samedi 8 mai 2010

Pourquoi je ne suis pas d’accord avec Jean

Moi et l’actualité politique ou Hésitations vagabondes.
J’avoue avoir hésité avant d’écrire ce qui suit. Je n’ai pas hésité à exprimer mon opinion sur la question – je n’hésite jamais à émettre mes opinions en général – mais je ne savais pas si ce genre de choses avait sa place sur ce blogue, qui ne commente que très rarement l’actualité – une chose si éphémère. Soyons cynique, puisque je fais partie de cette partie de la population votante québécoise cynique (à en croire un récent sondage) et disons que l’actualité politique est souvent décourageante et ma foi, assez triviale, quand on a perdu espoir en la classe politique actuelle, qui se contente de poursuivre des buts et intérêts personnels et privés plutôt que de faire ce pourquoi elle est censé exister: œuvrer pour le bien commun.

Jean comme prétexte.
Il y a quelques semaines, sur Facebook, mon ami Jean a publié un bref commentaire. Je le reproduis ici, mais le mets en contexte: Il s’agit d’un texte de quelques mots, sans explication ou argumentation développée, alors on le prendra pour ce que c’est : l’expression d’une humeur du moment. Comme je me sers de Jean pour exprimer mon opinion, je lui répondrai donc directement, mais on comprendra que je réponds à tous ceux qui défendent cette position sociale du même coup.
«Jean est à « boute » d’entendre les médias et les gens parler contre le budget. Comment pensez-vous que notre système de santé coûte? Si vous n’êtes pas content, aller vivre ailleurs et vous vous rendrez compte que ça vous coûtera pas mal plus cher. Tout le monde utilise le système de santé, pourquoi les gens plus en moyen ...devraient payer plus? Ces gens n’ont même pas le temps de l’utiliser car ils travaillent trop.» *
Plusieurs éléments de ce commentaire m’ont interpellé. Et fortement. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce n’est pas l’idée d’être pour ou contre les mesures annoncées par le gouvernement dont je parle, mais des conséquences et des opinions qu’elles soulèvent dans la population, et dans mon cercle d’ami.
Même si c’est l’expression de l’humeur du moment, le commentaire de Jean m’a fait réfléchir sur ma propre position face au budget en question. J’éviterai de rappeler toutes les mesures dudit budget – les lecteurs intéressés les connaissent déjà. Toutefois, je me permettrai de souligner deux aspects qui sont pour moi les points importants de ce budget et qui démontrent l’orientation que l’on a décidé (unilatéralement) de donner à la société québécoise avec ce budget. Ces deux points concernent évidemment la santé (contribution de capitation) et l’éducation (dégel des frais de scolarité).
Et je sais bien que comme c’est un commentaire de l’humeur du moment, il n’exprime pas réellement l’ensemble de l’opinion de Jean sur le budget. Il est peut-être totalement pour ou partiellement contre pour ce que j’en sais; une fois de plus, je le cite comme prétexte à ma réflexion et comme prétexte pour stimuler la réflexion sur les choix sociaux au-delà de ce budget.

Une famille en santé.
Je souligne d’abord l’élément le plus important du commentaire de Jean : «Si vous n’êtes pas content, aller vivre ailleurs et vous vous rendrez compte que ça vous coûtera pas mal plus cher.»
Justement, Jean, si on est ici, au Québec, ça veut probablement dire qu’on ne veut pas être ailleurs. Si je voulais d’un système à l’américaine, je pourrais aller aux Etats-Unis. Si, d’un autre côté, une majorité de québécois est en faveur de ces changements en faisant un choix de société éclairé, alors je me rangerai du côté de la majorité. Mais pour le moment, je n’ai vu aucun débat de société sur la question, je n’ai vu qu’une décision unilatérale d’un parti à peine majoritaire au parlement, et qui a été élu par 22,5 % de la population ayant droit de vote aux dernières élections.**
On est très très loin, tu en conviendras, d’un choix de société.
Je continue: «pourquoi les gens plus en moyen ...devraient payer plus? Ces gens n’ont même pas le temps de l’utiliser car ils travaillent trop.»
Ce commentaire illustre (heureusement) que Jean et sa famille n’ont pas eu besoin d’utiliser beaucoup le système de santé. Je dis heureusement, car la dernière chose au monde que je te souhaite, Jean, c’est d’avoir à utiliser le système de santé. Car, contrairement à ce que ton commentaire laisse croire (et qui est souvent repris par les tenants de la droite), l’utilisation du système de santé ne relève pas d’un choix. J’ai eu le bonheur moi-même jusqu’à maintenant de n’avoir qu’à utiliser le système minimalement. Je n’ai pas de médecin de famille, ma dernière visite dans le système remonte à une double infection jumelée à des brûlures il y a plus de deux ans, et ma visite d’avant, je ne me souviens pas à quand elle remonte. Je paye moi-même pour mes vaccins en cas de besoin avant des séjours à l’étranger – même quand ces vaccins ont été nécessaires en 2004 avant un séjour de coopération international bénévole. Et je paye ma contribution au régime d’assurance médicament plus cher que ce que je coûte en occasionnels médicaments au système. Loin de me plaindre de cette situation, je me trouve chanceux et espère l’être encore longtemps. Mais je sais que ce ne sont pas tous les québécois qui sont aussi chanceux que moi. Et pour avoir vu ce qui se passe «ailleurs» quand les gens moins nantis sont souffrant mais n’ont pas accès à un système de santé, je ne voudrais pour rien au monde que le système québécois s’oriente vers ce genre de société.

