mercredi 13 mai 2009

Jason Bourne ou le James Bond moderne

C'est étonnant comment parfois, les fantômes du passé reviennent faire un tour dans votre vie. Et je ne métaphore pas tant que ça puisque je parle de la créature fictive d'un écrivain décédé, qui revit littéralement depuis quelques années; je parle de Jason Bourne.
(C'est un sujet vaste, donc je ne me gênerai pas pour utiliser quelques liens externes à explorer pour les curieux).
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Robert Ludlum et moi, nous nous sommes connus via sa fiction uniquement; je n'ai jamais rencontré le bonhomme, mais j'ai lu une bonne vingtaine de ses livres, entre la fin de mon adolescence et la fin de ma première vie d'adulte. Je parle de lecture en traduction française, et à une époque où mon sens critique n'était pas encore développé, alors je ne porte aucun jugement critique sur la qualité de la traduction des romans de Ludlum. Je sais seulement que je trouvais ça excellent.
J'ai connu Ludlum en lisant le roman La Mosaïque Parsifal. Ce livre a été un véritable choc; une révélation; la découverte d'un genre: le roman d'espionnage moderne. Je me souviens de La Mosaïque Parsifal que le roman était une brique comme j'en avais peu lu avant ça - et que tout le long du roman, je comprenais seulement la moitié de ce qui se tramait entre les lignes, et n'ai compris le tout que lors de la chute - une chute bien calculée par son auteur, c'est-à-dire que j'ai compris le tout à la dernière page du roman. C'était une première pour moi, j'ai donc adopté Robert Ludlum pour plusieurs années.
Ce qui m'a mené sans douleur et avec grands plaisirs à la «trilogie Bourne», je parle évidemment des trois romans signés Ludlum; The Bourne Identity, The Bourne Supremacy et The Bourne Ultimatum. Si la série est bien construite, complexe, pleine de suspense et de revirement, il faut avouer que le premier roman est tout à fait génial dans sa prémisse (souvent recopiée à divers niveaux depuis). Jason Bourne était entré dans ma vie de lecteur, et c'était un plaisir de le retrouver à chaque nouveau roman.
Puis, passé un téléfilm ordinaire (avec Richard Chamberlain), diffusé dans les années 80 et rapidement oublié, Jason Bourne a lentement glissé dans mon passé, devenant un souvenir de plus en plus lointain. À la fin de cette première vie d'adulte lecteur, j'ai appris l'anglais, ai cessé de lire en traduction les oeuvres disponibles en version originales, et après le décès de Robert Ludlum, Jason Bourne venait pratiquement de disparaître également.
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Mais Bourne a la vie dure. À peine un an après le décès de son créateur, Universal Studios lançait le film The Bourne Identity, basé sur le premier roman mettant en scène le célèbre personnage, avec Matt Damon dans le rôle titre. Le film de Doug Liman relance alors Jason Bourne, qui deviendra une véritable franchise, autant au grand écran que dans les librairies.
Car en plus des rééditions des romans de Ludlum et de deux autres excellents films librement inspirés des romans suivants de Ludlum - signés Paul Greengrass -, les héritiers de Ludlum font du nom de l'auteur et des univers qu'il a créé, une entreprise d'écriture et de publication.
Ce que j'appelle alors Ludlum Inc. (Robert Ludlum TM) permet à divers auteurs d'entreprendre des explorations plus ou moins réussies, et souvent inégales. Cette exploitation de la réputation et de la renommée de l'auteur ne fait d'ailleurs alors pas l'unanimité parmi ses lecteurs.
En 2004, l'année de la sortie du second film avec Matt Damon, un de ces produits dérivés est publié par l'écrivain Eric Van Lustbader: le premier d'une nouvelle série de roman mettant en scène Jason Bourne: The Bourne Legacy.
À l'époque, la chose a attiré mon attention, mais sans plus. Bourne faisait partie de mon passé de lecteur, et les films étaient suffisants de mon point de vue.
