jeudi 27 octobre 2022

Salmigondis siciliens, journal de voyage, jour 76

Oranger, Taormina.
Une des choses les plus frustrantes en voyage, c'est de ne pas avoir assez de temps pour tout écrire de mes journées. Je sais que la mémoire ne peut pas se souvenir de tous les détails de chaque jour et de chaque anecdote, de chaque monument, ou de chaque visite. Le fait d'écrire un journal de voyage et de prendre des photos, les trier, les regarder et choisir celles qui accompagneront mes textes sur ce journal, ces activités d'écriture et de regard sur photos me permettent de mieux fixer le moment, la journée, dans ma mémoire.
Plusieurs de mes compagnons de voyage s'étonnent de comment j'ai bonne mémoire quand nous évoquons des anecdotes ou moments ou lieu visités ensembles. Je ne pense pas que ma mémoire soit si exceptionnelle, mais l'exercice de fixation de souvenirs que représente l'écriture me permet de mieux me souvenir par la suite.

Plante en pot. Taormina.
Le manque de temps, donc. Je suis parti il y a 76 jours et j'ai écris/publié 78 billets/extraits sur ce journal pendant ces 76 jours. À peu de choses près, c'est un billet par jour. Historiquement, ça demandait beaucoup plus d'efforts qu'aujourd'hui, puisqu'il n'y a pas si longtemps, il fallait aussi dénicher des cafés internet pour pouvoir mettre en ligne mes réflexions et commentaires de voyage. Aujourd'hui, le wifi étant partout et surtout dans les lieux d'hébergement, ça facilite beaucoup l'organisation (tri de photos, réduction de tailles des fichiers pour publication en ligne, composition sur un clavier qui a de l'allure, et j'en passe).
Reste qu'il faut quand même prendre le temps, le soir venu, après les ablutions habituelles, les backups de photos, le suivi de mon budget de voyage, il faut prendre du temps pour réfléchir à ma journée, écrire, trier les photos, bref...
Pendant ce voyage-ci, j'avais cru que les séjours prolongé à Bologne et Florence permettraient de mieux réfléchir au voyage, et d'alimenter de textes plus approfondis ce journal, mais on dirait que le désir de fixer également dans ma mémoire les lieux visités et les images captées a finalement pris un peu le dessus sur la réflexion sur le voyage.

Gare de Taormina-Giardini.
À ma défense, il faut dire que la ville où je me trouve (Syracuse, au sud-est de la Sicile) est le 38 ou 39e endroit visité (cité, ville, village) depuis le début du voyage. Ça me donne une moyenne d'un nouveau lieu ou une nouvelle ville chaque deux jours depuis 76 jours. Ça laisse peu de temps une fois qu'on tient compte des tâches quotidiennes, de l'organisation en cours de route (planifier transports, hébergements, nourriture, cuisiner des repas, et faire ces ablutions quotidiennes) et des visites de sites intéressants.
Par un hasard (et un peu de fatigue), je me retrouve ce soir avec un peu plus de temps que de coutume, d'où ce billet un peu plus long (et écrit!) que les autres et qui j'en ai peur, partira dans plusieurs directions.
Une note sur les photos l'accompagnant: elles ont été prises à Taormina et Syracuse, une l'a été par Suze (crédit photo), celle où j'apparais.
D'ailleurs, je constate souvent que si ma compagne n'était pas là, on pourrait croire que j'ai inventé ce voyage et piqué des photos sur l'internet pour prétendre que je me balade; j'apparais très très rarement sur mes propres photos; un selfie occasionnel par semaine semble une habitude, mais sans plus, on dirait. Donc merci à Suze d'accumuler quelques preuves de mon passages en ces terres européennes en 2022.
Dans le train nous menant de Toarmina à Syracuse aujourd'hui, j'ai eu deux réflexions sur mn voyage - et sur le voyage. La première, c'est la réalisation récente qu'à Syracuse, nous allions nous retrouver à environ 3000 km de notre point de départ d'il y a 76 jours; Copenhague. Étrangement, Syracuse, qui n'était plus du tout dans les plans au moment d'entreprendre ce périple, avait été clairement sur l'itinéraire du projet initial de ce voyage, imaginé il y a plus de 15-16 mois déjà.

Chaton, Syracuse.
Au début, quand toute l'idée de ce voyage était un peu flou et que tout était sur la table à dessin, j'avais pensé refaire quasi à l'identique le premier voyage en indépendant, celui de 2003. À part l'intérêt des souvenirs, de revisiter quelques lieux aimés et jamais revisités, cette idée avait plusieurs défauts: ne rien voir de totalement nouveau (malgré le passage du temps et les villes qui changent) et revoir certains endroits qui ne valent peut-être pas la peine d'être revu. En plus, il y avait le risque bien réel d'être juste déçu de certains lieux, ou de se rendre compte que des endroits aimés s'étaient détériorés, et en gâcher le bon souvenir.
On a donc décidé de faire un autre voyage, quitte à revisiter certains lieux, et Berlin est devenu le symbole de ces (re)visites imaginées: une ville que nous n'avions jamais revu depuis 2003... Un des scénarios imaginés était de partir de Berlin, passer vers l'est, parcourir la Pologne et descendre dans l'est de la Slovaquie et se rendre dans les Balkans, avant de traverser dans le sud de l'Italie et donc aboutir en Sicile vers la fin du voyage. Cet itinéraire nous faisait passer par l'ouest de l'Ukraine et évidemment, ce plan-là est tombé à l'eau pour des raisons évidentes. Aussi, les déplacements (et changements d'hébergement) aux 1-3 jours, les hostels avec lits en dortoirs, ça impliquait que la pandémie de COVID serait terminée, ce qui ne fut malheureusement pas le cas avant que nous ayons à penser le voyage pour de vrai. 

