mardi 4 février 2014

Vivre sur l'Avenue des volcans

Tungurahua, avant-hier (photo tirée du journal El Comercio)
Avant-hier (le 2 février 2014), le volcan Tungurahua, le plus actif des volcans en activité en Équateur, est entré une fois de plus en éruption, crachant roche, cendre, poussière - et un peu de lave - dans un champignon de 4km de haut dans la région de Banos, située à 140 km au sud de Quito.
Aujourd'hui, l'institut Géophysique de l'Équateur fait le suivi de l'activité volcanique et suit également le nuage de cendre qui s'est dirigé vers Quito hier.
Depuis hier soir, et surtout ce matin, Quito est sous un ciel gris diaphane qui n'est clairement pas composé de nuages; il s'agit de la cendre résiduelle du Tungurahua que les vents ont apporté jusqu'au nord, mais qui, pour le moment, demeure en altitude.
Quelques détails ont été publiés dans les journaux, pour les intéressés (et aussi ici, où on peut lire un dossier de quelques articles, et enfin ici, mais en espagnol).
Éruption du Tungurahua du 2/02/2014
(Photo tirée du site d'Infobae)
Cette nouvelle éruption importante du Tungurahua me rappelle que j'ai déjà été témoin d'une éruption mineure de ce volcan... Cette expérience, doublée de mon séjour à Lloa au pied du Guagua Pichincha dont la dernière éruption majeure remonte à 1999 m'avait d'ailleurs inspiré un petit texte à l'époque. Il me semble aujourd'hui pertinent de le publier ici.
Si, comme moi à l'époque, vous vous demandez comment font les équatoriens pour vivre si près des volcans, alors ce texte est pour vous.
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Vivre sur l’Avenue des volcans (juin 2004)

