dimanche 20 janvier 2008

Élections cubaines: le point de vue cubain (1)

Comme aujourd'hui, le 20 janvier 2008, c'est jour d'élections a Cuba, et que c'est la premiere fois de ma vie que je me retrouve en pays communiste lors d'élections (!), j'ai pensé consacrer un billet au point de vue des cubains de mon entourrage.
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En préparation de ce billet, j'ai donc discuté politique avec eux. Ces discussions ont eu lieu dans les jours précédant et au cours de la journée de l'élection.
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Rappel: Cuba est une république socialiste a parti unique. Les élections sont un processus par lequel la population vote pour élire ses représentant aux palliers provinciaux et nationaux. L'ensemble des élus nationaux (L'Assemblée nationale su pouvoir populaire) nomment le chef (Lider Maximo). Ce processus existe officiellement depuis la derniere modification a la constitution cubaine en 1976. Depuis 1959, le poste de Lider maximo est détenu par Fidel Castro.
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Un candidat peut se présenter sans etre membre du parti communiste (indépendant), mais ne peut pas etre membre d'un parti concurrent, puisqu'il n'y en a aucun d'autorisé. La majorité des candidats sont membres du Parti communiste.
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Mes notes et observations suivront le résumé de mes entretiens, dans le second volet de ce billet.
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Alberto, 40 ans.
Barman du Carisol, Alberto est plutot fataliste quand il pense à la vie à Cuba. Il voit passer des touristes (relativement riches) à la journée longue devant lui, alors il ne trouve pas que la vie ici est très agréable. Avant la chute de l'Union Soviétique, les choses étaient mieux, le pays était moins pauvre, "mais même dans ce temps-là, ce n'était pas exceptionnel". Alberto est père d'un enfant. Marié? "Bof", me répond-il, avec le même fatalisme que lorsqu'il parle du régime politique... Alberto est le premier à reconnaitre l'excellence des programmes sociaux cubains, mais il souhaiterait que l'économie cubaine soit plus forte, pour supporter ces programmes et que les gens aient plus d'argent. Pour Alberto, les élections n'ont aucune importance... Pourquoi faire des élections si c'est toujours pour élire la même personne?
Los hermanos (les frères, c'est ainsi que l'on parle de Fidel et Raul Castro sans les nommer quand on est un peu dissident) sont âgés... Qu'adviendra-t-il du régime et de Cuba après les Castro? D'après Alberto, rien. "Rien ne va changer... la vie continuera, bien ordinairement."
Alberto est conscient que dans un pays comme les États-Unis, une patie de la population est tres riche alors qu'une autre tres pauvre. "Aucun système n'est parfait", dit-il. "On a des bons programmes sociaux, ils ont une bonne économie".
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"Ortiz" (nom fictif, il désire demeurer anonyme), 24 ans.
Garcon de piscine deux mois par an, et guide touristique le reste du temps, Ortiz espère du changement. Définitivement opposé au régime actuel, Ortiz préfère me parler francais pour éviter que notre conversation ne soit comprise par trop de monde autour. Ce n'est pas tres bien vu de critiquer le régime révolutionnaire, ici, mais tout le monde semble assez relax malgré tout.
Ortiz rêve de liberté, mais n'arrive pas réellement à définir cette liberté en terme concret. Il refuse toute conversation sur la situation sociale des autres pays latinos, capitalistes et ayant cette "liberté" dont il rêve tant. "Ils sont pauvres, oui, mais ils sont libres" s'obstinne-t-il à répéter. Ils n'ont ni argent, ni emploi, ni systeme de santé ou d'éducation accessible, mais ils sont libres. À quoi sert cette liberté, alors, sans logement ou nourriture, parfois? Ortiz change de sujet...
Malgré qu'il estime sa vie difficile, Ortiz admet faire un salaire de 10 pesos convertible par jour. Il est bien habillé, a des lunettes de soleil neuves et recoit des pourboires - si vous êtes gentil avec les femmes, mentionne-t-il. Bref, à mes yeux, il est très loin du latino du tiers-monde que j'ai souvent croisé dans mes voyages sur le continent.
Questionné sur la criminalité à Cuba, il me dit "Comme-ci, comme-ca... Il n'y en a pas beaucoup. C'est très sécuritaire ici. Il n'y a pas de violence, jamais envers les touristes, en tout cas. La police est là pour ca."
[Je dois noter que c'est effectivement l'un des endroits où je me suis senti le plus en sécurité, même tard le soir en pleine centre ville de Santiago].
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Omar, peintre, 50 ans.
Omar ne partage pas le point de vue d'Ortiz.
Pour Omar, la vie est difficile, parfois, oui. Il n'a pas grand chose, mais Cuba a un bon système social. Il a cinquante ans et est heureux de ne jamais s'inquiéter de l'acces au systeme de santé pour ses vieux jours. Fidel? "Il n'a pas pris de vacances depuis la révolution, il mérite de se reposer!"
"Tu sais", me dit Omar, en réponse à ma question sur la qualité de vie à Cuba, "Il n'y a pas de paradis, sur Terre, ca n'existe pas."
Si Omar n'a pas connu l'avant-révolution (il est né pendant la révolution), ses parents ont connu l'époque de la dictature [supportée par les USA] et lui ont transmis leur foi en Fidel et la révolution socialiste. Foi est le mot en ce qui le concerne car parfois, pendant notre longue conversation, il s'emballe et je le perds; mon espagnol n'est pas parfait - surtout avec l'accent cubain et un peu de slang local que je n'ai pas eu le temps d'apprivoiser.
"Pauvres? Oui, mais sans problèmes. Le paradis n'existe pas, amigo".
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à suivre.

2 commentaires:

  1. Merci pour ces entrevues, c'est pas mal plus intéressant que sur le site de Radio-Canada.
    http://www.radio-canada.ca/nouvelles/International/2008/01/20/004-cuba.shtml

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  2. Bonjour, je me permet un petit commentaire à ce post, où on voit bien les différences d'opinion du peuple cubain.

    Pour bien comprendre la situation à Cuba, il faut prendre en compte le fait que les USA imposent un embargo économique très sévère contre Cuba, et ce depuis 60 ans (début de la révolution). Ils leur interdisent l'accès aux fibres optiques qui passent le long de l'île, ce qui permettrait à Cuba d'avoir un accès massif à Internet. Tout pays qui fait du commerce avec Cuba ne peut pas en faire avec les USA. Un bateau qui passe par un port cubain ne peut pas accoster dans un port étasunien pendant un certain temps. Les cubain n'ont pas accès aux médicaments qui sont produits aux USA...

    Quelques articles pour comprendre un peu mieux la situation à Cuba. Ils sont en espagnol mais la plupart ont une traduction française.

    http://tinyurl.com/2pa8rj (source gvt cubain)
    http://www.voltairenet.org/article152603.html
    http://tinyurl.com/28khft
    http://www.voltairenet.org/article154186.html
    http://www.voltairenet.org/article122880.html
    http://www.voltairenet.org/article120742.html

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