Depuis le début de mes voyages et séjours à l'étranger que j'utilise essentiellement les transports publics. C'est même parfois une raison suffisante pour ne pas voyager à un endroit spécifique (lire; l'absence totale ou l'inefficacité connue des transports publics me fait choisir une autre destination). C'est la raison principale pour laquelle je n'ai jamais backpacké les régions du Québec comme la Gaspésie, par exemple, ou encore les province maritimes du Canada; l'absence de transport public efficace ou pratique (sans parler de leur coût exorbitant).
Je serais très mal vu de critiquer le Portugal sur ce point, vu que le pays est quand même largement au-dessus du Québec côté transport (la barre est basse ici). Premièrement, même s'il est sous-développé et offre de plus vieux équipements que dans les autres pays européens, le rail est quand même présent au Portugal, même en Algarve, où une voie ferrée traverse la région d'est en ouest. Et il y a aussi un réseau de bus interurbain par région en plus de plusieurs compagnies offrant des services longues distances entre les régions. S'ajoute à cette offre déjà exceptionnelle pour un Québécois, des réseaux de bus locaux (et dans le cas de Lisbonne, un réseau de métro et de tramway). Bref, on ne se plaint pas quand on voyage au Portugal en indépendant.
Toutefois, il faut reconnaitre que c'est facile de ne pas se plaindre quand on a du temps. Si je visitais l'Algarve pendant une semaine de voyage (ou une semaine de vacances) plutôt qu'un mois, je me plaindrais de la complexité des déplacements entre sites/villes pourtant pas si éloignées. Car comme au Québec, l'auto solo demeure très populaire ici et les transports publics ne sont donc pas à la hauteur des autres pays Européens visités.
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Gare de Albufeira à Ferreiras |
Comme au Québec, le Portugal n'a jamais développé son réseau ferroviaire autant que ses voisins de l'Europe, où les déplacements en train y sont rapides, efficaces et fréquents. Le résultat - en Algrave au moins - est qu'il n'y a qu'une ligne traversant la région, quelques trains par jour en faisant donc l'aller-retour, et donc, le service ne dessert que quelques gares sur sa route, plusieurs d'entre elles étant situées au milieu de nulle part et portant deux noms, ceux des villes/sites les plus proches. Un exemple amusant est la gare de Loulé/Praia de Quarteira, qui se trouve à plus d'une heure à pied au sud de la ville de Loulé, et à plus d'une heure à pied au nord de la ville de Quarteira. À Albufeira, la gare portant son nom est en fait dans la ville de Ferreiras, également à une heure à pied de la plupart des quartiers de Albufeira. À Silves, la gare n'est «qu'à 20 minutes à pied» de la ville, pour un marcheur rapide comme moi - Google parle de 32 minutes - sur une route régionale en pente abrupte, aucun problème pour ce voyageur-ci, mais on se comprend que je n'aurais jamais fait faire ce trajet à mes parents (avec qui j'ai pourtant voyagé en indépendant en France, en Espagne et en Italie sans problèmes).
Le résultat est que quand vous voulez prendre le train, vous devez planifier une heure à pied (parfois de chaque bout, à l'aller et au retour, donc 4h) ou planifier prendre des bus de ville sur place et à destination, à l'aller et au retour, ce qui complique particulièrement la planification pour coordonner les horaires desdits bus avec celui du train. Par exemple, à Albufeira, les bus de ville passent généralement une fois par heure. C'est une des raisons pourquoi je ne me suis pas encore rendu visiter Loulé.
Sinon, sans le train, il y a les bus régionaux, qui sont un réseau assez développé, il faut leur donner ça, mais qui n'ont pas une très grande fréquence. Donc il faut planifier à l'avance, et non improviser un déplacement en se rendant à l'arrêt le plus proche, puisque le prochain bus régional pourrait n'y passer que 3h plus tard.
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Gare de Faro |
S'ajoutent à ces considérations une culture de l'horaire de bus archi-complexe qui ressemble à la célèbre maison dans Les 12 travaux d'Astérix, avec des codes pour les trajets de semaines, fin de semaines, fériés, samedi seulement, dimanche seulement, jours d'école seulement, jours de fin de semaine qui ne sont pas des jours d'école seulement, pas l'hiver, alouette. En plus de ce capharnaüm d'info-horaire, les trajets/arrêts sont aussi compliqués à interpréter; ce bout-là n'est desservi qu'occasionnellement, pas par tous les bus, le bus de cet horaire ne passe pas ici, mais là-bas, mais celui une heure plus tard pas là-bas, mais ici, et les indications et notes de bas de pages se multiplient (semble-t-il à l'infini).
