ou L'éloge d'une certaine naïveté, tiens.
--
Je me trouve présentement à la buanderie sur Beaubien, près de chez moi. Je ne possède ni laveuse ni sécheuse, alors je vais faire ma lessive dans une buanderie. C'est simple, rapide, et ça coûte encore moins cher que l'achat d'appareils (sans parler du coût de les déménager et les entreposer à chaque fois que je me déplace au Canada).
Ma buanderie est très ordinaire - quelques machines, une petite madame qui fait le lavage de certains clients et fourni le change pour les clients comme moi qui préfèrent le faire eux-mêmes.
Je vais vous confier quelque chose: J'adore aller à la buanderie.
:-)
Il ne s'agit pas seulement de prendre quelques minutes (une heure à une heure et demie tout au plus) pour sortir de sa routine, et en profiter pour lire ou travailler sur mon site web, mais il s'agit également d'un exercice d'observation sociale qui est toujorus intéressant, souvent même fascinant.
La propriétaire de ma buanderie, c'est madame Bougon, en plus gros. C'est une grosse madame qui fume, renâcle et crache, qui écoute les soaps américains traduits l'après-midi à TVA, qui ignore la loi sur la cigarette dans les endroits publics, mais qui est d'une grande gentillesse avec tous ses clients, les occasionnels (comme moi) comme les réguliers - certains semblent là à chaque fois que je m'y pointe. La propriétaire de ma buanderie, c'est presqu'une carricature, mais elle ne s,en rends pas compte. Je suis sûr qu'elle aimé ça, les Bougon, sans jamais voir une certaine ressemblance...
Ma buanderie, elle n'attire pas que des clients qui font leur lavage. Non. C'est un peu comme une institution dans le quartier; on y croise des amis du coin, des gens qui vivent seuls et qui viennent écouter les soaps avec madame Bougon-plus, des gens qui n'ont rien à faire et qui viennent «jaser» ou aider la propriétaire, bref, toute une panoplie de gens ordinaires qui vivent dans un quartier ordinaire. La rue Beaubien entre St-Denis et St-Laurent a quelque chose d'un petit quartier d'époque, qui ignore la présence des Loblaws, Wal-Mart et grands centres commerciaux, puisqu'il n'y a aux alentours que des petits commerces; un serrurier, des boulangeries, une charcuterie, des épiceries latinos ou africaines, un bar underground, un bistro et des cafés.
Mais compte tenu de sa personalité, ma propriétaire de buanderie attire un certain type de personnage, je dirais. car bien qu'on y trouve de toute sorte de clients, les clients qui comme moi ont peu en commun avec les gens qui vivent dans le quartier et dont l'intérêt est porté vers les personnages des soaps d'après-midi, ces clients-là n'interagissent pas réellement dans la petite vie de la buanderie.
Je suis un bon exemple de cetet situation, car à part changer à l'occasion une pièce de deux dollars ou un billet de cinq, je parle peu à la buanderie, je lis ou travaille sur mon ordinateur portatif.
Car je ne vous ai pas dit que par une amusante coïncidence, il y a un locataire d'un immeuble voici (ou directement au-dessus de la buanderie, je ne sais pas) qui possède une connexion internet sans fil, et qui semble avoir omis d'installer un pare-feu. J'ai donc un accès au net gratuit quand je fais mon lavage. Je n'en abuse pas, bien entendu, mais la chose peut-être utile pour mes courriels ou, comme c'est le cas présentement, pour blogger un commentaire.
Car le titre de ce commentaire est vrai; je le blogue en direct de la buanderie.
Et cette buanderie, elel est amusante, par les conversations ordinaires qu'on y entend. Je vois déjà mon ami Daniel Sernine grincer des dents; il aurait de la difficulté à écouter les conversations que l'opn entend ici sans sourciller. Moi-même, je me retiens souvent pour ne pas rire, ni sourire. Il faut préciser que souvent, les conversations sont du niveau «pourquoi le gouvernement n'imprime-t-il pas plus d'argent pour nous en donner, tout le monde serait riche», pour citer un exemple de nature politico-économique.
Enfin, une visite à ma buanderie relève souvent de l'observation, un peu comme il est intéressant d'aller au Zoo ou au Biodome et de tenter de saisir comment vivent les pingouins ou les hippopotames. Je ne veux pas dire que les gens que je croise à ma buanderie sont moins intelligents que moi ou d'autres, mais comme nous n'avons aucun intérêt en commun, je me sens comme une sorte d'extra-terrestre, un peu comme lorsque j'observe un lézard et me demande comment il pense. Car il est évident à les voir et lles entendre que la population qui fréquente ma buanderie constitue un groupe en soi qui a une vie et un fonctionnement bien différent du mien et c'est en ce sens que leurs observations sur tout et rien sont souvent fascinantes.
En terminant, une anecdote qui remonte à il y a environ 45 minutes; un homme me voyant écrire sur mon clavier d'ordinateur est venu me dire que c'était son rêve d'avoir un portable comme ça. Il m'a affirmé être capable d'écrire «police» et son nom de famille (que j'ai oublié, désolé, il me l'a seulement épelé et je tapais au clavier en même temps) car il avait eu à écrire souvent ces deux mots quand il était en prison. Malheureusement, pour le moment, il n'a ni les moyens ni le temps pour apprendre à se servir d'un ordinateur. (Je précise que je ne dis pas çca ironiquement, je rapporte la conversation pour son intérêt). Quelques minutes plus tard, répondant à un appel sur son cellulaire, il mentionnait à son interlocuteur de venir le rejoindre à la buanderie où il se tenait toujours habituellement...
Enfin, il y a 15 minutes, une femme dans la cinquantaine est venue s'informer s'il y avait des intéressés pour l'achat de cigarettes à moitié prix, elle avait un deal quelque part et voulait en faire profiter ses chums de la buanderie...
Ah, et ces discussions politiques qui sont parfois surréalistes... Il y a des jours où je me dis qu'il doit être reposant de temps en temps, de juste être bien heureux et un peu naïf en ce qui a trait à la politique internationale et toutes ces sortes de choses...
Une buanderie bien divertissante, donc, que la mienne, et dont j'espère tirer quelques leçons en observant la faune qui y gravite (pour les autres observateurs, je fais partie de cette faune, le type bizarre et silencieux avec son portable et ses livres fantastiques...
...mais je dois vous laisser, mon linge termine son cycle de séchage, et je vais rentrer chez moi.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
L'Esprit Vagabond vous remercie de vous identifier (ou signer votre commentaire). Assumez vos opinions!
L'Esprit Vagabond est un blogue privé et ne publie pas de commentaires anonymes.