mercredi 6 mai 2009

Une fêlure au flanc du monde

Il y a quelques semaines déjà, j'ai lu le premier roman d'Éric Gauthier, Une Fêlure au flanc du monde, publié chez Alire.
Le roman raconte les histoires entrelacées de Malick et Hubert. Malick est un magicien (auto-proclamé et autodidacte) qui se voit obligé de fuir Montréal alors qu'il est en brouille avec un gangster local. Il part se terrer à St-Nicaise, en Abitibi, où il a passé ses années d'adolescence. Une partie de son passé viendra le rejoindre, mais il se retrouvera surtout le centre d'attraction d'un petit groupe de jeunes adultes locaux gravitant autour d'un projet de film amateur. Malick sera aussi rapidement la cible d'un groupe de méditation new age /occulte installé dans la région avec qui il a déjà croisé le fer quelques années auparavant. Hubert est un père de famille divorcé qui cherche un sens à sa vie et joint un groupe lui proposant la vérité et une lutte contre le faux qui a envahi le monde. Le chemin d'Hubert croisera celui de Malick à deux reprises, leur histoire trouvant son point culminant à St-Nicaise.
Il est difficile de résumer ce roman sans trop dévoiler de son intrigue, car il s'agit d'un généreux roman de 525 pages bien dense et aux nombreuses intrigues entrelacées et aux petites surprises bien préparées.
Personnellement, j'ai bien aimé ma lecture de ce roman; du bon fantastique léger et urbain, peuplé de personnages sympathiques et originaux, avec une intrigue bien menée, et une conclusion parfaitement satisfaisante ne laissant aucun fil pendre inutilement. Bref, pour un premier roman, c'est une très belle surprise.
Remarquez, je n'en attendais pas moins d'Éric Gauthier, un conteur de talent ayant déjà d'excellentes nouvelles (en plus de ses contes) à son actif. Ce qui étonne en fait, c'est le ton plutôt retenu de la narration, le style quasi effacé de l'auteur, que j'aurais aimé plus présent, vu son imaginaire si fertile et le ton plus personnel emprunté dans ses nouvelles et ses contes. On me dira qu'on ne mène pas un roman comme un conte, mais j'imagine que l'auteur saura trouver un équilibre et se donner plus de libertés dans ses romans suivants.
Ce que j'ai beaucoup apprécié de l'auteur dans ce roman, c'est le parti-pris qu'il a emprunté de nous raconter son histoire dans un monde qui est à la fois notre monde et un monde dans lequel la magie est possible - et même la norme en ce qui concerne Malick. Ce parti-pris est donc reflété dans les dialogues et les idées de Malick, qui ne fait jamais grand cas des "pouvoirs" en cause, puisque la chose relève pour lui de la normalité du monde. Cette approche pseudo-réaliste s'avère très efficace (et toujours appréciée de ce lecteur-ci) quand vient le moment de plonger dans le coeur fantastique de l'intrigue, puisque le lecteur a déjà accepté de suspendre son incrédulité avant de s'enfoncer plus profondément dans le surnaturel.
Le roman est parfois un peu bavard, mais on pardonne à l'auteur, puisqu'il met alors en scène Malick, qui s'avère un personnage amusant et attachant tout au long du roman.
Le roman Une fêlure au flanc du monde offre donc un bon moment de lecture, un divertissement intéressant et la découverte d'un nouveau romancier (et d'un conteur et nouvelliste pour ceux qui n'ont pas encore eu le plaisir de lire Éric Gauthier). Pour les intéressés, Éric fait justement la tournée des salons du livre du Québec et est un des trois auteurs du blogue Fractale-Framboise.

2 commentaires:

  1. Daniel Sernine5:38 PM

    Ce qui est intéressant dans La fêlure, c'est qu'Éric laisse le lecteur libre de décider quelle part de la «magie» de Malick est réelle (surnaturelle), quelle part relève de l'autosuggestion et quelle part est juste de la bullshit.
    De la même façon qu'il nous laisse libres de situer Malick sur le spectre conteur-raconteur-mythomane (rappelons-nous le coup du crocodile, et cette phrase ineffable à la fin d'un des derniers chapitres, «...la dernière fois, j'étais perdu dans un temple maya»).
    Pour ma part j'ai choisi de croire que, la moitié du temps, il ne sait pas ce qu'il fait, mais qu'il est très chanceux. Je crois que son ex-blonde, celle de la bande qui le connaît le mieux, reste elle aussi très sceptique.
    En (tout) cela, c'est vraiment le roman d'un conteur.

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  2. Merci Daniel pour exprimer cet élément important du style avec lequel Éric a abordé cette histoire et ce personnage de Malick; tu as parfaitement raison, c'est habile; chacun a la liberté d'interpréter à sa manière la magie de Malick.
    Avec quelques "contradictions volontaires" ou modifications dans ses relations diverses, Malick lui-même nous indique qu'il y a une part de bullshit dans ce qu'il raconte parfois.

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