jeudi 5 janvier 2012

Les Aventures de Tintin: Le Secret de la Licorne

Si je ne me suis pas précipité sur Les aventures de Tintin de Steven Spielberg dès sa sortie, c'est surtout pour éviter les files d'attente et les salles trop pleines. J'ai plutôt profité d'une projection en fin d'après-midi pendant le congé des fêtes pour aller voir ce premier véritable film adapté des BD d'Hergé et mettant en vedette le héros de mon enfance.
Attendez une minute, est-ce que j'ai dit premier véritable film adapté? Oui. Oh, il y a bien eu plusieurs adaptations en dessins animés, mais c'était pour la télé, et on parle de court ou moyen métrage, définitivement pas de long métrage. Il y également eu les deux films avec des vrais acteurs sortis dans les années 60. Tintin et le mystère de la Toison d'Or et Tintin et les oranges bleues étaient des films sympathiques et amusants pour leur temps, mais on ne parle pas ici d'adapter une histoire de Tintin, puisque ni ces deux films, ni le long métrage animé Tintin et le Lac aux requins, n'était adapté d'une aventure écrite et dessinée par Hergé. Les Aventures de Tintin - Le Secret de la Licorne est donc le premier véritable film adapté des BD d'Hergé à mettre en scène son petit reporter.
Tintin et les édifices belges
Ce film allait aussi être une exception culturelle importante, puisque je l'ai vu en version doublée (en français). Je déteste habituellement la postsynchronisation - préférant toujours les sous-titres en cas de non-compréhension de la langue originale du film pour éviter le décalage culturel. Par contre, dans le cas de Tintin, dont les livres originaux sont en français, c'est l'adaptation anglaise avec les noms de personnages comme Snowy (Milou) ou les Thompson (Dupondt) qui me semblait souffrir de décalage culturel. Comme il s'agissait d'animation, le mouvement des lèvres n'allait donc pas poser de problème particulier. Enfin, le doublage étant en français international, il rejoint totalement le niveau de langage des livres de Hergé.
En terme d'histoire, Spielberg a fait adapter l'essentiel de l'intrigue du Secret de la Licorne (et une partie du Trésor de Rackham le Rouge) en intégrant un passage tiré du Crabe aux pinces d'or. Il en résulte un scénario dense et bien ficelé, rempli d'action et d'humour, et qui met en vedette les premiers personnages importants de la série; à savoir Tintin et Milou, mais aussi le Capitaine Haddock et les Dupondts. Les puristes s'attarderont à dénicher les coupures ou les modifications aux histoires d'origine, les ajouts et autres détails, mais pour ma part, j'ai trouvé ce scénario impeccable; l'intégration des éléments du Crabe permet au scénariste de mettre en scène la rencontre de Tintin et Haddock, et permet également un des plus beaux enchaînement de scène entre le désert où nos héros atterrissent et la Mer des Caraïbes où se sont affrontés le Chevalier François de Hadoque et Rackham le Rouge.
Du côté réalisation, Spielberg s'offre des plans et des mouvements de caméra particulièrement intéressants et joue brillamment avec les éclairages et les contre-jour. Il a su, pour cette première tentative, ne pas abuser du 3D, au grand bonheur de ce cinéphile-ci, qui n'est pas un grand fan de ce gadget qu'est le 3D au cinéma. Ses effets sont donc justifiés par l'action, et sinon, ils sont subtils, voire absents, si l'intrigue ne demande pas de les mettre de l'avant.
Je ne suis pas non plus un fan de la technique de capture de mouvement, mais à ma grande surprise, j'ai trouvé que si un film méritait d'être réalisé avec cette technique, c'était bien Les Aventures de Tintin. On dit que c'est Peter Jackson qui a convaincu Spielberg d'utiliser cette méthode plutôt que des acteurs en action réelle, il a vu juste; l'effet très bédéesque qui en découle se marie parfaitement avec le style de dessins d'Hergé. Visuellement, on a donc l'impression de réellement voir ces personnages qui sont autrement plus difficiles à interpréter en chair et en os, vu leur origine de "ligne claire" typique d'Hergé.
Jeune Tintin, par Hergé
J'ai quand même deux bémols au sujet des personnages; le Tintin de Spielberg m'a semblé beaucoup plus jeune que celui d'Hergé, plus jeune que je ne me l'imagine à la lecture du Secret de la Licorne, en tout cas. On pense plutôt au Tintin des Soviets ou du Congo. Sinon, quelques personnages m'ont semblé plus "grassouillets" que dans la BD en 2D, comme les Dupondts, mais j'imagine que chacun "voit" ces personnages à sa manière et que mon oeil diffère simplement de celui de Spielberg et Jackson. L'affaire ne m'a pas empêché d'apprécier pleinement ce premier film et je soulignerai même que le Haddock de ce film est absolument saisissant.
Dupondts gras et jeune Tintin, par Spielberg
Quand au film lui-même, mon seul autre bémol concerne l'anglicisation inutile du décor et des accessoires. Bien que le film ait été tourné en anglais, il n'aurait pas été inapproprié de situer clairement les origines de Tintin en Belgique, avec des imprimés sur les édifices, ou encore les titres de journaux (ou les parchemins laissés par François de Hadoque) en français. C'est particulièrement vrai pour les articles du journal "Le Petit Vingtième" - autrement un joli clin d'oeil -, mais dont on voit une édition anglaise. Je dirais même (plus) que ça aurait ajouté un élément exotique à la version originale sans donner l'impression aux francophones que l'on avait transposé l'intrigue d'Hergé en Angleterre (surtout que dans le cas des édifices, l'architecture est typiquement bruxelloise, en scène d'ouverture, et pas du tout anglaise. La même observation vaut pour les scènes marocaines, par exemple, puisqu'outre l'arabe, c'est le français et non l'anglais que l'on retrouve dans l'espace public marocain).
Les Aventures de Tintin n'est pas nécessairement le plus grand film de l'année, mais en terme de divertissement, et en terme de respect de l'esprit de l'oeuvre d'Hergé, je n'aurais pas pu demander mieux. Spielberg est visiblement un fan de Tintin et ses nombreux clins d'oeil à l'oeuvre d'Hergé font plaisir à voir et s'intègrent subtilement dans le film; le générique est à lui seul un vibrant hommage, on voit plusieurs personnages secondaires en portrait au marché, les coupures de presses relatent les aventures précédentes de Tintin, etc. Mais c'est l'hommage à Hergé lui-même, qui apparaît en "personne" dans le film et fait le portrait du Héros (en 2D) qui souligne tout le respect que le réalisateur a voulu montrer envers le créateur de Tintin. En tant que fan de Tintin, je suis donc très heureux du résultat de ce film, et en tant que cinéphile, je le recommande sans hésitation.
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4 commentaires:

