Il y a quelques jours, à mon arrivée en Angleterre, j'ai vécu une des expériences de voyage les plus pénibles et stressantes de ma vie de voyageur. Je m'attendais à ce que ce soit difficile, et j'avais même prévu une alternative au problème éventuel, mais j'étais loin d'avoir tout prévu.
Question de ne pas alourdir ce billet, je vais résumer quelques faits et tenter de faire une relation relativement succincte de toute l'aventure (gardez à l'esprit que ce n'est qu'un résumé).
J'avais comme projet de m'installer plusieurs mois ici. J'ai donc fait, il y a quelques mois, des démarches complexes pour obtenir un visa me permettant de demeurer ici pour une période prolongée. Il faut savoir que comme touriste, tous les visiteurs ont une durée de séjour qui est limitée, peu importe le pays visité. C'est rarement un problème pour moi, puisque même quand je voyage pendant plusieurs mois, il est très rare que je reste dans le même pays plus de 3 mois. Certains pays permettent d'acheter une extension de visa (c'est ce que j'avais fait en Équateur en 2004, puis au Vietnam en 2008, par exemple). L'Angleterre ne le permet pas. J'ai donc fait les démarches pour obtenir un visa de plus longue durée que le visa de touriste régulier. Malheureusement pour moi, ce visa m'a été refusé pour une raison administrative simple: je ne me qualifiais pas pour ce genre de séjour, tout simplement. J'aurais peut-être dû le savoir, mais les règles sont très complexes, et celle qui excluait ma candidature se trouvait dans un demi-paragraphe (laissant à interprétation) dans un guide de 90 pages en PDF. L'agence qui gère les visa ne peut être contactée ni par téléphone ni par courriel. J'ai donc tenté le coup, rempli les papiers, suivi les procédures, et on ne m'a pas accordé le visa demandé.
J'ai donc modifié un peu la durée de mon projet, et décidé de visiter le secteur en tant que touriste. En Angleterre, vous pouvez entrer comme touriste pour un maximum de 6 mois (théoriquement), mais encore faut-il obtenir le visa de touriste à votre arrivée. Plus vous prévoyez être ici longtemps, plus vous présentez un problème pour l'agence frontalière et devez présenter des documents à l'appui de votre séjour. [Comme le pays est gouverné à droite depuis l'élection des Conservateurs en 2011, les règles sont maintenant très strictes à ce niveau. D'ailleurs, avant les nouvelles règles de 2011 imposées par le nouveau gouvernement, j'aurais eu mon visa de longue durée].
J'ai donc pris un vol sur Londres, sans trop savoir si on me laisserait entrer. Je venais rejoindre mon amie Suze, qui est ici pour quelques mois dans le cadre de ses études. J'avais prévu deux scénarios: 1. On accepte mes documents à l'appui de ma demande de visiter pour un peu moins de 6 mois. Il y avait une variante à ce scénario: que l'on m'accorde par exemple 3 mois de visa en m'indiquant de faire une demande d'extension plus tard. 2. On me refuse l'entrée, auquel cas j'aurais volé sur Paris et improvisé à partir de là sur le continent européen.
Ce que je n'avais pas prévu, c'est que l'agence frontalière allait mettre des heures à décider entre les deux options, et finisse par me mettre en détention.
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Mon vol a atterri à 7h15 AM à Heathrow. À 7h30, j'arrivais dans la grande salle des douanes et de l'immigration. Il y avait une file express pour les résidents du Royaume Uni, une file express pour les Européens, une file express pour les étudiants étrangers, une file express pour les voyageurs riches (prestige, élite, etc) et une file lente pour les nobody comme moi. La salle était pleine, j'ai donc fait la file pendant 1h30 avant de voir un douanier.
