Introduction: Le FMI et la gauche latino
Alors que je parcourais l'Amérique du Sud, en 2007, mon exploration m'a porté à me pencher sur les questions culturelles et sociales autant que de profiter du paysage et des sites historiques et touristiques. Cette incursion en culture et politique latino-américaine me rappelle souvent que j'avais été étonné d'un commentaire d'Hugo Chavez, qui traitait le Fond Monétaire International et la Banque Mondiale de voleurs à la solde des impérialistes, attribuant au FMI le surnom de "Dracula". Chavez adopte souvent un ton outré, théâtral et outrancier quand il dénonce les politiques américaines envers l'Amérique Latine - et l'histoire passée lui donne raison - mais son commentaire me revient souvent à l'esprit quand j'entend parler du FMI.
Dans le pays qui était à la fois mon point de départ et d'arrivée en 2007, l'Équateur, le président Rafael Correa était un autre acteur de la scène politique latino a dénoncer le FMI. Correa est lui-même économiste, formé au baccalauréat en scènces économique à l'université de Guayaquil, il a une maîtrise (de l'université de Louvain en Belgique) ainsi qu'un doctorat (de l'université Urbana en Illinois). Il est donc plus difficile à discréditer que Chavez quand il parle de macro-économie et émet des critiques articulées à propos des théories néolibérales.
Voici donc un billet sur des réflexions qui mijotent depuis fort longtemps.
Au printemps dernier, j'ai plongé dans un certain nombre d'articles scientifiques concernant les interventions du Fond Monétaire International (FMI), suite à la suggestion de mon amie Suze, qui effectuait une recherche sur la question, et qui a visé juste en me disant que ces articles m'intéresseraient. Entre autres éléments d'intérêt, j'ai eu l'impression que le FMI, avec ses politiques clairement néolibérales, avait involontairement formé un beau laboratoire duquel on devrait tirer des leçons. La question est: Le fait-on? La réponse sera en fait le sujet d'un billet subséquent. Comme je ferai écho à ce que j'appelle le "laboratoire" FMI dans cette réponse, voici un survol de ce que je retiens des articles que j'ai lus sur la question (1).
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Observations sur le "laboratoire" FMI
Au cours des trois dernières décennies, de nombreux pays ont fait appel au Fond Monétaire International (FMI) à titre d’emprunteurs. Or les prêts accordés par le FMI sont sujets à diverses conditions. Les règles du FMI sont clairement énoncées par celui-ci: «Lorsqu'un pays emprunte auprès du FMI, ses autorités acceptent d'ajuster leurs politiques économiques». L’idéologie dominante des ajustements structurels repose sur le principe de l’efficience du marché libre et de l’intervention gouvernementale réduite au minimum. La "conditionnalité", telle que pratiquée par le FMI, est donc soutenue par le néolibéralisme.
Depuis l'instauration de ces pratiques économiques "forcées" auprès des pays emprunteurs, il existe une très vaste littérature scientifique analysant les impacts de ces politiques sur divers aspects économiques et sociaux. Une vaste littérature critique, qui démontre un très large éventail de problématiques dues à ces conditions.
Suze (2) note que selon de nombreux chercheurs, la réduction de l’intervention de l’état empêche les gouvernements de mettre en place des politiques de développement adaptées à leur population et leur situation nationale. La promotion de régimes d’austérité a aussi eu pour conséquence d’augmenter les risques de conflits civils et de répression, les pays ayant réussis le mieux à réduire leur niveau de pauvreté sont justement ceux qui ont le plus contrôlé leur économie et résisté à la libéralisation. Les régimes d’austérité engendrent aussi des diminutions de services en santé publique et en éducation. Joseph Stiglitz, un ex-économiste en chef de la Banque Mondiale qui n'hésite pas à dénoncer les politiques néolibérales, donne d’ailleurs quelques exemples de ce phénomène: Disillusion with the international system of globalization under the aegis of the IMF grows as the poor in Indonesia, Morocco, or Papua New Guinea have fuel and food subsidies cut, as those in Thailand see AIDS increase as a result of IMF-forced cutbacks in health expenditures .
