samedi 1 octobre 2011

Café de Flore

J'ai eu la chance de voir le dernier film de Jean-Marc Vallée, un réalisateur dont je ne cesse de penser du bien. Vallée était déjà l'auteur du très bon Liste noire, que je considère comme le premier polar moderne québécois, puis du superbe C.R.A.Z.Y., réalisé 10 ans plus tard et dont tout le monde se souviens. Moins de gens auront vu son tout aussi beau Young Victoria, mais en ce qui me concerne, son nom seul au générique suffit à me convaincre de voir un film.
C'était donc le cas de Café de Flore, sorti fin septembre.
Vallée signe ici un film touchant (et parfois bouleversant) qui raconte une histoire qui relie deux époques. La première; le Montréal de 2010, nous fait suivre la vie d'Antoine, qui a quitté sa femme Carole deux ans auparavant pour vivre une relation passionnée avec Rose. L'impact de ce choix sur ses relations avec Rose, Carole, ses deux filles et ses parents est exploré à travers une série de scènes intimistes, parfois sans dialogues, et entrecoupées des plongées dans la musique d'Antoine, qui travaille comme DJ.
La seconde époque est le Paris des années 60, dans lequel Jacqueline, mère monoparentale, tente d'élever au meilleur de son potentiel son fils Laurent, trisomique. La relation entre les deux - et avec leur entourage - est également explorée via des scènes et images parfois un peu oniriques.
En plus de raconter ses deux histoires en parallèle et de superposer quelques scènes de l'une et l'autre, chacune des époques est montrée de manière déconstruite; Vallée entraîne le spectateur dans une série de flashbacks et de réminiscences d'Antoine, Jacqueline et Carole, en plus des rêves de cette dernière. Aussi, le réalisateur ne se gène pas pour intégrer plusieurs scènes contemplatives, faisant de son film une oeuvre plus audacieuse que la plupart des films à la narration active et linéaire.
On aura donc compris que ce n'est pas un film pour spectateur paresseux. Il y a tout de même quelques compromis comme une narration en voix off dans les premières minutes du film, ainsi que quelques sous-titres indicatifs (comme "deux ans plus tôt"). Le film aurait pu se passer de ces artifices, mais j'imagine que le cinéaste a voulu être prudent avec un film déjà déconstruit et aux scènes entrelacées.
La musique est omniprésente et est aussi importante qu'un personnage principal; le titre du film fait d'ailleurs référence à une chanson qui enveloppe le film et constitue l'un des fils conducteurs entre les deux époques. La lumière quasi surnaturelle qui éclaire certaines scènes, et une incursion aussi légère que subtile dans le fantastique, n'étaient pas pour me déplaire non plus. Enfin, le scénario fait preuve d'une grande habileté et d'une économie de dialogues que l'on voit rarement au cinéma quand on ne veut pas tomber dans l'expérimental. Café de Flore est un film qui suggère plus que n'explique, mais le spectateur est loin de rester sur sa faim.
Le montage du film est particulièrement intelligent, avec des brisures là où on ne les attends pas, des coupures de rythme ou de musique, des images intercalées et des liens subtils entre les époques, liens qui viendront ficeler une finale aussi cohérente que satisfaisante.
On ressort de la projection étrangement serein malgré la tristesse de certaines scènes, autre preuve que l'on peut faire un beau et bon film dramatique sans pour autant déprimer son spectateur.
Vous aurez donc compris que comme les films précédents de Vallée, je recommande Café de Flore sans aucune réserve.
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