Devant ma demande, il a scanné mon passeport, m'a demandé mes papiers et documents, et il m'a demandé si j'avais déjà eu des troubles avec l'immigration avant. Non. Il m'interroge longuement, puis me met en attente sur un banc et part. Il revient environ 15 min. plus tard, et m'interroge à nouveau, nouvelles questions, papiers bancaires, etc. Il me remet en attente sur mon banc et repart. 15 min plus tard, il me fait signe de le suivre; nous allons récupérer mon bagage enregistré. A ce moment-là, il ne reste que quelques sacs sur le carrousel, tous les passagers de mon vol ont été dédouanés et se baladent dans Londres. Il m'amène dans une salle à part, où il doit procéder à la fouille complète de mes bagages. Complète. Jamais vu une fouille aussi détaillée; il consulte et questionne tout, incluant tous les documents que j'ai avec moi - il analyse même un vieux reçu qui me sert de marque-page dans le roman que j'ai apporté. Une fois la fouille terminée, il me remonte dans la grande salle sur mon banc et repart. J'ai de la difficulté à refaire mon backpack aussi bien qu'au départ, en quelques minutes, et laisse donc un sac de linge à l'extérieur - je peux toujours le traîner à part, car je crois alors que je vais bientôt être fixé sur mon sort. 20 min plus tard, mon douanier revient et me fait signe d'accompagner une grosse dame.
J'ai donc à ce moment tous mes bagages un peu pèle-mêle, et elle m'amène dans une section hautement sécurisée de l'aéroport où on accède grâce à sa carte magnétique qu'elle doit utiliser à trois reprises pour arriver à destination. Elle m'explique qu'elle doit prendre mes empreintes digitales et une photo pour son dossier, que c'est obligatoire pour quiconque est interrogé à la douane. Nous procédons.
Parenthèse ici sur la fatigue qui commence à me gagner. Je me suis levé à 6h30 AM lundi matin heure de Mtl, et considérant que j'ai réussi à dormir une demi-heure d'un sommeil léger dans une position semi-verticale dans l'avion, j'ai hâte de pouvoir me reposer. N'ayant pas mangé beaucoup pendant le vol, mon estomac commence aussi à crier famine, mais un peu de nervosité m'empêche de réellement avoir faim. Aussi, à ce moment-là, je sais très bien que mon amie Suze est de l'autre côté de tout ça, puisqu'elle devait venir m'accueillir à l'aéroport. Elle doit commencer sérieusement à se demande ce qui se passe.
Il est à peu près 11h AM quand la grosse dame termine et me demande de la suivre avec mes bagages dans une autre pièce plus loin. Là, on me fait signer les papiers comme quoi j'ai compris que l'on m'a fiché, et que l'on entreposera mes bagages le temps que l'agence prenne une décision me concernant. Tout ça est définitivement plus long que prévu. Ça fait presque 4h que j'ai atterri. J'avais réservé des billets de train (moins chers lorsqu'achetés à l'avance) pour le trajet Londres-Leeds, et mon train devait partir à 14h005. Avec le trajet de métro pour se rendre à la gare, le timing devenait drôlement serré. J'allais évidemment perdre l'argent investi dans ces billets.
Mais il y avait pire nouvelle. Selon les papiers que l'on me remet, je suis légalement en détention.
D'ailleurs, la préposée du centre de détention qui me demande de placer mes bagages dans un placard prévu à cet effet, m'indique ensuite d'aller m'asseoir dans une salle identifiée comme la salle de détention. Je lui demande si elle peut me dire pourquoi je suis là, elle me dit qu'il arrive souvent que l'on place là les gens qui sont en attente d'une décision de l'agence, qu'un inspecteur viendra me questionner plus tard. Je commente sur le fait que ça va probablement prendre du temps; elle me dit qu'ils n'ont pas le droit de me garder plus de 24h.
J'entre donc dans la salle, la porte se verrouille automatiquement derrière moi. Une fenêtre nous sépare des deux préposés sur centre de détention; celle qui m'a accueilli et un homme.
La salle de détention est une grande pièce avec 4 rangées de chaises du genre des salles d'attente dans les aéroports. Il y a aussi une sorte de petit divan sur lequel est couchée une jeune femme noire. Trois autres détenus sont présents. Ils me saluent un peu mollement. Je demande à une d'entre elle s'ils sont là depuis longtemps. La femme couchée sur le divan me dit qu'elle est arrivée la veille.