Cette très longue introduction pour justifier pourquoi en fait, je ne visiterai pas autant de villes et de sites que j'avais prévu à l'origine lors de la planification du présent séjour, la seule alternative étant de louer une voiture, ce que je tente généralement d'éviter. Entre l'idée de passer 6h dans des bus/trains pour réaliser un aller-retour pour atteindre un site situé à 20km d'ici, et l'idée d'aller faire une randonnée de 10 km le long de la plage directement à 2 minutes de marche de notre hébergement, le choix est vite fait.
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Croisement N2/Route de Estoi |
Le site de Milreu, ruines d'une ancienne villa romaine sise justement à 28km de Albufeira est un bon contre-exemple de cette décision, mais illustre aussi tout le propos qui précède: il faut vouloir y mettre le temps de planification, et les efforts pour s'y rendre en transport public pour visiter le site sans louer de voiture.
J'avais tout planifié; je marchais 20 minutes, jusqu'à un arrêt de bus régional, prenait un bus vers Faro, puis à Faro, un autre bus régional, vers Estoi. Je marchais 15 minutes et atteignait Milreu. Les divers temps d'attente entre ces bus me faisaient perdre environ 1h30 au total dans mon périple, mais je me disais que ça valait la peine pour aller voir des ruines datant de l'empire romain, une de mes lubies archéologiques habituelles.
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«Pont romain» menant à Milreu |
Malheureusement, le premier bus régional n'est jamais passé. Je suis arrivé à l'arrêt 20 minutes à l'avance, j'ai patienté 30 minutes après son passage prévu (et comme il partait du terminus d'Albufeira, sis à 8 minutes de mon arrêt, il n'était clairement jamais parti), j'ai donc abdiqué et suis rentré chez moi. Encore une fois, rien de grave quand on passe un mois dans la région, mais si j'étais là pour une semaine, perdre une journée de visite prévue serait beaucoup plus dommage.
Le soir venu, j'ai (re)planifié un déplacement vers Milreu pour le lendemain, déplacement qui dépendait moins du bus régional, m'appuyant sur le train, qui m'avait bien servi pour aller à Faro et Silves, malgré la distance qui me sépare de la gare d'Albufeira/Ferreiras.
L'horaire était donc le suivant: me rendre à 12 minutes à pied à Brejos Sul, où un bus local passait à 11h38, qui me menait à la gare de Ferreiras à 11h57. Puis train de 12h19 vers Faro, arrivée à la gare ferroviaire à 12h57. Marche jusqu'au terminus de bus régional de Faro, puis bus de 13h45 vers Estoi. Arrêt au croisement de la N2 avec la route d'Estoi à 14h09. Marche 3 minutes et arrivée sur le site de Milreu à 14h12. (Notez qu'en multipliant les transports et correspondances, un seul transport en retard fait s'effondrer toute la planification).
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Arrêt de bus N2/Route d'Estoi |
Temps de visite à Milreu: deux options: bus de retour passe à 15h31, ou à 18h01, donc ça allait dépendre de l'ampleur du site, mais comme il s'agissait d'une villa, et non d'une ancienne cité complètement excavée, je voyais mal comment ça pourrait prendre près de 4h à visiter. J'espérais donc avoir assez d'une heure et quart (entre 14h12 et 15h27, comptant les 3 minutes pour me rendre à l'arrêt pour le retour...).
Puis, retour de 15h31 à 15h55 à Faro, marche vers la gare, train de 16h17 vers Ferreiras arrivée à 16h55... et soit bus local à 17h25, soit marche à pied pour descendre à Albufeira. Arrivée prévue dans les deux cas; vers 17h45-17h55.
Temps total de cette excursion: de 11h26 à 17h45; 6h20 minutes pour un temps de visite de 1h30 (donc quasi 4h consacré au transport), pour un site sis à 28 km d'Albufeira.
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Site de Milreu. |
Heureusement, à ma seconde tentative, le plan «Train» a fonctionné et tout s'est bien passé. J'avais des plans-B (bus de 18h d'Estoi, bus de 17h si je ratais le train de 16h17 à Faro, etc.), mais le plan a fonctionné sans problème et j'ai donc pu me rendre à (Rome) Milreu grâce aux transports publics portugais.
Et, à mon grand bonheur, le site de Milreu valait amplement l'effort et le temps consacré à s'y rendre (de mon point de vue de grand amateur de sites archéologiques, on s'entend que je ne recommande pas nécessairement de consacrer tout ce temps à se rendre au site de Albufeira de cette manière).
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