samedi 17 juillet 2004

Proof of Life ou 13h de bus sur les routes de l'Équateur.
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Je suis parti hier de Riobamba, au centre du pays pour me rendre à Loja, au sud. Treize heures de bus, avec une correspondance/attente d'une heure à Cuenca. En général, les autobus longue distance du pays sont plutôt confortable, je m'attendais à bien pire. Le problème de distance n'est pas si important, mais le problème du temps l'est. Et c'est pas parce que le chaufeur ne va pas vite, il acélère à la moindre occasion (nonobstant toute règle de conduite d'ailleurs). Le problème, c'est que dans la culture équatoriene, vous montez et descendez du bus n'importe où, là où vous le désirez. C'est bien pratique pour tout le monde, mais sur un trajet de deux heures, ajoutez au moins une heure, sinon plus, à cause des arrêtes non pas fréquents, mais incessants.
Ainsi, par exemple, au départ de Riobamba (avec 15 minutes de retard, ce que tout le monde sait ici, puisque 3/4 des passagers équatoriens se pointent avec 10 minutes de retard), au départ donc, on quitte le terminal terrestre et un coin de rue plus loin, le chauffeur commence à crier la destination et on commence à embarquer des passagers supplémentaires. Un coin de rue. Pourquoi diable ne se sont-ils pas rendu un coin de rue plus loin pour embarquer au terminal? Mystère. Évidemment, pour des longues distances, quand vous parler d'embarquement ou débarquement, vous parlez aussi bagages dnas les soutes ou sur le toit du bus, d'où un temps incroyable perdu ainsi. une bonne demie-heure fut donc nécessaire pour quitter seulement le quartier du terminal terrestre de Riobamba, terminal d'où nous étions parti avec 15 minutes de retard en plus. Je me doutais bien que le 6h que devais prendre le trajet Riobamba-Cuenca en prendrais maintenant au moins 7.
J'ai un compagnon de voyage pour une partie du trajet, il travaille à Alausi. Il aime apprendre des trucs en anglais. Il prends pleins de notes dans son agenda, en anglais. Il a transcrit les sous-titres anglais de scénes d'un film, qu'il étudie ensuite, en sachant qu'il peut comprendre, malgré son impossiblité d'apprendre ainsi la prononciation. Intéressante technique. Il m'en montre des bouts, me pose des questions (après avoir jasé de tout et rien, bien entendu, en español, il ne parle pas réllement anglais, il apprends des mots et expressions). C'est pas évident à traduire, la scéne est tirée de Nutty Profesor II. C'est très très slang (joual américain), très très vulgaire, quasi scatologique, je tente de lui expliquer pourquoi c'est pas évident à traduire, que c'est souvent totalement intraduisible d'ailleurs. Enfin...
La route elle-même, une fois sorti des villes, est plutôt correct également, en terme d'entretien. Pas toujours pavé, on s'entends, mais tout de même carossable. À certains endroits , des jeunes ont tendu des cordes d'un côté et ils tiennent l'autre bout pour créer un péage à véhicule! Le chauffeur a prévu le coup en s'achetant une douzaine d'orange pour 1$ en partant, et il paye donc son passage avec des oranges.
de Riobamba à Cuenca, je dirais que le paysage est... à couper le souffle, rien de moins. Et à faire arrêter le coeur à quelques reprises aussi, et pas seulement parce que c'est beau, aussi parce que d'est diablement effrayant par endroit!