Fin de journée, Syracuse.
Nous avons donc entrepris notre voyage en partant du nord vers le sud, en 5 étapes dont les étapes 2 et 4 seraient des séjours prolongés au même endroit (Bologne et Florence), d'où nous explorerions les environs avec un port d'attache fixe, réduisant donc les risques côté hébergements. À ce moment-là, nous pensions passer un mois complet à Florence, puis passer quelques jours à Rome (étape 5) en fin de voyage. En quittant Florence plus tôt, nous nous sommes retrouvés avec juste assez de temps pour que l'idée d'aller explorer (au moins un peu de) la côte sicilienne revienne dans le plan de voyage. Comme quoi, même après 72 jours, le plan de voyage continue d'évoluer au rythme de nos improvisations.
La seconde réalisation que j'ai eu pendant mon trajet aujourd'hui est reliée à une réflexion sur la dématérialisation des artefacts et sur les divers guides de voyage que j'avais eue lors de mon voyage en Scandinavie. 
Afin de sauver du temps dans les aéroports au départ et à l'arrivée, et afin d'éviter tout problème de bagages reliés au "chaos" qu'il y avait dans certains aéroports lors de notre départ (Montréal, pour en nommer un), nous avons décidé de partir avec un sac à dis petit (30 litre) donc un sac qui est accepté dans les avions comme bagage de cabine. Aucun bagage en soute. Pour se faire, il a fallu faire des choix dans les bagages et un de ces choix a été «d'apporter» les 2 livres-guides sous forme de livre numérique plutôt que papier.

Chat, Syracuse.
J'ai eu beau tout faire pour m'habituer à consulter le guide sur mon iPad, rien à faire, son format, sa navigation, ses cartes, etc. tout est plus long et pénible à trouver dans la version électronique. Avec le guide papier, facile de mettre des notes partout, de barbouiller, de corner les pages (oui je sais, on peut faire des "signets virtuels" et des "notes" aussi en PDF, mais c'est parfois plus compliqué encore de s'y retrouver, car on ne peut pas les classer nous-mêmes, l'app faisant ça pour nous dans l'ordre qu'elle désire). Le pire, s'est que l'app étant la même que pour les autres livres (romans et recueils pour lecture dans le train, par exemple), il faut d'abord fermer le livre en cours, ouvrir le guide, trouver l'endroit que l'on cherche, tout ça est plus long et pénible qu'en ouvrant simplement le livre format papier.
Bon, à part cet inconvénient, qui valait la peine malgré tout pour avoir un bagage plus léger et de l'Espace pour tout, il y a le guide lui-même... J'avais noté la diminution de l'intérêt pour voyager avec un guide de voyage - je l'ai toujours fait, depuis mes tout début en indépendant, et avant la Scandinavie en 2015, j'avais toujours apprécié et beaucoup utilisé mes guides. Certains sont usés à l'os.
Ceux de 2022 ne le seront pas réellement. Bon, je sais, on use pas un livre numérique, mais reste que même papier, ils n'auraient pas été aussi usés que les autres.

Coucher de soleil, Syracuse.
Accessoirement, c'est triste, mais dans ma bibliothèque de guides de voyage - qui reflète les endroits o je suis allé vagabonder dans le monde - on ne retrouvera pas les deux exemplaires actuels puisqu'ils sont dématérialisés.
Sinon, le guide principal (Italie, le pays où nous sommes restés le plus longtemps) s'est avéré une déception. Je crois que ça a surtout à voir avec le public-cible de ce guide (le Rough Guide) qui s'adresse en partie à une clientèle qui voyage dans plus de luxe que moi (hôtels, listes de restos dispendieux, endroits où sortir dans les discothèques, bar, etc.) et en partie à cause de la prémisse que quiconque visite l'Italie devait absolument tout savoir sur chaque tableau ou chaque sculpture qui orne chaque site ou lieu visité. Lire 18 pages sur une peinture dans une chapelle dans une ville est un peu trop pour ce vagabond-ci: je préfère de loin voir ladite peinture. Aussi, le(s) auteur(s) se contente d'aligner une liste de sites touristiques par ville... parfois, l'intérêt de l'endroit repose sur l'ambiance, l'architecture d'ensemble (pas nécessairement un édifice spécifique)... Il ressort de ces biais que ce guide s'est avéré décevant.
Pire, lors de notre séjour à Florence, on est tombé par hasard sur une très vieille édition du guide "Let's Go", datant de 1999 et ce vieux guide nous a beaucoup plus servi que notre édition Rough Guide de 2022!
Je réalise que je blablate un peu - dans quelques années, ça sera peut-être intéressant quand même à relire pour me souvenir dans quel état d'esprit j'étais à ce stade du voyage.
J'aimerais poursuivre mes réflexions - je le ferai peut-être éventuellement - mais le temps, ce satané temps, commence à filer à nouveau. Et je réalise qu'à part le titre de ce billet, j'ai peu parlé de la Sicile... heureusement qu'il y a des photos :-).

En descendant vers la Gare, Taormina.
La fatigue du jour pèse un peu aussi sur les touches du clavier et me rappelle que peu importe la mémoire et l'incapacité de fixer à jamais nos souvenirs pour ne pas les égarer, il faut aussi vivre l'instant et ma foi, en cette soirée de notre 76e jour de voyage, je me dis que ce que j'ai déjà hâte de faire, c'est continuer pour une 77e journée demain... 

À suivre donc.


- Journal de voyage, 27 octobre 2022, jour 76.


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