Faisons comme tout le monde en ce 11 septembre et parlons terrorisme.
Première précision: bien que la journée des attentats de New York m'ait marqué comme tout le reste de l'Amérique, il faut apprendre à mettre les choses en perspective. Les américains (leur gouvernement en tous cas, que ça soit volontairement ou pas) ne le font pas. On a mystifié cette journée et la chose m'agace souvent. On soulignera tant qu'on voudra les événements d'il y a 5 ans comme un drame de l'histoire de l'humanité, encore faut-il se souvenirs de drames similaires ou mettre le résultat en parallèle avec les réactions qui ont suivi. Exemple, l'invasion de l'Irak par les USA aura coûté plus en vie humaine que les attentats de New York. En fait, le nombre de victimes américaines seules, l'Irak coûtera plus de vies que ce qu'Al Qaeda aura fait aux USA...
Bon, alors cette guerre au terrorisme, qu'en est-il?
Tout d'abord, il est faux de parler de guerre, ce terme désignant généralement un combat, des affrontement entre des adversaires définis. Or, le terrorisme, c'est qui? C'est pleins de monde et personne en tant que groupe réunissant ces gens. Cet état de chose rend totalement impossible la guerre au terrorisme, et encore plus l'idée de vaincre le terrorisme.
Par définition (la mienne en tous cas), le terrorisme est le fait de frapper des innocents pour lancer un message de nature idéologique.
Bien qu'il y ait eu des attentats en tous genre depuis plus de cent ans, on a réellement commencé à parler de terrorisme quand des palestiniens ont attaqués tout à fait gratuitement un pays étranger à leur conflit avec Israël. Le message d'alors était: «tout le monde se fout de nous en disant que notre différent avec Israël ne les concerne pas, maintenant, ça les concerne». Bref, on disait qu monde indépendant que s'il ne voulait pas être frappé gratuitement et sans raison, il devrait se mêler du problème et tenter d'aider ceux qui lançaient le message. On voulait alors que l'on se mêle des affaires des autres.
Les récents attentats (Madrid, Londres) et la tentative qui aurait été avortée cet été à Londres lancent un message bien différent; les pays ciblés (particulièrement en ce qui concerne les faits de cet été) sont les pays qui se sont impliqués dans l'invasion de l'Irak. Message direct: «Ne vous mêlez pas des affaires des autres».
Cet exemple de message démontre bien que «le terrorisme» n'est pas uniforme, n'a pas de chef, n'est pas un groupe que l'on peut combattre. Si demain matin, je décide par conviction de commettre un acte du genre, je ne fais pas partie d'un groupe connu, ne suis en rien connecté à des terroristes, et ainsi, il serait impossible (ou quasi impossible) pour les autorités de m'arrêter. Car sérieusement, si quelqu'un est prêt à mourir en accomplissant ce qu'il voit comme une mission, il est effectivement très difficile de l'arrêter. On peut augmenter les normes de sécurité (j'y reviens plus loin), mais pas les rendre 100% impénétrable, et ce, peut importe l'endroit visé.
Ainsi, faire la guerre au terrorisme est inutile, de la manière dont les USA d'aujourd'hui prétendent la faire. Évidemment, l'idée est aussi simple que simpliste, alors elle est facile à passer auprès du peuple lors d'élections («Moi, je vais tuer les terroristes, vous allez être plus en sécurité» est un message qui a permis à GWBush de se faire réélire simplement).
Or les actions pseudo-anti-terroristes d'aujourd'hui ne font qu'une chose avec certitude: elles créent le terroriste de demain. L'agenda des républicains américains est évidemment plus complexe, mais son application a des répercussions sur les autres pays, dont le nôtre. C'est d'autant plus sérieux pour les canadiens quand leur premier ministre minoritaire décide de jouer au valet de W.
Bon, alors s'il est inutile de faire la guerre au terrorisme, pourquoi est-ce que je dis que le terrorisme a déjà gagné cetet guerre?
C'est plutôt simple. L'objectif du terrorisme - le mot le dit - c'est d'engendrer la terreur. On veut qu'un groupe de gens ait assez peur pour les forcer à poser le geste qui est celui désiré par ceux qui ont commis l'acte. Reprenez mon exemple palestinien; si les pays voisins ont assez peur de nos attaques gratuiites, ils vont finir par nous écouter et nous venir en aide (en très simplifié, mais c'est ça qui est ça).