Il y a deux salles de toilettes et une salle d'eau avec évier. Je me rafraîchi le visage et m'assied. La tête appuyée sur une poutre, je réussi à faire une petite sieste de 15 minutes, sans perdre le son de la BBC qui diffuse nuit manchettes en boucle via une télé dans un coin. Deux des murs de la salle sont décorés de posters; Batman, Superman, Marilyn Monroe et Bob Marley. Il y a aussi une affiche représentant un tigre, et une un chien. Des affiches informent les détenus qu'ils seront traités avec respect et courtoisie et qu'ils peuvent porter plainte sinon. Une grande affiche offre des informations aux demandeurs de statut de réfugiés, une autre propose des services légaux gratuits.
Ce qui m'inquiète à ce moment-là, ce n'est pas vraiment mon statut à moi, ni la décision qui sera rendue, je savais que je risquais de ne pas être accepté en venant ici avec ce projet. Ce qui m'inquiète - entre autres choses sur lesquelles je ne m'étendrai pas ici - c'est de savoir que mon amie Suze doit être réellement inquiète de l'autre côté, sans aucun moyen de savoir ce qui m'arrive. Elle croit peut-être que je n'ai pas pris mon vol. Elle expédiera peut-être un courriel à mes parents pour le savoir, et ils lui confirmeront qu'ils sont venus avec moi à l'aéroport... ce qui fera deux personnes de plus à s'inquiéter de mon sort.
Je demande à la préposée de faire un appel, en lui expliquant la situation; elle accepte sans problèmes. Le cellulaire de Suze ne répond pas et on m'explique que la réception est très mauvaise dans l'aéroport (!). Je demande si on a du Wifi ou un accès internet sur leur ordi, on me répond par la négative.
Quelques heures passent ainsi, sans que je n'aie de contact avec l'extérieur ni de nouvelles de Suze. À chaque heure qui passe, lentement, je m'inquiète de plus en plus pour les gens qui doivent s'inquiéter pour moi.
De temps en temps, un inspecteur entre et demande à un détenu de le suivre pour interrogatoire. Quelques dizaines de minutes plus tard, le détenu revient. Puis, un nouvel arrivant entre dans la salle. Après deux heures et quelques de ce régime, j'ai réussi à faire une autre sieste appuyé sur la poutre, mais la fatigue me gagne malgré cela, une sorte de lassitude, d'épuisement.
Je remarque alors une grosse flèche dessinée au plafond. En observant de plus près, je vois qu'une affiche apposée sur le mur à côté informe les gens des accommodements religieux. Je peux avoir une bible si j'en fais la demande, ou un coran, ou un tapis pour prier. La flèche au plafond indique la direction de la Mecque.
La BBC diffuse pour la centième fois la nouvelle que William et Kate ont obtenu une injonction interdisant la publication des photos seins nus de la duchesse.
[Pendant ce temps, de l'autre côté de la barrière douanière, Suze a d'abord appelé la ligne aérienne pour savoir si mon bagage était encore sur le carrousel; normalement, le bagage est récupéré après la douane. En apprenant que c'était le cas, mon retard devenait inexplicable. Elle a alors contacté l'agence douanière, qui lui a répondu qu'ils n'avaient personne de mon nom ou de ma provenance. À ce moment-là, elle était réellement inquiète car ça signifiait que je n'étais probablement pas dans l'avion. En accédant à ses courriels, elle a pu constater que ni moi ni personne ne lui avait écrit concernant mon absence au départ; elle pouvait imaginer divers scénarios catastrophes où moi et mes parents avaient eu un accident en route vers l'aéroport et que je n'avais donc ni pris le vol, ni pu lui écrire pour la prévenir.]