Une famille éduquée.
Concernant les frais de scolarité, les arguments sont similaires et me permettent une petite parenthèse historique qui fera peut-être réfléchir Jean.
Car si Jean peut se permettre des opinions un peu plus à droite concernant le budget et le système de santé, c’est d’une part parce qu’il a les moyens financiers de contribuer à ce montant fixe décrété par le budget sans que ça n’influence grandement son niveau de vie. C’est, sans qu’il ne s’en rende compte, déjà un luxe que plusieurs citoyens n’ont pas. J’ai la chance d’être dans la même position que Jean, c’est-à-dire que ce ne sont pas 200$ par an qui vont m’empêcher de survivre ou de manger à ma faim ni même d’aller au cinéma (Évidemment, lorsque ce montant grimpera, ça sera une autre histoire).
Or, la situation familiale de Jean vient en partie de ses efforts pendant des années à d’abord obtenir des diplômes à l’université et dans un ordre professionnel, puis ses efforts dans les diverses entreprises où il a œuvré comme cadre professionnel. C’est tout à son honneur d’avoir atteint le niveau professionnel et social qu’il a atteint jusqu’à maintenant. Il ne faut toutefois pas oublier que la société qui a permis à Jean de se développer personnellement et professionnellement, c’est justement cette société que ce budget remet en question.
Nous venons, Jean et moi, de deux familles modestes similaires, de la même ville du Lac St-Jean, qui avaient de quoi bien vivre sans beaucoup d’excédent. Nous étions, chez nous comme chez Jean, quatre enfants, dans une famille de la classe moyenne au moment où celle-ci commençait à apparaître. Si, dans la société où mes parents nous ont élevés, il avait fallu payer beaucoup plus pour des soins de santé, payer une contribution de 200$ par an (et n’allez pas imaginer que ce montant ne grimpera pas dans le futur ***) et un ticket modérateur en plus, alors mes parents n’auraient définitivement pas été dans la même situation financière qu’ils ne l’étaient. Idem chez Jean. Si on ajoute à cela des frais de scolarité plus élevé (et le budget actuel fait état d’un sérieux dégel à ce niveau), alors même avec des prêts et bourses bonifiés, je ne pense pas que nous aurions pu, ni moi ni Jean, aller à l’université. Ça aurait été malheureusement réservé à nos amis fils et filles de médecins, de ministres, d’avocats, de notaires ou de comptables agréés de l’époque, qui étaient membres de l’élite, de la classe moyenne-élevée. Résultat; il y a fort à parier que Jean et moi n’aurions pas le diplôme universitaire qui nous permet de regarder ces mesures avec la froideur de celui qui sait que sa subsistance n’est pas en danger.
Il y a également fort à parier que dans cette société où nous n’aurions pu étudier pour pouvoir ensuite profiter d’un meilleur niveau de vie et de meilleures perspectives d’emploi, le discours de Jean serait tout autre aujourd’hui. Qui sait s’il ne serait pas de ceux qui parlent aujourd’hui contre le budget en question? Qui sait si un travail plus physique et de moins bonnes conditions de vie ne l’aurait pas obligé à utiliser un peu plus le système de santé qu’il ne l’aurait voulu?
Mais non. Aujourd’hui, heureusement, même avec un dégel des frais de scolarité, Jean, tu auras les moyens financiers d’assurer une éducation de qualité à tes enfants. C’est paradoxal de croire que le système qui a permis ton éducation et ton élévation sociale ait fait de toi quelqu’un qui peut se passer de ce système.
Personnellement, je n’ai pas oublié les angoisses financières épisodiques de mes parents – même si nous n’avons jamais manqué de rien et qu’ils se sont privés plus d’une fois pour s’en assurer – et j’imagine que des milliers de familles similaires aux nôtres d’il y a 30 ans sont dans la même situation aujourd’hui.
Et parce que je suis reconnaissant et heureux que les dirigeants et la population de l’époque aient fait un choix social qui a permis à trois générations de québécois de se développer, je ne vois pas comment je pourrais, moi, l’enfant privilégié de ce choix social, faire un choix différent.
Autre paradoxe (personnel, mais évocateur, il me semble): Je suis celui de nous deux qui n’a pas d’enfants et qui devrait vouloir profiter au maximum du système et se foutre totalement des générations futures.