Il y a, à environ 20 minutes avant d'atteindre un village qui s'appelle Alausi, un endroit que l'on appelel ci El Nariz del Diablo (le nez du diable). Pour le nez, je sais pas, mais le diable, ok. C'est une vallée, que dis-je, un ravin? Non, un précipice, non, un abîme, plutôt, oui, les mots me manquent, en fait, aucune langue ne semble avoir prévu le concept dans son vocabulaire. Le diable, quoi. Cet crevasse immense, on doit donc la longer pendant environ 3km de vol d'oiseau. Après 20 minutes de zigzag, on descend vers le village, qui se trouve à environ 800 m plus profond que la route. Et il n'est pas au fond, évidemment! Puis, on repart, on remonte et ça prend environ une heure et demie par la suite pour finir de traverser le secteur. Imaginez quelle genre de route serpente et monte et descend et serpente et zigzague dans un précipice de la sorte pour que ça prenne plus de 2h pour traverser ces 3 km! Vous imaginez le pire? Imaginez encore, ça n'est rien à comparer au réel! El nariz del diablo a été célèbre pendant un temps, puisque le train allant de Guayaquil à Quito devait traverser ce secteur. Aujourd'hui, malgré la destruction de la voie ferrée entre Guayaquil et Quito par les divers El Niños passés, il reste un segment Alausi-Riobamba, et on peut même voyager sur le toit du train si on est complétement cinglé. J'avoue que le trajet d'autobus est suffisamment effrayant comme ça, je passerai pour le toit du train, merci!
Tk. Après une pause à Cuenca, où j'ai pu manger un peu et relaxer avant de prendre un autre bus pour Loja, nous voici à peine sorti de la gare de bus que nous prenons d'autres passagers (?!) et on prends donc une bonne heure juste pour sortir de Cuenca. Évidemment, on n'est pas parti à l'heure non plus. Je suis censé arriver à Loja vers 8h30 du soir (j'ai quitté Riobamba à 7h30 le matin). La route de Cuenca à Loja est fort différente de la précédente. Nous voyons maintenant dans la Cordillière du Condor, une chaîne parallèle à la chaîne princpale de la cordilière des Andes, tout en voyageant sur les crètes des montagnes de celle-ci. Impressionnant, la vue est surréaliste. La route est un peu moins pavée, mais bon, c'est pas si pire. Il y a moins de précipices aussi, on est moins directement au-dessus du vide.
Quoique...
À un moment, la route est bloquée pour des constructions, et il y a donc un détour d'indiqué, avec oja par là, vous voyez le genre? Que fais notre chauffeur? Ben voyons, il contourne simplement cette stupide pancarte et continue sur la route bloquée! devant, à environ cinq minutes, il y a un pont en construction. Un pont. Et qui dit pont, dit rivière en-dessous, á environ 200 m plus bas, à vue de nez. le pont est pas fini, le tablier traverse bien, mais pour le reste, allez savoir ce qui tient et ce qui est prêt, cette route doit pas être bloquée pour rien, bordel... Que fait-il? Ah!! Il s'enligne sur le pont en construction, à 5 km à l'heure. Mon coeur ne bat même plus, il n'y a plus un bruit dans le bus, on entend seulement le ronronnement du moteur, le bus avance au pas, je regarde en bas par ma fenêtre, ahhh, mauvais idée. Si on tombe, il n'y a aucune chance que la moindre mouche dans le bus ne survive à une chûte pareille. Ahhh, on dirait que nous sommes à la moitié. Seulement? ça doit bien faire 3 jours que nous sommes là! Aaahhhh! ça vibre, c'est quoi cette vibration???? Le pont balance un peu aussi, ça, y parait que c'est bon signe, que tous les ponts sont en quelque sorte souples, ils springnent un peu, vous savez? mais ici, ça n'a rien de rassurant. Mais où est donc l'autre rive, putain de ... Aahhh... l'aure côté du pont est bloqué par un amas de terre! Shit. Qu'à cela ne tienne, il active une commande (je suis assis devant, je vois tout, bele idée!!!), qui fais remonter d'un carn le plancher bas du bus. Il s'enligne pour traverser cet amas de terre. Ok, si le pont tient le coup, on va simplement s'enliser ici, au milieu d'une route bloquée avec personne d'autre, alors que notre conducteur prend son bus pour un 4x4!!! Shit, le bus tangue un peu (de mon côté, évidemment, pour que je vois bien le ravin et sa rivière qui semble nous attirer)... ah, on retombe de l'autre  côté, puis on traverse finalement sur la rive et de retour sur une route carossable. Ooufff! je me remet à respirer, mon coeur se remet à battre, rien ne sert de cesser toute fonction vitale maintenant que nous ne risquons plus rien (pour le moment), hein? Bordel, je suis content, j'ai envie d'applaudir, mais je sens que je ferais un fou de moi. car à part 3 autres blancs assis ensembles tout au fond du bus, je suis le seul non-équatorien et les autres ont eu l'air de regrder le tout d'un air sinon indifférent, au moins détaché, à peine curieux. Aaaaahhhhhh, je respire.