Je remonte légèrement le collet de mon T-shirt sur ma nuque. Je n’ai pas mis de crème solaire en partant de l’école et le soleil est très fort en ce début d’après-midi équatorien. Quelques jeunes nous accompagnent, Nely et moi, vers la route principale qui relie le village à Quito, la capitale.
En discutant avec Nely, j’apprends qu’elle est la seule de sa famille à vivre encore en Équateur. Son frère vit maintenant à Los Angeles et sa soeur habite Madrid, en Espagne. Je demande à Nely pourquoi elle n’a jamais quitté l’Équateur. Elle me répond que son mari préférait vivre dans son pays natal plutôt que de partir, malgré la situation économique difficile de l’Équateur.
Nous poursuivons notre route à pied, avec le Guagua Pichincha dont le cratère se découpe parfaitement dans le ciel bleu de cette journée de fin juin. Après six semaines dans la région, je me suis habitué à la présence du volcan, même si sa vue demeurera toujours impressionnante.
Nely Jimenez Perez habite Quito, capitale de l’Équateur, dans ce qui est appelé l’Avenue des Volcans. Et j’ai parfois le réflexe de me demander pourquoi tous ces gens vivent ainsi, si près du danger que représente un volcan. La réponse à cette question me viendra plus tard, d’un des jeunes qui nous accompagne justement.
La cordillère des Andes atteint ses dimensions les plus étroites en traversant l’Équateur du nord au sud. Au nord du pays, elle se divise en deux chaînes de montagnes, la cordillère occidentale et la cordillère orientale. Chacune de ces deux parties est constitué majoritairement de sommets volcaniques. C’est la vallée comprise entre ces deux chaînes de volcans qui est baptisé l’Avenue des Volcans. On doit cette appellation à l’explorateur et scientifique allemand Alexander von Humboldt qui a visité la région en 1802.
Nely est dans la mi-quarantaine, et elle est enseignante de niveau primaire. Elle enseigne à l’école du rang San Luis de Lloa, un village situé à environ 10 km de Quito. Son quotidien se déroule donc au pied du Guagua Pichincha, qui est un volcan actif (note 1).
L’autobus qui la ramènera à Quito tout à l’heure passera près du sommet du mont Ungui, d’où l’on peut apercevoir clairement six volcans dans les environs immédiats de Quito.
La dernière éruption du Guagua Pichincha remonte au 5 octobre 1999. Un champignon de 11 km de haut mélangeant cendres, vapeurs et gaz, a recouvert les environs de quelques centimètres de cendres, forçant l’état d’urgence, la fermeture de l’aéroport et autres interventions. Pour Nely Jimenez Perez, ce genre d’événements fait partie de la vie. « On a mis des semaines à tout nettoyer! » me confie-t-elle avec un grand sourire.
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Quelques semaines plus tard, je fais une randonnée sur le mont San-Francisco près de Baños, sur le flan est de la cordillère orientale des Andes. Le début de la randonnée a été compliqué par la disparition des sentiers suite à la construction d’une nouvelle route entre Baños et les villages de Illuchi Baja et Illuchi Alta. J’ai donc pris le sentier à revers, sans savoir qu’une partie en avait été emportée par les intempéries de la dernière saison des pluies.
Heureusement, à mi-chemin du sommet, situé 1 000 mètres plus haut que Baños, je rencontre Fausto Sanchez, un homme de 58 ans qui demeure dans la campagne entre Baños et Illuchi Baja. Plusieurs fois par semaine, il fait l’aller-retour qui passe par ce sommet, il connaît donc très bien la montagne et me sert de guide improvisé. De l’autre côté, on peut voir le très actif Volcan Tungurahua (note 2).
Alors qu’il me guide hors-piste vers le sommet du San Francisco, Fausto me raconte les quelques éruptions du Tungurahua dont il a été témoin, notant au passage – et quasi nonchalamment – que la plupart du temps, le volcan « crache seulement des cendres et de la fumée » et que plus souvent qu’autrement, il n’a pas à s’en inquiéter puisqu’il crache sur l’autre flanc du volcan et non du côté de Baños et du village.
Le volcan Tungurahua est entré dans une phase très active deux mois avant l’éruption du Pichincha, en 1999. Lors de cette violente éruption, Baños et les environs ont été évacués pendant quelques mois, alors que le volcan était constamment en alerte orange. La route entre Baños et Riobamba a été partiellement détruite et n’a pas été réparée depuis, puisque le volcan est encore en période active. Les choses se sont toutefois un peu calmées depuis, le Tungurahua est aujourd’hui en alerte jaune « seulement », mais crache un peu de lave de temps à autre.
En juillet 2004, j’ai moi-même été témoin d’une de ces « petites » éruptions de cendres et gaz formant un impressionnant champignon dans le ciel équatorien (note 3). Et deux jours après ma randonnée avec Fausto, le Tungurahua crachait encore devant moi un peu de fumée et de cendres.
Pour Fausto Sanchez, l’activité volcanique fait partie du quotidien, il en parle d’ailleurs avec le sourire. Et mise à part l’évacuation forcée de 1999, les choses semblent plutôt agréable dans ce coin de pays pour lui. Je me prends d’ailleurs à souhaiter être aussi en forme que lui à 58 ans, et pouvoir encore faire des randonnées de plus de 1 000 m de gain d’altitude avec une apparente facilité.
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Ma plus intéressante réponse concernant la vie près d’un volcan me viendra finalement de Franklin Vallejo, 11 ans, qui habite San Luis de Lloa et qui est un des élèves de Nely Perez. Franklin n’a qu’un vague souvenir de l’éruption du Guagua Pichincha en 1999. Il se souvient par contre très bien de l’effervescence entourant l’éruption du volcan Reventador en 2002 (note 4).
Le Reventador est situé dans la cordillère orientale, un peu au nord de Quito, pratiquement sur la ligne équatoriale. Le 3 novembre 2002, après vingt-six ans de silence, il s’est réveillé et a craché des centaines de millions de tonnes de roches, de cendres et de fumée à plus de 15 km dans le ciel. Avec une telle éruption, même Quito, située à plus de 80 kilomètres du Reventador, a été recouverte d’une couche de cendres.
L’état d’urgence a été déclaré dans les quatre provinces environnantes. Aéroport fermé, écoles fermées, trafic arrêté, les gens se promenaient avec des mouchoirs pour mieux respirer et finalement, après que le calme soit revenu, on mesurait jusqu’à 5 centimètres de cendres par endroit dans la capitale. Des semaines et des semaines de nettoyage.
À Lloa, Franklin était trop loin pour voir l’éruption elle-même, mais il a vécu l’après-coup comme tout le monde. Il ne perd pas son sourire quand je lui demande ce que ça fait de vivre entouré de volcans. Pour lui, c’est quelque chose d’aussi normal que les tremblements de terre, les orages électriques ou les sécheresses.
Et même s’il n’en a jamais été témoin, c’est aussi comme les tempête de neige dont il a entendu parler. Et la voilà ma réponse. Car Franklin, tout comme Nely, a de la difficulté à comprendre comment je fais pour vivre dans un pays où il fait aussi froid que le Québec, il s’étonne que je puisse survivre à des températures aussi extrêmes que 20 ou 30 degrés sous zéro.
J’avais raconté à Nely et ses élèves une petite randonnée effectuée en janvier 2004 au sommet du Mont-Royal à Montréal et où il faisait, avec facteur vent, 54 degrés sous zéro. Depuis, ils regardent le volcan Pichincha et se disent qu’il est bien moins dangereux de vivre à ses pieds que par une température aussi glaciale.
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Notes
1. L’Équateur est un pays d’une superficie de 283 000 kilomètres carrés. Il est donc plus de 5 fois plus petit que le Québec. Le pays comporte un grand nombre de sommets volcaniques dont 16 sont en activité. Les plus actifs sont le Sangay, le Tungurahua, le Cotopaxi, le Guagua Pichincha, le Reventador et le Cayambe. Quatre de ces volcans sont dans les environs immédiats de Quito, la capitale. L’institut géophysique émet des bulletins d’informations concernant l’activité de ces volcans à toutes les semaines, sauf pour le Tungurahua, qui se voit consacré un bulletin quotidien depuis 1999.
2. Les premières éruptions documentées en Équateur sont celle du Cotopaxi et du Tungurahua en 1534.
3. L’éruption mineure du Tungurahua dont j’ai été témoin a eu lieu le 14 juillet 2004.
4. L’immense cratère de 3,5 km du Reventador laisse croire qu’il a déjà été le lieu d’une éruption gigantesque qui a emporté une bonne partie de son sommet.
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2 commentaires:

  1. Bonne explication, mais c'est quand même difficile à imaginer, je crois que je préfère la neige et le froid........mais......tu vois pour eux, c'est le contraire....

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    1. Oui, c'est ça que je trouvais (et trouve toujours) fascinant. Chaque population préfère "son" danger, car c'est un danger auquel elle est habituée et possède un plan de vie qui en tient compte. Ici, ils se demandent bien comment on fait pour conduire des autos dans la neige ou sur la glace, par exemple...

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