Les mines d’argent.
Je termine sur l’argument clé des tenants de ce budget: l’argent. Jean souligne d’ailleurs : «Comment pensez-vous que notre système de santé coûte?»
Tu as raison. Le système coûte cher, et coûtera plus cher avec le temps. Je ne suis pas un illuminé qui pense que l’état providence doit tout faire sans taxer personne. La preuve, je suis tout à fait d’accord avec les augmentations annoncées de la taxe de vente du Québec. En fait, mieux que ça, j’étais en faveur de cette augmentation dès 2006, lors de l’annonce des réductions de la taxe sur les produits et services. La TVQ, dans sa structure actuelle, est une mesure beaucoup plus juste (socialement) que la contribution de 200$ de capitation annoncée, en ce sens que passé les biens essentiels, les achats de luxe sont des choix personnels et sont donc taxés directement (et proportionnellement, tu noteras) au niveau de ces dépenses.
En réalité, outre le fait que ce budget fait des choix unilatéraux qui modifient profondément les choix sociaux faits au Québec dans le passé sans que le débat social n’ait eu lieu, le problème majeur de ce budget est de faire croire à la population québécoise qu’il n’y avait pas d’argent pour financer le système. L’argent, pour le financement, il est là pourtant. En fait, il était là, puisque le même gouvernement nous annonçant qu’il n’y a plus d’argent est celui qui nageait dedans au point d’accorder des faveurs fiscales et des importantes réductions d’impôts aux plus nantis et aux grandes corporations. (Citons par exemple l'existence d'une exemption d’impôts des employés de grands centres financiers internationaux, qui fait économiser des dizaines de milliers de dollars à chaque contribuable employé de ces très grandes entreprises. Et je parle de gens qui font certainement beaucoup plus de revenus que Jean, mais qui le font à l’abri de l’impôt – pas socialement très juste, ni justifiable, comme mesure. Pourquoi, Jean, payerais-tu pour ces gens bien nantis?).
L’argent était là, mais le gouvernement minoritaire de l’époque l’a utilisé pour des mesures électoralistes afin de remporter une majorité de siège à des élections judicieusement déclenchées.
Je ne parlerai même pas de la corruption, ou des millions (milliards?) qui ont coulées dans les chantiers de constructions financés par le secteur public suite à la collusion organisée de ce milieu depuis des années. Et je ne parlerai pas des millions de dollars de bonis versés par des sociétés d’état ou des entreprises reliées à l’état (comme la Caisse de dépôt, tiens) même quand les dirigeants obtiennent des résultats lamentables. Et doit-on parler des bonis faramineux (on parle de dizaines de millions de dollars par personne, annuellement) versés par des entreprises privées à leurs dirigeants (souvent de passage) alors que ces mêmes entreprises profitent de subventions gouvernementales sous diverses forme années après années?
L’argent est là. Mais le choix social du budget actuel est de le garder dans les poches où il se trouve et d’aller chercher ce qui manquera dans le futur dans les poches de ceux qui n’ont ni les moyens financiers de s’organiser, ni les moyens de faire du lobby, ni les moyens de contribuer généreusement à la caisse d’un parti pour s’exprimer «démocratiquement», ni souvent les moyens intellectuels d’exprimer pourquoi ils trouvent tout ce que je viens d’énumérer injuste, faute d’avoir eu la chance que nous avons eu, toi et moi, de naître dans une famille éduquée (une rareté à l’époque de nos parents) et faisant la promotion de cette éducation, heureusement accessible.

