vendredi 28 septembre 2007

El Che - Che, Castro, Chavez et moi

Intro.
Comme je me retrouve dans la capitale équatorienen au moment d'une élection fort importante ici (élection qui mènera à une réforme de la constitution, et peut-etre meme à la création d'une nouvelle république), je me permets un petit billet politique.
Les journaux d'ici regorgent de nouvelles sur les diverses déclarations politiques de l'Assemblée des Nations Unies, entre autres celles de G.W. Bush concernant Cuba, celle de la délégation de Cuba et celle de Daniel Ortega envers les États-Unis.
Bref, on parle beaucoup de politique à Quito ces jours-ci.
Un mot, donc, sur les politiciens héritiers spirituels du Che, si vous me permettez cette association. Un mot fort personnel, qui est plus un énoncé d'opinion qu'un article.
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Voyage et opinion.
S'il y a une chose que ce voyage en Amérique du Sud m'aura permis de constater et de mieux comprendre - une chose entre milles autres, on s'entend, mais une chose importante - c'est comment Ernesto Che Guevara en est venu à l'idéologie politique qu'il a adopté, pourquoi il a participé à la révolution cubaine, puis aux autres combats jusqu'à la guerrilla bolivienne qui allait lui couter la vie. Et je dois non seulement dire que j'ai compris son évolution idéologique mieux qu'en lisant sur le sujet, mais aussi dire que dans les circonstances - passés comme actuelles, j'en ai été témoin privilégié pendant les 4 derniers mois - je partage ses vues sur le sujet.
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Fidel et moi.
Ceci dit, une fois la révolution cubaine gagnée, il a bien fallu que Castro se décide du genre de régime il allait adopter. Car, est-ce utile de le rappeler, Fidel Castro n'était ni communiste ni meme un marxiste avoué lors de la révolution. Il n'était meme pas le chef politique du mouvement qu'il allait mener à la victoire. N'empeche, en partie sous l'influence du Che (lui-meme un marxiste convaincu alors), Castro allait opter pour le communisme. Pour l'anecdote, il a du etre frustrant pour les USA de constater ce revirement, puisque les américains avaient partiellement financé la guerrilla cubaine contre le régime dictatorial de Batista. Anyway, Castro adopte donc le communisme. En réalité, il a peu de choix, puisque sa révolution est celle du peuple, des paysans, c'est une révolution de gauche supportée par la gauche. Et une fois coupé des appuis de droite et de l'appui des États-Unis, il doit bien se faire un allié, et le choix logique à cette époque, c'est l'URSS.
Impossible aujourd'hui de savoir ce que penserait le jeune Che Guevara de ce qu'est devenu Cuba et son régime, avec Fidel toujours à sa tete (meme si c'est Raul qui est officiellement Lider Maximo par interim). Che ne pourait pas etre contre la scolarité exemplaire de Cuba, ni son régime de santé parmi les meilleurs au monde, bref, il ne pourrait qu'y voir le succés d'un régime socialiste pour les programmes sociaux et les bénéfices pour les cubains.
Mais. Mais je ne peux m'empecher de me demander si à long terme, l'absence de démocratie et de liberté de voyager n'aurait pas semblé un prix trop fort à payer. Après tout, Che s'est battu pour que les gens aient leur mot à dire en politique, soient éduqués, et puissent avoir plus de controle au lieu que tout ne soit décidé par la classe suppérieure. De plus, ayant été un grand voyageur lui-meme, je vois mal comment il aurait pu, sur le long terme, accepter que les gens ne soient pas libres de voyager hors de leur pays.
Mais il s'agit de projection fort personnelle et il est ausi possible que l'évolution idéologique du Che ne l'ait mené tout simplement plus loin et retranché dans ses positions. Par contre, il faut aussi dire qu'à son époque, les régimes communistes n'avaient pas été mis à l'épreuve du temps et de l'usure du pouvoir. On a depuis constaté l'échec des régimes du type adopté en URSS ou dans d'autres pays satellites. Et rien ne dit que le Cuba communiste survivra à la mort de Fidel (espérons seulement que les cubains ne jetterons pas le bébé avec l'eau du bain s'ils adoptent un revirement).
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Vous aurez compris que pour ma part, malgré toutes les réussites du régime de Fidel Castro à Cuba, je lui reprocherai toujours de s'etre accroché au pouvoir et d'avoir installé un régime anti-démocratique. Peut-etre bien que Cuba serait dans un piètre état s'il avait déclenché et perdu des élections aux mains d'un autre dirigeant ou d'un autre parti, mais la chose aurait été un choix des cubains eux-memes. Il peut paraitre étrange de parler ainsi, mais meme si la démocratie donne parfois des résultats navrants, c'est encore le seul systeme que je considère juste, puisque ce sont les gens qui choisissent le chemin qu'empruntera leur pays. Je dirais meme que si ça va mal, alors tant pis pour eux, ça aura été leur choix.