Or quel est le but des actes comme ceux de New York? Entre autres choses, dénoncer/lutter contre la disparité épouvantable du niveau de vie des pays industrialisés - dont les USA représente l'idéal néo-libéraliste en terme d'économie capitaliste - par rapport aux pays plus pauvres. L'apparition de cellules basées sur la religion est presque anecdotique (et logique si on pense que les grands mouvements de violence de notre histoire humaine ont souvent été motivés par la religion quelle qu'elle soit).
Déstabiliser les plus riches, les habitants de ces sociétés capitalistes, donc. Et quel est le mot d'ordre et la méthode de prolifération de ces sociétés sinon la mondialisation, qui assure une meilleure circulation des personnes, des capitaux et des biens.
Voici pourquoi les attaques de new York ont été marquantes; elles transformaient et fragilisaient le transport aérien, donc le secteur le plus important de cette mondialisation des marchés, puisque c'est encore le meilleur moyen de déplacement des personnes et des biens de consommation des sociétés visées.
Attaques à new York en 2001, suivies par cinq ans de mesures diverses pour augmenter notre sécurité. Nous n'avions que peu de choix, évidemment, mais en même temps, ces mesures nécessaires réduisaient déjà notre mobilité, ajoutant quelques irritants ici et là et ajoutant surtout quelques interdits.
Puis d'autres attentats, achevés ou non, comme ceux perpétrés en Espagne ou en Angleterre. Récemment, donc, on a ajouté d'autres mesures de sécurité (l'affaire des liquides), et réduit d'autant notre plaisir et notre facilité à se déplacer, ajoutant des délais et interdits devenus nécessaire pour assurer la sécurité de ce mode de transport des biens et personnes.
Or comme je l'ai déjà mentionné, il n'est pas possible de créer un systême de sécurité à toutes épreuves, notamment dans le monde du transport aérien, à moins d'être si étanche qu'il faudrait par exemple limiter les vols, et allonger encore une fois les délais et les interdits. car tant qu'il y aura des gens en avion, il y aura des risques si un de ces passagers est prêt à donner sa vie pour sa cause. Avant, c'était les armes, puis les armes blanches, les objets métalliques... Maintenant, ce sont les liquides... Après, ça sera les clefs, les petits objets en bois, les lunettes en plastique rigide, etc. Puis, après l'interdiction totale de baggages en cabine, on passera à la limitation au niveau vestimentaire... qui sait?
Bref, en un mot comme en cent, en rendant plus vulnérable, dangereux, risqué, moins populaire, le moyen de déplacement et expédition nécessaire au commerce mondial, les responsable des attaques de new York ont gagné d'avance cette guerre au terrorisme puisque nous sommes déjà moins libres qu'avant, moins mobiles, bref, un peu moins mondialisés.
Et ce n'est pas en invahissant les pays à notre guise que nous allons faire évoluer la question. Que ça soit en Afganistan, en Irak, au Liban où ailleurs dans le monde. Et que l'on ne vienne pas me lancer l'argument voulant que l'on installe par la suite un régime démocratique, puisqu'il s'agit d'une autre utopie; des dizaines de pays «libérés» involontairement par les américains depuis des décennies, aucun n'a pu établir un régime démocratique sans une révolution, une guerre ou d'autres affrontements. Il n'y a qu'à regarder tout ce que les divers gouvernements ont pu faire comme dommages au Guatemala, au Nicaragua et ailleurs en Amérique Latine par le passé pour le réaliser bien rapidement.
(Il serait intéressant de voir comment tourneraient les choses si dans 10 ans, après une élection en irak, les irakiens portaient au pouvoir un gouvernement de gauche peu enclin à collaborer avec les USA...)
Le monde a changé, et je vais continuer à le parcourir pour mieux comprendre et mieux le découvrir... tant qu'on me donnera la possibilité de me déplacer... Car un des volets que je n'ai pas abordé ici est combien les attentats de New York ont fini par donner des munitions aux gens de droite pour réduire les droits individuels et les droits de penser autrement qu'eux... Je m'arrêterai donc ici...
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