dire autant du PLC, qui dénonce à grands cris mais s'oppose peu, une fois venu le temps de voter. Cette couardise permet d'ailleurs au gouvernement Harper de se comporter, virtuellement, en gouvernement majoritaire, sans aucune crainte d'être défait. Nous sommes donc coincé dans une situation où notre gouvernement minoritaire fait fi de l'opposition majoritaire, alors qu'il ne représente que 22,1 % des canadiens (37,6 % des canadiens ont votés Conservateurs, avec un taux de participation aux élections de 58,8 %. Données tirées du site d'Élections Canada).
L'ensemble des deux années de ce gouvernement minoritaire montre bien à quel point notre parlement actuel ne fonctionne pas. La cause principale de cette impasse vient évidemment de l'attitude des Conservateurs, qui imposent leurs points de vue malgré leur situation minoritaire. L'opposition, quant à elle - dont les Libéraux sont la portion la plus importante - se montre complice par couardise, en craignant d'aller aux urnes et refusant par entêtement d'envisager une coalition.
Un élément amusant, quand on s'intéresse à cet état de fait, nous provient du Royaume Uni. En effet, l'an dernier, devant la possibilité de se retrouver sans majorité absolue après une élection générale (possibilité qui s'est justement concrétisée en 2010), les anglais ont fait l'étude de ce qui se passait dans leurs anciennes colonies ayant adopté le même système parlementaire. Le titre du chapitre de leur étude sur la situation canadienne est révélateur: "Canada’s Dysfunctional Minority Parliament" (Robert Hazell et Akash Paun, Making minority government work, London: Institute for government, 2009). Suite à cette étude et aux résultats de l'élection de 2010, un gouvernement de coalition a rapidement été formé au Royaume Uni (1).

Environnement.
J'ai mentionné à deux reprises le rejet par le gouvernement de notre obligation en matière de réduction de gaz à effet de serre ainsi que sa complicité avec les compagnies minières canadiennes qui bafouent ouvertement l'environnement dans d'autres pays. Côté environnement, le dossier le plus patent qui démontre où se situent les intérêts des Conservateurs est définitivement celui des sables bitumineux. Nous apprenions récemment à quel point le gouvernement Harper défend les intérêts de cette industrie polluante, en ayant une politique étrangère de sabotage des efforts d'autres pays en matière environnementale, rien de moins. Ce rapport consternant, qui mentionne que "le Canada ne fait plus qu’exporter du pétrole sale; nous exportons également des politiques sales" donne froid dans le dos et permet de comprendre à quel point notre gouvernement agit de manière insidieuse et secrète, tout en camouflant ses agissements à la population et en utilisant les organes publics tels le Ministère des affaires étrangères pour défendre sa base politique conservatrice en totale opposition avec l'opinion des canadiens sur les questions environnementales.
Le dossier environnemental canadien est d'ailleurs devenu l'un des pires au monde (et le pire du G8). Nos représentants à la conférence de Copenhague à la fin de l'année dernière avaient eu l'honneur d'être parmi les plus cancres, menteurs et manipulateurs de la planète. Un an plus tard, à Cancun, lors du sommet de l'ONU sur les changements climatiques, notre gouvernement allait nous faire remporter plusieurs autres prix fossiles, dont "le Fossile colossal de l’année pour avoir été le pays qui a le plus tenté de perturber et de miner les négociations". On a même surnommé notre pays le Can't'nada (jeu de mot anglo-espagnol: "ne peut rien") à cette occasion.
L'année allait se terminer par quelques catastrophes climatiques dans l'est du Canada. Au cours de l'avant-midi du 16 décembre, on mentionnait lors d'une conférence de presse à Gaspé (Diffusée en direct à RDI, 11h45 AM), que cette catastrophe était due aux changements climatiques et au manque flagrant de prévention du Canada dans ce domaine.

Relations internationales.
On peut évidemment se douter qu'avec son dossier environnemental seul, notre pays aura rapidement chuté en terme d'importance et reconnaissance internationale. Un ensemble d'autres dossiers aide également à comprendre à quel point cette chute est vertigineuse. De la poursuite de la réduction de notre représentation à l'international par la fermeture d'ambassades en Afrique, en passant par le refus d'intégrer l'avortement aux programmes de soutien en santé aux pays du sud (et intégrant la contraception du bout des lèvres), on semble toujours se distinguer pas notre fermeture d'esprit et nos politiques réactionnaires, même sur des dossiers qui semblaient réglés depuis des années au Canada et qui font consensus dans la population au pays.
Un élément révélateur de la mentalité conservatrice en ce qui concerne la diplomatie et les affaires étrangères en général est la composition du comité du cabinet chargé des affaires étrangères. En effet, ce comité est présidé par le Ministre de la Défense, et son vice-président est le Ministre de la Justice. Heureusement, le Ministre des Affaires étrangères apparaît en tant que membre, mais au même titre que le Ministre de la Sécurité publique! (Informations tirées du site du parlement du Canada).
À ce sujet, je me demande depuis quand notre pays est devenu l'ombre militaires des États-Unis, alors que sous les Conservateurs, le budget de la défense nationale atteint "environ le cinquième des dépenses de programmes directes totales du gouvernement".(Budget de 2010, Ministère des Finances). Le budget du Ministère de la Défense à lui seul représente 4 fois celui du Ministère des Affaires étrangères et du commerce international et celui de l'ACDI réunis. Le plan "Le Canada d'abord", lancé en 2008 par le gouvernement conservateur, prévoyait alors que les Forces canadiennes allaient permettre "d’assumer un rôle de leader à l’étranger". (Site du Premier Ministre du Canada, 12 mai 2008). On voit bien sous quel angle le gouvernement Harper voit les relations internationales; celui de l'armée.
Son appui inconditionnel à Israël est aussi une autre preuve de la prépondérance de l'idéologie et de l'alignement sur la politique américaine du gouvernement Harper. En juin 2010, alors que tout le monde condamnait l'attaque d'Israël contre un convoi humanitaire, notre premier ministre déplorait du bout des lèvres la situation, sans élever la voix contre l'état hébreu. L'affaire Droits et démocratie, relatée en première partie du présent article, est aussi révélatrice de cet alignement.
Pour faire le lien avec mon monde, l'année avait déjà commencé par ce que je considère un dossier révélateur des orientations du gouvernement du Canada, avec des réactions étonnantes pendant et après le putsch au Honduras où je passais justement une semaine, en janvier. Un professeur et un étudiant au doctorat en science politique à UBC remarquent assez justement que "The reluctance to impose sanctions was mainly due to the Harper government’s refusal to jeopardize Canadian business interests in Honduras. Asked by a journalist whether Canadian policy was driven by business interests, Kent [NDHM: Peter Kent, Ministre d'état aux affaires étrangères] replied that “Canadians should be proud” of such multinational firms as apparel manufacturer Gildan Activewear and mining firm Goldcorp." ("A Diplomatic Theater of the Absurd: Canada, the OAS, and the Honduran Coup.", par Maxwell Cameron et Jason Tockman, dans NACLA Report on the Americas May-June 2010). En ce qui me concerne, je vois mal comment nous pourrions être fiers des agissements de Goldcorp à l'étranger.
Toujours dans mon monde, alors que les choses allaient relativement bien depuis des années avec Cuba, le gouvernement Harper poursuit sa politique de refroidissement des relations. Mentionné dès l'an dernier par divers auteurs, les politiques de Harper sur Cuba sont simples; s'aligner de plus en plus sur celles du gouvernement américain; notamment les politiques adoptées sous George W. Bush. (Voir à ce sujet "Stephen Harper's Cuba policy: From autonomy to americanization?" de J.M.Kirk et P. McKenna, dans La Politique étrangère du Canada, vol 15 no.1). Pourtant, selon un des câbles diplomatiques américains publiés grâce à Wikileaks en fin d'année, on apprenait que les américains considèrent que le Canada n'en fait pas encore assez pour dénoncer Cuba. (Il n'y a pourtant qu'à jeter un oeil sur notre dossier de droits humains, en première partie du présent article, pour comprendre que le Canada n'a pas de leçon à donner aux autres pays actuellement).
Avec tout ce qui précède, ce n'est donc pas une surprise de constater que lors de la publication des derniers rapports du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), notre pays perd encore des plumes. En effet, au classement du PNUD, le Canada a glissé du 4e au 8e rang. Est-ce utile de rappeler que le Canada a déjà été classé premier, à une époque où un autre premier ministre avait qualifié le pays de "plussse meilleur pays du monde"? Ce qui était amusant à l'époque est devenu triste, sinon tragique, aujourd'hui. Le rapport du PNUD souligne même que le Canada est désormais en dessous de la moyenne régionale. Quand au rapport de l'UNICEF, il souligne que concernant les inégalités en terme de bien-être des enfants, nous nous classons 17e sur 24 pays industrialisés. On spécifie que "Globalement, le Canada se situe au milieu de la liste des pays industrialisés sur le plan de l’égalité de bien-être entre les enfants, tout comme d’autres pays moins nantis, dont le Portugal et la Pologne."
Malgré tout, notre pays a posé sa candidature pour un siège au Conseil de Sécurité de l'ONU en 2010... et a, heureusement, été défait par l'Allemagne et le Portugal. Quand je dis "heureusement", c'est que pour ma part, je ne voulais pas qu'un pays dirigé par des gens d'extrême droite, ayant menti à la population, manipulé l'information et camouflé des faits dans des dossiers importants, soit un des décideurs d'un comité restreint qui traite de sécurité mondiale. Cette défaite du Canada m'a, personnellement, soulagé, et m'a rassuré quant au bon sens de certains observateurs étrangers. Si les canadiens n'ont pas compris ce qu'est maintenant le Canada dans le monde, au moins, le reste de la communauté internationale l'aura compris! On a noté qu'il s'agissait du premier revers du Canada à cette instance, certainement la plus puissante de l'ONU.
Plusieurs observateurs, dont un étudiant de l'ÉNAP, dans cet excellent survol analytique - avaient bien compris que les chances du Canada étaient minces, compte tenu de ses piètres performances en terme de droits humains et de démocratie, en plus de sa négligence envers les grands dossiers internationaux.
En conclusion de la performance internationale de notre pays, l'année se termine sur les révélations de Wikileaks et la publication dans divers médias de câbles diplomatiques américains. En réaction à ces révélations, l'ex conseiller de Stephen Harper mentionne simplement à la CBC que le président Obama "should put out a contract and maybe use a drone or something." Il ajoute même : "I think Assange should be assassinated, actually," pour conclure ensuite qu'il "wouldn't be unhappy" dans le cas où Assange "disappeared.". Il a eu beau dire regretter cette "blague" plus tard, il est difficile de ne pas voir là le genre de commentaire que l'on mentionne couramment en privé et que l'on laisse échapper en public par inadvertance. Cette opinion, qui correspond à peu près à celle de deux ex-candidats républicains à la Maison Blanche, est inquiétante, pour dire le moins. Difficile de ne pas y voir là la mentalité dominante qui gravite autour de notre premier ministre depuis son ascension au pouvoir et qui se consolide rapidement avec les années qui passent. Et nous parlons ici d'un appel à l'assassinat de quelqu'un qui n'a fait sortir que des informations véridiques.