Enfin, les critiques des condition imposées par le FMI font également ressortir les effets des ajustements structurels sur la démocratie, puisque l’imposition de conditions aussi drastiques que les politiques néolibérales entre en contradiction avec le principe de souveraineté des peuples. En effet, en imposant ses vues et ses politiques économiques, le FMI se substitue à l’expression de la volonté du peuple (l'exemple actuel de la Grèce est patent; ce ne sont plus les élus grecs qui décident de comment gérer les finances du pays, ils ne peuvent plus qu'appliquer les exigences de leurs créanciers). D'ailleurs, un rapport de la CNUCED identifie treize pays d’Afrique ayant signé des programmes d’ajustements structurels en 1999 et 2000, les soumettant à 114 conditionnalités, desquelles 75% étaient reliées à la gouvernance.
Nonobstant ces effets "secondaires", l'aide du FMI aide-t-elle véritablement les pays en développement qui y ont fait appel? On note que plusieurs pays ont signés des programmes à répétition sans voir leur économie s’améliorer pour autant. Suze souligne que les exemples de la Côte d’Ivoire (26 programmes) et la Bolivie (17) sont frappants. Et l’Argentine a été plongée dans la pire crise économique de son histoire alors qu’elle avait appliqué les "ajustements structurels" du FMI pendant ses 30 programmes consécutifs! En Afrique, c’est pendant la période 1980-1999 que l’ampleur des prêts accordés par le FMI par ses programmes d’ajustements structurels a réellement explosé. Plusieurs pays se sont alors vus lourdement endettés auprès du FMI, dont l’intervention s’est avérée massive pour les pays du continent. La plupart des pays d’Afrique ont donc vu leur dette augmenter significativement et leur dépendance à l’aide conditionnelle augmenter d’autant, les enfermant dans un cercle vicieux.
Les auteurs qui défendent la position néolibérale du FMI n'ont que très peu d'arguments pour tenter de contrer les nombreuses études révélant les effets pervers des programmes. Leur argument principal tient généralement au fait que les conditions n'ont pas été entièrement appliquées par les pays emprunteurs.
Mais cet argument est faible. Car plusieurs auteurs citent de nombreux contre-exemples, comme la Bolivie et l’Argentine, qui ont été parmi les pays à suivre le plus les conditions imposées par le FMI. Les résultats étaient pourtant aux antipodes des objectifs du FMI. Après des années de crise, la Bolivie a fini par se sortir du marasme en effectuant un virage à 180 degrés de ses politiques économiques et en abandonnant les programmes du FMI après l'arrivée du gouvernement de gauche d'Evo Morales. En Argentine, pour sortir le pays de la crise, le gouvernement de Nestor Kirchner a adopté des politiques sociales et économiques en contradiction avec plusieurs des ajustements structurels. Suite à une visite en Argentine, le directeur général du FMI de l'époque, le désormais tristement célèbre Dominique Strauss-Kahn, mentionnait même: «Following the strong economic recovery of recent years, the challenge now is to continue to improve, in a lasting way, the living standards of all the Argentine people».
D'autres auteurs défendent le FMI en disant que depuis quelques années, l'organisation internationale a adouci son programme. Si ceci est vrai dans les statuts du FMI, où l'on parle d'une réduction des conditions qui ne sont pas essentielles et vers une conception faite sur mesure pour les pays signataires, le nombre de conditions et leur nature ne semble pas avoir changé significativement dans les faits.
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FMI comme instrument des États-Unis?
Plusieurs observateurs soulignent que les échecs des réformes découlent de la structure même du FMI; c’est la répartition du pouvoir décisionnel au FMI qui dicte son orientation économique et politique et non l’opinion de ses membres exprimée démocratiquement. Les statuts du FMI stipulent que toute modification à la charte du fond demande l’approbation de trois cinquième de ses membres, représentant au moins 85% du vote. Comme les Etats-Unis représentent à eux-seuls plus de 15% des voix, le pays détient de fait un veto sur toutes les politiques du FMI, ce qui nous ramène au commentaire de Chavez selon qui le FMI est un simple instrument sous la gouverne de la politique américaine.
