vendredi 28 mai 2004

Chronique Chirurgicale
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Hum, titre prometteur, non ?
L’autre jour, par un beau mercredi ensoleillé, je prenais la route habituelle qui mène de mon arrêt de bus vers l’école de Lloa. La route, en boue à cause de l’orage de la veille, était très difficile à pratiquer en espadrille, à moins de vouloir s’enfoncer dans trois pouces de ce beau mélange de terre et de résidus des vaches locales…
Bref, j’ai emprunté la bordure de la route, en herbe molle et mouillée, à peine mieux, mais bon, à un moment, je glisse et hop, m’accroche a un arbuste.
Première erreur de la journée.
Illico, je fais ouch, car l’arbuste est plein d’épines, détail que je n’avais pas eu le temps de noter au moment de m’agripper ou sombrer dans la boue. Je vois bien qu’une belle grosse épine s’est enfoncée dans mon index gauche. Je m’empare du bout et la retire négligemment de mon index.
Seconde erreur de la journée.
Je poursuis mon chemin, le doigt un peu endolori – normal, je viens d’en retirer une épine. J’arrive à l’école comme à mon habitude avec environ 15 minutes d’avance. J’entre dans ma classe et un examen plus attentif de mon index me fait remarquer alors que la fameuse épine s’est en fait cassé et a laissé son satané petit bout à l’intérieur de mon index. Zut.
Je prends mon couteau suisse et avec une petite lame, j’arrache un peu de peau autour de l’épine récalcitrante. Heureusement, elle n’est pas bien loi, et grâce à un autre des 21 outils de mon couteau, une minuscule pince à cil, je retire enfin la chose importune de mon index gauche.
Victoire, je célèbre intérieurement.
Troisième erreur de la journée.
Le doigt me fait un peu souffrir, il est endolori et rouge, mais c’est normal après une intrusion comme celle-là. Je donne donc mes cours, rentre chez moi, prépare les examens de mes élèves pour le jeudi matin, va les faire photocopier et m’installe ensuite devant un bon souper. A ce moment, je me demande bien pourquoi mon index gauche semble me faire plus mal que ce matin, comme si j’avais étrangement remisé la douleur au fond de mes pensées, étant par ailleurs certain qu’elle diminuerait. Mais là, en relaxant devant les noticias, je remarque que non seulement ce maudit index est plus rouge et un peu enflé, même, mais qu’en plus, mon annulaire semble se mettre de la partie, en m’envoyant des signaux d’une douleur similaire. Bigre.
Après souper, je remonte dans ma chambre et regarde attentivement ma main gauche. Bordel ! Il y a une autre petite épine dans mon index gauche que je n’avais pas remarqué avant. Idem pour une autre dans mon annulaire, puis deux autres dans mon majeur. $%&/@@ !!
Je m’installe donc sur la petite table qui me sert de bureau, outils en main, couteau suisse, épingle de mon kit de couture, pinces à cil, coupe ongle, bref, tout ce qui peut servir à creuser la question, si vous me permettez l’expression. Quelques tampons d’alcool viennent apporter une aura de respectabilité médicale à toute l’affaire.
Puis, je passe à la partie chirurgie de la soirée.
S’auto-chirurgier n’est jamais une partie de plaisir, je le sais d’expérience (mais c’est une autre histoire, et un peu plus creepy), mais là, j’avoue que ces 45 minutes ont été un mauvais moment à passer.
Le temps, voyez-vous, est un élément crucial dans la lutte aux épines. Ces bestioles s’enfoncent lentement dans votre intérieur si vous ne les retirer pas rapidement. J’ai donc du creuser. Et qui creuse dans cette région découvre assez rapidement que c’est sensible en titi, et que c’est très vascularisé. Bref, un doigt, ça saigne beaucoup pour un petit trou. Évidemment, le sang qui s’écoule de la plaie que vous creusez vous empêche de distinguer la satané épine que vous voulez extraire au plus sacrant. Ce qui complique un tantinet l’opération, c’est que bien entendu, comme vous opérer sur la main gauche, vous ne disposez que d’une main pour effectuer les manœuvres, c’est-à-dire l’autre, la droite, qui parfois, semble bien insuffisante.
Enfin, victoire, après 15-20 minutes, l’épine profonde de l’annulaire est retirée. Je retiens un cri de joie, car je n’ai pas perdu de vue les trois autres.
Heureusement, les deux du majeur n’étaient pas rendues trop loin, elles semblaient préférer faire du surf sous-cutané seulement. Ouf. Celle de lìndex par contre a été très ardue, j’ai pensé abandonner et rentrer au pays… (mais non) !
En tout, presque une heure pour compléter l’opération. Évidemment, presque 24h plus tard, se servir du clavier pour écrire demeure un peu douloureux, mais je survivrai, hourra !
En conclusion, mentionnons seulement que le lendemain en revenant de l’école, j’ai découvert une autre résistante, microscopique, mais en surface, sur mon annulaire. Je n’avais pas remarqué l’élancement tellement l’autre était profonde et attirait donc l’attention sur elle de ce côté.
Ouf. Vous pouvez respirer, le patient a survécu à sa première chirurgie sud-américaine. Et tout ça sans anesthésique (j’avoue que ça aurait fait moins mal mais aurait compliqué la concentration du chirurgien, non ?).

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