Un inspecteur m'appelle enfin, à mon grand soulagement; il est à peu près 13h15. Il m'emmène dans une petite salle d'interrogatoire où il m'informe d'abord que Suze va bien et qu'elle est au courant de ma détention. Je lui demande comment ils ont fait pour la prévenir, et il me dit qu'elle les a elle-même contactés. Devant l'impossibilité de savoir ce qui se passait, elle a assumé qu'une erreur s'était produite lors de sa première communication avec l'agence et a finalement appris que j'étais détenu et en attente de décision.
De savoir que tout allait bien de ce côté m'a enfin soulagé de mon stress. Je ne savais toujours pas ce qui allait m'arriver, ni où j'allais me retrouver en fin de journée, mais au moins, je savais que quelqu'un à l'extérieur était au courant et que personne n'allait trop s'inquiéter.
J'ai donc repassé tous les points de ma demande avec l'inspecteur, qui a fini par m'expliquer ce qui se passait. Tout ça était dû au fait que l'on m'avait refusé une demande de visa prolongé quelques mois plus tôt. L'inspecteur m'a expliqué que quand un étranger voulait entrer au Royaume Uni et qu'il avait eu un refus de visa auparavant, il était obligatoire d'enquêter sérieusement sur ses intentions.
J'ai expliqué de nouveau que j'avais dû changer mes plans suite à ce refus, et que le refus en question avait été émis parce que je n'étais pas admissible au visa demandé. Nous avons repassé toute mon histoire, mes documents, etc. Puis, après 30 minutes d'interrogatoire, il m'a ramené dans la salle de détention.
Une longue heure plus tard, il était de retour, avec mes papiers, et me demandait de signer pour récupérer mes bagages. La décision avait été rendue.
Il m'a remis mon passeport, en m'y montrant mon visa de séjour autorisé pour 6 mois (plus que ce que je n'avais demandé). Il m'a informé que Suze était au courant que j'étais libéré, puis m'a souhaité un agréable séjour au pays. Je suis sorti du centre de détention, puis de la zone douanière, et enfin, j'ai rejoins la sortie des passagers du terminal, où m'attendais Suze.
Il était 15h15 heure locale quand j'ai quitté le terminal. Il s'était écoulé huit heures depuis mon arrivée. Je n'avais pas réellement dormi depuis près de 30 heures, et j'avais passé plus de temps en détention à l'aéroport que dans l'avion m'ayant transporté de Montréal à Londres. Et j'avais faim. Quelques paperasses administratives plus tard, un trajet d'une heure en métro allait me mener à King's Cross, d'où je prendrais un train vers Leeds, que j'atteindrais plus tard en soirée.
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On notera qu'il est paradoxal que ça soit ma volonté de vouloir faire les choses dans les règles de l'art et demander un visa prolongé qui a déclenché toute cette mésaventure à la douane. La plupart des gens ne font rien, arrivent en se déclarant touriste et s'organisent plus tard en marge ou non des lois.
L'inspecteur qui a été très gentil avec moi - il me croyait visiblement - a trouvé étrange la manière dont la décision sur cette demande de visa original avait été rendue. Il m'a aussi dit que sa confiance reposait sur le fait que je ne cachais pas cette première demande et n'hésitais pas à en parler avec lui. Ce qu'il ne me disait pas à ce moment - et que j'ai compris en parlant de tout ça avec Suze dans le train menant à Leeds - c'est que lorsqu'elle a contacté l'agence la seconde fois, c'est à lui que l'on a passé l'appel, qu'elle lui avait tout raconté ce qu'elle savait de mon dossier, et qu'il était donc déjà au fait de tout ça quand il est venu pour m'interroger.
Pendant le temps que j'ai passé de mon arrivée à l'obtention de mon visa, plus de 10 000 personnes ont passé la douane sans problème à ce terminal de l'aéroport.
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Question de ne pas alourdir ce billet, je vais résumer quelques faits et tenter de faire une relation relativement succincte de toute l'aventure (gardez à l'esprit que ce n'est qu'un résumé).