L'autre avenue, quoi qu'anti-démocratique, est pourtant tentante, non? Imaginons un instant que dans toutes les avenues possible de la destinée de Cuba entre 1960 et aujourd'hui, la meilleure solution ait effectivement été le régime Castro. Croyant cela et/ou sachant cela (imaginons un instant un peu de surnaturel et de projection dans le futur pour les besoin de la cause), Castro aurait donc fait le meilleur choix pour Cuba. Pour utiliser à revers un vieux gag politique, il a voulu le bien des cubains et l'a eu.
Mais, une fois encore, meme si la chose peut paraitre tentante dans les faits, je demeure un partisan de la démocratie, meme si elle a des conséquences parfois abominables (Hitler a été élu démocratiquement, un exemple parmi tant d'autres, mais qui frappe toujours fort).
Mon opinion doit etre tempérée par un élément crucial, par contre. Pour que ladite démocratie fonctionne correctement, il faudrait (dans un monde idéal) que les électeurs aient toutes les informations entre les mains pour voter. Or, meme si nous ne sommes jamais dans un monde idéal, ca prend deux choses essentielles pour faire fonctionner une démocratie, et je parle ici d'information et d'éducation. L'information est néccessaire pour que l'électeur puisse prendre une décision. Son éducation est nécessaire pour qu'il puisse comprendre les enjeux dont il a l'information.
Paradoxallement, les régimes "démocratiques" souvent installés ou supportés par l'Empire américain (j'inclus dans ce terme les gouvernement relativement de droite aux USA et les grands groupes de compagnie privées avec des intérets dans les pays latinos), ces régimes, donc, par leurs politiques de droite, privent souvent la population à la fois de l'information pertinente et de l'éducation de base, puisque l'éducation, lorsque réservée à une élite, permet rapidement de prendre le controle d'une population naive et incapable de saisir les enjeux lors des élections.
D'où ma tendance à partager les opinions du Che sur les politiques en Amérique Latine.
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Ortega, les É-U, et moi.
Éducation et information, donc.
Je sais très bien que ca ne marche pas comme ca en général. Meme dans les régimes qui sont supposés etre très démocratique, il y a des manques hallucinants (l'information est tellement biaisée aux États-Unis par exemple, que G.W. Bush a été réélu en 2004 avant que les gens ne se rendent compte de ce qu'ils avaient fait!). Mais, une fois encore, c'est le meilleur systeme qui s'offre à nous, pour vivre en société démocratique.
Une brève remarque sur l'information biaisée, en me servant du président du Nicaragua actuel et sa déclaration à L'ONU de cette semaine.
Quand je parle d'information biaisée, je parle de phrasage biaisé, en particulier ou de suggestions subtiles, comme Fox News qui ne parle jamais de la Guerre en Irak, mais plutot de War against Terror.
Autre exemple (récent, je l'ai lu hier); le Miami Herald rapporte le discours de Daniel Ortega aux Nationas Unies et mentionne en passant que Ortega est ce "leader aux tendances marxistes qui a mené le Nicaragua dans une guerre civile par le passé et qui est un fidèle ami du régime cubain". Le Herald ne mentionne surtout pas que la guerre civile nicaraguayenne avait été déclenchée par les attaques des contristes, groupe alors financé par la CIA et entrainé dans des bases secrètes du nord du Costa Rica, alors que le gouvernement sandiniste d'Ortega avait été démocratiquement élu...
En passant, sur Ortega, le voir aller dans les prochains mois sera intéressant, puisque lors des élections, des observateurs trouvaient justement qu'il avait perdu de son mordant et était devenu un modéré. Son récent discours pointant l'impérialisme américain comme principale source de problèmes passés en Amérique Latine en a étonné plus d'un.
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Hugo et moi.
Ce qui me mène au tout dernier puissant héritier du Che (idéologiquement s'entend), et j'ai nommé l'actuel président du Vénézuela, Hugo Chavez.
(On me pardonnera l'omission d'Evo Morales, puisque j'ai déjà parlé de mon exploration des politiques du gouvernement Morales).
Je ne referai pas l'historique l'arrivée de Chavez au pouvoir, ni du coup d'état qui l'a vu délogé pendant 48 heures, ni du référendum forcé par l'opposition qui l'a vu sortir vainqueur, mais je mentionnerai qu'après tout ça, il a remporté ses élections de 2006 ave une large avance, confirmant une fois de plus que le peuple du Vénézuela est derrière lui en majorité. Chavez, pour le moment, donc, respecte ma condition de démocratie: il gouverne suite à une élection.