Conclusion.
Pendant l'année, alors qu'une prise de position ou une décision gouvernementale est portée à notre attention, on peut se montrer en désaccord, manifester, éprouver un malaise devant une position de notre pays sur la scène internationale ou nationale, mais rarement on ne fait l'effort de faire un survol de l'ensemble de ces positions sur une année complète pour juger de la position globale de notre gouvernement et notre pays.
En cette fin d'année 2010, c'est l'effort que j'ai décidé de mettre, pour justifier mes critiques et mes propres prises de position contre le gouvernement actuel, et contre le Canada qu'il représente.
Je n'ai aucune ambition journalistique ou d'expertise en politique; je suis un simple citoyen canadien qui ne se reconnaît plus dans le Canada tel qu'il apparaît aujourd'hui.
Le Canada, en 2010, n'est pas le pays où j'ai grandi, n'est pas le pays qui représente mes valeurs et les valeurs que je tente de défendre dans ma vie ici comme quand je me trouve à l'étranger. Je voulais donc exprimer cette prise de position contre mon propre pays et je devais l'étayer par un survol des dossiers qui me sont apparus importants et par des informations et opinions externes venant appuyer mes propos et les expliquer de manière détaillée.
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(1) Merci à Suzie Nadeau, qui a soulevé ce fait dans son travail de recherche "Le gouvernement minoritaire dans le parlementarisme canadien" en novembre 2010.

L'État du Canada en 2010 (1)

«Dans la perspective wébérienne, le capitalisme gravite autour d'un vide des valeurs (ultimes). Aussi souligne-t-il son caractère d'autant plus dramatique: il est un choix moral (une éthique) avant d'être un système économique».
- Laurent McFalls, Construire le politique.
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Introduction.
Voici la suite de mes réflexions sur l'année 2010 qui se termine bientôt. Après ma rétrospective personnelle, un résumé de l’actualité de mon monde personnel pour l'année, publié en deux parties, je me penche sur la situation de mon pays, le Canada.
J’aborderai la situation canadienne actuelle en 5 volets; Droits et libertés, démocratie, législatif et gouvernance, environnement et relations internationales. Notez que plusieurs dossiers interviennent dans deux volets ou plus; j'ai voulu éviter les redites autant que possible et j'ai tenté d'inclure ces éléments là où ils me semblaient pertinents. Les liens externes mènent vers des sites d'information pour donner au lecteur un peu de contexte. Il y a beaucoup d'autres sources d'information sur ces divers sujets, je vous invite à en googler les mots clés pour approfondir chaque sujet au besoin. Dans les cas où les articles sources ne sont pas disponibles gratuitement sur internet, je cite dans le texte les passages les plus marquants des articles consultés pour étayer mon point de vue. Pour des raisons de longueur et lisibilité, je scinde également ce billet en deux parties. Les photos accompagnant le texte ont été prises par l'auteur, en 2009 et 2010 et sont seulement publiées pour agrémenter la présentation de l'article.