J'avais comme projet de m'installer plusieurs mois ici. J'ai donc fait, il y a quelques mois, des démarches complexes pour obtenir un visa me permettant de demeurer ici pour une période prolongée. Il faut savoir que comme touriste, tous les visiteurs ont une durée de séjour qui est limitée, peu importe le pays visité. C'est rarement un problème pour moi, puisque même quand je voyage pendant plusieurs mois, il est très rare que je reste dans le même pays plus de 3 mois. Certains pays permettent d'acheter une extension de visa (c'est ce que j'avais fait en Équateur en 2004, puis au Vietnam en 2008, par exemple). L'Angleterre ne le permet pas. J'ai donc fait les démarches pour obtenir un visa de plus longue durée que le visa de touriste régulier. Malheureusement pour moi, ce visa m'a été refusé pour une raison administrative simple: je ne me qualifiais pas pour ce genre de séjour, tout simplement. J'aurais peut-être dû le savoir, mais les règles sont très complexes, et celle qui excluait ma candidature se trouvait dans un demi-paragraphe (laissant à interprétation) dans un guide de 90 pages en PDF. L'agence qui gère les visa ne peut être contactée ni par téléphone ni par courriel. J'ai donc tenté le coup, rempli les papiers, suivi les procédures, et on ne m'a pas accordé le visa demandé.
J'ai donc modifié un peu la durée de mon projet, et décidé de visiter le secteur en tant que touriste. En Angleterre, vous pouvez entrer comme touriste pour un maximum de 6 mois (théoriquement), mais encore faut-il obtenir le visa de touriste à votre arrivée. Plus vous prévoyez être ici longtemps, plus vous présentez un problème pour l'agence frontalière et devez présenter des documents à l'appui de votre séjour. [Comme le pays est gouverné à droite depuis l'élection des Conservateurs en 2011, les règles sont maintenant très strictes à ce niveau. D'ailleurs, avant les nouvelles règles de 2011 imposées par le nouveau gouvernement, j'aurais eu mon visa de longue durée].
J'ai donc pris un vol sur Londres, sans trop savoir si on me laisserait entrer. Je venais rejoindre mon amie Suze, qui est ici pour quelques mois dans le cadre de ses études. J'avais prévu deux scénarios: 1. On accepte mes documents à l'appui de ma demande de visiter pour un peu moins de 6 mois. Il y avait une variante à ce scénario: que l'on m'accorde par exemple 3 mois de visa en m'indiquant de faire une demande d'extension plus tard. 2. On me refuse l'entrée, auquel cas j'aurais volé sur Paris et improvisé à partir de là sur le continent européen.
Ce que je n'avais pas prévu, c'est que l'agence frontalière allait mettre des heures à décider entre les deux options, et finisse par me mettre en détention.
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Mon vol a atterri à 7h15 AM à Heathrow. À 7h30, j'arrivais dans la grande salle des douanes et de l'immigration. Il y avait une file express pour les résidents du Royaume Uni, une file express pour les Européens, une file express pour les étudiants étrangers, une file express pour les voyageurs riches (prestige, élite, etc) et une file lente pour les nobody comme moi. La salle était pleine, j'ai donc fait la file pendant 1h30 avant de voir un douanier.
Devant ma demande, il a scanné mon passeport, m'a demandé mes papiers et documents, et il m'a demandé si j'avais déjà eu des troubles avec l'immigration avant. Non. Il m'interroge longuement, puis me met en attente sur un banc et part. Il revient environ 15 min. plus tard, et m'interroge à nouveau, nouvelles questions, papiers bancaires, etc. Il me remet en attente sur mon banc et repart. 15 min plus tard, il me fait signe de le suivre; nous allons récupérer mon bagage enregistré. A ce moment-là, il ne reste que quelques sacs sur le carrousel, tous les passagers de mon vol ont été dédouanés et se baladent dans Londres. Il m'amène dans une salle à part, où il doit procéder à la fouille complète de mes bagages. Complète. Jamais vu une fouille aussi détaillée; il consulte et questionne tout, incluant tous les documents que j'ai avec moi - il analyse même un vieux reçu qui me sert de marque-page dans le roman que j'ai apporté. Une fois la fouille terminée, il me remonte dans la grande salle sur mon banc et repart. J'ai de la difficulté à refaire mon backpack aussi bien qu'au départ, en quelques minutes, et laisse donc un sac de linge à l'extérieur - je peux toujours le traîner à part, car je crois alors que je vais bientôt être fixé sur mon sort. 20 min plus tard, mon douanier revient et me fait signe d'accompagner une grosse dame.