Il fait souvent la manchette, par contre, et se voit critiquer de toutes part par les médias nord-américains (étatsuniens, devrais-je dire) et ses opposants de droite.
Pourtant, pour le moment, je dois dire que Chavez s'en sort plutot bien pour le Vénézuela.
Ce que les opposants de Chavez lui reproche au juste tiens en quelques lignes: il a effectué une réforme agraire qui a vu une redistribution des terres aux cultivateurs. Qui, à part les riches propriétairs terriens, peut etre contre une telle redistribution? Il a instauré un systeme de santé gratuit (encore une fois, qui, à part ceux qui tirait profit de l'ancien systeme, peut etre contre ça?), et a aussi instauré un régime de distribution alimentaire aux plus démunis.
Ah, évidemment, il y a le dossier récent de la réforme constitutionnelle, mais une fois encore, que contient-il de si épouvantable? Voyons, en gros (ceci n'étant pas un article sur le Vénézuela et ses politiques, mais il faut bien expliquer un peu le contexte).
Il veut éliminer la limite de trois mandats présidentiels. Je n'ai rien contre. Si le peuple veut réélire le meme président, qu'y a-t-il de si terrible à ça si les élections sont démocratiques? Est-ce utile de rappeler qu'au Canada, il n'y a pas de telle limite et que l'on vit très bien avec ça? Les nationalisations de l'électricité et des télécommunications? Hydro-Québec, quelqu'un? Est-ce une décision anti-démocratique? Une fois de plus, non.
Mais le plus important en ce qui me concerne, c'est que Chavez passe ses réformes constitutionnelels projetés par un référendum. C'est clair et limpide, les gens du Vénézuela choisiront s'ils veulent ou pas de cette nouvelle constitution et en tant que démocrate, respectons leur choix. Point.
Évidemment, ce qui attire le plus l'attention chez Chavez, ce sont ses diatribes anti-US. On ne peut guère le blamer de détester les dirigeants américains (relire quelques uns de mes billets lors de ce voyage pour comprendre en quoi certains latinos en ont peut-etre plein leur casques des interventions des USA dans leur pays). Mais j'avoue qu'il n'aide pas sa cause à l'international en étant aussi intransigeant et en utilisant des termes exagérés (Traiter G.W. Bush de diable, par exemple, alors que le président américain est juste un idiot entre les mains d'habiles manipulateurs d'images et d'informations). Aussi, dans son combat contre l'impérialisme américain, Chavez fait des erreurs d'association.
Ce n'est pas parce qu'on est contre l'interventionisme américian en sol latino qu'il faut absolument appuyer tous les ennemis des États-Unis dans le monde peu importe le dossier. Son appui au régime iranien, par exemple, ne fais aucun sens et n'aide pas à lui donner de la crédibilité internationale.
Évidemment, les États-Unis accusent Chavez de vouloir déstabiliser toute l'Amérique Latine et dans un sens, ils ont raison! Chavez, avec ses nombreux traités en Amérique Latine, déstabilise la mainmise des États-Unis et des grands consortiums américains sur le continent sud-américain. De ce fait, Che Guevara aurait salué le courage politique et le bon sens de Chavez.
Et je me permets de faire de meme. (Ses ententes de rafinage pétroliers avec l'Équateur, par exemple, a permis à ce pays que j'aime beaucoup d'améliorer sa condition économique et de mieux profiter de cette ressource naturelle au lieu de la voir disparaitre au profit de consortiums américains dont les traités ont été signés il y a des décennies avec des politiciens corrompus encaissant les redevances plutot que de les verser au trésor public).
Étrangement, du meme coup, si Chavez réussi (et Evo Morales en Bolivie suit ses traces), il démontrera peut-etre qu'à notre époque, on peut encore faire une révolution non armée vers des politiques de gauche, ce qui semblait impossible à l'époque où Che voyageait en Bolivie, au Guatemala ou lors de la révolution cubaine.
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Conclusion.
Morales et Ortega ont mon appui sur leurs politiques actuelles et c'est aussi le cas pour Chavez, donc (entre Hugo, faut bien se soutenir, hehehe). Son admiration et son respect pour Fidel est compréhensible - et ses liens avec Cuba étaient souhaitables. Une fois encore, sans l'appui de l'empire américain ,vous devez avoir d'autres appuis extérieurs.
Mais comme je le mentionnais ci-haut, Fidel a traversé le point où il perd mon appui en terme de démocratie.
Pour l'instant, Chavez ne semble pas se diriger vers ce point - malgré ce qu'en disent ses détracteurs, le référendum prochain qu'il projette en est une preuve supplémentaire - et je souhaite qu'il poursuive ses réformes bolivariennes tout en respectant la démocratie.


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