dimanche 2 décembre 2007

Lettre ouverte à Stéphane Dion

Lettre expédiée à Stéphane Dion par courriel - Dimanche 2 décembre 2007.
--
Cher Stéphane,
Si je t'écris aujourd'hui, c'est pour te demander quelque chose. Une question qui m'intrigue.
Tu me premettras le tutoiement, j'espère, et je ferai de même si tu réagis à cette lettre, d'accord?
Si je t'écris aujourd'hui, c'est que je m'inquiète. Je m'inquiète pour le Canada et comme il me semble que c'est un pays que tu as à coeur, je me demande pourquoi tu ne t'inquiète pas, toi.
Je sais, je n'ai jamais été un très bon Libéral, j'ai 41 ans et je n'aurai voté pour ton parti qu'une seule fois dans ma vie. Il faut dire que je me suis abstenu de voter à quelques reprises pour diverses raisons, parfois bonnes, parfois mauvaises.
Mais si tu lis mon journal en ligne, tu auras remarqué que je voyage beaucoup. Je suis donc en mesure de voir de quoi on a l'air, nous les canadiens, de l'extérieur, et de voir comment nous sommes perçus par les gens de la rue dans divers pays. Aussi, le fait de passer beaucoup de temps en dehors de notre bulle canadienne me donne parfois du recul sur l'image que j'ai de mon propre pays et des décisions que mon gouvernement (que j'aie voté pour lui ou non) prend en mon nom et au nom de tous les canadiens.
Depuis que notre premier ministre à toi et à moi, Stephen Harper, est entré en fonction, j'avoue que l'image du Canada et l'orientation que le pays a pris me préocupe. L'ouverture des vannes de production du pétrole en Alberta sans aucune considérations pour les conséquences sur l'environnement sont inquiétantes, pour citer un exemple parmi les premières décisions de notre (relativement) nouveau gouvernement et qui touchait un domaine que je crois sensible à tes yeux.
Récemment, Stephen Harper déclarait, au nom du Canada, devant le monde entier que le protocole de Kyoto était une erreur à ne pas répéter. Un politicien pro-environnement tel que toi a dû manquer de faire un infarctus en entendant cette déclaration! Personnellement, j'ai pensé que les médias et le public réagiraient fortement à cette déclaration incroyable, surtout que l'on considère généralement qu'une majorité de canadiens appuie les objectifs du protocole de Kyoto et souhaitent lui doner suite. Mais non, il semble que la chose soit passée presque inaperçue, noyée dans les histoires d'accomodements et de vieilles politiques à scandale datant de l'époque conservatrice précédente.
Tu me diras que c'est dommage, mais que ça fait partie des inconvénients du système politique actuel; Qu'une fois élu, le gouvernement prend des décisions au nom de tous, mais avec lesquelles tous ne sont pas d'accord. Tu me citeras avec à propos l'actuel président des États-Unis, G.W. Bush, comme un exemple patent de dirigeant qui ne représente pas nécessairement la majorité de ses citoyens et qui donne une image très mauvaise de son pays à travers le monde.
Or il y a une différence majeure entre le citoyen étatsunien et le citoyen canadien actuel: les canadiens comme toi et moi ont élu un gouvernement minoritaire.
Autrement dit, cher Stéphane, nous savions quand il a pris le pouvoir que les gaffes et mauvaises décisions seraient limitées par la présence d'une forte et majoritaire opposition.
Comme plusieurs canadiens, j'ai compris que les premiers mois du gouvernement seraient relativement faciles, pusique ton parti n'avait pas de chef et donc, qu'une élection serait difficile, voire même inutile. Alors j'ai patienté.
Puis, un soir de début décembre il y a précisément un an, je me suis amusé à suivre les péripéties des gens de ton parti lors de l'élection d'un nouveau chef. Après tout, m'étais-je dit, le chef nouvellement élu, voulant profiter d'une lancée de popularité après le congrès, sera fin prêt pour la lutte contre le gouvernement si ce dernier agit de manière irresponsable et n'hésitera pas à déclencher des élections. Sur mon journal en ligne, j'avais même, à un moment, et ce contre toute probabilité, prédit que tu avais les meilleurs chances de créer la surprise et devenir le chef du parti Libéral du Canada.
Il m'est arrivé, lors de mes voyages ou quand j'habite le Canada, d'avoir été tellement fier de mon pays qu'il est d'autant plus souffrant d'évoquer les moments où j'ai eu honte d'être canadien. Heureusement, il y en a peu, mais on voudrait toujours qu'il n'y en ait jamais, de ces moments.
Or quand j'ai entendu Stephen Harper lors de l'assemblée en Ouganda, j'ai éprouvé une très grande honte d'être canadien, soudainement. J'étais soulagé d'être au pays et non à l'étranger en train de tenter de justifier ou d'excuser le comportement de mon gouvernement. Pire, je n'aurais su expliquer pourquoi ce gouvernement, qui est minoritaire, s'en tire avec de telles déclarations et orientations. Ok, pire encore: comment justifier la situation actuelle alors que le chef de l'oposition, lui-même ex-ministre de l'environnement, a fait de ce dossier son cheval de bataille de prédilection?? Avoue que d'un point de vue environnemental - un des enjeux les plus importants dans le monde actuellement - nous avons un des pires gouvernement de l'histoire récente du Canada. Or, Stéphane, tu as, toi, le pouvoir de stopper le mouvement...
Car, cher Stéphane, elle est là, la question. Comment le gouvernement peut-il continuer à régner et prendre toutes les décisions qu'il désire en situation minoritaire, sinon sans l'appui d'un parti important comme le tien? Qu'il soit direct ou indirect, l'appui Libéral actuel permet les déclarations et orientations du gouvernement Harper, point.
Je sais, tu me diras que les rouages de la politique de haut niveau sont complexes. On ne veut pas aller en élection pour les perdre, n'est-ce pas? Hum. Je te répondrais que penser de la sorte est avouer que l'on pense en perdant. Je ne partage peut-être pas la vision centralisatrice du pays qu'avaient tes prédécesseurs Trudeau et Chrétien, mais je ne les imagine pas en train de penser de la sorte. Corrige moi si je me trompe, mais je n'imagine pas non plus que c'est en pensant de la sorte que tu t'es lancé dans la course à la chefferie de ton parti l'an dernier, non?
Oui, je sais, je sais, il y a les sondages et tout, et le fait que le Québec ne semble pas être encore prêt à voter pour tes candidats libéraux.... Je ne pensais jamais dire ça un jour, mais heureusement qu'on a l'Ontario, coup donc! :-).
Sérieusement, pour en revenir à la situation actuelle, il me semble qu'en répétant les hésitations, en continuant de donner des passes-droits au gouvernement qui agit en total désaccord avec tes convictions et tes sorties publiques, tu n'affiches pas un très grand courrage et tu nous renvois l'image d'un chef mou qui pense plus à sa propre carrière politique qu'au bien de son pays. Car la question que tu devrais te poser est la suivante: le gouvernement actuel prend-il les bonnes décisions pour ce pays? Si ta réponse est non, alors moralement, honnêtement, tu devrais tout faire pour le renverser. La campagne électorale qui suivra te sera alors ouverte pour présenter tes idées sur comment les décisions devraient être prises de meilleure manière pour le pays selon toi. Que tu sois élu Premier Ministre ou pas après cette campagne ne devrait pas être l'élément principal de ta prise de décision actuelle, puisque tu auras l'honneur d'avoir fait ce que te dictaient tes convictions. Et que tu auras redonné le choix aux canadiens d'appuyer ou non les décisions du gouvernement Harper.
Et je vais te dire une chose, Stéphane: en agissant selon tes convictions et malgré les sondages, tu projetteras une meilleure image de premier ministre potentiel, déjà. Et puis tu ne devrais pas te préoccuper de ces choses, toi qui a la réputation de causer la surprise... Surprend nous en défaisant Harper...
Enfin, avec un peu de cette honnêteté intellectuelle, qui sait si tu ne ramasseras pas mon vote au passage? Si c'est ce que ça prend pour ne plus avoir honte d'être canadien aussi souvent, ça en vaudra largement la peine. Après avoir voté NPD, j'étais bien confortable dans une opposition fragmentée face à Jean Chrétien, puisque j'étais alors quand même fier d'être canadien, même si je ne suis pas un partisan Libéral.
Là, c'est différent, et même si je ne suis pas un Libéral, une exception de vote s'impose parfois. Évidemment, Stéphane, je ne suis pas prêt à voter pour n'importe qui. J'aimerais voter pour un Premier Ministre qui agit en fonction de ses convictions.
Es-tu ce Premier ministre, Stéphane?
Voilà ce que je voulais te demander, avec cette lettre.
Amicalement,
Hugues
--

