mardi 14 septembre 2010

Meknès: Ville impériale d'un unique règne

Ce matin-là, nous arrivons à la gare de Fès à 9h15, sans horaire prévu, puisque quelques jours plus tôt, à notre arrivée dans la cité impériale, nous avions vu qu’il y avait au moins un train chaque heure vers Meknès. Malheureusement, nous n’avions pas prévu que pendant le Ramadan, il y aurait moins de trains. Nous prenons donc le train de 10h50. En attendant, j’achète en catimini à l’hôtel Ibis voisin de la gare, un petit déjeuner que j’emporte à la gare et que nous mangeons dans un coin, nous cachant à demi, sous les regards désapprobateurs des musulmans attendant le train. Le train est confortable et la gare de Meknès et à une minute de l’hôtel où nous nous installons dans la Ville Nouvelle.
Meknès est une autre ville impériale. Pour faire une histoire courte, Fès est la plus ancienne ville impériale du Maroc et en a été pendant longtemps le centre politique et administratif. Sous le règne des dynastie berbères Almoravides et Almohades (donc environ 200 ans entre 1050 et 1250), la capitale impériale était Marrakech. Quand une nouvelle dynastie prit le pouvoir par la suite (Les Alaouites), le sultan, Moulay Ismail, décida d’installer sa capitale à Meknès. Le règne d’Ismail a duré 55 ans, mais après sa mort, les sultans subséquents se réinstallèrent tantôt à Fès, tantôt Marrakech. Meknès est donc la ville impériale d’un seul règne.
Notre journée sera consacrée à la visite de Meknès, qui est une ville relativement petite, compte tenu de son histoire.
Après une marche d’une demie-heure, nous rejoignons la place El Hedim, qui marque l’entrée de la medina. Tout comme la ville nouvelle, la vieille cité est beaucoup plus petite et tranquille que celles de Marrakech et de Fès. Nous errons d’abord dans des souks qui rappellent plus les quartiers de camelotes latino que des marchés marocains intéressants, avant de traverser une porte nous ramenant dans le centre de la medina, où les bâtiments, mêmes vieux, sont plus beaux et mieux entretenus. Nous réalisons toutefois rapidement l’équation Ramadan plus Meknès égal tout est fermé. Restos, boutiques, commerces de service, tout.
Nous tombons un peu par hasard sur la medersa Bou Inania, qui, comme l’identité de nom laisse croire, a été érigée à la même époque que les medersas que nous avons visitées à Fès. Nous la visitons donc avec plaisir. Cette medersa nous donne même accès à l’étage des cellules. Du toit, nous avons même une vue sur la Grand Mosquée et son minaret aux couleurs de l’Islam.
De retour dans la place El Hedim, il fait une chaleur intense et nous optons pour une pause. Nous nous joignons à un groupe d’infidèles installé sur une terrasse devant le souk aux épices et on se paye un sprite, le dégustant en public, nonobstant le Ramadan. Étrangement, certains marocains sont également installés sur la terrasse et observent le va et vient de la place, mais sans rien consommer.
Le sultan Moulay Ismail avait fait ériger une gigantesque ville impériale au sud de la medina de Meknès. L’étendu de l’endroit est totalement démesuré. Aujourd’hui encore, la superficie occupée par la ville impériale fortifiée est plus grande que la medina et le centre-ville de la ville nouvelle réunis.
Compte tenu de la chaleur et de l’étendu du domaine – dont on ne peut que visiter un édifice, le reste étant encore réservé au roi – nous optons pour la visite en calèche. Après cinq minutes, nous nous félicitons déjà de ce choix, alors que nous longeons les murailles, longues d’un kilomètres, sous un soleil de plomb, avec rien à voir d’autres que des créneaux de part et d’autre de notre route.
Heri es Souani était le grenier à grain de la cité. Dès notre entrée, nous sommes entrepris par un pseudo-guide improvisé qui nous amène rapidement d’une pièce à l’autre – nous avons à peine le temps de saisir de quoi il s’agit qu’il nous traîne déjà vers une autre pièce. Heureusement, il n’y a pas grand-chose à voir d’autres que des silos et citernes intérieures, reliés par de couloirs en arc et agrémentés de quelques artefacts. Notre nouvel ami s’empare de la casquette de Suze, lui recouvre la tête du foulard qu’elle portait aux épaules, me pique ma caméra et se met à prendre quelques photos – du décor et de nous – dans des endroits dont il a l’habitude, la jouant humoristique en ne regardant jamais l’écran ou le viseur. Le résultat est généralement mal cadré et flou, mais sur le coup, j’ai peine à le suivre et à récupérer mon appareil.
