lundi 7 mai 2007

À propos de deux «Feel bad Movies» québécois

Vous connaissez peut-être l'expression «Feel good movies», que l'on attribue à ces films souvent légers qui ont comme point commun de vous laisser avec un sourire et une impression de bien être après leur visionnement. Il s'agit souvent de comédies romantiques, avec une belle fin ou de comédies dramatiques au dénouement heureux. Plus rarement, il s'agit de films plus sombres ou dramatiques mais dont un côté est habilement mené pour évoquer des émotions agréables malgré leur sujet. Je pense à La vie est belle, par exemple, qui n'a pas été qualifié de typique «Feel good movie» mais qui avait un effet similaire, et même plus fort encore.
J'ai déjà parlé sur ce blog de quelques films du genre, comme Music and Lyrics ou Wimbledon, par exemple. Je ne cache pas que j'aime bien ces films - lorsqu'ils sont bien faits - et que j'en tire ce que je vais y chercher, un peu comme je le fait d'un Woody Allen, un Spider-Man ou d'un Tarantino, dans d'autres registres.
Aujourd'hui, ce commentaire se penche sur le phénomène inverse; ce que j'appelle les «Feel bad movies», ces films - il y en a des bons comme des mauvais - qui vous laissent un goût amer dans la bouche, qui vous donne envie de prendre un drink ou deux pour oublier que vous êtes secoués ou que soudainement - aussi soudainement que les «feel good movies» vous faisaient vous sentir heureux - vous vous sentez déprimé.
Je trouve ces films assez étranges, contrairement à leur équivalent positif. On peut facilement comprendre pourquoi on fait des «feel good movies», puisqu'ils sont légers et agréables, et qu'en plus de plaire et faire rire, ils risquent de faire plus d'argent puisque les spectateurs heureux les recommanderont (s'ils sont bien faits, évidemment).
Or pourquoi sent-on le besoin de faire un «feel bad movie»? Première réponse; pour raconter une histoire précise, avec sa morale ou son message bien à elle, et que ce message et cette histoire ne peuvent pas être racontés autrement que par ce sentiment de malaise total. L'exemple le plus intense qui me vienne à l'esprit pour illustrer ce cas est Requiem for a Dream, qui laisse dans un état de choc qu'aucun spectateur ne peut oublier par la suite.
Cet exemple se défend très bien, et il atteint son but tout en offrant un produit artistiquement (cinématographiquement) brillant à tous points de vue.
Or si j'ai décidé de parler un brin de «feel bad movies», c'est que j'ai récemment visionné deux films québécois que j'ai classé dans cette catégorie, et je pense que ce n'était pas l'intention de leurs auteurs. Je fais peut-être erreur, mais dans un des cas, on a même vendu le film aux spectateurs comme une comédie. Je parle de Cheech, ici. L'autre film est La vie secrète des gens heureux.
Ces deux films sont bien différents dans leur approche, dans leur réalisation et dans leur interprétation. Toutefois, le sentiment de malaise et de déprime qu'ils laissent après leur visionnement est le même - et une fois encore, je ne pense pas que la chose ait été intentionnelle.
Cet état de fait explique d'après moi l'échec commercial (partiel) des deux films, puisque ce n'est pas le genre de films qui vous font dire à tous; allez voir ce film! Au contraire, vous allez probablement tenter d'éviter ce sentiment de déprime à vos amis en ignorant ces films lors de vos recommandations.
(Je n'ai rien contre les films intenses, sérieux, dramatiques, remarquez. Après avoir vu Schindler's List, Million Dollar Baby, Babel ou Downfall, par exemple, je n'avais pas un grand sourire aux lèvres, mais je m'empressais de dire aux amis à quel point ces films étaient bons, malgré qu'ils traitaient de sujets difficiles).
Ce n'est ni le cas de La vie secrète des gens heureux, ni celui de Cheech, pourtant. Les deux films ne sont toutefois pas des mauvais films. Cheech ne méritait pas d'aussi mauvaises critiques à sa sortie, j'avoue ne pas comprendre la réaction médiatique; ce n'est pas un excellent film, mais il est bien réalisé, bien interprété et monté avec talent, malgré quelques trous et longueurs dans le scénario, ce sentiment déprimant et le fait qu'il a été vendu comme un film comique, ce qu'il n'est pas vraiment (pas du tout, en fait).
La vie secrète des gens heureux comporte son lot d'humour (noir), par contre, en première partie, mais l'histoire bifurque à un moment et les personnages s'enfoncent et le degré d'ironie est totalement mis de côté pour quelque chose de plus absurdement pathétique.
Bref, malgré leurs qualités, il s'agit de deux films qui laissent sur un sentiment d'inutilité, soit exactement l'inverse de ce que je recherche habituellement dans les films, quel que soit leur genre, et c'est pourquoi je ne les recommande pas plus que les autres critiques ne l'ont fait avant moi...

2 commentaires:

  1. Anonyme9:08 PM

    Intéressante analyse, et point de vue original en ce qui me concerne. J'aurais ajouté à ta liste un autre film québécois, _Horloge biologique_. Même argument qu'au sujet des deux films cités: c'est un film bien fait et bien interprété. Mais avais-je envie de le recommander autour de moi après l'avoir vu? (Remarquons que, contrairement à _Cheech_ et _La Vie secrète des gens heureux_, _Horloge biologique_ a été un relatif succès en salles.)

    Joël Champetier

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  2. Oui, en effet, il y a similarité, mais je n'irais peut-être pas, personnellement, à qualifier Horloge Biologique de «Feel bad movie». Le film de Ricardo n'était certes pas à la hauteur de son Québec Montréal, mais je ne me souviens pas m'être senti réellement déprimé après son visionnement - même si je ne me suis pas senti joyeux non plus, et que je l'ai, il est vrai, peu recommandé.

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