Dans ses recherches, Suze souligne: En mars 2009, lors d’une conférence en Tanzanie, le président Jakaya Kikwete rappelait que dès le début des années 80 «beaucoup à l'époque considéraient le fait d'accepter les diktats du FMI comme un reniement des acquis de l'indépendance» . Or cet interventionnisme du FMI n’est pas léger . Le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn réagissait au mouvement de contestation du FMI qui s’est développé en Afrique. «Il y a un problème d'image […] ça atteint un niveau qui nous empêche de faire notre travail. […] c'est devenu impossible pour certains gouvernements de dire à la population de leurs pays qu'ils vont s'adresser au FMI» . Derrière une volonté de conciliation, ce commentaire soulève une question essentielle, car on est en mesure de se demander quel est le degré de démocratie d’un pays dont le gouvernement ne peut dire à sa population la nature des emprunts qu’il négocie, et quelles en sont les conditions.
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Conclusion: Que retient-on de ce laboratoire?
Les politiques imposées par le FMI aux pays emprunteurs nous fournissent donc un laboratoire d'économie néolibérale. On voit l'ensemble des effets de ces politiques, leurs forces et faiblesses, et on peut donc en tirer des conclusions et décider si on devrait ou non implémenter ce genre de politique chez nous. Autrement dit, se servir de ces nombreuses études sur 30 ans de politiques néolibérales et en tirer des leçons. Je posais la question en introduction: Le fait-on? La réponse suivra dans un billet subséquent.
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Notes
(1) Le sujet des résultats des politiques imposées par le FMI aux pays en développement est vaste et a fait l'objet de très nombreuses études. Nous parlons ici d'études empiriques scientifiques, avec des modèles mathématiques avancés appliqués à des données nombreuses sur une très longue période. Je ne fais ici qu'un bref survol des études que j'ai consultées (voir la liste dans mes sources, ci-bas).
(2) Outre les éléments cités, j'ai emprunté quelques passages aux textes de mon amie Suze, avec son aimable autorisation, que j'ai intégré à mes propres observations.
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Sources citées
- Fond Monétaire International, En ligne.
- Nadeau, Suzie, «Aide et conditionalité: le FMI aide-t-il vraiment les pays emprunteurs?» (2011) et
«FMI et démocratie en Afrique: la spécificité du Ghana» (2011).
- Stiglitz, Joseph E., Globalization and its Discontents (New York: W. W. Norton & Company, 2002), 20.
- Agence France Presse, «L'Afrique méfiante face au FMI et au souvenir des "ajustements structurels"», (2009)
- Abouharb, M. R. and David L. Cingranelli. 2006. "The Human Rights Effects of World Bank Structural Adjustment, 1981-2000." International Studies Quarterly 50(2):233-262
- Babb, Sarah. 2005. "The Social Consequences of Structural Adjustment: Recent Evidence and Current Debates." Annual Review of Sociology 31:199-222
- Bond, Patrick. 2004. "Should the World Bank and IMF be 'Fixed' Or 'Nixed'? Reformist Posturing and Popular Resistance." Capitalism, Nature, Socialism 15(2):85-106
- Easterly, William. 2005. "What did Structural Adjustment Adjust? The Association of Policies and Growth with Repeated IMF and World Bank Adjustment Loans." Journal of Development Economics 76(1):1-22
- Hilary, John. 2010. "Africa: Dead Aid and the Return of Neoliberalism." Race and Class 52(2):79-84
- Kapur, Devesh and Moisés Naím. 2005. "The IMF and Democratic Governance." Journal of Democracy 16(1):89-102
- Lloyd, Vincent and Robert Weissman. 2002. "How International Monetary Fund and World Bank Policies Undermine Labor Power and Rights." International Journal of Health Services 81(3):433-442
- Montinola, Gabriella R. 2010. "When does Aid Conditionality Work?" Studies in Comparative International Development 45(3):358-382
- Ndulo, Muna. 2003. "The Democratization Process and Structural Adjustment in Africa." Indiana Journal of Global Legal Studies 10(1):315-368
Alors que je parcourais l'Amérique du Sud, en 2007, mon exploration m'a porté à me pencher sur les questions culturelles et sociales autant que de profiter du paysage et des sites historiques et touristiques. Cette incursion en culture et politique latino-américaine me rappelle souvent que j'avais été étonné d'un commentaire d'Hugo Chavez, qui traitait le Fond Monétaire International et la Banque Mondiale de voleurs à la solde des impérialistes, attribuant au FMI le surnom de "Dracula". Chavez adopte souvent un ton outré, théâtral et outrancier quand il dénonce les politiques américaines envers l'Amérique Latine - et l'histoire passée lui donne raison - mais son commentaire me revient souvent à l'esprit quand j'entend parler du FMI.
