Dur automne pour l'Esprit Vagabond.
Vous aurez constaté la disette de billets - si on compare à mon habituel rythme de publication - sur ce blogue depuis quelques mois. J'ai évoqué le manque d'enthousiasme face aux politiques et politiciens de tous niveaux et face aux comportements sociaux qui ne semblent pas changer pour faire face aux problèmes qui nous envahissent (et s'aggravent de jour en jour), bref, l'impression que souvent, quand on veut s'impliquer un peu pour faire changer les choses, on prêche dans le désert ou en terrain déjà semi-conquis. À un moment, on se demande: À quoi bon?
Achille Talon aurait résumé ça en un mot: Bof!
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Puis, coup sur coup, en l'espace de deux jours, deux scientifiques de renom m'ont dit la même chose. Il faudrait peut-être que j'écoute le conseil et me remette un peu de mon désintérêt pour la chose publique de l'automne.
Ces deux scientifiques sont le linguiste américain Noam Chomsky et le biologiste et spécialiste des changements climatiques québécois Claude Villeneuve.
Rencontré par hasard au salon du livre de Montréal, Claude Villeneuve - qui a été mon professeur de biologie et écologie au Cégep! - vient de publier un essai intitulé "Est-il trop tard? Le point sur les changements climatiques". J'ai dit à Claude que j'admirais son optimisme (relatif) concernant la réaction encore possible à ce qui s'en vient, que je trouvais admirable de ne pas se décourager, baisser les bras, surtout quand on voit que le bateau de l'humanité fonce droit sur l'iceberg climatique dans l'indifférence la plus totale des dirigeants de nos pays (quand ils n'adoptent pas carrément une attitude de sabotage comme le fait le Canada).
Mon commentaire ne sortait pas de nulle part, puisque ma rencontre avec Claude, samedi dernier, coïncidait justement avec l'échec des discussions de Varsovie sur la question climatique. Claude, dont la conclusion du plus récent livre ne laisse aucun doute sur les bouleversements qui sont maintenant inévitables, demeure optimiste quand aux possibilités de "gérer l'inévitable", afin que l'on tente "d'éviter l'ingérable". Ainsi, son livre contient toute une série d'analyses scientifiques sur ce qui peut être encore fait, tout en reconnaissant que rien de concret ne sera probablement fait avant 2030, mais qu'il faut néanmoins continuer à élaborer des solutions.
À mon commentaire, Claude a répondu en disant que c'était la seule attitude possible à avoir dans les circonstances, que la seule alternative à ce positivisme relatif (qui cherche des solutions à moyen et long terme) était d'accepter que le pire ne survienne. Il faut espérer qu'on se réveille assez tôt pour pouvoir gérer ce qui se produira inévitablement, au lieu d'avoir à faire face à des crises majeures ou insurmontables. Quand on attend les crises, on règle des choses, mais énormément de gens souffrent et meurent, c'est ça qu'il faut tenter d'éviter. (Je paraphrase un peu, puisque j'écris de mémoire).
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Deux jours plus tard, je suis plongé dans un livre que j'ai acheté au salon, justement, au kiosque d'Écosociété, un éditeur québécois d'essais couvrant une large palette de sujets. Ce livre regroupe plusieurs entretiens avec le linguiste et activiste américain Noam Chomsky. Chomsky était de passage à Montréal il y a quelques semaines, et j'avais tenté d'avoir des places pour assister à sa conférence, mais malheureusement, quand j'ai appris sa présence ici, la conférence affichait déjà complet. C'est donc deux jours après mon court entretien avec Claude Villeneuve, que des propos similaires de Chomsky - tenus quinze ans plus tôt - me sont parvenus par la magie des livres.
L'intervieweur - le professeur et auteur québécois Normand Baillargeon - demande carrément à Chomsky comment il fait pour se montre encore relativement optimiste face à des situations politico-économiques aussi décourageantes que ce que l'on observe dans le monde depuis des années [rappel: ces situations se sont aggravées partout dans le monde dans les quinze ans écoulées depuis la tenue de cet interview (1)]. Chomsky répond ceci: "J'ai deux possibilités: la première est d'assumer qu'il est possible d'améliorer les choses, la seconde, qu'il n'y a rien à faire. À partir de là, c'est le pari de Pascal. Si j'opte pour la deuxième option, si je considère qu'on ne peut rien faire, alors on peut garantir que le pire va survenir. Si je fais le choix optimiste, alors peut-être que ça va changer. On ne sait rien d'autre." (2)
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Aussi bien me retrousser les manches et continuer...
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Références:
Est-il trop tard? Le point sur les changements climatiques, Claude Villeneuve, Multimondes, Québec, 2013.
Entretiens avec Chomsky, Normand Baillargeon et David Barsamian, seconde édition, Écosociété, Montréal, 2002.
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Notes:
(1) On parle ici en général des écarts de plus en plus importants entre riches et pauvres, de la dégradation constante des filets sociaux, de la concentration de la richesse, des impacts de ces politiques sur les changements climatiques, du recul démocratique (au sens du relatif contrôle des politiques étatiques par le peuple), etc.
(2) Le pari de Pascal: Tiré des Pensées du scientifique et philosophe français du 17e siècle Blaise Pascal, le pari de Pascal porte sur l'existence ou non de Dieu, mais on peut aussi en résumer l'argumentaire et l'utiliser à d'autres questions philosophiques (ce que fait ici Chomsky), par: "Si vous gagnez, vous gagnez tout; si vous perdez, vous ne perdez rien".