2 commentaires:

  1. Stéphane écrit:

    «J'ai voulu écrire un commentaire sur ton blog et pour une raison ou une autre bien ça marche pas alors voici mon commentaire si tu veux le mettre (facultatif)»

    Voilà donc:

    "Hmm je suis curieux de savoir s'il va te répondre... et s'il le fait ce qu'il va dire... mais bon... c'est la preuve que les politologues ne font pas nécessairement de bons politiciens (ce qui est bon pour la réputation des politologues ;)) mais bon pour l'avenir du Canada bien j'ai l'impression qu'on pourra repasser (dis-je avec toute l'ironie de la chose :)), parce que moi quand j'ai vu Dion être élu chef je me suis dit wow! c'est la meilleure raison de faire l'indépendance... malheureusement ça n'a pas eu l'effet escompté... "

    P.S. Merci pour la suggestion de films (billet précédent) que pour la plupart je n'ai pas [encore] vu.

    RépondreSupprimer
  2. Cher Stéphane,
    De rien pour les films. Tel que mentionné, Lions for Lambs est un échec partiel au box office, surtout que certains pensaient que la présence de Tom Cruise allait faire monter les recettes... Aucune importance, puisque c'est un bon film.
    --
    Concernant Dion, well... Tel que je lui (!) dis dans ma lettre, je ne suis pas un Libéral. Mais même en ayant un penchant pour le NPD (j'ai depuis longtemps abandonné l'idée que le Bloc soit réellement utile), je suis conscient que le prochain gouvernement sera Conservateur ou Libéral.
    Je choisi donc le moindre mal en ce qui concerne mes convictions...
    Hugues

    RépondreSupprimer

L'Esprit Vagabond vous remercie de vous identifier (ou signer votre commentaire). Assumez vos opinions!
L'Esprit Vagabond est un blogue privé et ne publie pas de commentaires anonymes.