jeudi 24 juin 2010

Burkina: Contexte socio-politique

En attendant des nouvelles fraîches de Ouagadougou, je me suis amusé à lire un peu sur le contexte socio-politique actuel de ce petit pays d'Afrique. Il faut dire qu'ici, on ne connait que dans ses quelques grandes lignes officielles et colonisatrices l'histoire des pays d'Afrique en général, et de l'Afrique noire en particulier.
J'ai donc décidé de jeter un coup d'oeil sur ce qui se passe au Burkina.
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Une rapide consultation du site de profil du pays sur le site de BBC News pourrait presque laisser croire que la démocratie règne sous le soleil du Burkina, avec un président souriant et maintes fois réélu depuis son ascension au pouvoir.
Si on creuse plus loin, on se rend compte que la démocratie est appliquée... très "relativement", au Burkina...
Le président actuel est au pouvoir depuis 1987. Bien que la constitution du pays stipule qu'un président ne peut être réélu qu'une fois, et pour un mandat de 5 ans, Blaise Campaore règne en maître incontesté du pays depuis plus de 20 ans, se représentant élections après élections et les remportant sans problèmes. (Il a même annoncé son désir de se présenter de nouveau aux élections prévues en 2010). On pourrait croire qu'il est justifié de rester, élu par le peuple, mais c'est impliquer que le peuple est informé et libre, et que les élections permettent à d'autres candidats de se présenter librement et que la liberté de presse existe réellement au pays. Ce n'est évidemment pas le cas dans un pays où seule l'élite est alphabétisée et où une bonne partie de l'information est contrôlée par le gouvernement.
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L'histoire de l'ascension au pouvoir du président actuel en dit aussi très long sur ses affiliations politiques et ses appuis dans la communauté internationale.
Après l'indépendance et une série de coup d'état successifs, Thomas Sankara arrive à la présidence en 1983. Dès son entée en fonction, il met en place une série de politiques anti-impérialistes. Le résultat de ses actions est fulgurant: Réduction de la malnutrition et de la soif, des maladies et de l'analphabétisme. Son orientation est fort simple: il brise le moule dans lequel le pays est prisonnier depuis des décennies en démolissant le modèle traditionnel inégalitaire burkinabé, par l'affaiblissement du pouvoir des chefs, et par la réintégration des femmes dans la société à l'égal des hommes. Il milite contre la désertification et devient le seul président d'Afrique à vendre les voitures de luxe des ministres et officiels pour les remplacer par des Renault. Il réduit les salaires et allocations des officiels, bref, il instaure un régime... socialiste.
Vous aurez compris - si vous suivez mes billets politiques depuis quelques années - que Sankara, c'est une sorte de Che Guevara burkinabé.
Sankara a réussi à montrer la voie à suivre pour sortir un pays comme le Burkina de son marasme... mais il a ainsi "indisposé" l'élite de son pays... ainsi que les gouvernements des pays colonialistes qui, malgré l'indépendance des pays d'Afrique, les considèrent toujours comme des colonies - ou des cours arrières. (Plusieurs pays d'Europe agissent encore aujourd'hui comme les États-Unis agissent en Amérique Latine.) L'opposition farouche de Sankara envers l'impérialisme lui coûtera la vie, puisqu'il sera renversé et assassiné lors d'un coup d'état mené par son frère d'arme, Blaise Campaore, qui est alors nommé président et demeure au pouvoir depuis l'assassinat de Sankara.
Ce que ce dernier avait accompli en aussi peu de temps que 4 ans, a été anéanti par son "successeur", qui a vite renversé les politiques socialistes de Sankara pour ramener la richesse vers les riches et a rapidement été reconnu par la communauté internationale du même coup. (On raconte d'ailleurs que Sankara "dérangeait" drôlement en Europe et que la France aurait été bien heureuse - sinon complice, carrément - du coup d'état menant Campaore au pouvoir et causant la mort de Sankara.
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Aujourd'hui, avec un taux de change fixé (unilatéralement) par la France entre le CFA (monnaie locale des pays d'Afrique de l'ouest, découlant de l'époque coloniale) et l'Euro, avec le Fonds Monétaire International exigeant des politique de gestion néo-libérales et avec une politique fiscale et un niveau de corruption assurant une totale séparation entre les riches et les pauvres au pays, le Burkina Faso ne semble pas avoir de futur.
Mais l'exemple de Sankara demeure, et peut-être qu'un jour, un politicien de la même trempe se lèvera et mènera le pays à sa véritable indépendance. J'y reviendrai avec quelques comparaisons historiques dans un prochain billet.
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