J'ai donc à ce moment tous mes bagages un peu pèle-mêle, et elle m'amène dans une section hautement sécurisée de l'aéroport où on accède grâce à sa carte magnétique qu'elle doit utiliser à trois reprises pour arriver à destination. Elle m'explique qu'elle doit prendre mes empreintes digitales et une photo pour son dossier, que c'est obligatoire pour quiconque est interrogé à la douane. Nous procédons.
Parenthèse ici sur la fatigue qui commence à me gagner. Je me suis levé à 6h30 AM lundi matin heure de Mtl, et considérant que j'ai réussi à dormir une demi-heure d'un sommeil léger dans une position semi-verticale dans l'avion, j'ai hâte de pouvoir me reposer. N'ayant pas mangé beaucoup pendant le vol, mon estomac commence aussi à crier famine, mais un peu de nervosité m'empêche de réellement avoir faim. Aussi, à ce moment-là, je sais très bien que mon amie Suze est de l'autre côté de tout ça, puisqu'elle devait venir m'accueillir à l'aéroport. Elle doit commencer sérieusement à se demande ce qui se passe.
Il est à peu près 11h AM quand la grosse dame termine et me demande de la suivre avec mes bagages dans une autre pièce plus loin. Là, on me fait signer les papiers comme quoi j'ai compris que l'on m'a fiché, et que l'on entreposera mes bagages le temps que l'agence prenne une décision me concernant. Tout ça est définitivement plus long que prévu. Ça fait presque 4h que j'ai atterri. J'avais réservé des billets de train (moins chers lorsqu'achetés à l'avance) pour le trajet Londres-Leeds, et mon train devait partir à 14h005. Avec le trajet de métro pour se rendre à la gare, le timing devenait drôlement serré. J'allais évidemment perdre l'argent investi dans ces billets.
Mais il y avait pire nouvelle. Selon les papiers que l'on me remet, je suis légalement en détention.
D'ailleurs, la préposée du centre de détention qui me demande de placer mes bagages dans un placard prévu à cet effet, m'indique ensuite d'aller m'asseoir dans une salle identifiée comme la salle de détention. Je lui demande si elle peut me dire pourquoi je suis là, elle me dit qu'il arrive souvent que l'on place là les gens qui sont en attente d'une décision de l'agence, qu'un inspecteur viendra me questionner plus tard. Je commente sur le fait que ça va probablement prendre du temps; elle me dit qu'ils n'ont pas le droit de me garder plus de 24h.
J'entre donc dans la salle, la porte se verrouille automatiquement derrière moi. Une fenêtre nous sépare des deux préposés sur centre de détention; celle qui m'a accueilli et un homme.
La salle de détention est une grande pièce avec 4 rangées de chaises du genre des salles d'attente dans les aéroports. Il y a aussi une sorte de petit divan sur lequel est couchée une jeune femme noire. Trois autres détenus sont présents. Ils me saluent un peu mollement. Je demande à une d'entre elle s'ils sont là depuis longtemps. La femme couchée sur le divan me dit qu'elle est arrivée la veille.
Il y a deux salles de toilettes et une salle d'eau avec évier. Je me rafraîchi le visage et m'assied. La tête appuyée sur une poutre, je réussi à faire une petite sieste de 15 minutes, sans perdre le son de la BBC qui diffuse nuit manchettes en boucle via une télé dans un coin. Deux des murs de la salle sont décorés de posters; Batman, Superman, Marilyn Monroe et Bob Marley. Il y a aussi une affiche représentant un tigre, et une un chien. Des affiches informent les détenus qu'ils seront traités avec respect et courtoisie et qu'ils peuvent porter plainte sinon. Une grande affiche offre des informations aux demandeurs de statut de réfugiés, une autre propose des services légaux gratuits.
