vendredi 5 juillet 2013

Cinéma-voyage: Bolivie

Note: Ce billet s'inscrit dans la série Cinéma-Voyage.
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Un dernier passage en Amérique latine pour notre séjour en Bolivie, cette fois-ci, grâce au film Tambien la lluvia ("Même la pluie" en français), une fiction politico-historique mettant en vedette Gael Garcia Bernal dans le rôle de Sebastian, un réalisateur espagnol travaillant sur une version controversée de l'arrivée de Christophe Colomb en Amérique, qui doit être tournée à Cochabamba en Bolivie, pour des raisons budgétaires.
Son film se propose donc de montrer l'envers de la médaille de l'arrivée des européens au nouveau monde, et l'impact de cette arrivée sur les amérindiens et l'exploitation de ces derniers au profit de la couronne espagnole. Paradoxalement, il tourne en Bolivie pour des raisons économiques, puisque ça lui permet de réaliser le film avec un budget restreint et d'engager plusieurs acteurs et figurants boliviens (et indigènes) pour une fraction du salaire qu'il payerait ailleurs. Les choses se compliquent quand un conflit social enflamme le pays suite à un projet de privatisation d'eau potable dans la région... et que l'acteur principal du film de Sebastian est un des leaders communautaires contre le projet.
Tambien la lluvia est donc un film engagé politiquement, et sur plusieurs niveaux. On y traite à la fois des raisons historiques du "sous-développement" de l'Amérique latine, et des raisons actuelles de leurs problèmes de développement, tout en montrant comment des gens conscients de ces problèmes peuvent parfois les ignorer pour le bien de leurs projets en cours. En ce sens, Tambien la lluvia est une métaphore brillante des sociétés occidentales d'aujourd'hui qui exploitent encore les pays en développement tout en offrant symboliquement de l'aide à ces pays. (La scène où le réalisateur et le producteur sont reçus à l'hôtel de ville de Cochabamba pour les remercier de leur apport à l'économie locale, alors que des manifestations sont violemment combattues sur la plaze devant l'hôtel de ville est un exemple particulièrement réussi de cette métaphore). Basé sur un conflit réel (la guerre de l'eau en Bolivie au tournant des années 2000 - c'était l'époque pré-Evo Morales), le film éclate complètement le moule du simple documentaire ou du docu-fiction en oeuvrant sur plusieurs degrés, tout en sachant éviter les clichés et la simplification.
Enfin, malgré l'aspect dramatique et sérieux du/des sujet/s, le film n'est pas sans moments drôles et plus léger, mais ne tombe jamais dans le ridicule ou l'humour plaqué simplement pour détendre le spectateur. Ce sont les situations et personnages qui font sourire, et non des gags artificiellement plantés dans le scénario comme on le voit trop souvent dans les films de studio.
Tambien la lluvia - on aura compris que le titre fait référence au fait que les tenants de la droite veulent désormais commercialiser la pluie via la privatisation de l'eau potable - est donc un film éducatif, certes, et engagé, mais aussi une fascinante histoire, racontée du point de vue latino-américain, et tournée sur place, ce qui fait également voyager le spectateur d'ici (et, dans le cas de ce spectateur-ci, lui rappelle d'excellents souvenirs de ses passages en Bolivie).

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