Dans le pays qui était à la fois mon point de départ et d'arrivée en 2007, l'Équateur, le président Rafael Correa était un autre acteur de la scène politique latino a dénoncer le FMI. Correa est lui-même économiste, formé au baccalauréat en scènces économique à l'université de Guayaquil, il a une maîtrise (de l'université de Louvain en Belgique) ainsi qu'un doctorat (de l'université Urbana en Illinois). Il est donc plus difficile à discréditer que Chavez quand il parle de macro-économie et émet des critiques articulées à propos des théories néolibérales.
Voici donc un billet sur des réflexions qui mijotent depuis fort longtemps.
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Lectures de printempsAu printemps dernier, j'ai plongé dans un certain nombre d'articles scientifiques concernant les interventions du Fond Monétaire International (FMI), suite à la suggestion de mon amie Suze, qui effectuait une recherche sur la question, et qui a visé juste en me disant que ces articles m'intéresseraient. Entre autres éléments d'intérêt, j'ai eu l'impression que le FMI, avec ses politiques clairement néolibérales, avait involontairement formé un beau laboratoire duquel on devrait tirer des leçons. La question est: Le fait-on? La réponse sera en fait le sujet d'un billet subséquent. Comme je ferai écho à ce que j'appelle le "laboratoire" FMI dans cette réponse, voici un survol de ce que je retiens des articles que j'ai lus sur la question (1).
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Observations sur le "laboratoire" FMI
Au cours des trois dernières décennies, de nombreux pays ont fait appel au Fond Monétaire International (FMI) à titre d’emprunteurs. Or les prêts accordés par le FMI sont sujets à diverses conditions. Les règles du FMI sont clairement énoncées par celui-ci: «Lorsqu'un pays emprunte auprès du FMI, ses autorités acceptent d'ajuster leurs politiques économiques». L’idéologie dominante des ajustements structurels repose sur le principe de l’efficience du marché libre et de l’intervention gouvernementale réduite au minimum. La "conditionnalité", telle que pratiquée par le FMI, est donc soutenue par le néolibéralisme.
Depuis l'instauration de ces pratiques économiques "forcées" auprès des pays emprunteurs, il existe une très vaste littérature scientifique analysant les impacts de ces politiques sur divers aspects économiques et sociaux. Une vaste littérature critique, qui démontre un très large éventail de problématiques dues à ces conditions.
Suze (2) note que selon de nombreux chercheurs, la réduction de l’intervention de l’état empêche les gouvernements de mettre en place des politiques de développement adaptées à leur population et leur situation nationale. La promotion de régimes d’austérité a aussi eu pour conséquence d’augmenter les risques de conflits civils et de répression, les pays ayant réussis le mieux à réduire leur niveau de pauvreté sont justement ceux qui ont le plus contrôlé leur économie et résisté à la libéralisation. Les régimes d’austérité engendrent aussi des diminutions de services en santé publique et en éducation. Joseph Stiglitz, un ex-économiste en chef de la Banque Mondiale qui n'hésite pas à dénoncer les politiques néolibérales, donne d’ailleurs quelques exemples de ce phénomène: Disillusion with the international system of globalization under the aegis of the IMF grows as the poor in Indonesia, Morocco, or Papua New Guinea have fuel and food subsidies cut, as those in Thailand see AIDS increase as a result of IMF-forced cutbacks in health expenditures .