Ce qui m'inquiète à ce moment-là, ce n'est pas vraiment mon statut à moi, ni la décision qui sera rendue, je savais que je risquais de ne pas être accepté en venant ici avec ce projet. Ce qui m'inquiète - entre autres choses sur lesquelles je ne m'étendrai pas ici - c'est de savoir que mon amie Suze doit être réellement inquiète de l'autre côté, sans aucun moyen de savoir ce qui m'arrive. Elle croit peut-être que je n'ai pas pris mon vol. Elle expédiera peut-être un courriel à mes parents pour le savoir, et ils lui confirmeront qu'ils sont venus avec moi à l'aéroport... ce qui fera deux personnes de plus à s'inquiéter de mon sort.
Je demande à la préposée de faire un appel, en lui expliquant la situation; elle accepte sans problèmes. Le cellulaire de Suze ne répond pas et on m'explique que la réception est très mauvaise dans l'aéroport (!). Je demande si on a du Wifi ou un accès internet sur leur ordi, on me répond par la négative.
Quelques heures passent ainsi, sans que je n'aie de contact avec l'extérieur ni de nouvelles de Suze. À chaque heure qui passe, lentement, je m'inquiète de plus en plus pour les gens qui doivent s'inquiéter pour moi.
De temps en temps, un inspecteur entre et demande à un détenu de le suivre pour interrogatoire. Quelques dizaines de minutes plus tard, le détenu revient. Puis, un nouvel arrivant entre dans la salle. Après deux heures et quelques de ce régime, j'ai réussi à faire une autre sieste appuyé sur la poutre, mais la fatigue me gagne malgré cela, une sorte de lassitude, d'épuisement.
Je remarque alors une grosse flèche dessinée au plafond. En observant de plus près, je vois qu'une affiche apposée sur le mur à côté informe les gens des accommodements religieux. Je peux avoir une bible si j'en fais la demande, ou un coran, ou un tapis pour prier. La flèche au plafond indique la direction de la Mecque.
La BBC diffuse pour la centième fois la nouvelle que William et Kate ont obtenu une injonction interdisant la publication des photos seins nus de la duchesse.
[Pendant ce temps, de l'autre côté de la barrière douanière, Suze a d'abord appelé la ligne aérienne pour savoir si mon bagage était encore sur le carrousel; normalement, le bagage est récupéré après la douane. En apprenant que c'était le cas, mon retard devenait inexplicable. Elle a alors contacté l'agence douanière, qui lui a répondu qu'ils n'avaient personne de mon nom ou de ma provenance. À ce moment-là, elle était réellement inquiète car ça signifiait que je n'étais probablement pas dans l'avion. En accédant à ses courriels, elle a pu constater que ni moi ni personne ne lui avait écrit concernant mon absence au départ; elle pouvait imaginer divers scénarios catastrophes où moi et mes parents avaient eu un accident en route vers l'aéroport et que je n'avais donc ni pris le vol, ni pu lui écrire pour la prévenir.]
Un inspecteur m'appelle enfin, à mon grand soulagement; il est à peu près 13h15. Il m'emmène dans une petite salle d'interrogatoire où il m'informe d'abord que Suze va bien et qu'elle est au courant de ma détention. Je lui demande comment ils ont fait pour la prévenir, et il me dit qu'elle les a elle-même contactés. Devant l'impossibilité de savoir ce qui se passait, elle a assumé qu'une erreur s'était produite lors de sa première communication avec l'agence et a finalement appris que j'étais détenu et en attente de décision.