À titre de récompense, la nature me gâte avec un superbe paysage et une belle vue de la cordilière du Condor. Il y a beaucoup de nuages, mais le soleil transperce à quelques endroits. Un arc-en-ciel part à peu près de notre altitude et se perd en descendant dans le ravin entre nous et le Condor. Splendide. Je tente une photo, lors d'un arrêt pour faire descendre quelqu'un au milieu de ce nulle part.
Enfin, je vois une affiche (trés rares sur les routes équatoriennes) disant Loja 125 km. Ah? je consulte ma montre, nous sommes encore en principe à 3h selon l'horaire du bus.
Bon, la pluie se met de la partie, et détrempe la route quand elle n'est pas pavée. A un moment, le chauffeur freine brusquement et fait tanguer le bus avec une manoeuvre d'évitement: que se passe-t-il? Oh, un petit éboulis qui a amené sur la route quelque roches. On tente de toutes les éviter mais en accroches certaines petites (taille ballon de soccer), boum, crak, boum, blong, on réussi à passer ce champs d'astéroide local. Fiou, on ne s'ennui pas sur les routes équatorienne, en tout cas.
Tiens, une autre affiche. Loja, 104 km. Je regare l'heure, on a mis 30 minutes à couvrir les 21 derniers km. faite le calcul et imaginez la route. Et elle est pavée pour une bonne partie.
La nuit tombe finalement. Et en Équateur, le soleil ne se couche pas paresseusement pendant une heure comme au Canada, non, le soleil tombe littéralement. une minute il est en plein ciel, puis il disparaìt, Bonne nuit, ciao amigos. Sérieusement, je n'exagère rien en disant que l'on passe de plein soleil à nuit noire en moins de 15 minutes. J'avais observé le phénomène souvent à Quito, mais bon, ici, sur la route, comme ça, sans prévenir, il fait nuit.
On traverse à nouveau une partie non pavée, à la lumière des phares, tout a l'air plus inquiétant, on voit moins. C'est bon pour mon coeur, mais pourquoi diable ne pourrait-on pas avoir assez de luminosité pour que le chaufeur, lui, y voit quelque chose. Si c'est effrayant le jour, imaginez en sachant que le conducteur n'y voit rien??? On traverse une sorte de swamp, c'est même plus une route, une sorte de petit plateau, détrempé par la pluie, qui crée une boue dense, on traverse ça en croisant un autre bus... sur notre droite (!!!), puis on retrouve la route, puis le pavé. Eh ben. Une affiche m'indique Loja 68 km. Nous mettrons deux heures à couvrir ces 68 derniers km.
Nous atteignons donc Loja, à 8h30 précises! je partage un taxi (1$ à 4) avec les trois parisiens qui étaient au fond du bus, et nous nous retrouvons en quelques minutes au centre-ville, sains et saufs.
Proof of Life. Le rajet m'a fait penser à intituler cette relation avec le titre en référence à ce film avec Russel Crowe, vous vous souvenez? Il a été tourné en Équateur, près de Baños, d'après ce que j'en sais (pas vérifié, mais ça me semble plausible). Ainsi, louez-le si vous voulez voir des paysages que j'ai fort probablement vu récemment.
Ciao, amigos, aujourd'hui, je prends ça relax dans le centre-ville de Loja, superbe, très belel architecture coloniale, toute colorée et pleine de bois! des belles places, beaucoup de commerces et d'activités, c'est très vivant, sympathique... Il n'est pas impossible que Suzie arrive ici ce soir. Pas certain, je ne connais pas l'état des routes au nord du Pérou, mais bon, avec une Proof of life qui date d'hier près de Tumbes...
 
 

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