Droits et libertés.
Nous nous en doutions dès le début de l’année, mais 2010 allait confirmer nos craintes. Le dossier des prisonniers afghans démontre assez clairement que notre gouvernement nous a menti, et a tenté de camoufler les faits le plus longtemps possible quant à sa connaissance des cas de torture en Afghanistan alors qu’il continuait à autoriser les transferts de prisonniers. Il aura fallu près de deux ans pour avoir quelques informations plus précises à ce sujet - l’obligation du gouvernement de répondre en chambre étant relégué aux oubliettes en début d’année par une prorogation du parlement. Pendant que ce dossier avançait à pas de tortue à Ottawa, je m'intéressais au cas des compagnies minières canadiennes, dont j'avais des échos particulièrement inquiétants au Guatemala. Cette affaire, et sa récente et triste conclusion en terme de procédure parlementaire au Canada, montre également que le respect des droits humains n'est définitivement pas une priorité pour le gouvernement actuel. En parallèle, on constate également que ceux qui comme moi, énoncent leur opinion contre ces grandes corporations protégées par le gouvernement actuel font l'objet de poursuites bâillons permettant ainsi de limiter la liberté d'expression à ceux qui en ont les moyens. Ces poursuites, dans certains cas, se manifestent même avant la publication des ouvrages concernés!
Si l'affaire Omar Kadhr a permis de constater à quel point le gouvernement canadien actuel refusait de prendre en charge un de ses citoyens accusé à l'étranger, certains y ont vu un comportement normal puisqu'il a avoué son crime. Par contre, le traitement qui lui a été réservé pendant sa longue détention à Guantanamo est beaucoup plus inquiétant. Et ce n'est qu'un cas... Alors qu'auparavant, le Canada obtenait le transfert de la quasi totalité de ses ressortissants détenus à l'étranger, ce taux a baissé à moins du tiers en 2009-2010. Pire encore, le ministre actuel a le droit absolu d'accepter ou refuser un transfert; c'est donc maintenant une question d'idéologie du ministre. Mais on parle encore de gens qui sont coupables, non? De méchants criminels... Pas nécessairement; en ce sens, le Canada vous abandonne de manière assez égalitaire, que vous soyez "coupable" ou victime, comme l'a démontré l'absence de coopération de l'ambassade canadienne au Mexique dans un cas bien précis cette année. On ne s'étonne pas vraiment de cet abandon de ses citoyens par le Canada, de la part d'un premier ministre qui, dès 2006, qualifiait de "mesurées" les frappes d'Israël au sud-Liban, alors que ces frappes tuaient au passage huit citoyens canadiens! On comprend bien que ses intérêts politiques se trouvent au sud du 49e parallèle, plus souvent que dans son propre pays.
Dans un dossier bien spécifique, celui du droit à l'eau, nous aurons également fait piètre figure, comme pays, lorsque, en juillet 2010, l'ONU a adopté une résolution à l'effet que l'accès à une eau de qualité était un droit humain. Le soir du 28 juillet, Radio-Canada nous informait que "La résolution, présentée par la Bolivie, a été adoptée par 122 voix pour, 0 voix contre et 41 abstentions. Le Canada et les États-Unis font partie des pays qui se sont abstenus." Alors que le simple citoyen peut se demander pourquoi le Canada a agit de la sorte, une ancienne conseillère de l'assemblée générale de l'ONU sur les questions liées à l'eau (la canadienne Maude Barlow) mentionnait que "Selon elle, cette décision répond à la volonté du gouvernement conservateur de Stephen Harper d'avoir le droit de commercialiser l'eau. " (Citée par Radio-Canada, le 28 juillet 2010).

Démocratie.
La démocratie au pays a pris un coup dur depuis l'entrée au parlement du gouvernement Harper. La base même de la démocratie repose sur l'information dont dispose l'électorat. Or, jamais nous n'avons vu un gouvernement contrôler autant l'information disponible que le gouvernement conservateur actuel (le lien mène vers le texte d'un collectif d'auteurs dénonçant cet état de fait très inquiétant). Cette attitude est en elle-même un dénie de la démocratie (même texte, lien différent, au cas où).
L'année 2010 aura permis de constater que cet élément clé des politiques du gouvernement Harper commence à être décrié plus largement par l'ensemble des observateurs. On pouvait lire, en octobre dernier, dans un éditorial du Toronto Star que "In our increasingly webbed world, information confers more power than ever on a federal government tempted to use and abuse that power. That's why it is critical that the government share important information with the public in the spirit of Canada's Access to Information Act rather than try to hide it. That's why it is also essential that the government protect privacy by safeguarding, not exploiting, confidential information as mandated by privacy laws. On both counts, the Conservative government in Ottawa has utterly failed the Canadian people as a steward of the information it controls." ("Ottawa abusing the public trust", 12 octobre 2010). Allant dans le même sens, James Travers affirme quant à lui que "Prime Minister Stephen Harper's priority is manipulating the message." (in "PM's obsessive information control is his defining political trait", The Hill Times, 24 mai 2010).
À part les nombreux cas de camouflage d'information, qui se sont répétés encore cette année (les dernières révélations à cet effet étant encore toutes fraîches), j'ai déjà cité ci-haut les cas de poursuites bâillons qu'on refuse, au niveau fédéral, d'interdire par une loi. Mais le gouvernement va encore plus loin, en tentant d'imposer sa vision et son idéologie à plusieurs organismes qui devraient être indépendants, tels Droits et Démocratie, dont le parti conservateur a carrément pris le pouvoir et détourné l'idéologie en nommant plusieurs administrateurs partisans et causant une crise qui trouvait récemment une conclusion aussi évidente que révoltante et triste; le gouvernement a simplement imposé sa vision à l'organisme, a menti, et a tenté de camoufler ses agissements par la suite. Plusieurs ONG déploraient également en 2010 les menaces dont elles ont été victimes quand elles se prononcent dans des dossiers aussi cruciaux que les changements climatiques ou le conflit israélo-palestinien, au risque de perdre leurs subventions de l'ACDI (une autre instance fédérale supposément indépendante).
Il est intéressant de constater que plusieurs intervenants extérieurs à la sphère journalistique habituelle s'intéressent maintenant à la technique Harper pour contrôler et changer en profondeur les institutions canadiennes pour les rendre à l'image de son idéologie. C'est le cas du philosophe et universitaire Christian Nadeau, par exemple, qui n'hésite pas à déclarer que «Comme bon nombre de gens vivant au Canada, j'ai honte du gouvernement actuel» dans un livre publié cette année. (Contre Harper, édition du Boréal, 2010).
Avant même d'entreprendre l'année 2010, le gouvernement conservateur allait également bafouer les règles élémentaires du parlementarisme canadien en demandant une seconde prorogation du parlement en autant d'année. Si, pour les canadiens, cette procédure semble ne fournir qu'une période de vacances aux députés, c'est qu'ils ignorent que ce faisant, tous les projets de lois mis sur la table pour discussion sont sabordés et tous les comités parlementaires dissous; une approche fort pratique pour un gouvernement qui refuse de faire face à la réalité: qu'il est minoritaire et devrait donc considérer l'opinion de l'opposition, qui en bloc, représente une majorité de canadiens. Le fait que cette prorogation soit accordée par une gouverneure générale non élue ne redore pas le lustre démocratique de son utilisation inutile et strictement partisane. Une pareille prorogation, l'an dernier, avait permis de jeter aux poubelles un projet de loi encadrant les activités des minières canadiennes à l'étranger qui avait été adopté par une majorité de députés élus.
Sinon, cette prorogation aura donné le temps au parti conservateur de nommer des sénateurs supplémentaires, ce qu'il a aussi continué à faire en cours d'année, montant à 37 les nominations partisanes - soit plus du tiers du Sénat! - en deux ans et leur assurant une majorité absolue en chambre haute. Une récente analyse de ses nominations montre qu'il s'agit évidemment de proches du premier ministre et du parti conservateur; anciens chefs de campagne, anciens candidats défaits, ancien président du parti, tout y passe. Ces sénateurs non élus ont d'ailleurs rejeté un projet de loi adopté par une majorité de députés élus, et ce, sans même l'étudier. Ce projet de loi s'attardait à nos obligations en matière de réduction d'émissions de gaz à effet de serre. Évidemment, notre gouvernement conservateur était contre. Enfin, pour conclure cette section en revenant sur le contrôle de l'information et l'ingérence, une question facile: Quelle meilleure manière de manipuler l'opinion ou de prétendre prendre les bonnes décisions que lorsque l'information est floue? Réponse: Qu'elle ne soit tout simplement pas disponible. Aucune autre raison ne peut être invoquée pour comprendre l'entêtement imbécile du gouvernement conservateur à éliminer une source importante de statistique sur notre propre pays dans le cadre des recensements.