De savoir que tout allait bien de ce côté m'a enfin soulagé de mon stress. Je ne savais toujours pas ce qui allait m'arriver, ni où j'allais me retrouver en fin de journée, mais au moins, je savais que quelqu'un à l'extérieur était au courant et que personne n'allait trop s'inquiéter.
J'ai donc repassé tous les points de ma demande avec l'inspecteur, qui a fini par m'expliquer ce qui se passait. Tout ça était dû au fait que l'on m'avait refusé une demande de visa prolongé quelques mois plus tôt. L'inspecteur m'a expliqué que quand un étranger voulait entrer au Royaume Uni et qu'il avait eu un refus de visa auparavant, il était obligatoire d'enquêter sérieusement sur ses intentions.
J'ai expliqué de nouveau que j'avais dû changer mes plans suite à ce refus, et que le refus en question avait été émis parce que je n'étais pas admissible au visa demandé. Nous avons repassé toute mon histoire, mes documents, etc. Puis, après 30 minutes d'interrogatoire, il m'a ramené dans la salle de détention.
Une longue heure plus tard, il était de retour, avec mes papiers, et me demandait de signer pour récupérer mes bagages. La décision avait été rendue.
Il m'a remis mon passeport, en m'y montrant mon visa de séjour autorisé pour 6 mois (plus que ce que je n'avais demandé). Il m'a informé que Suze était au courant que j'étais libéré, puis m'a souhaité un agréable séjour au pays. Je suis sorti du centre de détention, puis de la zone douanière, et enfin, j'ai rejoins la sortie des passagers du terminal, où m'attendais Suze.
Il était 15h15 heure locale quand j'ai quitté le terminal. Il s'était écoulé huit heures depuis mon arrivée. Je n'avais pas réellement dormi depuis près de 30 heures, et j'avais passé plus de temps en détention à l'aéroport que dans l'avion m'ayant transporté de Montréal à Londres. Et j'avais faim. Quelques paperasses administratives plus tard, un trajet d'une heure en métro allait me mener à King's Cross, d'où je prendrais un train vers Leeds, que j'atteindrais plus tard en soirée.
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On notera qu'il est paradoxal que ça soit ma volonté de vouloir faire les choses dans les règles de l'art et demander un visa prolongé qui a déclenché toute cette mésaventure à la douane. La plupart des gens ne font rien, arrivent en se déclarant touriste et s'organisent plus tard en marge ou non des lois.
L'inspecteur qui a été très gentil avec moi - il me croyait visiblement - a trouvé étrange la manière dont la décision sur cette demande de visa original avait été rendue. Il m'a aussi dit que sa confiance reposait sur le fait que je ne cachais pas cette première demande et n'hésitais pas à en parler avec lui. Ce qu'il ne me disait pas à ce moment - et que j'ai compris en parlant de tout ça avec Suze dans le train menant à Leeds - c'est que lorsqu'elle a contacté l'agence la seconde fois, c'est à lui que l'on a passé l'appel, qu'elle lui avait tout raconté ce qu'elle savait de mon dossier, et qu'il était donc déjà au fait de tout ça quand il est venu pour m'interroger.
Pendant le temps que j'ai passé de mon arrivée à l'obtention de mon visa, plus de 10 000 personnes ont passé la douane sans problème à ce terminal de l'aéroport.
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C'est un bout de tes voyages que je n'aime pas non plus. Par chance que je t'avais parlé dimanche avant de lire ceci. J'espère que ça va bien aller pour tout le reste de ton séjour.
RépondreSupprimerChers parents, ce n'était évidemment pas un hasard si nous nous étions parlé avant la publication de ce billet. Ce n'était certes pas une expérience agréable - même si ça fait une anecdote intéressante à raconter après coup - mais en même temps, ce n'était ni effrayant, ni dangereux. J'ai toujours relativisé; le pire pour moi était de me retrouver ailleurs, c,était mon inquiétude face à votre inquiétude potentielle qui en faisait une expérience difficile. je n'aime pas vous inquiéter, alors je suis toujours prudent et fais tout ce que je peux pour ne pas vous inquiéter.
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