A la fin de cette visite-express, il attend évidemment un pourboire ; l’entrée était de 10 dirhams, je lui offre donc la même chose ; il rechigne, passe près de me dire que ce n’est pas grand-chose, mais je le coupe rapidement : «Je ferais attention à ce que je vais dire, moi»… Il accepte le pourboire avec un sourire. J’ai l’air d’avoir été impoli, ou à tout le moins rude, mais il faut remettre la scène dans le contexte des jours précédents au Maroc.
Car c’est là un des irritants du Maroc. Irritant mineur, on se comprend, mais parfois insultant. À notre arrivée à Marrakech, le petit taxi ne pouvait pas se rendre à la Riad, située dans une allée étroite où seuls les motos et les vélos passent. Nous avons donc débarqué près de la préfecture de le medina, où un jeune garçon a pris mon backpack sans que je le demande et m’a accompagné à la Riad avec. Je portais alors le sac de Suze, qui se remettait de son malaise de la journée, après le trajet de bus. J’aurais bien pu prendre les deux sacs, c’est ce que j’avais fait entre l’hôtel et le terminus de Casa. Arrivé à la Riad, le jeune demande un pourboire, et je lui refile 10 dirhams. Il me dit carrément : « Ah, mon ami, ça c’est rien, donne-moi un billet ». Je regarde mon argent, je n’ai pas de billets de 20 et le taxi de la gare de la ville nouvelle à la medina nous a coûté 30 dirhams pour 12-15 minutes. La marche du jeune lui a pris 3-4 minutes. Je lui dit ne pas avoir de billet de 20, et il me dit : « Vingt c’est rien, donne moi cent dirhams ». Ah ! Un pourboire de plus de 12$ canadiens pour 3 minutes de marche que je n’avais pas demandé anyway ? Ce genre d’attitude m’insulte, alors je lui retire la pièce de 10 dirhams et lui dit qu’il n’aura rien s’il n’aime pas mon argent. Après un moment de discussion impliquant le réceptionniste et Suze, je lui remets les 10 dirhams, qu’il accepte avec un merci et un sourire. Le plus insultant de l’affaire, c’est que généralement, dans la vie, je suis quelqu’un qui est relativement généreux côté pourboire. Et puis, je ne peux pas payer un taxi 3 euros pour une course de 15 minutes et verser un pourboire de plus d’un euro à un garçon pour une marche de 3 minutes pour une aide que je n’ai même pas demandée.
Cette anecdote, qui était la première du genre mais loin d’être la dernière, explique ma mise en garde au pseudo-guide improvisé du grenier. Surtout qu’encore une fois, il nous avait enlevé sans que nous n’ayons besoin d’un guide, nous avait fait faire un tour très rapide, et avait pris des photos amusantes mais mal cadrées et floues.
Après cette visite étrange des greniers royaux, nous avons repris notre calèche et terminé notre tour de la cité impériale.
La fin de l’après-midi allait être marquée d’une visite surprise au cinéma de Meknès, puis d’un souper cuisiné dans la chambre de notre hôtel et une balade dans les rues de la Ville Nouvelle, soudainement animées en soirée, après que les gens aient mangé leur repas du soir, une fois l’appel à la prière et le coup de canon entendus.
Restera de la visite de Meknès un sentiment étrangement incomplet; avec le Ramadan et les boutiques fermées, j'ai eu l'impression d'une ville endormie, comme si je n'avais pas visité la vraie Meknès... Quand à la cité impériale, comme ses bâtiments sont interdits aux visiteurs, il est impossible d'en avoir une réelle opinion, et son étendue démesurée rend impossible une vue d'ensemble ou un souvenir aussi marquant que mes errances dans les cités de Marrakech ou de Fès.
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Quelques photos de plus de Meknes:
Dans les ruelles de la medina.

Cour intérieure de la medersa Bou Inania, vue par le tympan d'une fenêtre d'une "cellule" d'habitation. (Voir la photo de la medersa dans le texte ci-haut, on peut clairement y voir ces petites fenêtres du second étage.)


Porte Bab Mansour, devant la place El Hedim. On raconte que c'est la plus majestueuse porte du Maroc, avec deux postes flanquant l'arche principale, mais j'avoue que même si c'est beau et bien décoré, ça n'a pas le charme de Bab Boujeloud de Fès. Et puis aussi belle soit cette porte, elle n'ouvre sur rien, et se trouve sur une vaste avenue devant une vaste place et est flanquée d'une longue muraille uniforme, ce qui la rend moins spectaculaire que d'autres portes moins grandes. (Les colonnes supportant la porte sont romaines; elles avaient été "ramassées" dans les ruines de l'ancienne cité romaine de Volubilis, située à quelques km de Meknès, lors de la construction de Bab Mansour).


Un des édifices du palais royal de la cité impériale.


Avec les infidèles au café de la place El Hedim. La porte Bab Mansour en arrière-plan.


Sur le toit de la medersa Bou Inania, avec vue sur le minaret de la Grand Mosquée.


Dans les rues de la medina.

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