Appareil législatif et gouvernance.
Comme j'ai déjà mentionné l'ingérence du gouvernement là où il n'a pas d'affaires, sa mainmise sur le parlement via le dopage du sénat non élu, et le contrôle de l'information, exercé via diverses politiques douteuses, reste à savoir à quoi sert cette attitude au gouvernement Harper. Quelles sont les lois phares de ce gouvernement? En terme de budget, on notera que malgré un discours sur la nécessité de contrôler les dépenses et le déficit, notre gouvernement n'a pas hésité à dépenser un milliard de dollars pour l'organisation des sommets du G8 et du G20 à Toronto, incluant 2 millions de dollars pour un centre des médias, comprenant un lac artificiel. Le gouvernement Harper n'a pas non plus hésité à acheter sans appel d'offres des avions F-35 à un coût "estimé" de 16 milliards, mais dont on ignore la facture finale. Étonnant pour un gouvernement dont le discours tente toujours d'être celui, prudent, du bon père de famille, qui ne parle que d'économie et de gestion responsable.
En fait, c'est l'ensemble du dossier législatif du gouvernement canadien, en 2010, qui est anémique. Si on exclut les projets de lois "administratifs" (de crédits, incluant le budget), aucun grand dossier n'a été réglé par notre gouvernement, qui a passé son temps à jouer à cache-cache dans les dossiers des prisonniers Afghans et dans celui du témoignage des adjoints des ministres devant les commissions parlementaires. Pire, avec la prorogation du parlement, les députés et sénateurs canadiens ont passé le plus clair de leur année à refaire le travail effectué en 2009. En plus, avec leur désorganisation volontaire, les Conservateurs détournent l'usage du parlement, profitent de certaines procédures pour passer des ajustements qui ne sont pas discutés proprement en chambre, et passent le reste de leur temps à se servir de projets de loi à moitié bidons afin de promouvoir leur idéologie et leur orientation. Par exemple, si les Conservateurs ont surtout réussi à rejeter le projet de loi devant réglementer l'activité des compagnies minières et rejeté le projet de loi sur nos obligations en manière de réduction de gaz à effet de serre, ils n'ont pas hésité à ramener inutilement sur le tapis le débat sur le registre des armes à feu, à retarder une réglementation sur le contrôle de ces armes ou encore à s'entêter contre tous dans leur projet de loi bancal sur les droits d'auteur.
Enfin, dans l'exercice de ses fonctions de législateur, le gouvernement Harper a mis le focus sur des projets de loi et d'ordre et ne semble parler que de criminalité, alors que la criminalité n'est pas un problème majeur au pays. Les Conservateurs utilisent systématiquement des procédés démagogues, simplistes et réducteurs pour justifier leurs projets et accuser les députés d'opposition qui refusent de lui donner carte blanche. D'ailleurs, certains journalistes n'hésitent même plus à parler de malhonnêteté intellectuelle. J'utilise la même expression quand j'entends Stephen Harper mentionner à tout vent qu'il représente les canadiens, alors que moins du quart de la population a voté pour son parti aux dernières élections générales! (1).
Dans un article publié en décembre, le journaliste et auteur Lawrence Martin (qui a publié en octobre de cette année "Harperland: The Politics of Control"), va jusqu'à dire que l'année 2010 "has seen him carry out some of the most cynical political acts since the Roman emperor Caligula appointed his horse Counsel. No matter. The dogs bark, the Harper caravan moves on." ("The Harper Transformation", sur iPolitics, 9 décembre 2010).
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Sur ce, je vous invite à lire la suite de ce survol, publiée dans la seconde partie de ce billet sur l'État du Canada en 2010.
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(1) À ce sujet, voir les données citées dans la seconde partie de cet article.

jeudi 16 décembre 2010

L'état de mon monde en 2010 ou ma rétrospective personnelle (2)