Récemment, pendant un voyage en Asie, après avoir terminé un roman, j'errais dans une librairie d'occasion à Chiang Mai dans le nord de la Thaïlande, et je suis tombé sur The Bourne Legacy et décidé que ce roman ferait une aussi bonne lecture qu'un autre pour les longs trajets de bus.
Ma lecture des romans originaux de Ludlum remonte à si loin - et la chose se passait en traduction en plus - que je ne suis pas en mesure de faire une comparaison. Je dois toutefois avouer que le roman de Lustbader est honnête, bien ficelé, intéressant, et avec un bon rythme pour un roman d'espionnage. Bref, sans être un chef d'oeuvre, on y retrouve tout ce qui est souhaitable dans un bon divertissement de ce genre, et ce n'est pas mal écrit du tout.
J'en pensais en tout cas assez de bien pour emprunter à la bibliothèque - il y a quelques semaines - le second roman de cette série signée Lustbader: The Bourne Betrayal. Déjà un peu plus tiré par les cheveux dans sa prémisse, le roman possède lui aussi les ingrédients habituels à ce genre de bouquin, et s'est avéré une lecture parfaitement divertissante... une fois acceptée l'idée que le personnage de Bourne ait déjà vécu et appris (et oublié) autant de choses et d'aventures en si peu de d'années depuis sa création et avec son passé.
En terminant ma lecture et réfléchissant à cet aspect de Jason Bourne, j'en suis venu à la réalisation toute simple que Jason Bourne était devenu le James Bond de sa génération.
Bourne est en effet devenu le personnage central de deux séries de romans par deux auteurs, d'un téléfilm, de trois films et même un jeu vidéo (The Bourne Conspiracy). Il y a déjà des sites internet pour comparer les deux espions, les deux styles, et pour se demander lequel est le meilleur. Un site de cinéma pose même la question de l'influence de Bourne sur le récent reboot de la franchise Bond.
Sur le flanc littéraire, Eric Van Lustbader ne s'est pas arrêté à deux romans, puisqu'en 2008, il a publié le troisième roman de sa série: The Bourne Sanction et que le suivant, The Bourne Deception, est prévu pour juin 2009. Pour le moment, je dois avouer que les deux romans précédents ont soulevés assez d'intérêt pour que je lise le troisième tome d'ici peu. Et l'effet franchise ne s'arrête pas là, puisque Universal a en projet un 4e film, toujours avec Matt Damon, prévu pour une sortie en 2011. Et ce nouveau film (Untitled Jason Bourne Project) est basé sur un scénario original.
Tout comme Bond, donc, Bourne (qui possède les mêmes initiales, qui sont aussi celles de Jack Bauer, de 24) peut se permettre d'évoluer dans plusieurs univers plus ou moins reliés les uns aux autres et une fois la chose acceptée, ces vies parallèles ne sont plus un problème pour le lecteur ou le spectateur. Pour ma part, je ne sais pas encore si Bourne a la capacité de survivre aussi longtemps que Bond; il sera éventuellement soumis à un test cinématographique important le jour ou Damon passera le relais à un autre acteur.
D'ici là, l'existence de Bourne et la longévité du personnage est remarquable. Robert Ludlum aura créé plusieurs oeuvres, marqué une génération de lecteur d'espionnage et créé un personnage devenu plus grand que nature.
Jason Bourne, un fantôme que je ne pensais pas revoir dans ma vie, et me voilà, trois excellents films et deux romans plus tard, à écrire un billet sur un blogue, à propos de ce personnage découvert il y a quelques décennies.
Ce n'est pas rien.
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(Pour plus d'informations sur ces divers univers, je vous invite à visiter le site de IMDb, la page Bourne sur Wikipedia et celle sur l'écrivain Eric van Lustbader. Sur son site, Lustbader parle même d'un 8e roman mettant en scène Jason Bourne: The Bourne Objective. Wiki a aussi une page détaillée sur le créateur original, Robert Ludlum).
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