Enfin, les critiques des condition imposées par le FMI font également ressortir les effets des ajustements structurels sur la démocratie, puisque l’imposition de conditions aussi drastiques que les politiques néolibérales entre en contradiction avec le principe de souveraineté des peuples. En effet, en imposant ses vues et ses politiques économiques, le FMI se substitue à l’expression de la volonté du peuple (l'exemple actuel de la Grèce est patent; ce ne sont plus les élus grecs qui décident de comment gérer les finances du pays, ils ne peuvent plus qu'appliquer les exigences de leurs créanciers). D'ailleurs, un rapport de la CNUCED identifie treize pays d’Afrique ayant signé des programmes d’ajustements structurels en 1999 et 2000, les soumettant à 114 conditionnalités, desquelles 75% étaient reliées à la gouvernance.
Nonobstant ces effets "secondaires", l'aide du FMI aide-t-elle véritablement les pays en développement qui y ont fait appel? On note que plusieurs pays ont signés des programmes à répétition sans voir leur économie s’améliorer pour autant. Suze souligne que les exemples de la Côte d’Ivoire (26 programmes) et la Bolivie (17) sont frappants. Et l’Argentine a été plongée dans la pire crise économique de son histoire alors qu’elle avait appliqué les "ajustements structurels" du FMI pendant ses 30 programmes consécutifs! En Afrique, c’est pendant la période 1980-1999 que l’ampleur des prêts accordés par le FMI par ses programmes d’ajustements structurels a réellement explosé. Plusieurs pays se sont alors vus lourdement endettés auprès du FMI, dont l’intervention s’est avérée massive pour les pays du continent. La plupart des pays d’Afrique ont donc vu leur dette augmenter significativement et leur dépendance à l’aide conditionnelle augmenter d’autant, les enfermant dans un cercle vicieux.
Les auteurs qui défendent la position néolibérale du FMI n'ont que très peu d'arguments pour tenter de contrer les nombreuses études révélant les effets pervers des programmes. Leur argument principal tient généralement au fait que les conditions n'ont pas été entièrement appliquées par les pays emprunteurs.
Mais cet argument est faible. Car plusieurs auteurs citent de nombreux contre-exemples, comme la Bolivie et l’Argentine, qui ont été parmi les pays à suivre le plus les conditions imposées par le FMI. Les résultats étaient pourtant aux antipodes des objectifs du FMI. Après des années de crise, la Bolivie a fini par se sortir du marasme en effectuant un virage à 180 degrés de ses politiques économiques et en abandonnant les programmes du FMI après l'arrivée du gouvernement de gauche d'Evo Morales. En Argentine, pour sortir le pays de la crise, le gouvernement de Nestor Kirchner a adopté des politiques sociales et économiques en contradiction avec plusieurs des ajustements structurels. Suite à une visite en Argentine, le directeur général du FMI de l'époque, le désormais tristement célèbre Dominique Strauss-Kahn, mentionnait même: «Following the strong economic recovery of recent years, the challenge now is to continue to improve, in a lasting way, the living standards of all the Argentine people».
D'autres auteurs défendent le FMI en disant que depuis quelques années, l'organisation internationale a adouci son programme. Si ceci est vrai dans les statuts du FMI, où l'on parle d'une réduction des conditions qui ne sont pas essentielles et vers une conception faite sur mesure pour les pays signataires, le nombre de conditions et leur nature ne semble pas avoir changé significativement dans les faits.
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FMI comme instrument des États-Unis?
Plusieurs observateurs soulignent que les échecs des réformes découlent de la structure même du FMI; c’est la répartition du pouvoir décisionnel au FMI qui dicte son orientation économique et politique et non l’opinion de ses membres exprimée démocratiquement. Les statuts du FMI stipulent que toute modification à la charte du fond demande l’approbation de trois cinquième de ses membres, représentant au moins 85% du vote. Comme les Etats-Unis représentent à eux-seuls plus de 15% des voix, le pays détient de fait un veto sur toutes les politiques du FMI, ce qui nous ramène au commentaire de Chavez selon qui le FMI est un simple instrument sous la gouverne de la politique américaine.