Voici la seconde partie de ce dyptique de fin d'année dont vous pouvez lire la première partie ici.
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C'est la littérature et le bon vin qui a dominé tout mon mois de juillet. Bien sûr, je n'ai pas été insensible aux effroyables inondations survenues au Pakistan, pas plus qu'au fait que le gouvernement fédéral canadien avait décidé de se passer des statistiques sur sa propre population en abolissant la version détaillée du questionnaire du recensement. Pourtant, j'allais consacrer une bonne partie de juillet à mes projets d'écriture. Dans mes temps libres, à part la poursuite de mes explorations andalouses, je me plongeais dans l'excellente trilogie Millénium de Stieg Larson avec délectation ainsi que dans la lecture d'autres livres passionnants comme le récit de voyage de Rory Stewart en Afghanistan, The Places in Between. Malgré la sortie de quelques films d'intérêt, comme Inception et Iron Man II, j'allais devoir attendre un peu plus tard en été pour me rattraper. Enfin, même si je connaissais déjà le projet Wikileaks, c'est en juillet que j'apprenait leur diffusion des documents secrets concernant la guerre d'Afghanistan. Cet évènement marque probablement le début de la véritable première cyberguerre qui allait culminer en décembre de cette année avec des affrontements publics et qui fait toujours rage au moment d'écrire ces notes.
En août, après un passage express par Gibraltar, j'allais rejoindre Suze, de retour du Burkina Faso, pour mon premier séjour sur le continent Africain avec quelques semaines d'exploration au Maroc, qui se sont avérées une parfaite introduction à ce coin de planète encore inexploré pour moi. Le retour allait être plus mouvementé, avec des vols annulés, des délais, des escales imprévues; une fois de plus, j'allais rester en contact grâce aux diverses connexions internet dans les aéroports ou les wi-fi d'hôtel. Ce qui retenait l'attention du monde pendant ce temps, c'était le sort des mineurs chiliens, prisonniers après l'effondrement d'une partie de la mine où ils travaillaient. Leur sauvetage, des semaines plus tard, allait connaître une conclusion heureuse. Puis, de retour au Québec en fin de mois, je lisais que des entreprises avaient avoué avoir financer le PLQ grâce à un système de prête-nom.
Ce nouveau scandale, cumulé à tous les autres ayant parsemé l'année politique québécoise, fournirait en septembre un excellent prétexte à la revue canadienne anglaise Macleans pour accuser le Québec d'être la province la plus corrompue au pays, la revue ne se gênant pas pour y aller de quelques commentaires périphériques, gratuits et racistes, à l'endroit des québécois relativement à ces scandales, que la population ne cesse pourtant de dénoncer. L'éditeur allait doublement profiter de la manne médiatique découlant de cette initiative, en publiant un contre-dossier dans L'Actualité, la revue francophone du même éditeur, qui réussissait habilement en un mois à plaire au ROC et au Québec avec deux dossiers opposés. J'apprenais également en septembre que la guerre d'Irak était terminée, car officiellement, il n'y avait plus de combattants étrangers, seulement des conseillers militaires, présents pour aider l'armée irakienne par de la formation. Étrangement, les conflits irakiens ne semblaient pas, quant à eux, terminés. Dans mon monde, c'est l'Équateur qui retenait mon attention, puisque le président Correa semblait aux prises avec une tentative de coup d'état, à laquelle il a heureusement pu faire face sans trop de conséquences dramatiques pour le pays. Après le Honduras en début d'année, j'aurais été triste de voir passer mon Équateur aux mains de la droite suite à un putsch.
Ce qui retenait l'attention en octobre était le début de l'épidémie de choléra qui frappait Haïti. L'immobilisme de la gouvernance et de la bureaucratie haïtienne n'a certainement pas aidé à combattre le fléau, puisque la reconstruction du pays n'est même pas commencée et semble engluée dans une corruption dont la population est une éternelle victime. Pour ma part, le mois d'octobre allait me (re)plonger dans la fiction par la réécriture d'une nouvelle combinée à diverses lectures, comme le second tome de La Faim de la Terre de Jean-Jacques Pelletier.
L'excellent film Incendies de Denis Villeneuve complétait parfaitement ce mois de fiction en devenant au passage l'un des meilleurs films que j'ai pu voir cette année. J'avoue ne pas m'être très intéressé particulièrement à la canonisation du frère André, mais j'ai suivi en biais l'évolution de l'affrontement entre Wikileaks et les USA quand le site d'information a publié les documents sur la guerre d'Irak. Enfin, ce mois était placé sous l'influence de Hergé et Tintin, puisqu'en plus de lire quelques nouveautés sur le sujet (un numéro spécial de la revue Philosophie, débuté en août, et le livre de Tristan Demers sur Hergé au Québec), j'explorais mes propres photos de voyages en compilant leurs similitudes avec les dessins d'Hergé, qui faisait beaucoup voyager Tintin.
Alors qu'au Québec, même la FTQ réclamait une commission d'enquête sur le milieu de la construction, novembre me voyait m'enfuir pour Cuba, à l'occasion d'un séjour d'explorations urbaines de la capitale. Chez nos voisins du sud, les élections mi-mandat allaient marquer ce qui pour moi représente la fin de la bulle d'espoir créée par l'élection de Barrack Obama, avec ce retour en force des républicains, dont la pensée et les sorties précipiteront éventuellement la "fin de la terre", comme je l'avais souligné en cours d'année suite à ma lecture de l'actualité en parallèle aux catastrophes mises en scène dans des fictions de Daniel Sernine ou Jean-Jacques Pelletier.
Mais novembre marque définitivement le début des hostilités publiques entre Wikileaks et les américains avec l'annonce de la publication des câbles diplomatiques. Le site et son fondateurs sont probablement les premiers ennemis publics des américains à être autant décrié et dénoncé ouvertement... parce qu'ils disent la vérité!
Pendant que décembre est déjà plus qu'à moitié écoulé, et que le Québec est recouvert de neige, on publie les données climatiques mondiales et canadiennes démontrant que l'année, et la décennie, confirment ce que l'on savait déjà mais que l'on décide de ne pas vraiment reconnaître au pays. L'entente de Cancun nous amène - en terme de dossier climatique mondial - là où nous aurions dû être il y a quelques décennies. D'un point de vue personnel, l'arrivée de l'hiver - mon premier en trois ans au Québec - a provoqué un désir de rester chez moi; ainsi, décembre, pour le moment, est consacré à compléter quelques projets d'écriture, terminer la première saison télé de la très divertissante série britannique Rome, à poursuivre la très amusante série américaine Chuck (en écoutant sa deuxième saison) et à écouter avec délectation la fascinante la première saison de la série Mad Men.
Le mois semble se terminer par le nouvel ordre informatique mondial: Au Québec, une pétition en ligne sur le site de l'assemblée nationale réclamant la démission du premier ministre Charest recueille déjà plus de 250000 noms et ailleurs, la cyberguerre entre Wikileaks et les américains bât son plein avec les attaques de parts et d'autres.
L'année se termine donc, pour moi, un peu comme elle a commencé; par la réalisation de l'importance du réseau mondial dans l'actualité, notre mode de fonctionnement et nos vies.
Même si je blogue d'un peu partout au monde depuis que je voyage, l'année 2010, de ma participation à diverses activités par internet au cours de l'année - dont le Carnaval Boréal, du Guatemala - à l'écriture de ce billet à Montréal alors qu'il neige, en passant par mes contrats réalisés à distance du Mexique ou de l'Espagne, l'écoute de séries télé sur internet et mes projets d'écriture travaillés de plusieurs pays en cours d'année, la technologie et le web n'ont jamais autant marqués une année de ma vie.
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[Photos: 1. Séville - En bonne compagnie, avec Chenet et Salander. 2. Malaga - Internet + aéroport = mondialisation? 3. Séville - Écriture et actualités planétaires. 4. Marrakech - Tintin et le désert. 5. La Havane - Vagabondages politiques. 6. NYC - "Promises" et "American idiot", ou prémonition sur les élections américaines. 7. Xela - Où le début de l'année est une belle image de la fin de l'année.]
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lundi 13 décembre 2010

L'état de mon monde en 2010 ou ma rétrospective personnelle (1)