  1. Daniel Sernine11:44 AM

    Tout à fait d'accord avec tes commentaires, Hugues, sauf les excès de poursuite dans la petite ville marocaine («Bagghar», je crois?). Trop c'est trop, même dans des comics.
    Cela dit, Tintin est bien cute mais fait effectivement un peu trop jeune. (Je reste avec l'image de l'acteur dans les deux films des années soixante, une impression de mi-vingtaine ou vingtaine avancée.)
    La Castafiore est très réussie et elle ressemble de manière hallucinante au personnage qu'incarne Benoit Brière dans la version québécoise récente de la comédie musicale La cage aux folles. Je t'envoie la photo dans un courriel, tu verras si ça vaut la peine de la montrer à tes lecteurs/trices...

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  2. Merci de tes commentaires; la poursuite marocaine ne m'a pas dérangé, puisque les folles poursuites sont légions chez Tintin (dans les albums, ce qui passe peut-être mieux qu'au cinéma).
    Pour la ressemblance, tu es toujours habile à remarquer ce genre de choses...
    Je n'ai pas intégré l'image, puisqu'elle demanderait un billet à part, que je ne trouve pas justifié (les balises d'images ne sont pas permise dans les commentaires).

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  3. Daniel Sernine9:09 PM

    La maîtrise des images de synthèse est rendue proprement stupéfiante. Je pense par exemple aux reflets dans les nombreux miroirs au Marché aux Puces, au début; je pense aux loupes dont se servent Tintin et ses compagnons; je pense à la transparence du verre -- il est transparent mais on perçoit sa présence, sa texture, par exemple dans les «montres» qui contiennent les maquettes de vaisseaux (montres au sens des aquariums qui protègent des artefacts dans les musées, les collections ou des commerces).
    Cela dit, dès qu'on a vu la cage de verre qui protégeait la troisième maquette, chez l'émir, j'ai deviné que la voix de la Castafiore servirait à fracasser ce verre renforcé... ayant bien sûr lu L'affaire tournesol.

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  4. Tu as raison Daniel, ce film est définitivement un des plus grand exploit technique que j'ai pu visionner.
    La subtilité de certaines images m'a vraiment impressionné (tu cites avec raison les miroirs du marché et le verre de protection des maquettes); l'ensemble de la scène du marché aux puces est particulièrement spectaculaire visuellement.

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