Vous aurez constaté la disette de billets - si on compare à mon habituel rythme de publication - sur ce blogue depuis quelques mois. J'ai évoqué le manque d'enthousiasme face aux politiques et politiciens de tous niveaux et face aux comportements sociaux qui ne semblent pas changer pour faire face aux problèmes qui nous envahissent (et s'aggravent de jour en jour), bref, l'impression que souvent, quand on veut s'impliquer un peu pour faire changer les choses, on prêche dans le désert ou en terrain déjà semi-conquis. À un moment, on se demande: À quoi bon?
Achille Talon aurait résumé ça en un mot: Bof!
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Puis, coup sur coup, en l'espace de deux jours, deux scientifiques de renom m'ont dit la même chose. Il faudrait peut-être que j'écoute le conseil et me remette un peu de mon désintérêt pour la chose publique de l'automne.
Ces deux scientifiques sont le linguiste américain Noam Chomsky et le biologiste et spécialiste des changements climatiques québécois Claude Villeneuve.
Rencontré par hasard au salon du livre de Montréal, Claude Villeneuve - qui a été mon professeur de biologie et écologie au Cégep! - vient de publier un essai intitulé "Est-il trop tard? Le point sur les changements climatiques". J'ai dit à Claude que j'admirais son optimisme (relatif) concernant la réaction encore possible à ce qui s'en vient, que je trouvais admirable de ne pas se décourager, baisser les bras, surtout quand on voit que le bateau de l'humanité fonce droit sur l'iceberg climatique dans l'indifférence la plus totale des dirigeants de nos pays (quand ils n'adoptent pas carrément une attitude de sabotage comme le fait le Canada).
Mon commentaire ne sortait pas de nulle part, puisque ma rencontre avec Claude, samedi dernier, coïncidait justement avec l'échec des discussions de Varsovie sur la question climatique. Claude, dont la conclusion du plus récent livre ne laisse aucun doute sur les bouleversements qui sont maintenant inévitables, demeure optimiste quand aux possibilités de "gérer l'inévitable", afin que l'on tente "d'éviter l'ingérable". Ainsi, son livre contient toute une série d'analyses scientifiques sur ce qui peut être encore fait, tout en reconnaissant que rien de concret ne sera probablement fait avant 2030, mais qu'il faut néanmoins continuer à élaborer des solutions.
À mon commentaire, Claude a répondu en disant que c'était la seule attitude possible à avoir dans les circonstances, que la seule alternative à ce positivisme relatif (qui cherche des solutions à moyen et long terme) était d'accepter que le pire ne survienne. Il faut espérer qu'on se réveille assez tôt pour pouvoir gérer ce qui se produira inévitablement, au lieu d'avoir à faire face à des crises majeures ou insurmontables. Quand on attend les crises, on règle des choses, mais énormément de gens souffrent et meurent, c'est ça qu'il faut tenter d'éviter. (Je paraphrase un peu, puisque j'écris de mémoire).
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Deux jours plus tard, je suis plongé dans un livre que j'ai acheté au salon, justement, au kiosque d'Écosociété, un éditeur québécois d'essais couvrant une large palette de sujets. Ce livre regroupe plusieurs entretiens avec le linguiste et activiste américain Noam Chomsky. Chomsky était de passage à Montréal il y a quelques semaines, et j'avais tenté d'avoir des places pour assister à sa conférence, mais malheureusement, quand j'ai appris sa présence ici, la conférence affichait déjà complet. C'est donc deux jours après mon court entretien avec Claude Villeneuve, que des propos similaires de Chomsky - tenus quinze ans plus tôt - me sont parvenus par la magie des livres.
L'intervieweur - le professeur et auteur québécois Normand Baillargeon - demande carrément à Chomsky comment il fait pour se montre encore relativement optimiste face à des situations politico-économiques aussi décourageantes que ce que l'on observe dans le monde depuis des années [rappel: ces situations se sont aggravées partout dans le monde dans les quinze ans écoulées depuis la tenue de cet interview (1)]. Chomsky répond ceci: "J'ai deux possibilités: la première est d'assumer qu'il est possible d'améliorer les choses, la seconde, qu'il n'y a rien à faire. À partir de là, c'est le pari de Pascal. Si j'opte pour la deuxième option, si je considère qu'on ne peut rien faire, alors on peut garantir que le pire va survenir. Si je fais le choix optimiste, alors peut-être que ça va changer. On ne sait rien d'autre." (2)
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Aussi bien me retrousser les manches et continuer...
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Références:
Est-il trop tard? Le point sur les changements climatiques, Claude Villeneuve, Multimondes, Québec, 2013.
Entretiens avec Chomsky, Normand Baillargeon et David Barsamian, seconde édition, Écosociété, Montréal, 2002.
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Notes:
(1) On parle ici en général des écarts de plus en plus importants entre riches et pauvres, de la dégradation constante des filets sociaux, de la concentration de la richesse, des impacts de ces politiques sur les changements climatiques, du recul démocratique (au sens du relatif contrôle des politiques étatiques par le peuple), etc.
(2) Le pari de Pascal: Tiré des Pensées du scientifique et philosophe français du 17e siècle Blaise Pascal, le pari de Pascal porte sur l'existence ou non de Dieu, mais on peut aussi en résumer l'argumentaire et l'utiliser à d'autres questions philosophiques (ce que fait ici Chomsky), par: "Si vous gagnez, vous gagnez tout; si vous perdez, vous ne perdez rien".
Très intéressant. J'aime bien ce Chomsky ; il est venu d'ailleurs à Montréal tout récemment !
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