Le titre de ce billet, qui s'inspire de l'annuel L'état du monde, souligne l'orientation à la fois personnelle et politique de cette mini rétrospective des faits qui ont retenus mon attention cette année. C'est à la fois l'état de mon monde et un survol de comment j'ai vécu cette année 2010. J'illustre le texte avec des photos personnelles, prises en cours d'année. Pour des raisons de longueur, je scinde ce billet en deux parties, dont voici la première, couvrant les mois de janvier à juin.
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Mon année 2010 a été marquée par un peu plus de déplacements que celle de 2009. Je m'y attendais, remarquez, puisque j'avais plusieurs projets sur le feu dès le début de l'année... voyages, contrats à distance et activités par internet. Cette année a donc été marquée (encore) par le voyage; j'ai pris neufs vols, dont un seul vol intérieur, et j'ai mis les pieds dans 10 pays répartis sur 4 continents. Mais ce qui semble ressortir de manière différente cette année, c'est la prépondérance de la place occupée par la technologie (particulièrement les communications et internet) dans mon mode de vie en 2010.
Cette année a d'ailleurs débuté à l'étranger, au Guatemala, alors qu'en janvier, pendant que j'explorais l'actualité guatémaltèque et quelques sites mayas du Guatemala et du Honduras, un violent tremblement de terre dévastait Haïti et allait devenir un des évènements les plus importants de l'année, sinon le plus important. En effet, près d'un an plus tard, on parle à peine du début de la reconstruction et Haïti a eu à affronter deux autres crises majeures. Ailleurs dans mon monde, le Honduras allait glisser à droite pendant une période post-coup d'état sans trop de remous, après une élection plus ou moins controversée et à reconnue du bout des lèvres par la communauté internationale alors qu'en Amérique du sud, l'ex président péruvien Alberto Fujimori était condamné à 25 ans de prison. En mon absence, au Québec, on lançait l'idée d'une large enquête sur l'industrie de la construction, idée qui allait demeurer présente dans l'actualité de la province tout au long de l'année. La seconde prorogation du parlement canadien en deux ans aurait dû faire de janvier une période calme côté politique fédérale; mais on apprenait que le gouvernement Harper s'était ingéré dans des organismes indépendants alors que Droits et démocratie prenait un étonnant virage. Accessoirement, le gouvernement conservateur nommait 5 nouveaux sénateurs, montant à 32 les nominations partisanes au sénat en moins de deux ans et filant vers une majorité à la chambre haute. Cette nouvelle allait s'avérer fort importante plus tard dans l'année pour permettre au gouvernement minoritaire de contrôler un peu plus le processus législatif canadien. Dans mon petit univers, j'allais assister à une soirée sushi à distance, et participer activement au Carnaval Boréal en ligne, dans le confort de mon auberge de Xela.
Alors que le choc initial du séisme d'Haïti n'était pas encore absorbé, la terre tremblait de nouveau en février, cette fois au Chili. On ne se doutait pas encore à ce moment, que le Chili ferait également les manchettes mondiales pour une autre histoire, à la fin plus heureuse, quelques mois plus tard, alors que marqué par un destin plus tragique, Haïti allait subir d'autres drames. Achevant mon séjour au Guatemala, je m'attardais à la situation du conflit opposant les habitants aux compagnies minières canadiennes, un dossier que je continuerais de suivre en cours d'année. Avant mon retour au pays, un court séjour au Chiapas me faisait découvrir quelques sites particulièrement intéressants et confirmer ma passion pour l'archéologie, les civilisations pré-colombiennes et l'Amérique latine en général.
Au pays, les jeux olympiques de Vancouver retenaient l'attention, et après un départ un peu hésitant, causé par la mort d'un compétiteur aux essais et par la controverse sur la langue, l'ensemble allait être plutôt satisfaisant pour les canadiens et les québécois, ceux-ci y faisant bonne figure. Le Québec, où le mot scandale allait devenir le mot d'ordre de l'année, on commençait à réclamer une enquête sur le financement du PLQ, sans succès. À l'international, la nouvelle qui aurait un impact sur mon année était celle du coup d'état au Niger. En effet, mon amie Suze, qui devait y passer son été dans le cadre d'un projet de coopération internationale voyait celui-ci relocalisé au Burkina Faso.
Pour ma part, le mois de mars a été plus relax; plus ludique, je dirais. A mon retour, j'ai d'abord procédé à un intense rattrapage cinématographique en vu de la cérémonie des Oscars. J'ai ainsi pu prédire que contrairement à plusieurs, je ne croyais pas aux chances d'Avatar - pourtant devenu le film le plus populaire de tous les temps en Amérique. Dans la foulée, j'allais voir un des meilleurs films sortis en 2010; Shutter Island de Martin Scorcese. Vous noterez que je passe sous silence les actualités évidentes qui ont autrement dominé les Unes des divers médias; c'est que je me suis peu intéressé à l'évolution des conflits en Afghanistan, au dossier des abus sexuels et scandales de cover-up du Vatican ou encore à l'obstination d'Israël de poursuivre ses projets de colonisation malgré ses engagements. Évidemment, l'attaque du convoi humanitaire vers Gaza m'a interpellé, mais je ne peux ni affirmer être surpris par ce genre de chose, désormais, ni croire à la bonne volonté du gouvernement israélien dans ses annonces publiques. Je passerai donc sur ces sujets, qui ont couvert l'ensemble de l'année et qui sont loin d'être réglés.
Signe que l'on ne vit plus dans le même monde qu'il y a 20 ou 30 ans, on ne semble pas avoir fait grand cas de l'exposition universelle de Shanghai, malgré son succès et les quelques reportages que j'ai pu en lire. Pour ma part, ce genre d'évènement semble relever d'un monde pré-mondialisation, où il était pertinent et excitant de pourvoir s'informer sur les autres cultures et autres pays du globe dans le cadre d'une exposition universelle. Comme on est en mesure de le faire de diverses manière aujourd'hui sans avoir besoin d'une exposition - et c'est une activité que je pratique comme mode de vie depuis plusieurs années - je ne voyais guère l'utilité de l'exposition à son ouverture en avril.
Avril allait toutefois être le théâtre de l'avènement de deux feux d'artifices marquants pour l'année 2010; le premier, d'origine naturelle, a été l'éruption du volcan Eyjafjallajokull en Islande, éruption qui allait causer bien des troubles et du chaos en Europe et entre le vieux continent et l'Amérique. Le second, d'origine humaine, allait être bien plus grave pour la planète. Je parle bien sûr de l'explosion de la plate-forme Deepwater Horizon et son naufrage dans les profondeurs du golfe du Mexique. Une catastrophe qui aurait pu être évitée, et qui démontre bien les limites de la déréglementation à outrance, et du laxisme qu'engendrent souvent les politiques néolibérales si chères à la droite. Ceci n'allait pas empêcher la droite québécoise de connaître un regain de vie en cours d'année. C'est aussi en avril que le gouvernement du Québec annonçait la création de la commission Bastarache; certainement le pétard le plus mouillé et le plus ennuyant de l'année en terme d'actualité politique.
Le mois de mai a été relativement tranquille pour moi; étant d'abord marqué par une petite vacance sous la forme d'un road trip en Nouvelle-Angleterre avant que je ne me tourne une fois de plus vers mon exploration de l'univers de la coopération internationale. Comme je commençais à préparer mon séjour estival qui se déroulerait en Europe, j'ai aussi été particulièrement attentif aux effets à retardement que la crise économique mondiale avait sur le vieux continent et les diverses crises des finances publiques touchant certains des pays de la zone euro. Le Québec me semblait quand à lui s'enliser dans une suite inépuisable de scandales; on parlait maintenant de permis de port d'armes accordés suite à une visite particulière au ministre de la justice.
Juin allait être un mois autrement plus fébrile et occupé. Après le départ de Suze et ses collègues coopérants pour Ouagadougou au Burkina Faso - pour un séjour que j'allais suivre avec beaucoup d'attention - je m'embarquais moi-même pour aller m'installer à Séville, où ma première surprise serait de tomber sur les activités promotionnelles du film Knight and Day et d'y voir Cameron Diaz et Tom Cruise. À part mes explorations urbaines en Andalousie, mon mois de juin allait être caractérisé par l'observation à distance du cafouillage des policiers ontariens autour des sommets du G8 et du G20, tenus au Canada dans ce qui semblait être la plus grande indifférence - de mon point de vue d'européen en résidence.
Enfin, la demie-année était marquée d'une expérience culturelle intéressante: assister au championnat mondial de football de la FIFA en direct d'un des pays participants, pays qui allait même me faire l'honneur de remporter le tournoi en grande finale.
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Je vous invite à lire la suite, couvrant juillet à décembre, dans la seconde partie de ce billet, dont la publication ne saurait tarder.
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[Photos: 1. Miami - Une aile d'avion et une ville survolée représentent bien une partie de mon année. 2. Antigua - Travail à distance sur un portable assis sur un lit dans une chambre d'auberge. 3. Xela - Écrire sur une terrasse, ou encore participer à Carnaval Boréal. 4. Roberval - Hommage à une olympienne à la Mairie de glace. 5. NYC - Drapeau et gratte-ciel. 6. Ouagadougou - Suze, karité et coopération*. 7. Séville - Cameron, Tom et soleil.]
* Merci à Suzie Nadeau pour la photo.
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jeudi 9 décembre 2010

C'était l'Esprit Vagabond, à Cuba

En guise de post-scriptum, une dernière photo pour conclure la relation de mon séjour à Cuba; une version complète de la photo publiée précédemment... Le lecteur attentif remarquera la présence de deux panamas suspects sur cette photo :-)
Merci Arsenio, merci Cuba, merci Che... et merci spécial à Esteban, dont c'était l'idée, ce séjour urbain à La Havane. L'invitation a été fort appréciée!
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Hommage au Che

On peut difficilement visiter Cuba ou parler de Cuba sans parler de Che Guevara. Son histoire est intimement liée à celle de l'île, et il demeure une icone incontournable là-bas. Malgré la présence des frères depuis la révolution - mais peut-être aussi à cause de cette présence et de l'absence et la mort du Che - l'argentin demeure le véritable héros cubain. Il faut dire que son image constitue un véritable cadeau à l'industrie touristique cubaine qui ne se gène pas pour exploiter le Che à toutes les sauces. malgré tout ça, j'ai eu l'impression que El Che était un peu moins présent à La Havane qu'à Santiago.
J'ai déjà parlé de l'édifice sur lequel on a érigé une reproduction de son visage tiré de la célèbre photo de Korda, mais on rencontre des hommages au Che ici et là un peu partout en ville également comme le démontre la photo-montage suivante, où on peut voir que le visage de l'argentin a été intégré au logo des jeunesse communistes cubaines, un organisme qu'il avait aidé à mettre sur pied après la révolution. Et quand ce n'est pas sur un édifice, on le retrouve sur une bannière décorative dans une heladeria...
Pour ma part, comme l'homme, son histoire et ses combats, ont fini par devenir une partie importante de la manière dont je vois l'Amérique et le monde, je lui offre ce petit billet, en attendant quelque chose de plus consistant.