Conclusion: un avenir sombre pour un passé trop réussi?
Voilà, en quelques arguments, finalement, pourquoi je suis contre certaines mesures annoncées dans ce budget. Car aujourd’hui, on parle de 200$, demain on parlera de 500$, puis de 1000$. Peut-être que pour ta famille, Jean, ça n’aura pas d’influence sur ce que vous mangerez pour souper, ou à quelle université étudieront tes enfants, mais pour la majorité de la population du Québec, ça aura une importance vitale sur leur avenir et l’avenir de leurs enfants.
Et pour ceux qui pensent que j’exagère, regardez bien les frais de scolarité des universités à l’avenir. Ce dégel annoncé ouvre déjà la porte à des initiatives d’élite, comme le choix de McGill de charger désormais près de 30 000$ pour son programme de MBA malgré les amendes annoncées par le gouvernement dans ce cas. Trop tard, l’idée prend sa place et cette idée vient du budget-même. Aujourd’hui le MBA de McGill, demain le baccalauréat de l’UQAM…
Car, une fois le choix social fait, les portes ouvertes, on ne reviendra pas en arrière pour les refermer. Les bien nantis qui en émergeront y veilleront, pour leur bien. Ce qui se passe «ailleurs» nous le démontre d’ailleurs très bien, pour peu que l’on voyage et que l’on observe ce qui se passe dans les sociétés «ailleurs».
Jean, dis-moi que tu réalises que si ça avait coûté, en seuls frais de scolarité, 30 000$ par an pour faire notre baccalauréat, (puis autant pour ta maîtrise), aucun de nous deux n’aurait pu étudier à l’université et que ta famille serait dans une toute autre situation aujourd’hui. Comme je t’aime beaucoup et que je suis fier de toi – et que je serai très fier de ce que vont accomplir tes enfants, je n’en ai aucun doute – je me dis que ça aurait été une grande perte pour notre société que tu n’aies pas eu ces opportunités.
Je pense que c’est la même chose pour tous les jeunes québécois qui formeront la société de demain et qui se trouvent dans la même situation que celle où nous étions, toi et moi à leur âge, avec leurs parents qui font leur possible pour tenter d’offrir le meilleur à leurs enfants.

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Notes
* Copié-collé de la page profil Facebook de « Jean ». Commentaire publié le 1 avril 2010. « Jean » est un pseudonyme, car mon ami a refusé d’être identifié dans le présent billet – Jean n’a eu que trois commentaires à son énoncé sur Facebook. Les trois étaient en accord avec sa position. J’ai voulu commenter moi-même, mais comme vous le voyez ici, mon argument était un peu long et j’ai jugé que la page Facebook de Jean (et Facebook en général) n’était pas le lieu pour ça.
Le fait que le pseudonyme de mon ami soit le prénom du premier ministre du Québec - ardent défenseur de ce budget - n'est que pure coïncidence.

** Aux élections provinciales du 8 décembre 2008, le parti Libéral a remporté 66 sièges, soit 3 de plus que les 63 assurant une majorité absolue. Le parti Libéral a remporté 42,08 % des voix exprimées. 46,57 % des électeurs inscrits n’ont pas voté. [Données tirées des archives du site Internet du Directeur Général des élections, le 7 mai 2010].


*** Rappelons, à titre d'exemple, que la contribution à l'assurance médicament, fixée au départ à un montant de 275$ par contribuable, ne devait être qu'indexée au coût de la vie. En 2009, selon l'indice d'inflation de 1996 à 2009, cette contribution aurait donc été de 325$ par personne. Elle était de 577,50$ par contribuable. (Données tirées de la Loi sur l'assurance médicament du Québec. Calculs basés sur l'indice des prix à la consommation de la Banque du Canada).
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9 commentaires:

  1. Daniel Sernine5:59 PM

    Parfaitement d'accord avec tout ce que tu as écrit, Hugues.
    J'ajoute un complément sur le «ticket modérateur», qui n'est pas appelé ainsi mais qui est exactement ça.
    Y a-t-il vraiment des gens qui abusent des soins de santé? Des gens dont il faudrait «modérer» le recours au médecin? Des gens qui vont se taper 3, 6, 9 heures d'attente dans une clinique, ou même une urgence, par caprice? Possible, mais sûrement pas assez pour qu'on impose des mesures de ce genre.
    Il existe bien entendu cette classe à l'aise pour qui 25$ ce n'est rien. (Ou les 200$ de l'impôt-santé évoqué.) Pour eux, 200$ c'est le pourboire d'un repas d'affaires -- remboursable par leur compagnie de toute façon, ou déductible de leurs impôts.
    Bien des gens, en revanche, n'ont tout simplement pas ces 25$, et pas nécessairement à cause de l'achat d'une caisse de bière. Tous les jours, des personnes âgées ou des pensionnés ont à choisir entre renouveler une ordonnance de médicaments et manger le reste de la semaine.
    Comme tu as écrit à peu près tout ce que j'en pense, je m'arrête bientôt, non sans avoir évoqué toutes les sources possibles de revenu pour l'état: notre eau, que les compagnies d'embouteillage siphonnent gratuitement, nos minerais, pour lesquels les minières ne paient rien ou presque rien, les lacunes et les failles de notre régime fiscal qu'on laisse ouvertes en faveur des riches (rémunération sous forme d'options, par exemple), sans compter les profits obscènes des banques et des banquiers, et les paradis fiscaux dont, curieusement, les «Lucides» ne parlent jamais car ce sont leurs amis, leur collègues et leurs clients qui en bénéficient au premier chef...

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  2. Merci Daniel de ces ajouts.
    Tu as bien complété les exemples de sources de financement accessibles au gouvernement mais qu'il se refuse à envisager pour des raisons évidentes.
    Concernant les gens qui n'ont pas les moyens de payer le 25$, je pense que les gens pour qui ce montant est insignifiant vivent dans un entourage où toutes leurs connaissances partagent le niveau de vie, ils finissent pas ne plus comprendre que ça existe, des gens pauvres pour qui les choix sont difficiles.
    Enfin, les "abuseurs" du système de santé existent certainement, en petit nombre, mais effectivement, c'est le bouc émissaire typique et cliché idéal pour faire passer le genre d'argument invoqué par les tenants d'un ticket modérateur.
    Je vois mal comment quelqu'un pourrait "abuser" des lits qui débordent aux urgences, ou des listes d'attentes de chirurgies cardiaques ou encore de tests de résonnance magnétique ou de traitement de chimio et de radiothérapie...

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  3. Je maintiens (voir mon blogue pour des analyses plus détaillées de temps à autre) que c'est trompeur de croire que ce sont uniquement des choix sociaux.

    Ce sont aussi des choix démographiques (et des choix culturels).

    Dans une certaine mesure, si l'éducation coûte plus cher, c'est parce que la santé coûte plus cher. Si la santé coûte plus cher (et risque de continuer à coûter plus cher), c'est en raison du déséquilibre entre les générations.

    Selon un rapport du Conference Board of Canada en 2004, le vieillissement de la population représenterait environ le tiers de la croissance (présente et à venir) des coûts du système de santé.*

    Toutefois, c'est un coût net qui n'est compensé par rien, alors que les augmentations salariales et l'inflation des prix des médicaments, etc. sont compensées en dernière analyse par l'enrichissement correspondant de la population tandis que l'augmentation de la population est compensée, ceteris paribus, par une assiette fiscale plus grande. Mais il n'y a pas de ponction fiscale plus grande en fonction de l'âge et donc le vieillissement est une pression à la hausse nette, qui entraîne des besoins de plus en plus grands relativement au produit intérieur brut.

    Or, si la génération des baby-boomers a pu bénéficier d'un système éducatif quasi gratuit (relativement à la situation aujourd'hui), c'est parce que le système de santé coûtait beaucoup moins cher à l'époque où la population québécoise était non seulement plus jeune, mais plus jeune que la moyenne canadienne. À l'époque, le gouvernement disposait de l'espace fiscal requis (et de la capacité d'emprunt léguée par les années Duplessis) pour construire un système d'écoles et d'universités à la pointe du progrès.

    De nos jours, si le système éducatif est pris à la gorge, c'est en partie parce que le gouvernement doit réorienter ses revenus (sa capacité d'emprunt étant saturée) vers le système de santé qui profite d'abord aux vieux (qui seront bientôt les mêmes qui ont profité du système éducatif à bas prix d'il y a cinquante ans, hmmm).

