J'ai déjà exprimé mon désarroi face à la manière dont on couvre parfois les nouvelles dans les médias traditionnels québécois. Enfermés qu'ils semblent dans leurs habitudes et dans leurs méthodes, les journalistes oublient leurs propres articles... ou semblent incapables de dénicher ceux de leurs collègues. M'enfin.
--
Ce matin, dans La Presse, dans le cadre d'une série d'article sur le français à l'école, on pouvait lire: Hécatombe orthographique et Désastre à la polyvalente. La journaliste semble s'étonner, et à grands renforts de témoignages de spécialistes et universitaires sur la question, de la faible connaissance du français de base chez les élèves du primaire et secondaire.
Euh, elle était où cette journaliste pendant les 15 dernières années? Et pas besoin de reculer au primaire ou secondaire, il y a un bon nombre d'universitaires qui ne savent pas écrire, et un nombre effarant de collégiens. Il n'y a qu'à lire quelques travaux d'études collégiales ou universitaires pour s'en convaincre. Ou mieux encore, allez sur facebook, tiens, la mâchoire vous tombera sur la table si vous êtes aussi naïf que cette journaliste semble l'être.
J'ai plusieurs amis qui écrivent au son, carrément, j'en ai même qui étaient totalement illettrés en entrant au collège et qui ont dû travailler fort et prendre des cours supplémentaires pour parvenir à s'améliorer. Comment peut-on obtenir un DEC sans savoir écrire alors que même au CEGEP on perd des points pour l'orthographe dans les travaux? Deux réponses: les logiciels de traitement de texte et de correction; et les travaux d'équipe, pour lesquels un seul des membres a besoin de connaître son français pour que tout le monde obtienne une belle note.
La Presse cite la Ministre de l'éducation qui dit que si on change trop vite, tous les enfants vont couler et qu'on ne veut pas les faire couler... Changer vite? He! Ça fait au moins 15 ans qu'il y a du relâchement, et depuis quelques années, le phénomène est tout simplement sans aucun contrôle. (Mais d'un point de vue personnel, la Ministre a raison: si les enfants échouent, les parents blâmeront le système, donc la Ministre et son gouvernement, et ne voteront plus pour eux lors des prochaines élections!).
Étrangement, dans des articles précédents et dans d'autres médias, on pointe du doigt les professeurs qui font trop d'erreurs de français en classe et dans les notes et descriptions de travaux qu'ils transmettent à leurs élèves. Je remarque d'abord que les jeunes enseignants sont probablement les premiers à avoir réussi leurs études dans un système qui, déjà dans ma jeunesse, commençait à se laisser aller, il n'est donc pas si surprenant qu'ils aient des carences en français.
Alors à qui la faute, les profs qui ne font pas leur job? Avant de se prononcer sur la question, il faudrait peut-être savoir si les profs peuvent faire leur job, en fait.
Il y a plusieurs mois, j'ai eu le plaisir d'assister à un souper entre enseignants (j'y étais cuisinier invité, en fait, mais c'est une longue histoire) et certains commentaires entendus pendant ce souper aurait fait faire une syncope à notre journaliste d'aujourd'hui.
Pour vous mettre en contexte, il n'y a qu'à faire un lien avec un article paru dans Le Devoir (j'imagine que l'effort de recherche vers cet article d'un autre quotidien québécois était trop difficile pour notre sérieux dossier dans La Presse? Hum.) en février dernier, et qui traite des parents-rois dans notre système scolaire.
Pour ma part, avec les informations de cet article, les divers commentaires des internautes lecteurs du Devoir qu'il a engendré, et les discussions entendues lors du souper cité plus haut, une chose est claire: si les jeunes ne savent pas écrire aujourd'hui, eh bien c'est que la grande majorité des parents ne veulent pas qu'ils apprennent! Vous croyez que les parents ont raison dans leurs requêtes, lisez en quelques-unes ici.
Gee, dans mon temps (dit-il du haut de ses 40 ans et 19 mois, hehe), si je me plantais dans un examen réel avec une note réelle et tangible, je risquais de me faire passer un savon par mes parents qui voulaient que j'apprenne et que j'étudie plus pour ce faire (les pauvres, mais c'est une autre histoire).
