mardi 29 septembre 2015

Les tanneries de Montréal, l'archéologie, l'histoire, la mémoire et la destruction du patrimoine québécois

Je vous parlais l'autre jour d'une balade dans le quartier St-Henri de Montréal. Cette balade avait un but précis: me rendre au site archéologique du Village des Tanneries de Montréal, récemment découvert par hasard et excavé sur le lieu du futur échangeur autoroutier Turcot.
On comprendra que ce n'est pas un hasard, par contre, si j'ai voulu visiter ce site - jamais ouvert au public depuis sa découverte - et maintenant détruit à jamais.
Quiconque suit ce blogue ou me suit sur les réseaux sociaux connaît mon intérêt passionné pour l'archéologie et les sites historiques; j'ai bien dû en visiter une centaine dans le monde. Ruines mayas, vietnamiennes, incas, romaines, médiévales, grecques, néolithiques, maures, cambodgiennes, pré-colombiennes, thai, et j'en passe.

Sites archéologiques visités un peu partout dans le monde.
J'étais donc très excité et très heureux d'apprendre l'existence de ces vestiges lors de l'annonce de leur découverte.
Puis, le 14 septembre dernier, à la surprise de tous les gens qui s'intéressent à ce genre de site historique, la Ville de Montréal et le Ministère des transports annonçaient la destruction prochaine de ce site. Pas l'enfouissement, l'anéantissement total du site.
Évidemment, devant une décision aussi incompréhensible, quiconque a parcouru le monde, et quiconque s'intéresse à l'histoire, au tourisme local, à l'archéologie, ou simplement à la préservation du patrimoine bâti de notre société relativement jeune, a été complètement catastrophé par cette annonce. Un mouvement de contestation de la décision était à prévoir, mais les élus municipaux et provinciaux ont pris tout le monde de court et procédé rapidement, moins de 6 jours après l'annonce, en pleine fin de semaine, à la destruction du site. Point.
Et pourquoi doit-on détruire le patrimoine au plus vite et sans en discuter avec les citoyens?
Pour faire passer des voitures.
Si Montréal pouvait se vanter de posséder des centaines de sites archéologiques de cette époque et de ce genre, dont la plupart étaient accessibles aux visiteurs et aux touristes, j'aurais mieux compris (pas accepté, mais compris) qu'on ne veuille pas s'encombrer d'un énième site - même si ailleurs dans le monde, souvent, le moindre site est mis en valeur plutôt que détruit - mais ce n'est malheureusement pas le cas de notre histoire encore relativement jeune qui ne comporte qu'une poignée de sites. (En plus, ce site aurait permis de contribuer à l'embellissement du quartier St-Henri, un quartier du centre-sud en pleine évolution depuis quelques années).
Je ne m'attarderai pas sur la profonde stupidité, pas plus que sur l'incroyable imbécilité, l'inculture et l'absence totale de vision qui ont pu mener à la prise de cette décision, c'est abyssal; je sens toutefois que cette décision ressort de la pente descendante empruntée par les élus et qui n'aura visiblement pas de fin tant qu'il y aura encore des bribes de civilisations autour de nous.
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Je vais plutôt partager ici les quelques photos que j'ai pu capter en me rendant près du site en question. Je rappelle qu'il n'était pas accessible - j'ai demandé aux gens sur le chantier si je pouvais y aller, même muni de casque et de bottes règlementaires, mais il était clairement hors de question de laisser entrer un "civil" sur le site. Pour aller voir le site, il fallait donc se rendre dans le secteur des travaux actuels de l'échangeur Turcot, longer des rampes de béton, traverser une rue sans passage piéton ni feux de circulation et pour certaines vues, grimper sur les remparts temporaires. Malgré ces inconvénients - et je vous passe le bruit du trafic et des travaux en cours sur le chantier - j'ai croisé cet après-midi là, pendant la vingtaine de minutes que j'ai passé aux abords du site, une douzaine de personnes munies comme moi, de leur appareil photo. Comme quoi je ne suis pas le seul qui voulait voir cet élément de patrimoine avant qu'on ne le détruise.
Voici donc les vestiges numériques des vestiges du Village des Tanneries de Montréal, immortalisées entre l'annonce de la destruction du site et sa disparition à jamais.
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Le site était clôturé par les barrières du MTQ, et peu accessible. Pour cette photo, je me suis grimpé sur un rempart de béton de la rue voisine.


En usant d'un peu d'astuce, et en passant l'appareil photo à travers les mailles des clôtures (mais attention à ne pas l'échapper de l'autre côté si vous faites ça!), j'ai réussi à faire quelques photos sans grillage.


Contrairement à ce qui a été mentionné dans les médias (qu'il s'agissait d'un site sans intérêt), le site des Tanneries montrait plusieurs structures, dont de nombreuses fondations d'édifices.


Le site était aussi relativement étendu - on ne parle pas du Forum de Rome, on se comprend, mais j'ai visité avec plaisir des dizaines de sites un peu partout dans mes voyages qui étaient plus petits que ça.


On reconnaît plusieurs fondations, mais sans mise en contexte ni connaissance approfondie de l'histoire du site, il est évidemment difficile d'interpréter ces vestiges pour un amateur.


On distingue toutefois assez clairement les reliefs d'une ancienne rue, ici.


Vue d'ensemble (désolé pour le contre-jour, il aurait fallu que je visite également le matin pour avoir les deux sens des photos avec un bon éclairage, et c'était déjà assez compliqué comme ça de s'y rendre et de pouvoir photographier le tout).


Sur cette photo, et la suivante, on voit bien que le site archéologique était situé immédiatement à côté de la Rue St-Jacques.


Quand les élus nous disent qu'il aurait été impossible de développer le site pour le rendre accessible, ils nous mentent donc clairement. Une simple entrée sur St-Jacques, en face du CUSM, aurait permis l'accès.
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Ce site n'existe donc plus et est perdu à jamais.
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Retournez voir la première photo de ce billet, celle de quelques-uns des sites que j'ai visité dans le monde. Si les élus de ces pays et régions des siècles/millénaires passés avaient eu l'étroitesse d'esprit du premier ministre du Québec Philippe Couillard, de son ministre des transport Robert Poëti et du maire de Montréal Denis Coderre, ces sites n'existeraient pas non plus. Ça n'aurait pris qu'un seul élu dans ces siècles ou millénaires pour détruire ces sites. Ici, on a réussi cet exploit du premier coup, et 6 jours après en avoir informé les propriétaires collectifs de ce patrimoine, les citoyens.
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2 commentaires:

  1. Daniel Sernine10:46 AM

    Ha! Sur la dernière photo, on voit justement les six étages du stationnement «souterrain» du CUSM. Quand on veut, on peut!

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  2. Et dire que la devise du Québec c'est : je me souviens... venant d'une ville bimillénaire, classée à l'UNESCO, je trouve ce manque de respect de la culture assez révoltant..et révélateur.

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