    En définitive, nous payons aujourd'hui le choix démographique des baby-boomers de ne pas faire assez d'enfants (et de manière accessoire le choix politique, culturel et social de faire du Québec une terre hostile aux immigrants).

    Quelles sont les mesures correctrices à ce stade? À défaut de taxer les baby-boomers directement, on peut taxer les grands utilisateurs du système de santé... bref, les personnes plus âgées, ceteris paribus, et donc les baby-boomers. Et même si certaines de ces personnes sont plus pauvres que d'autres, leur cohorte est en général bien placée du point de vue des pensions de retraite, des salaires réguliers engrangés durant leur vie active et des maisons achetées à bas prix avant la flambée immobilière. Le problème, c'est que le cadre légal empêche apparemment de moduler le paiement en fonction des revenus...

    Néanmoins, cette ponction fiscale serait potentiellement une manière d'assurer une certaine équité inter-générationnelle puisque la génération qui aurait le plus profité d'un système éducatif pas cher dans les années 60 et 70 serait en train de payer une taxe déguisée sur les acquis obtenus avec l'aide du gouvernement il y a 40-50 ans.

    Cela dit, je maintiens aussi qu'il y aurait moyen de taxer plus les revenus les plus élevés. La dernière fois que j'avais examinés les statistiques québécoises, les contribuables aux revenus élevés augmentaient plus rapidement que les autres...

    Bref, je te rejoins quelque part dans la mesure où je crois que les gens plus riches devraient payer plus, mais je diverge sur la question de faire payer plus les utilisateurs du soin de santé. Globalement parlant, je trouve que ce serait effectivement plus équitable envers le reste de la société qu'ils paient plus.

    * je n'ai pas réussi à trouver de données plus récentes

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  4. Jean-Louis,
    Je suis d'accord avec tes sept premiers paragraphes; je n'irai certainement pas argumenter mon choix de mot pour qualifier les choix: sociaux, démographiques ou culturels, puisque mon billet ne se voulait pas un essai de ce genre-là.
    Merci des données que tu partage avec moi.
    Quand à l'"hostilité" de la terre québécoise pour l'immigration, je trouve le mot définitivement trop fort (et injuste), mais je n'ouvrirai définitivement pas ce panier de crabe ici et tu as droit à tes opinions sur la question.
    Quand à la contribution des utilisateurs du système de santé, même si ton argument tient la route de manière globale, générationnel, lorsqu'on applique la chose sur le terrain, aux individus, il se trouvera de nombreux boomers pauvres qui auront à choisir entre se faire soigner ou manger... et ça, c'est un choix social que je ne peux pas appuyer.

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  5. Note bien que je serais en faveur de moduler cette contribution des utilisateurs en fonction de leurs revenus. Toutefois, il semblerait (sous toutes réserves) que les lois gouvernant le système de santé canadien ne le permettent pas.

    Quant aux immigrants, ils votent avec leurs pieds, comme on dit en anglais. Dès lors, on peut soutenir que le Québec est hospitalier, mais que le reste du Canada l'est plus encore, ou que l'Ontario est hospitalier, et que le Québec l'est donc moins, mais le résultat reste assez clair au vu des statistiques de rétention des immigrants internationaux.

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  6. Jean-Louis,
    Sur ces deux points, nous sommes d'accord.
    Dans ce contexte, ton commentaire sur l'immigration est effectivement correct: le ROC est un endroit plus "facile" pour l'immigration à cause de la langue unique qu'ils ont besoin d'y apprendre...

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  7. Hmmm, disons qu'au niveau anecdotique, on entend dire que des immigrants maghrébins dont le français est la première ou seconde langue, et l'anglais la troisième, trouvent plus facilement un emploi en Ontario qu'au Québec. J'ai même cru voir passer quelques statistiques à ce sujet.

    Mais, bon, c'est un autre débat.

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  8. Je ne sais pas si ça concerne spécifiquement les immigrants dont la langue première est le français (la stat que j'ai vu concernait l'ensemble du bassin de l'immigration) mais effectivement, l'Ontario a de meilleures statistiques que le Québec en ce qui concerne les emplois dénichés par les nouveaux arrivants.
    Mais, comme tu dis, c'est un autre débat.

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  9. C'est parce que tu soulevais la dimension linguistique que je répondais par des cas où la langue ne semblait pas jouer un rôle particulier dans l'accueil des immigrants puisque même les francophones trouvaient plus facilement du boulot en Ontario qu'au Québec...

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