Dans ses recherches, Suze souligne: En mars 2009, lors d’une conférence en Tanzanie, le président Jakaya Kikwete rappelait que dès le début des années 80 «beaucoup à l'époque considéraient le fait d'accepter les diktats du FMI comme un reniement des acquis de l'indépendance» . Or cet interventionnisme du FMI n’est pas léger . Le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn réagissait au mouvement de contestation du FMI qui s’est développé en Afrique. «Il y a un problème d'image […] ça atteint un niveau qui nous empêche de faire notre travail. […] c'est devenu impossible pour certains gouvernements de dire à la population de leurs pays qu'ils vont s'adresser au FMI» . Derrière une volonté de conciliation, ce commentaire soulève une question essentielle, car on est en mesure de se demander quel est le degré de démocratie d’un pays dont le gouvernement ne peut dire à sa population la nature des emprunts qu’il négocie, et quelles en sont les conditions.
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Conclusion: Que retient-on de ce laboratoire?
Les politiques imposées par le FMI aux pays emprunteurs nous fournissent donc un laboratoire d'économie néolibérale. On voit l'ensemble des effets de ces politiques, leurs forces et faiblesses, et on peut donc en tirer des conclusions et décider si on devrait ou non implémenter ce genre de politique chez nous. Autrement dit, se servir de ces nombreuses études sur 30 ans de politiques néolibérales et en tirer des leçons. Je posais la question en introduction: Le fait-on? La réponse suivra dans un billet subséquent.
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Notes
(1) Le sujet des résultats des politiques imposées par le FMI aux pays en développement est vaste et a fait l'objet de très nombreuses études. Nous parlons ici d'études empiriques scientifiques, avec des modèles mathématiques avancés appliqués à des données nombreuses sur une très longue période. Je ne fais ici qu'un bref survol des études que j'ai consultées (voir la liste dans mes sources, ci-bas).
(2) Outre les éléments cités, j'ai emprunté quelques passages aux textes de mon amie Suze, avec son aimable autorisation, que j'ai intégré à mes propres observations.
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Sources citées
- Fond Monétaire International, En ligne.
- Nadeau, Suzie, «Aide et conditionalité: le FMI aide-t-il vraiment les pays emprunteurs?» (2011) et
«FMI et démocratie en Afrique: la spécificité du Ghana» (2011).
- Stiglitz, Joseph E., Globalization and its Discontents (New York: W. W. Norton & Company, 2002), 20.
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Articles consultés- Agence France Presse, «L'Afrique méfiante face au FMI et au souvenir des "ajustements structurels"», (2009)
- Abouharb, M. R. and David L. Cingranelli. 2006. "The Human Rights Effects of World Bank Structural Adjustment, 1981-2000." International Studies Quarterly 50(2):233-262
- Babb, Sarah. 2005. "The Social Consequences of Structural Adjustment: Recent Evidence and Current Debates." Annual Review of Sociology 31:199-222
- Bond, Patrick. 2004. "Should the World Bank and IMF be 'Fixed' Or 'Nixed'? Reformist Posturing and Popular Resistance." Capitalism, Nature, Socialism 15(2):85-106
- Brown, Chelsea. 2009. "Democracy's Friend or Foe? The Effects of Recent IMF Conditional Lending in Latin America." International Political Science Review 30(4):431-457.
- Dembele, Demba M. 2005. "The International Monetary Fund and World Bank in Africa: A 'Disastrous' Record." International Journal of Health Services 35(2):389-398- Easterly, William. 2005. "What did Structural Adjustment Adjust? The Association of Policies and Growth with Repeated IMF and World Bank Adjustment Loans." Journal of Development Economics 76(1):1-22
- Hilary, John. 2010. "Africa: Dead Aid and the Return of Neoliberalism." Race and Class 52(2):79-84
- Kapur, Devesh and Moisés Naím. 2005. "The IMF and Democratic Governance." Journal of Democracy 16(1):89-102
- Lloyd, Vincent and Robert Weissman. 2002. "How International Monetary Fund and World Bank Policies Undermine Labor Power and Rights." International Journal of Health Services 81(3):433-442
- Montinola, Gabriella R. 2010. "When does Aid Conditionality Work?" Studies in Comparative International Development 45(3):358-382
- Ndulo, Muna. 2003. "The Democratization Process and Structural Adjustment in Africa." Indiana Journal of Global Legal Studies 10(1):315-368
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