Aujourd'hui, si un élève se plante, c'est le prof qui se fait passer un savon par les parents qui refusent de le voir échouer et font pression sans cesse sur les enseignants. J'ai connu des enseignants qui ont jeté l'éponge, en disant: eh bien, si la direction de l'école ne nous supporte pas et les parents nous insultent et font pression, on les fait passer, ils auront un problème plus tard, on n'y peut plus rien. J'en ai connu d'autres qui ont décidé de se battre et résister aux parents et même à la direction de leur école... et qui se sont fait dire de rentrer dans le rang ou qui ont vu leur contrat non renouvelé et ont perdu leur poste.
Ainsi, avant de lancer la pierre aux enseignants, il faudrait savoir combien de parents auraient eu le courage de résister à la place des enseignants au risque de perdre leur emploi, alors que ces parents ne sont même pas capables de confronter leurs propres enfants avec leurs difficultés scolaires en français?
Et pendant ce temps, l'article de La Presse cite le porte-parole de la Commission Scolaire de Montréal affirmant que l'enseignant a le pouvoir de décision!! C'est un imbécile ou le plus grand naïf du milieu de l'éducation??
--
Et pourquoi diable les journalistes qui travaillent sur une série ou un dossier semblent-ils incapables d'en faire le tour de manière satisfaisante pour le lecteur-lambda? En lieu d'information, on nous placarde La Presse d'exemple (navrants) de dictées truffées de fautes. C'est le journalisme-réalité, j'imagine :-).
--
Salut Hughes
RépondreSupprimerje suis totalement en accord avec ton opinion le système est pourri! Pour parler de mon expérience personnel, j'ai compris que je devais améliorer mon français à l'université (FUCK!!) parce qu'un prof (français d'orginine il faut le mentionner) exigeait une certaine qualité du français (dans le travail de session et aux examen) sinon il donnait un "E". C'est la seule façon qui m'a forcé à apprende à travailler mes textes et à améliorer mon français. (je crois que c'était 5 fautes par page, qui aujourd'hui me semble pas très élevé comme critère). Le gros problème c'est qu'il force les jeunes à apprendre les règles sans leur expliquer comment les utiliser et à écrire des textes ce qui est pourtant la base d'une langue écrite... mais bon ça ne risque pas de changer de sitôt... à moins que l'ADQ renverse le gouvernement :))
Stéphane,
RépondreSupprimerJ'ajouterais pour le bénéfice des autres lecteurs, que parmi mes amis, tu es une étrange exception, qui a survécu pas trop mal au système et fais beaucoup moins de fautes que la moyenne de mes amis de ton groupe d'âge.
Un de mes anciens profs de français au secondaire nous a raconté récemment qu'il s'était fait demander par ses élèves si la dictée se faisait à deux ou à trois...
RépondreSupprimerEt c'est un prof de latin qui m'a fait comprendre le pourquoi du comment en grammaire, et il ne peut pas enseigner le français.
Et puis une fois j'ai eu un débat un peu surréaliste avec un prof de géo, qui se plaignait que les jeunes de nos jours ne savent plus écrire, alors que la plupart de ses travaux consistaient en du bricolage.
Et sur les textes plein de fautes, j'ai souvent entendu l'argument choc «je sais qu'il y a des fautes, mais j'avais pas envie de corriger» suivi du commentaire choc «je sais pas pourquoi tu disais qu'il y a plein de fautes, je n'en ai vu aucune !»
Bon. Ça n'apporte pas grand-chose comme commentaire, mais... voilà. Je trouve que la place du français dans l'enseignement et dans La Vie est... bizarre.
D'une part, j'avoue que je n'ai pas trouvé la situation si mauvaise dans les cours que je donne, mais il est vrai que mes étudiants étaient soit en sciences (où se retrouvent en général les meilleurs éléments, toutes catégories confondues, ce qui comprend la maîtrise du français) soit en histoire. En histoire, il faut aimer lire et écrire; ça peut aider. Et, en sciences, j'ai surtout enseigné à de futurs enseignants en sciences sur le point d'aller faire leurs premiers stages sur le terrain.
RépondreSupprimer(Il y a aussi mes étudiants anglophones à Ottawa, mais c'est un autre sujet.)
En revanche, cette année, j'enseigne à des étudiants normaux en sciences. Ce sera intéressant de voir leurs travaux. Les examens de mi-session m'ont déjà permis de tirer certaines conclusions, mais pas du genre que j'énoncerais en public...