Sinon, à La Havane, c'est définitivement la salle hommage à Che et Camillo dans le museo de la revolucion qui retient l'attention; on a dressé dans un coin de cette salle une sculpture hyper-réaliste assez saisissante des deux héros révolutionnaires. Je termine donc ce petit billet sur cette oeuvre d'art hommage.


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Miramar, Benoît et Judy et souvenirs de rien d'inclus

Voici venu le temps de conclure cette série de billets sur mon court séjour à La Havane.
Contrairement à mon premier séjour (dans le coin de Santiago), je n'avais pas opté pour une formule "tout inclus". Par contre, l'aspect étrange de l'offre touristique à Cuba fait qu'il était bien moins cher d'acheter un package que d'acheter seulement un billet d'avion. J'ai donc opté pour une formule avion-hôtel. C'est ce que j'ai appelé un "rien d'inclus", puisqu'en plus de ne pas inclure les repas et les boissons, la formule permettait d'opter pour une hôtel à La Havane, en ville, plutôt que sur la plage, comme les habituels tout inclus le font.
C'est pourquoi à notre arrivée, à l'aéroport de Varadero, les 176 autres passagers ont pris des bus vers leurs resort sur la plage alors qu'Arsenio, Esteban et moi partagions une minivan avec Benoît vers La Havane. 4/180 m'a semblé un ratio intéressant quand on parle de voyageurs indépendants par rapport aux voyageurs de tout inclus :-).
Benoît n'en était pas à son premier séjour cubain; lui aussi a visité le coin de Santiago, en plus d'avoir séjourné dans quelques autres provinces du pays. C'est que Benoît a une copine, Judy, qui est cubaine, et qui désire le rester. J'allais croiser Benoît à quelques reprises au cours de mon séjour, ainsi que Judy avec qui j'ai eu l'occasion d'échanger quelques mots à deux occasions. Il m'a semblé intéressant de voir quelqu'un dont l'histoire et les décisions personnelles vont autant à l'encontre de ce que les médias se masse tentent souvent de nous faire croire sur la situation des cubains; on parle ici d'une jeune femme qui aurait l'opportunité de former un couple avec un canadien, donc d'immigrer chez nous, mais qui préfère rester à Cuba et inviter son copain à éventuellement s'y installer à la place.
Notre hôtel de rien d'inclus était situé à Miramar, le quartier chic et moderne de La Havane. En réalité, il s'agit d'un quartier aux larges rues et boulevards, aux grands terrains développés autour de sites hôteliers 4-5 étoiles et de diverses villas hébergeant les ambassades présentes à Cuba. Notre hôtel faisait partie d'un duo d'hôtels occupant un immense bloc compris entre la 70e et la 82e rue et les 5e et 7e avenues. Le désavantage avec ce genre d'endroit, c'est évidemment d'être en retrait des quartiers du centre. Ceci ne nous a pas posé problèmes, puisque nous avons pu profiter de la navette d'un des hôtel ainsi que du bon système de transport local combiné aux bas tarifs des taxis. Ce qui étonne - et désole un peu ce voyageur-ci - c'est que l'hôtel en question était bien trop luxueux pour mes besoins. J'aurais parfaitement pu me loger dans moins grand et moins luxueux, dans un petit établissement du centro, par exemple. Mais évidemment, le grossiste offrant le forfait que j'ai acheté ne prendra pas le risque d'envoyer des touristes québécois dans quelque chose de moins que le classique hôtel 3-5 étoiles que les amateurs de forfaits semblent exiger. C'est un peu triste, mais compréhensif si on se souvient du genre de plaintes que j'avais entendu dans mon tout inclus il y a près de trois ans. Aussi, il faut dire qu'à part Benoît, il n'y avait que nous trois qui avions profité de ce forfait "urbain", alors ça ne doit pas valoir la peine pour un grossiste d'offrir diverses autres options avec de plus petits établissements en ville...
Sinon, Miramar est, comme son nom l'indique (mira = regarde, mar = mer), est un quartier qui est bordé par la mer des caraïbes, alors le plus intéressant à voir, passé quelques ambassades, demeure le bord de l'eau, qui est étrangement peu développé et exploité, par contre. J'imagine que les touristes de tout inclus en ville, préfèrent rester enclavé près de la piscine ou du tennis plutôt que d'aller s'aventurer dans le quartier...
Quelques photos.


"L'intérieur" du Montehabana, notre hôtel à Miramar. On peut apprécier son architecture tropicale. Même si certains éléments sont un peu fatigués, il demeure un édifice agréable, et étonnamment calme, pour un si grand établissement.


Mes compagnons de voyage, sous les palmiers de Miramar... avec, en arrière plan, l'édifice très laid qui abrite l'ambassade de Russie.


Derrière notre hôtel, les aires communes avec l'Occidental, l'hôtel voisin faisant partie de la même chaîne. On peut également voir, au centre, au loin, le dôme de l'église Jesus de Miramar.


Tiens, un vautour qui prend son envol, au dessus des rochers qui constituent les berges de la mer à Miramar.


Une dernière photo à La Havane... départ bientôt.


Voilà, c'est fini. Nous sommes dans la navette nous ramenant vers l'aéroport de Varadero, où nous allions rejoindre les 176 autres voyageurs qui arrivaient de leurs tout inclus sur la plage. On peut voir Benoît (sans visage) à l'arrière.
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lundi 6 décembre 2010

Les vautours de La Havane

J'ai mentionné lors de la publication d'une photo du mémorial à Marti, Plaza de la Revolucion, que le monument, qui est le plus haut de La Havane, est entouré de vautours. Ce n'était pas une blague. D'ailleurs, une fois rendu au dernier étage de la tour, on peut avoir de belles vues de la ville... et des vautours qui habitent les corniches de l'édifice.
Voici donc des photos des vautours de La Havane.


Ce spécimen est vraiment typique de ce que l'on imagine quand on pense à un vautour perché sur une corniche!


Capté en plein vol.


Je me demande ce qu'ils observent en bas... des groupes de touristes? :-)


Dure journée, on doit s'étirer avant de redécoller.


Parfois, plusieurs individus encerclent la tour; le phénomène est à la fois étrange et spectaculaire.


Bon, ce ne sont pas les colombes sur les épaules de Fidel, mais j'aime bien ce cliché où j'ai tenté de prendre le vol du vautour et l'ai capté par hasard au moment où il passe devant le memorial du Che.
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Jouer au sauveteur, trinquer avec les agents et déguster une caldoza à Playas del Este

Lors de la conclusion du billet précédent, qui faisait la narration de notre aventure de La Havane vers Guanabo à Playas del Este, nous venions d'atteindre la plage et la Mer des Caraïbes.
Quelques minutes plus tard, après avoir pris quelques photos de l'endroit, je plaçais mes affaires dans mon sac de jour et entrais lentement dans la mer. Même pas une minute n'allait s'écouler avant que mon attention ne soit attirée par les cris d'une femme à environ 200 m de la plage; elle se débattait un peu mais j'ai d'abord cru à une sorte de blague qu'elle devait faire à ses copains, genre "ha, mon dieu, y'a un requin"... Mais un regard attentif sur la plage me révélait qu'il n'y avait personne à part Esteban, Arsenio et moi dans les environ. J'ai donc accéléré vers la dame, mais il y a peu profond d'eau dans l'anse qui forme les environs de la plage; j'avais environ 125 m de parcouru et j'avais à peine de l'eau à la taille. Je ne lâchais pas de vue la femme, qui se débattait pour de vrai, alors j'ai plongé et nagé vers elle, Esteban derrière moi.
Arrivé à sa hauteur, j'ai constaté que nous n'avions plus pied et qu'elle ne devait pas savoir nager. Elle était énervée et se débattait mais avait vu notre progression et n'était pas en mode panique incontrôlable. Avec Esteban qui arrivait juste derrière moi, nous l'avons pris chacun par un bras pour lui maintenir la tête hors de l'eau sans qu'elle n'ait à faire des efforts. Je lui parlais pour la calmer et qu'elle respire plus lentement. Nous l'avons lentement ramené vers le bord, et à mi-chemin, je lui indiqué qu'elle avait pied et qu'elle pouvait marcher, même si nous allions la soutenir jusqu'à la plage. Deux minutes plus tard, soulagée, elle était de retour sur le sable sec. L'ensemble de sa mésaventure avait duré quelques minutes à peine, mais elle avait l'air un peu secouée.
Après s'être assuré qu'elle allait bien, nous l'avons laissée se reposer et nous sommes revenus dans l'eau. J'ai avancé et constaté que si l'eau était peu profonde pendant une bonne distance, après environ 150 m, le changement s'accélérait et on n'avait plus pied assez rapidement passé cette distance. Elle avait dû dériver un peu plus que prévu.
Après notre baignade, nous allions apercevoir que ses copines venaient d'arriver et elle leur avait tout raconter. Quelques unes sont venues nous remercier de l'avoir sauvée, et elle s'est fait prendre en photo avec nous sur la plage en souvenir de sa mésaventure; le choc initial passé, elle en riait maintenant et m'expliqua qu'elle s'était simplement laissé flotté à la dérive sans réaliser la distance parcourue et qu'effectivement, elle ne savait pas nager et avait paniqué en réalisant qu'elle n'avait plus pied.
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La plage de Guanabo était quasi déserte, autrement. Nous avons donc essentiellement exploré les berges et les environs, et j'en ai profité pour prendre quelques photos, dont un vieux quai particulièrement photogénique qui servait de base à quelques pêcheurs à la ligne.
Après s'être informé à une dame demeurant sur la seule rue de ce secteur de Playas del Este, nous avons entrepris une marche en direction du village et des plages suivantes; nous devions, je le rappelle, nous trouver un moyen de transport de retour avant la soirée, puisque nous n'avions pas réellement d'alternative au transport emprunté à l'aller.
En route, une rue du village, envahie par une immense étendue d'eau, allait me fournir une belle prise de vue pour ma collection de photos. Puis, découvrant une rue en direction de la mer, nous avons trouvé la seconde plage, et décidé de longer le bord de l'eau pour remonter vers le centre de Guanabo.
À un moment, un groupe de cubains festoyant sur la plage nous a intercepté pour nous montrer la caldoza qu'ils étaient en train de préparer. Ils nous ont invité à nous joindre à eux pour fêter leur graduation; il s'agissait d'un groupe d'étudiants de La Havane qui venaient de devenir agents en sécurité et protection et qui célébraient donc la fin de leurs études. La caldoza était "presque" prête au moment de nous joindre à eux, mais évidemment, le mot presque est difficile à définir avec précision quand on parle de l'Amérique latine. Nous avons donc passé les deux heures suivantes en leur compagnie, partageant également quelques verres de rhum blanc avec notre joyeux groupe.
L'expérience fut particulièrement intéressante du point de vue échange culturel, puisqu'Esteban ne comprend pas parfaitement l'espagnol (surtout avec l'accent cubain), Arsenio ne le parle pas du tout (ni l'anglais d'ailleurs) et que seuls quelques-uns de nos locaux connaissaient des rudiments d'anglais (et aucun le français). Nos conversations étaient donc un joyeux mélange d'anglais, d'espagnol et de spanglish, ponctuées de gorgées de rhum et de traductions approximatives en une de ces langues ou en français. Si la plus vieille des dames présente a tenté de m'entreprendre, j'ai commis un petit mensonge innocent; avec ma bague argentée achetée chez François Ier à Amboise, j'ai prétendu être marié... Elle s'est rapidement intéressé à Arsenio! Hehehe. Nous avons profité de l'ignorance de ce dernier de la langue locale pour informer nos nouveaux amis du fait qu'il était marié seulement quelques heures plus tard... Une des plus jeunes filles, par contre, semblait ravie qu'Esteban soit célibataire et en a profité pour se faire prendre en photo avec lui à quelques reprises.
Pendant ce temps, la caldoza était en train de mijoter dans un grand tonneau de métal assis sur un feu de bois sur la plage. À un moment, j'ai vu quelques-uns de nos amis fouiller dans le bouillon pour en extraire une tête de porc. Ils s'installèrent sur une planche et entreprirent de séparer le viande et le gras de l'os, avant de remettre le tout - viande, gras et os du crâne, dans le tonneau pour poursuivre la cuisson.
Après quelques heures de conversations parsemées de nombreuses séances de photos par nos nouveaux amis fort enthousiastes, j'ai évoqué le besoin de quitter les lieux; nous ne savions toujours pas par quel moyen nous rentrions à La Havane, et je voulais nous trouver un transport avant le coucher du soleil. La caldoza étant prête, nous avons donc tous été servis - certains dans des petits verres en plastique, d'autres, comme nous, dans un bol.
Si le bouillon de ce met typique s'est avéré assez goûteux et plutôt bon, j'avoue que la viande (rare) et le gras ne m'attiraient pas plus qu'il ne le faut. Il faut dire que sans être végétarien officiellement, je mange relativement peu de viande et ma diète est plutôt faible en gras. Heureusement, Arsenio avait faim et n'avait ni peur d'essayer un met lui rappelant sa jeunesse sur une ferme, ni peur de tenter une expérience nouvelle et inédite. (Je n'allais l'informer de la nature et la provenance de la viande en question qu'un peu plus tard, hehe). Finalement, après ce moment agréable et très amusant avec notre joyeuses bande, nous avons pris congé pour remonter vers le centre du village.
Nous y avons finalement déniché des autobus et des taxis, et opté pour cette dernière solution; à trois, la retour n'allait pas nous ruiner (8 pesos chacun) et nous prendrions 35 minutes pour effectuer au retour vers Miramar un trajet que nous avions mis 4h15 à faire à l'aller avec d'autres moyens de transport.
Je mentionnais dans un billet précédent qu'il n'y a rien comme le voyage en indépendant pour vivre des aventures et expériences intéressantes et différentes; cette véritable expédition doublée d'une journée d'aventures mémorables à Playas del Este allait en devenir un parfait exemple; on n'aurait pas pu être plus éloigné de l'expérience de tout inclus que vivaient les 176 autres passagers ayant partagé notre avion quelques jours plus tôt. À chacun son trip; pour ma part, je n'aurais échangé cette journée d'aventures pour aucun séjour dans un hôtel 5 étoiles bien à l'abri dans un resort.
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Photos: 1 et 2. Guanabo, à Playas del Este. 3. Quai de Guanabo Viejo. 4. Dans le village de Guanabo. 5. À l'avant-plan: Irina, Esteban (au rhum blanc) et Arsenio (dégustant la caldoza), à l'arrière-plan, Reniel et Uriel surveillent le repas qui mijote toujours.
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Quelques photos supplémentaires:


Plage déserte à Guanabo à notre arrivée.


Quelques récifs d'arbres parsèment la berge entre les deux plages.


Projet de drapeau cubain réalisé en roche par quelque baigneur enthousiaste.


Esteban et sa nouvelle copine posant sur la plage.